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Hubert Wulfranc
Question N° 5253 au Ministère de l’économie


Question soumise le 7 février 2023

M. Hubert Wulfranc interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le processus de filialisation des activités du groupe Renault dans le cadre de son plan stratégique « Renaulution ». Celui-ci prévoit notamment que l'ensemble des activités de Renault liées à la construction de véhicules électriques soit regroupé en cours de l'année 2023, au sein de l'entité Ampère. Cette nouvelle entité serait constituée de cinq sociétés. À l'inverse, les activités liées aux motorisations thermiques ou hybrides, basculeraient au sein d'une entité Horse Holding détenue à parité avec le groupe chinois Geely. Les activités thermiques résiduelles rejoindraient quant à elles, le pôle Power. À ce titre, 10 000 salariés français sont appelés à basculer, sans que leur consentement ne soit requis, dans l'une des sociétés d'Ampère. Contrairement aux autres sites regroupés au sein des filiales Ampère Software et Système ou encore, d'Ampère Electricity, les salariés de Renault Cléon seraient isolés au sein d'Ampère Cléon SAS. Avec 3142 salariés en 2022, Renault Cléon est le premier employeur privé de la métropole rouennaise. À terme, seuls 263 salariés de Cléon resteraient attachés à Renault SA. Avec la parcellisation du groupe les différentes entités devront passer entre elles des contrats clients / fournisseurs. Chacune des structures devra tenir son propre compte de résultats avec des objectifs de rentabilité propres. De fait, il sera alors plus aisé pour la direction du groupe de céder auprès d'éventuels acquéreurs, des activités ou sites jugées les plus profitables, ou à l'inverse, de les fermer si la rentabilité recherchée n'est pas atteinte. Les différentes sociétés du groupe pourront également être amenées à se fournir ailleurs au sein du groupe en France, ou auprès des usines étrangères de Renault, ou encore, auprès de fournisseurs tiers afin de maximiser leur rentabilité propre. Aussi, le choix d'isoler le site de Cléon dont l'unique client serait Ampère Electricity interroge quant à son devenir. En effet, les sites d'assemblages d'Ampère Electricity pourront faire le choix de se fournir en moteurs électriques étrangers, notamment en Chine auprès du constructeur Dongfeng qui assemble déjà la Dacia Spring. Cet éclatement façon puzzle du groupe répond à une logique purement financière à l'instar de celle ayant présidé à la vente à la découpe de General Electric ou encore d'Alsthom. De même, elle facilite les montages juridiques permettant l'optimisation fiscale qui prive l'État de recettes. Aussi, M. le député demande à M. le ministre de préciser le positionnement du Gouvernement concernant ce projet. De même, il lui demande de préciser les conséquences pour la place de l'État actionnaire, aujourd'hui actionnaire de référence, au sein des différentes sociétés qui constitueraient le groupe Renault au terme du processus de filialisation. Enfin, il lui demande de bien vouloir préciser quels engagements le Gouvernement entend exiger de la direction de Renault pour maintenir l'emploi et garantir un statut social unifié pour l'ensemble des entités françaises du groupe, étant rappelé que Renault a été massivement aidé par l'État aux travers des baisses de cotisations sociales qui ont succédé au CICE, du prêt garanti par l'État de 5 milliards d'euros, du dispositif de chômage partiel ou encore, des aides à l'acquisition de véhicules électriques.

Réponse émise le 21 novembre 2023

La filière automobile française est confrontée à des mutations industrielles et technologiques dont l'ampleur est inédite et qui sont liées tant aux crises que le secteur a traversées suite au Covid (la crise des semi-conducteurs et la hausse des prix de l'énergie) qu'aux nouvelles obligations environnementales européennes (interdiction de la vente des véhicules thermiques à compter de 2035, objectif de baisse des émissions de CO2 et de réduction des émissions de polluants, CO, Nox etc.). Dans ce contexte de transformation, le groupe Renault a choisi de créer deux entités de pointe pour ses activités thermiques (projet Horse) et par ailleurs ses activités de fabrication des véhicules électriques et de logiciel (projet Ampère). Les objectifs de cette organisation sont multiples : créer à l'échelle française et européenne un nouvel acteur de la construction automobile dédié aux véhicules électrifiés et aux techniques logicielles de pointe afin de pouvoir concurrencer directement les nouveaux acteurs de l'électrification et de recruter des ingénieurs dédiés au digital, renforcer la structure financière de la branche électrique du groupe pour développer les nouvelles technologies zéro émission (de batterie, de moteur électrique, d'onduleur etc.), créer un constructeur d'envergure mondiale pour les technologies de motorisations thermiques et hybrides à basses émissions (projet Horse). L'État soutient la réorganisation du groupe sous réserve d'un certain nombre de conditions, et notamment que le groupe Renault conserve le contrôle de sa filiale Ampère dans la durée et des droits protecteurs dans Horse. L'État demeurera actionnaire de la maison-mère Renault et demeurera représenté au sein de son conseil d'administration. Concernant la présence du groupe en France et son impact sur l'emploi dans la filière, les choix faits par le groupe Renault pour accomplir son virage vers l'électrification permettent de localiser en France la production des véhicules électriques mais aussi de créer un écosystème qui ancre la valeur ajoutée en France (batteries, bacs batteries, logiciel). Dans ce cadre, l'usine de Cléon profite pleinement de son intégration dans Ampère en se voyant affecter la production de plusieurs moteurs électriques et de l'électronique de puissance, assurant son avenir industriel. Renault Cléon (actuellement filiale de Renault SAS elle-même filiale de Renault SA) sera renommé Ampère Cléon et deviendra une filiale d'Ampère SAS qui appartiendra majoritairement à Renault. Il n'y a donc pas fondamentalement de changement pour l'usine en termes de filialisation. Avec le Pôle ElectriCity, qui ambitionne de livrer 480 000 véhicules d'ici 2025, la France possèdera un grand « hub » du véhicule électrique. La Megane E-TECH déjà produite dans ce pôle est déjà équipée d'un moteur assemblé à Cléon. L'engagement du groupe Renault en France se concrétise avec la localisation de nombreux nouveaux modèles électrifiés qui vont permettre d'accélérer considérablement la production de véhicules électriques fabriqués en France d'ici 2030. Le pôle ElectriCity produira ainsi les R5, R4, Scénic, et un futur véhicule Nissan. Le groupe est également très présent sur le segment des véhicules utilitaires, un marché sur lequel la France est un leader européen. Une toute nouvelle gamme électrifiée va voir le jour avec le nouveau Master électrique fabriqué Batilly, ainsi qu'un tout nouveau véhicule utilitaire très disruptif (le « Flexevan ») aussi produit en France. Le groupe a récemment annoncé un élargissement de la gamme Alpine avec la production d'une citadine électrique au sein d'ElectriCity et un crossover GT à Dieppe. Au total, c'est un objectif de plus de 700 000 véhicules par an que le groupe Renault vise de produire en France d'ici 2024, un volume ambitieux à mettre en perspective avec l'objectif France 2030 de produire 2 millions de véhicules par an d'ici 2030. Au-delà de cet objectif, il importe de rappeler que les activités du groupe Renault en France permettent de maintenir et de stimuler l'électrification des activités du tissu de sous-traitants français, qui a été très fragilisé par la crise Covid-19.

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