Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Paul-André Colombani
Question N° 6401 au Ministère du travail


Question soumise le 14 mars 2023

M. Paul-André Colombani alerte Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, sur la situation des confédération des PME départementales de Corse-du-Sud et de Haute-Corse ainsi que celle de la CPME région Corse, qui se sont vu retirer leur agrément par la confédération des PME nationale. Par un courrier en date du 8 février 2023, la CPME nationale demande que ces 3 associations soient dissoutes. Pour justifier le retrait de l'agrément, le motif évoqué est que la loi NOTRe ayant supprimé les 2 départements de Corse, les associations départementales ne peuvent plus exister depuis 2018. Or les 2 départements n'ayant pas été supprimés par la loi NOTRe, cet argument est infondé. La CPME nationale impose aux régions comportant des départements d'être structurées en unions départementales avec une union régionale dont le conseil d'administration est obligatoirement constitué des membres de ces structures départementales. L'article 6 des statuts de la CPME nationale dispose que « la base de la structure territoriale est le département. Les régions sont impérativement constituées de l'ensemble des départements les composant. Les départements ne peuvent, sous peine de retrait d'agrément, s'exclure de l'entité régionale ». En demandant aux représentants de la CPME en Corse de supprimer leurs unions départementales pour créer une nouvelle structure régionale unique, les règles définies par la CPME nationale ne sont plus respectées. Chaque CPME bénéficie des fonds publics pour le financement du dialogue social pour leurs activités concourant au développement et à l'exercice de missions d'intérêt général dénommés fonds AGFPN (créé par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014) à hauteur de 30 000 euros par département (selon une règle fixée par la CPME nationale). La suppression des CPME départementales, au motif qu'il n'y a plus de départements en Corse, entraîne de facto l'impossibilité de verser ces fonds à la région Corse. La CPME de Corse serait donc dans ce cas la seule organisation patronale sur le plan national à exercer les activités d'intérêt général sans financement et uniquement à ses frais, alors même que la CPME nationale perçoit 7 millions d'euros par an de ce fonds qu'elle doit répartir entre tous les départements. Par conséquent, les membres des CPME de Corse n'ont pu accepter la demande de fusion des 3 associations imposée par la CPME nationale, ce qui a donc entraîné le retrait de leur agrément. Cette décision entraîne de graves conséquences dans la gestion des instances paritaires : 12 mandats de conseillers prud'hommes sont supprimés (7 en Corse-du-Sud et 5 en Haute- Corse) ce qui rallongera de manière très importante les délais de traitement des affaires ; les quorums seront plus difficiles à atteindre dans les instances paritaires, où par ailleurs leurs mandataires sont très impliqués dans la gestion au quotidien ; ces organismes aujourd'hui composés à part égale de représentants des salariés et du patronat seront déséquilibrés en faveur du collège salarié. Par ailleurs, le retrait d'agrément prive ces organisations et leurs adhérents de toute possibilité de dialogue social avec les instances publiques et les autres organisations syndicales, dans un contexte économique tendu. De plus, il semble important que les PME puissent faire entendre leur voix dans la construction du futur statut institutionnel de la Corse. En effet, ces dernières années, la CPME Corsica a toujours été une force de proposition en matière économique et a été régulièrement consultée aussi bien par la Collectivité de Corse que par le Gouvernement. C'est pourquoi il la sollicite afin de remédier à cette situation inique réservée à la Corse en raison d'une interprétation erronée de la loi NOTRe par la CPME nationale et souhaite connaître sa position sur ce sujet.

Réponse émise le 1er août 2023

Concernant l'organisation de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), il appartient aux organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, comme aux organisations syndicales de salariés de s'organiser librement, en application de l'article 3 de la convention 87 de l'organisation internationale du travail (OIT) ratifiée par la France le 28 juin 1951. En outre, la liberté syndicale est affirmée à l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Cette liberté est classiquement entendue comme comprenant un aspect collectif et un aspect individuel. Dans sa dimension collective, la liberté syndicale garantit l'autonomie et l'indépendance du mouvement syndical, la liberté de constitution et de fonctionnement des organisations syndicales, tout autant que le pluralisme (voir notamment la décision QPC n° 2015-519 du 3 février 2016). Concernant les crédits du fonds pour le financement du dialogue social gérés par l'Association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN), l'article L. 2135-12 du code du travail définit les bénéficiaires des crédits du fonds. Au titre de la mission 1 relative à la conception, la gestion, l'animation et l'évaluation des politiques menées paritairement, il est précisé que ces bénéficiaires sont « les organisations de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, leurs organisations territoriales, les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et multi-professionnel ainsi que celles qui sont représentatives au niveau de la branche ». L'article R. 2135-28 du code du travail prévoit plus précisément que : « Les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel perçoivent les sommes dues à leurs organisations territoriales. Elles contribuent au financement de ces dernières au titre de la mission mentionnée au 1° de l'article L. 2135-11 ; ». Les organisations représentatives au niveau national sont ainsi libres de gérer les crédits de l'AGFPN selon les modalités définies en interne. Comme en atteste le dernier rapport de l'AGFPN sur l'utilisation des crédits du fonds pour le financement du dialogue social en date du 1er octobre 2022, l'AGFPN ne verse pas directement les fonds à chaque CPME. Enfin, la suppression de 12 mandats de conseillers prud'hommes est la conséquence de cette réorganisation de la CPME. Or, l'arrêté du 14 mars 2022 portant attribution des sièges de conseillers prud'hommes pour le mandat prud'homal 2023-2025, attribue 7 sièges à la CPME au sein du collège employeurs du conseil de prud'hommes de Corse-du-Sud, ainsi que 5 sièges à la CPME au sein du collège employeurs du conseil de prud'hommes de Haute-Corse soit un total de 12 sièges. Conformément à l'article L. 1441-4 alinéa 2 du code du travail « Pour l'appréciation de l'audience patronale, sont pris en compte, chacun à hauteur de 50 %, le nombre des entreprises qui emploient au moins un salarié adhérent à des organisations professionnelles d'employeurs et le nombre de salariés employés par ces mêmes entreprises. Les sièges sont attribués à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. » Seule l'audience nationale étant prise en compte pour la répartition des sièges du collège employeurs, la situation locale de la CPME est, en droit, sans incidence sur la répartition des sièges des conseillers prud'hommes. Pour l'ensemble de ces raisons, il n'appartient pas au Gouvernement d'intervenir dans le choix d'organisation interne de la CPME, et quel qu'en soit le motif, dans le respect de la liberté d'organisation syndicale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion