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Sylvain Carrière
Question N° 5674 au Secrétariat d'état à l’écologie


Question soumise le 21 février 2023

M. Sylvain Carrière alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la forte prolifération du frelon asiatique. Recensé en France pour la première fois en 2004 dans le Lot-et-Garonne, il est depuis présent sur la quasi-totalité du territoire métropolitain et on sait combien, d'années en années, son implantation est exponentielle : en moyenne, l'apparition d'un nid va donner naissance à 5 autres nids supplémentaires l'année suivante. Véritable fléau pour les abeilles mellifères, son impact sur l'activité apicole est préoccupant, mais c'est plus largement toute la filière agricole. Les atteintes à la biodiversité demeurent également une source d'inquiétude puisqu'en tant que prédateur vorace, les insectes sauvages représentent jusqu'au deux tiers de l'alimentation d'un frelon asiatique. Sa présence entraîne une forte hausse de la mortalité de colonies d'abeilles puisqu'une poignée de spécimens suffit à décimer une ruche en quelques heures. Alors que l'Union européenne oblige enfin la France à tenir ses engagements relatifs à l'interdiction des néonicotinoïdes, on doit poursuivre les efforts en ce sens pour protéger les abeilles, indispensables à la vie en tant qu'elles demeurent les principaux vecteurs de pollinisation dans le milieu naturel. Pour tenter de faire face au danger de ces hyménoptères venus d'Asie, les apiculteurs doivent investir dans des protections adaptées afin de pouvoir protéger leurs ruches. Dans certaines zones, ces barrières n'étant plus suffisantes et tous n'ayant pas les moyens d'installer ces outils, c'est l'apiculture en elle-même qui est devenue impossible et qui risque donc de disparaître de certains territoires métropolitains, sachant que l'année 2021 a été exceptionnellement mauvaise pour la filière. Au-delà de l'apiculture, le frelon asiatique impacte tant l'arboriculture que la viticulture, qui sont, comme M. le ministre le sait, des secteurs économiques non négligeables des territoires, comme dans le département de l'Hérault. La France est le premier pays d'Europe où cette espèce invasive a été détectée. L'investissement humain et financier de l'État semble depuis insuffisant, étant donné la gravité de la situation. En effet, on sait que trois piliers sont nécessaires dans cette lutte. On doit sensibiliser chaque collectivité et chacun des concitoyens. On doit piéger efficacement et donc de façon coordonnée pour détruire les nids afin de limiter les proliférations. On sait que pour la pollinisation, le coût de l'impact du frelon sur l'activité agricole est estimé à plus de 80 millions d'euros par an. Donc la demande d'un investissement public de 9 millions d'euros sur 3 ans par l'Union nationale de l'apiculture française semble fondée et constituerait un tournant important dans la prise en considération nécessaire de cette urgence. Ainsi, il lui demande donc si le frelon asiatique sera reconsidéré dans la liste des dangers sanitaires de première catégorie pour l'abeille domestique, avec par conséquent la mise en place d'un plan de lutte national en lien avec la filière apicole.

Réponse émise le 11 avril 2023

La lutte contre le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax), espèce ayant connu une expansion rapide dès son introduction accidentelle en Aquitaine en 2004, est encadrée par un corpus législatif et réglementaire détaillé ci-après. Le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation qui a été lancé conjointement par les ministères de la transition écologique et de l'agriculture en novembre 2021 est de nature à soutenir une bonne application des moyens de lutte (action 4.4.4 du plan, disponible ici : https://agriculture.gouv.fr/plan-national-en-faveur-des-insectes-pollinisateurs-et-de-la-pollinisation-2021-2026-DP). Depuis fin avril 2021, une seule réglementation concourt à la lutte contre cette espèce : celle portant sur les espèces exotiques envahissantes (EEE) pilotée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Celle portant sur les dangers sanitaires, pilotée par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) a retiré le frelon asiatique de la liste des maladies réglementées, compte-tenu du fait que le frelon asiatique n'apparaît plus dans les listes d'espèces du réglement européen relatif à la santé animale. Concernant la réglementation spécifique sur les EEE, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a complété le code de l'environnement pour intégrer des dispositions législatives permettant d'agir contre les EEE (articles L. 411-5 et suivants). Au regard de l'intérêt de préservation du patrimoine biologique, des milieux naturels et des usages associés, l'article L.411-6 du code de l'environnement interdit sur le territoire national, l'introduction, la détention, le transport, le colportage, l'utilisation, l'échange, la vente ou l'achat de tout spécimen vivant d'EEE, dont la liste est fixée par l'arrêté interministériel du 14 février 2018. Le frelon asiatique est inscrit sur cette liste. Les opérations de lutte sont définies à l'article L.411-8 du code de l'environnement. Ainsi, dès constat de la présence dans le milieu d'une EEE, le préfet de département peut « procéder ou faire procéder (…) à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction de spécimens » d'EEE. Un arrêté préfectoral précise alors les conditions de réalisation de ces opérations. Les préfets peuvent notamment ordonner la destruction de nids sur des propriétés privées. Le financement des opérations de lutte contre le frelon n'est pas pris en charge par l'État, au regard du degré très large d'envahissement du territoire métropolitain par l'espèce. La destruction des nids reste à la charge des particuliers et ses coûts peuvent être, le cas échéant, pris en charge en tout ou partie par des financements locaux émanant de collectivités territoriales. Parallèlement, le MASA accompagne financièrement l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation (ITSAP – Institut de l'Abeille) et le MNHN (Muséum national d'Histoire naturelle) pour leurs actions techniques et scientifiques relatives à l'identification et à la validation des outils de lutte contre le frelon asiatique. Les actions financées comportent deux volets : une méthode concernant le piégeage des fondatrices au printemps et le développement d'un protocole pour la destruction de nids par appâts empoisonnés. Le premier volet des travaux concernant le piégeage est arrivé à son terme et a montré que le nombre de nids du frelon asiatique décroît significativement lorsque la méthode est conduite durant plusieurs printemps successifs, avec un maillage spatial fin et régulier (plus de 200 pièges répartis de façon homogène sur environ 10 km2 autour d'un rucher à protéger). Un complément d'étude est envisagé sur 2023, afin d'approfondir les résultats. Le second volet vise à vérifier l'efficacité d'appâts empoisonnés et leurs impacts sur l'environnement. Dans le cas où la méthode se montrerait efficace, il reviendra à la filière et/ou à un industriel de réaliser les démarches d'obtention des autorisations « substances biocides », puis « produits ». Ce projet devrait également permettre de proposer une méthode alternative au fipronil (hautement toxique) utilisé sans autorisation pour lutter contre les frelons. Enfin, il est à noter que le frelon asiatique n'est pas réglementé par le ministère de la santé et des solidarités au titre des espèces nuisibles pour la santé humaine car il s'avère, au regard des données des centres anti-poisons, que l'espèce ne présente pas de danger supérieur par rapport d'autres hyménoptères (frelon européen, guêpes, etc). Si cette situation venait à changer du fait de l'extension de l'espèce, la question de sa réglementation serait à réexaminer.

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