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Michèle Tabarot
Question N° 522 au Ministère de la justice


Question soumise le 2 août 2022

Mme Michèle Tabarot appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences des arrêts rendus le 12 juillet 2022 par la Cour de cassation, suite à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 2 mars 2021 relative aux conditions dans lesquelles une loi nationale peut autoriser l'accès à des données de téléphonie dans le cadre d'enquêtes pénales. La Cour de cassation a ainsi confirmé que le Procureur de la République ne peut être compétent pour ordonner l'accès auxdites données car une telle mesure est considérée comme attentatoire à la vie privée. Cet accès devrait donc être préalablement autorisé par une juridiction ou par une autorité administrative indépendante selon une procédure qui n'existe pas encore en droit interne. De plus, la Cour de cassation borne l'accès aux données de téléphonie aux investigations intervenant dans le cadre de « la criminalité grave », notion floue qui n'est, elle non plus, définie par aucun texte. Dès lors, on doit faire le constat que ces décisions vont, d'une part, générer une insécurité juridique majeure et, d'autre part, faire obstacle à la lutte contre de nombreuses formes de délinquance pour lesquelles ces données sont essentielles pour permettre l'élucidation des affaires par les parquets. Aussi, elle souhaiterait que le Gouvernement puisse rapidement préciser les mesures qu'il entend prendre pour préserver les moyens d'investigations à disposition des parquets, s'agissant notamment des données de téléphonie, et pour faire en sorte que les capacités d'enquêtes et de lutte contre toutes les formes de délinquance soient préservées.

Réponse émise le 7 mars 2023

Les éléments de preuves résultant de l'exploitation des données obtenues grâce aux réquisitions délivrées aux opérateurs de téléphonie mobile revêtent une importance majeure pour la manifestation de la vérité dans le cadre des investigations pénales. La question de la conservation et de l'accès de ces données pour les besoins des enquêtes pénales fait l'objet d'une jurisprudence restrictive de la Cour de justice de l'Union européenne depuis 2016, en raison des exigences inhérentes au droit de chacun au respect de sa vie privée. Les arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 12 juillet 2022 tirent les conséquences des décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne. D'une part, la Cour de cassation énonce que les données de connexion ne peuvent être obtenues que dans le cadre d'enquête pénales relatives à des infractions d'une certaine gravité. Sur ce point, la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire avait déjà limité une telle possibilité aux enquêtes relatives à une infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement en application notamment du nouvel article 60-1-2 du code de procédure pénale. L'appréciation du caractère grave de la criminalité par les juridictions est également effectuée au regard de la nature des agissements de la personne mise en cause, de l'importance du dommage qui en résulte, des circonstances de la commission des faits et de la durée de la peine encourue. D'autre part, la Cour de cassation précise que la délivrance de réquisitions relatives aux données de connexion doit faire l'objet d'un contrôle préalable par une juridiction ou une autorité administrative indépendante au sens où l'entend la Cour de justice de l'Union européenne. Or, un tel contrôle, portant notamment sur la nécessité et la proportionnalité des réquisitions, est réalisé par les services du parquet selon les dispositions actuelles du code de procédure pénale relatives à l'enquête préliminaire et de flagrance. La Cour de cassation a toutefois jugé que les éléments de preuve ainsi obtenus ne peuvent être annulés que si une telle irrégularité portait concrètement atteinte aux droits de la personne poursuivie. Cette interprétation permet de limiter les cas dans lesquels la nullité des actes serait encourue et de sauvegarder la plupart des procédures pénales en cours. Dès le mois de juillet 2022, des guides à destination des juridictions pénales ont été diffusés afin d'exposer la portée des décisions de la Cour de cassation et de les accompagner dans la mise en œuvre de leurs conséquences. Par ailleurs, une réflexion approfondie est actuellement menée par les services du ministère afin d'apporter une solution juridiquement robuste et acceptable en pratique permettant de garantir l'efficacité de l'action des magistrats et des services enquêteurs en matière de lutte contre la criminalité.

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