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Gérard Leseul
Question N° 3014 au Ministère du ministère du travail


Question soumise le 8 novembre 2022

M. Gérard Leseul attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'accessibilité des médicaments de la famille des anticorps monoclonaux érénumab, commercialisés sous le nom d'Aimovig et destinés au traitement de la migraine. Le remboursement de ce médicament n'est actuellement pas pris en charge par la sécurité sociale car son efficacité, classée « modérée », est jugée « insuffisante » par la Haute Autorité de santé. Or, dans la mesure où ce médicament est aujourd'hui prescrit en dernier recours aux patients souffrant de migraines sévères et en échec médicamenteux, comme c'est par exemple le cas au centre anti-migraine du CHU de Rouen, ne serait-il pas opportun de revoir cette classification en autorisant son remboursement ? Actuellement, un traitement à base d'Aimovig coûte a minima 250 euros par mois à un particulier ; ce tarif est prohibitif et rend impossible l'accès aux soins à des patients atteint d'une affection particulièrement douloureuse. Qui plus est, le remboursement de ce médicament est d'ores et déjà autorisé dans de nombreux pays européens (Danemark, Slovaquie, Espagne, Italie, Allemagne, Belgique, Suisse) ; il est difficilement acceptable pour un malade de se voir prescrire un traitement dont les résultats sont présentés comme prometteurs, voire spectaculaires, et de devoir y renoncer pour des raisons financières, alors même que la migraine sévère a des répercussions directes et particulièrement handicapantes sur la vie quotidienne des nombreux patients qui en sont atteints (pour rappel, l'OMS classe la migraine parmi les trois affections les plus invalidantes et elle est la deuxième cause d'invalidité en France). Il souhaite par conséquent savoir si une réévaluation de l'efficacité de ce médicament est envisagée, afin d'apporter des solutions concrètes aux patients atteints de migraine sévère.

Réponse émise le 20 février 2024

Trois spécialités pharmaceutiques, indiquées dans le traitement de fond de la migraine, appartenant à la nouvelle classe des anti-CGRP (calcitonine gene related peptide), ont obtenu une autorisation de mise sur le marché en 2018 et 2019. Il s'agit d'AIMOVIG®, erenumab, AJOVY®, fremanezumab et EMGALITY®, galcanezumab, exploités respectivement par les laboratoires Novartis, Teva et Lilly. Un accord sur le prix n'a pas été trouvé lors des négociations de prix entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires exploitants, ils ne sont donc pas pris en charge par l'assurance maladie. La migraine est une maladie douloureuse et invalidante qui peut se traduire par un handicap et une dégradation marquée de la qualité de vie, notamment pour les patients souffrant de migraine sévère. La Commission de la transparence (CT) de la Haute autorité de santé (HAS) chargée d'évaluer l'intérêt thérapeutique de ces produits dans le panier de soins remboursables a souligné lors de son analyse l'existence de différents traitements actuellement pris en charge dans le traitement de fond de la migraine et pouvant être considérés comme des comparateurs cliniquement pertinents de ces nouvelles spécialités de la classe des anti-CGRP. Ces comparateurs permettent une prise en charge de l'ensemble des stades de la pathologie avec des traitements de première et seconde intention (Lopressor, Seloken, Avlocardyl, Epitomax) mais également des traitements de recours (Sanmigran, Nocertone et Sibelium) ainsi que des alternatives non médicamenteuses pouvant aussi être mobilisées pour la prise en charge des patients. Malgré la démonstration d'une efficacité clinique par rapport à un placebo alors qu'il existe des comparateurs médicamenteux et d'une quantité d'effet modérée uniquement dans une sous-population, cette même commission a octroyé à EMGALITY®, AJOVY®, AIMOVIG®, un Service médical rendu (SMR) important dans une population plus restreinte que celle de l'AMM limitée aux patients atteints de migraine sévère avec au moins 8 jours de migraine par mois, en échec à au moins deux traitements prophylactiques et sans atteinte cardiovasculaire. Pour ces 3 médicaments, la Commission de la transparence considère également une absence d'amélioration du service médical rendu (ASMR V) au regard de la quantité d'effet modeste sur la variation du nombre de jours de migraine par mois dans la migraine épisodique et chronique, de l'absence de données robustes de qualité de vie et en dépit de nouvelles données comparatives versées par les laboratoires au moment de la réévaluation dans une population non recommandée à la prise en charge. Conformément aux dispositions de la loi, la fixation du prix d'un médicament tient compte principalement de l'amélioration du service médical rendu par le médicament. Les discussions tarifaires entre le Comité économique des produits de santé et les laboratoires exploitant ces spécialités se sont ainsi fondées sur les critères légaux, réglementaires et conventionnels qui définissent le cadre de négociation, une spécialité d'ASMR V ne pouvant être inscrite au remboursement que dans le cas où elle génère une économie dans les coûts de traitement. Malgré plusieurs propositions de la part du CEPS, ces discussions n'ont pu aboutir du fait des prétentions tarifaires extrêmement élevées des industriels au regard des dépenses actuellement engagées pour le traitement médicamenteux de la migraine. Face à l'impossibilité pour les industriels de formuler des propositions tarifaires compatibles avec les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles se traduisant par un échec des négociations, de l'existence de 7 autres médicaments pris en charge dans le traitement de la migraine, du risque de tolérance à long terme (risques cardiovasculaires et immunogénicité) et de l'absence de réponse supplémentaire au besoin médical partiellement couvert, ces 3 antimigraineux anti CGRP n‘ont pas pu être inscrits sur les listes des médicaments remboursables. Néanmoins, cette non-inscription ne préjuge pas de l'issue de nouvelles négociations qui pourraient se tenir à la demande d'un des laboratoires s'il souhaite s'inscrire dans le cadre réglementaire, ou encore après soumission à la commission de la transparence de nouvelles données permettant l'octroi d'une ASMR revalorisée. La HAS a par ailleurs eu l'occasion récemment de se prononcer favorablement pour le remboursement d'une nouvelle spécialité (VYEPTI, eptinezumab) en traitement préventif de la migraine chez les patients atteints de migraine sévère avec au moins 8 jours de migraine par mois, en échec à au moins deux traitements prophylactiques et sans atteinte cardiovasculaire (patients ayant eu un infarctus du myocarde, AVC, AIT, angor instable ou pontage coronarien).  A noter enfin que les spécialités LAROXYL (amitriptyline), comprimé pelliculé et solution buvable, disposent d'une AMM dans la même situation clinique que VYEPTI (eptinezumab), en traitement de fond de la migraine, mais n'ont pas été évaluées par la commission en l'absence de demande de remboursement dans cette indication par le laboratoire exploitant concerné (laboratoire TEOFARMA). Un autre anti-CGRP dispose également d'une AMM récente dans la même situation clinique que VYEPTI (eptinezumab) : un antagoniste du récepteur du CGRP administrable par voie orale, VYDURA (rimégépant), dispose entre autres d'une AMM depuis le 25 avril 2022 dans la prophylaxie de la migraine épisodique chez les adultes qui présentent au moins quatre crises de migraine par mois mais n'a pas été évalué par la commission en l'absence de demande de remboursement dans cette indication par le laboratoire. Le ministère chargé de la santé est pleinement conscient du besoin médical qui subsiste pour traiter des patients en impasse de traitement souffrant de migraine, qui du fait de sa grande prévalence et du retentissement qu'elle induit, est classée par l'Organisation mondiale de la santé parmi les vingt maladies ayant le plus fort impact sociétal. Le ministère espère vivement que les laboratoires seront en mesure de déposer de nouvelles données démontrant l'intérêt du produit par rapport à des comparateurs médicamenteux ou accepteront de négocier dans le cadre règlementaire existant.

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