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Philippe Schreck
Question N° 6529 au Ministère de la justice


Question soumise le 21 mars 2023

M. Philippe Schreck appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les dysfonctionnements récurrents du dispositif des bracelets anti-rapprochement et la nécessité de sa refonte complète et urgente. Le dispositif des bracelets anti-rapprochement doit normalement permettre à une victime d'être alertée dès que son agresseur s'approche à l'intérieur d'un périmètre déterminé. Mais, depuis l'origine du déploiement, de nombreux dysfonctionnements ont été répertoriés. Le premier contrat avec Allianz a tourné au fiasco et a été résilié par l'administration. Le nouveau contrat avec la société Stanley Security dont l'acquisition par Securitas a été finalisée en juillet 2022 ne semble pas apporter plus de satisfaction selon les témoignages concordants d'associations de défense des droits des femmes, de magistrats et de délégués syndicaux de personnels pénitentiaires en charge de la question. En effet, à la piètre qualité des bracelets souvent en panne s'ajoutent les problèmes récurrents d'indisponibilité des matériels figurant pourtant en stock. Le dispositif s'avère inadapté en zone urbaine à cause de la densité de population et des transports, nonobstant la fiabilité du matériel de géolocalisation. Plusieurs associations, avocats et magistrats ont déjà alerté le ministre et ses services sur les nombreuses défaillances en matière d'alerte des victimes et de surveillance des auteurs. Ainsi, les alertes intempestives peuvent oppresser les personnes protégées au point qu'elles renoncent à un système qui constitue une menace pour leur équilibre psychologique. D'un autre côté, face aux nombreux dysfonctionnements des bracelets, il a déjà été constaté que l'opérateur privé diffère des signalements et déclare ultérieurement une résolution d'incident. Une telle omission conduira un jour au drame. Mais même en cas d'alerte de l'opérateur, les agents des services pénitentiaires d'insertion et de probation relèvent que joindre une personne sous surveillance revient à l'informer de l'éventualité d'une défaillance du matériel. Ils préfèrent donc s'abstenir en espérant maintenir l'effet placébo de la mesure et s'en remettent aux services de police et de gendarmerie. Néanmoins, les fausses alertes sont devenues tellement habituelles que les levées de doute ne sont plus effectuées systématiquement, voire deviennent l'exception. Il appert que le système est malheureusement techniquement défaillant et l'organisation du dispositif doit être totalement repensée, urgemment. La délégation à des opérateurs privés pose difficulté : pour ces missions essentielles, la recherche de productivité est incompatible avec l'efficacité et la sécurité des concitoyens. M. le député demande donc à M. le ministre d'informer pleinement les parlementaires des dysfonctionnements du dispositif bracelets anti-rapprochement et lui demande quelles mesures il compte prendre pour y remédier au plus vite.

Réponse émise le 9 mai 2023

La lutte contre les violences conjugales et la protection des victimes constituent des priorités pour le ministère de la Justice. La généralisation du déploiement du bracelet anti-rapprochement (BAR) en décembre 2020 a permis la mise en œuvre de l'interdiction de rapprochement de l'auteur réel ou présumé de violences conjugales, contrôlée par un bracelet électronique. Cette mesure, prononcée par l'autorité judiciaire, impose un périmètre de protection de la victime que l'auteur ne doit pas franchir. S'il contrevient à cette obligation, la victime est alors prévenue et mise en sécurité tandis que les forces de sécurité interpellent l'auteur. Le BAR permet la géolocalisation, en continu et en temps réel, sur l'ensemble du territoire national, du porteur du bracelet ainsi que de la personne protégée. Le dispositif a été déployé en neuf mois seulement après la publication de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019, visant à agir contre les violences au sein de la famille et permet une surveillance permanente (24h sur 24h, 7 jours sur 7) de l'auteur des violences et des victimes. Il convient également de préciser qu'une équipe spécifiquement dédiée a été constituée au sein de la direction de l'administration pénitentiaire, assurant la supervision et le contrôle quotidien du prestataire dans la réalisation de sa mission. La fiabilité technique du dispositif de surveillance est certaine, s'appuyant sur des technologies de géolocalisation des plus performantes du marché. En cas d'éventuel dysfonctionnement du réseau, le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) intervient d'emblée afin de résoudre les difficultés constatées et de sécuriser la personne protégée. Le matériel fait également l'objet d'un contrôle vigilant et systématique avant chaque mise à disposition auprès des SPIP et des tribunaux judiciaires, garantissant ainsi son fonctionnement optimal. Par ailleurs, aucune difficulté d'approvisionnement des dispositifs n'a été constatée. L'augmentation récente du nombre d'enclenchement des alarmes est liée à une meilleure application par le nouveau prestataire des procédures depuis le mois de juillet 2022, ainsi qu'à une hausse des mesures prononcées. Chaque alarme remontée dans le logiciel de surveillance fait l'objet d'une procédure détaillée et nécessairement appliquée par le prestataire privé. Dans les cas qui le nécessitent, une levée de doute est systématiquement effectuée par le prestataire, auprès du porteur du bracelet anti-rapprochement, afin de faire cesser l'incident. Conformément au protocole national signé entre le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur, si l'incident perdure ou que la personne reste injoignable, le prestataire privé saisit les forces de sécurité intérieure et informe la personne protégée afin de vérifier que celle-ci se trouve en sécurité et assurer sa mise en protection. L'évaluation individuelle préalable est primordiale dans le prononcé du dispositif anti-rapprochement. L'autorité judiciaire prend nécessairement connaissance des informations de chacune des parties, afin d'éviter toutes alarmes intempestives qui résulteraient de la proximité de leurs lieux de vie. De plus, elle peut a posteriori adapter le dispositif en fonction des situations individuelles (modification de la distance d'alerte, prononcé de zone d'autorisation exceptionnelle). Si la mesure de BAR s'avérait inadaptée à la situation des parties, en aboutissant à un nombre important d'alertes portant une atteinte excessive au droit et au respect de la vie privée et familiale, tant de la personne protégée que de la personne porteuse du dispositif, celle-ci peut en demander son retrait, par application de l'article R 24-22 du code de procédure pénale. Enfin, les directions du ministère de la Justice et du ministère de l'Intérieur travaillent conjointement afin d'améliorer le dispositif du BAR. Une réflexion inter directionnelle est notamment en cours afin d'optimiser la priorisation du traitement des comptes rendus d'incident adressés par le prestataire privé. Le protocole national et la trame de protocole local seront également prochainement actualisés. Aussi, une nouvelle gamme de dispositifs de surveillance électronique sera déployée progressivement à partir du mois de juin 2023, visant à renforcer la qualité du matériel.

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