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Boris Vallaud
Question N° 5011 au Secrétariat d'état à l’écologie


Question soumise le 31 janvier 2023

M. Boris Vallaud attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'absence de stratégie nationale de lutte contre la prolifération du frelon asiatique et du frelon oriental. Depuis une vingtaine d'années, les colonies d'abeilles sont décimées par l'arrivée du frelon asiatique. Reconnu comme espèce exotique envahissante, cet insecte est classé à l'échelon national parmi les dangers sanitaires de deuxième catégorie pour l'abeille domestique. Il progresse de 14 kilomètres en moyenne chaque année sur le territoire français et est un fléau pour l'apiculture et une menace pour la biodiversité. La situation est des plus préoccupantes pour l'apiculture, un secteur déjà considérablement fragilisé par le développement de l'agriculture intensive, l'utilisation de néonicotinoïdes et frappé par les maladies telles que le varroa destructor. Enfin, la récente découverte à Marseille d'un nouveau prédateur, le vespa orientalis communément appelé frelon oriental, n'augure rien de bon pour l'avenir. L'implantation de ce nouveau prédateur pourrait en effet entraîner une hécatombe dans les ruches et une catastrophe écologique à brève échéance, une dizaine de frelons orientaux étant capable de détruire une ruche de 50 000 individus. D'ores et déjà, on estime à 30 % la part des colonies d'abeilles qui disparaissent chaque année en France et l'Union nationale de l'apiculture française annonce que la production de miel pour 2022, entre 12 000 et 14 000 tonnes, est très loin des 33 000 tonnes récoltées en 1998. Or il n'existe aucune campagne et encore moins de stratégie nationale ou européenne pour l'éradication du frelon asiatique et du frelon oriental, en dépit de l'urgence de la situation et des risques également pour l'homme, pour qui les piqûres du frelon oriental sont en effet mortelles. L'article L. 411-8 du code de l'environnement permet certes au préfet de faire procéder à la capture, au prélèvement ou à la destruction des espèces exotiques envahissantes. Toutefois, faute de stratégie nationale, les opérations de destruction de nids de frelons asiatiques ou orientaux sont conseillées mais ne sont pas obligatoires. En outre, la destruction de nids a un coût (jusqu'à 200 euros) qui est dissuasif pour les particuliers, en l'absence d'une participation financière systématique de la part des collectivités territoriales et de l'État. Alors qu'en novembre 2022 ont été dévoilées les dispositions du « plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation 2021-2026 », celui-ci propose principalement des mesures de suivi et de surveillance de la colonisation du territoire par le frelon asiatique. En conséquence, il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement visant la lutte contre la prolifération du frelon asiatique et du frelon oriental, de nature à sauvegarder l'apiculture en France, notamment en encourageant l'agriculture raisonnée ou biologique, ou encore en interdisant au plus vite l'utilisation des néonicotinoïdes tout en soutenant financièrement cette transition.

Réponse émise le 16 mai 2023

La lutte contre le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax), espèce ayant connu une expansion rapide dès son introduction accidentelle en Aquitaine en 2004, est encadrée par un corpus législatif et réglementaire complet et détaillé ci-après. Le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation qui a été lancé conjointement par les ministères chargés de la transition écologique et de l'agriculture en novembre 2021 est de nature à soutenir une bonne application des moyens de lutte (action 4.4.4 du plan, disponible ici : https://agriculture.gouv.fr/plan-national-en-faveur-des-insectes-pollinisateurs-et-de-la-pollinisation-2021-2026-DP). Depuis fin avril 2021, une seule réglementation concourt à la lutte contre cette espèce : celle portant sur les espèces exotiques envahissantes (EEE) pilotée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Celle portant sur les organismes de quarantaine, pilotée par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), a exclu le frelon asiatique au regard de la nouvelle législation européenne dite « loi de santé animale ». Concernant la réglementation spécifique sur les EEE, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a complété le code de l'environnement pour intégrer des dispositions législatives permettant d'agir contre les EEE (articles L. 411-5 et suivants). Au regard de l'intérêt de préservation du patrimoine biologique, des milieux naturels et des usages associés, l'article L.411-6 de du code de l'environnement interdit sur le territoire national, l'introduction, la détention, le transport, le colportage, l'utilisation, l'échange, la vente ou l'achat de tout spécimen vivant d'EEE, dont la liste est fixée par l'arrêté interministériel du 14 février 2018. Le frelon asiatique est inscrit sur cette liste. Les opérations de lutte sont définies à l'article L.411-8 du code de l'environnement. Ainsi, dès constat de la présence dans le milieu d'une EEE, le préfet de département peut « procéder ou faire procéder (…) à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction de spécimens » d'EEE. Un arrêté préfectoral précise alors les conditions de réalisation de ces opérations. Les préfets peuvent notamment ordonner la destruction de nids sur des propriétés privées. Le financement des opérations de lutte contre le frelon n'est pas pris en charge par l'État, au regard du degré très large d'envahissement du territoire métropolitain par l'espèce. La destruction des nids reste à la charge des particuliers et ses coûts peuvent être, le cas échéant, pris en charge en tout ou partie par des financements locaux émanant de collectivités territoriales. Cependant, pour appuyer les collectivités, l'appel à projets « opérations coup de poing » lancé en 2022 pour la lutte contre les espèces exotiques envahissantes pourrait être mobilisé par les collectivités. En 2023, les collectivités peuvent solliciter le Fonds vert. Parallèlement, la direction générale de l'alimentation du MASA accompagne financièrement l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation (ITSAP – Institut de l'Abeille) et le MNHN (Muséum national d'Histoire naturelle) pour leurs actions techniques et scientifiques relatives à l'identification et à la validation des outils de lutte contre le frelon asiatique. Les actions financées comportent deux volets : une méthode concernant le piégeage des fondatrices au printemps et le développement d'un protocole pour la destruction de nids par appâts empoisonnés. Le premier volet des travaux concernant le piégeage est arrivé à son terme et a montré que le nombre de nids du frelon asiatique décroît significativement lorsque la méthode est conduite durant plusieurs printemps successifs, avec un maillage spatial fin et régulier (plus de 200 pièges répartis de façon homogène sur environ 10 km2 autour d'un rucher à protéger). Un complément d'étude est envisagé en 2023, afin d'approfondir les résultats. Le second volet vise à vérifier l'efficacité d'appâts empoisonnés et leurs impacts sur l'environnement. Dans le cas où la méthode se montrerait efficace, il reviendra à la filière ou à un industriel de réaliser les démarches d'obtention des autorisations « substances biocides », puis « produits ». Ce projet devrait également permettre de proposer une méthode alternative au fipronil (hautement toxique) utilisé sans autorisation pour lutter contre les frelons. Enfin, il est à noter que le frelon asiatique n'est pas réglementé par le ministère de la santé et des solidarités au titre des espèces nuisibles pour la santé humaine car il s'avère, au regard des données des centres anti-poisons, que l'espèce ne présente pas de danger supérieur par rapport d'autres hyménoptères (frelon européen, guêpes, etc). Si cette situation venait à changer du fait de l'extension de l'espèce, la question de sa réglementation serait à réexaminer. Concernant le frelon oriental (Vespa orientalis), récemment découvert à Marseille, sa réglementation en tant qu'espèce exotique envahissante sous le régime de l'article L.411-6, évoqué précédemment, a été entérinée et l'arrêté ministériel correspondant est en cours de publication au Journal Officiel. Par ailleurs, le MNHN mène des campagnes de surveillance sur le site afin de vérifier si l'espèce est en voie d'installation et d'expansion ; à ce jour les résultats des campagnes de destruction des nids détectés restent à confirmer. En cas de nouvelle détection, des opérations de destruction seront rapidement diligentées afin de ne pas aboutir à la même situation qu'avec le frelon asiatique. Cependant, il reste envisageable que du fait des changements climatiques, le frelon oriental s'installe durablement à plus ou moins brève échéance sur la région méditerranéenne, étant précisé qu'il a été détecté en Espagne, en Italie, et qu'il est naturellement présent dans le sud-est de l'Europe.

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