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Cécile Untermaier
Question N° 5914 au Ministère de l’économie


Question soumise le 28 février 2023

Mme Cécile Untermaier attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le champ d'application de la directive européenne relative au devoir de vigilance des multinationales. Ce texte qui vise à obliger les entreprises à prévenir les atteintes aux droits humains et à l'environnement et à engager leur responsabilité civile en cas de dommage, ressort actuellement très appauvri selon les ONG, en réduisant drastiquement la portée des obligations prévues pour les services financiers et en particulier les organismes bancaires. En effet, ceux-ci, qui avaient vu le champ de leur action très peu impacté par le devoir de vigilance, seraient désormais quasiment exemptés par le texte européen, lequel laisserait à la discrétion des États membres, le fait de savoir s'ils doivent être soumis ou non aux objectifs de la directive. Ce caractère optionnel ne prend pas la mesure des responsabilités de ce secteur dans les crises sociales et environnementales en cours. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement entend remédier à ces lacunes durant les prochains mois de négociation afin que l'Union européenne adopte une directive qui soit à la hauteur des enjeux que l'on connaît tous et pour lesquels on se doit d'être exemplaires.

Réponse émise le 16 mai 2023

La France est pionnière sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, grâce à la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. Forte de son expérience, la France plaide auprès de ses partenaires européens pour l'adoption de règles communes, afin que l'Union utilise au mieux son marché intérieur – le premier au monde de par sa taille – pour contribuer à la protection de l'environnement et au respect des droits humains. Le 1er décembre 2022, le Conseil de l'Union européenne a établi son orientation générale sur la proposition de directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, avec le soutien de la France. S'agissant du secteur financier, l'orientation générale du Conseil assujettit les établissements de crédit, les entreprises d'assurance et plusieurs autres établissements financiers, quelle que soit leur forme juridique, dès lors que ces derniers ont plus de 500 employés et un chiffre d'affaires mondial supérieur à 150 millions d'euros. En cela, le champ des entreprises financières concernées par l'orientation générale du Conseil est plus large que celui retenu par la loi française, qui couvre les établissements financiers pour autant qu'ils prennent la forme d'une société commerciale et emploient au moins 5 000 salariés en France ou 10 000 salariés dans le monde, en leur sein ou au sein de leurs filiales. En ce qui concerne le champ du devoir de vigilance des entreprises, la France a soutenu un rapprochement avec le cadre ambitieux et exigeant de la loi française. Ainsi, les établissements financiers devront, comme toute entreprise, identifier et, le cas échéant, prévenir ou atténuer les incidences négatives découlant de leurs opérations, des activités de leurs filiales et des activités de leurs partenaires commerciaux directs et indirects, que ces derniers soient établis dans l'Union européenne ou dans un pays tiers. Concernant les partenaires commerciaux, sont concernés ceux qui interviennent avant la prestation du service par l'entreprise (en « amont » de la chaîne d'activités) ou après cette prestation, pour le compte de l'entreprise ou au nom de cette dernière (en « aval » de la chaîne d'activités). La France ne soutient pas une modulation du périmètre de vigilance des établissements financiers, en comparaison des entreprises non-financières. En effet, elle juge nécessaire, dans le cadre de cette directive qui a vocation à établir un cadre horizontal en matière de devoir de vigilance, d'imposer les mêmes règles ambitieuses à toutes les entreprises, sur le modèle de la loi française. En outre, la France considère que l'introduction d'un droit d'option pour les États membres risque de conduire à des règles divergentes au sein du marché intérieur, alors que l'un des objectifs centraux de la directive est d'harmoniser les pratiques entre les vingt-sept Etats membres. En tout état de cause, l'orientation générale du Conseil soumet les entreprises financières aux mêmes mécanismes de mise en œuvre que les entreprises des autres secteurs, notamment en ce qui concerne la supervision administrative et la responsabilité civile. Ainsi, en cas de manquement, les entreprises financières pourront faire l'objet de pénalités et être condamnées à réparer le dommage qu'elles ont causé ou auquel elles ont contribué par leur faute. La France continuera de soutenir ces règles opérationnelles, ambitieuses et cohérentes avec la loi française, lors des discussions à venir au niveau européen.

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