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François Ruffin
Question N° 4541 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 10 janvier 2023

M. François Ruffin interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'intérêt de développer un plan sorgho. La culture du maïs occupe 2,6 millions d'hectares, de deux types : le « maïs grain » et le maïs-ensilage, qui sert pour l'alimentation des ruminants. Il faut compter 500 l d'eau/kg de maïs-grain, du même ordre que pour l'orge, le blé, ou la pomme de terre par exemple. 200 l/kg pour le maïs-ensilage. Avec un souci, néanmoins : le maïs est une plante tropicale, adaptée aux conditions chaudes et humides, voire aux climats de mousson. Ses besoins sont donc concentrés sur la période estivale. Des apports d'eau sont indispensables lors de la floraison, de la formation des grains, trois à quatre semaines en juillet/août. Sans eau à cette période, la fécondation est mauvaise et le nombre de grains par épis faible. Et même s'il pleut davantage ensuite, c'est trop tard. Dès lors, l'irrigation du maïs-grains est très fréquente : le maïs grain représente à lui seul environ 40 % des surfaces irriguées en France. Et cela sécurise le rendement : en 2020, année marquée par une sécheresse estivale, le maïs a donné 47 % de plus sur les parcelles irriguées. Les sécheresses estivales vont donc toucher les rendements du maïs, sensible au manque d'eau en été d'autant que la chaleur nuit à sa pollinisation et sa fécondation à partir de 35°C; elles s'arrêtent complètement à partir de 40°C et les cellules meurent à partir de 43°C. Tout ceci étant dit, mis bout à bout : l'irrigation deviendra de plus en plus indispensable. Or la quantité d'eau se réduit déjà. D'où des conflits d'usage. Déjà, les surfaces cultivées diminuent, lentement. Du blé tendre et du sorgho pourraient remplacer le maïs. Le sorgho, lui, ressemble au maïs, tant dans son aspect que dans son utilisation, mais lui dispose d'un enracinement très profond, qui le rend peu vulnérable aux sécheresses. Par ailleurs, il ne réduit sa vitesse de croissance qu'à partir de 34-35°C. Des agriculteurs se mettent à cette culture, dans le sud-ouest, le Loir-et-Cher, la Lorraine. Mais elle n'occupe pour l'instant que 0,7 % des surfaces agricoles. Car bien sûr, ce changement, comme tout changement, nécessite un accompagnement technique, financier, des agriculteurs. Mais le ministère a-t-il lancé un « plan sorgho » ? Que fait M. le ministre pour construire cette filière, pour la transformation, la valorisation de cette céréale ? Pour garantir des débouchés ? Pour adapter l'appareil industriel ? Pour présenter les apports du sorgho, ses limites aussi, sans en faire une solution miracle ? Ou la seule option, pour le Gouvernement, est-il plus d'irrigation ? Il souhaite connaître sa position sur ce sujet.

Réponse émise le 14 mars 2023

Le changement climatique a des conséquences déjà visibles avec la multiplication des années à conditions particulièrement chaudes et sèches comme en 2022. Cette situation a mis en avant avec acuité le sujet de la gestion et du partage des ressources en eau dont l'agriculture est un utilisateur important. Les cultures destinées à l'alimentation du bétail sont un élément stratégique de la souveraineté alimentaire en permettant de réduire les importations de matières premières pour l'alimentation animale. Le maïs est, avec le blé et l'orge, une céréale majeure pour l'alimentation des animaux d'élevage, du fait de ses qualités en termes d'apports énergétique et protéique et de digestibilité. Sa culture est assez économe en intrants et notamment en produits phytopharmaceutiques en comparaison avec les céréales à paille. Mais contrairement à ces dernières il a des besoins en eau très importants en été, à une période où les disponibilités des ressources en eau sont les plus faibles, notamment dans les zones de production du Sud-Ouest du pays. Cela explique qu'un tiers des surfaces en maïs grain soient irriguées. Ces surfaces sont stables ces dernières années et représentent environ 500 000 hectares (ha), alors que le maïs grain non irrigué occupe un million d'hectares, auxquels s'ajoutent 1,4 million d'hectares de maïs fourrage. Globalement la culture de maïs est donc largement pratiquée sans recours à l'irrigation. Les travaux du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, qui se sont achevés le 1er février 2022, actent un certain nombre d'actions à mettre en œuvre afin d'anticiper les effets du changement climatique sur l'agriculture pour mieux la protéger et s'adapter. L'optimisation de la gestion de la ressource en eau passe notamment par le stockage en période de hautes eaux qui peut être mobilisé afin de se substituer à une ressource en déficit à l'étiage, voire dans certains cas, de développer l'irrigation sur des territoires bénéficiant d'une ressource substantielle en période de hautes eaux et sur lesquels l'agriculture est particulièrement exposée aux effets du changement climatique. À ce titre, le décret relatif à la gestion quantitative de la ressource, paru le 29 juillet 2022, donne la possibilité d'évaluer les volumes pouvant être disponibles pour les usages anthropiques en dehors de la période de basses eaux, notamment dans le but de constituer des réserves pour les besoins d'irrigation à l'étiage. En complément des actions d'optimisation de la gestion de la ressource en eau, la diversification des cultures au profit d'espèces et de variétés moins exigeantes en eau constitue un autre levier pour l'adaptation de l'agriculture au changement climatique. À ce titre le sorgho, originaire des régions tropicales comme le maïs, peut être dans certains cas une alternative intéressante à sa culture du fait de sa résistance plus grande aux stress hydrique et thermique. Il a des caractéristiques nutritionnelles proches de celles du maïs pour son introduction dans les rations des animaux d'élevage. Il est aujourd'hui cultivé sans irrigation. Toutefois son rendement est nettement inférieur à celui du maïs : entre cinq et six tonnes par hectare contre huit en moyenne pour le maïs grain non irrigué et onze pour le maïs irrigué. Le développement plus récent de cette culture et sa sélection variétale moins poussée que pour le maïs expliquent en partie cette différence. Sa sobriété en intrants est comparable à celle du maïs. Avec des prix légèrement en-dessous de ceux du maïs, il ne permet donc pas de dégager une marge à l'hectare comparable. Aujourd'hui il présente donc un intérêt en alternative au maïs surtout dans les sols peu profonds à faible réserve en eau. Cela explique le lent développement des surfaces en sorgho, passées de 50 000 ha à 70 000 ha en moyenne au cours des dix dernières années. La poursuite des tendances à l'œuvre sous l'effet du changement climatique pourrait néanmoins prolonger cette progression de la culture du sorgho en France.

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