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Thierry Benoit
Question N° 6541 au Ministère auprès du ministre de la transition écologique


Question soumise le 21 mars 2023

M. Thierry Benoit appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement sur la mobilisation du parc immobilier privé à des fins sociales. Le logement est une préoccupation importante pour la grande majorité des Français. Ce constat est d'autant plus prégnant au regard des indicateurs qui montrent une tension croissante, en particulier, sur le secteur locatif. La Bretagne est la région qui compte le plus de propriétaires occupants, par conséquent le moins de logements locatifs. La concurrence des locations saisonnières, la forte augmentation des prix de l'immobilier et le faible taux de rotation dans le parc social accentuent les difficultés à se loger pour un nombre croissant de ménages. Alternative ou complément à la construction de logements sociaux, l'intermédiation locative permet de mobiliser des logements du parc privé, pour les proposer à des loyers accessibles, sous plafonds de ressources, pour les ménages aux revenus modestes. Ce choix des propriétaires les conduit à accepter un moindre revenu de leur logement loué. Pour convaincre les propriétaires bailleurs de s'inscrire dans cette démarche solidaire, l'intermédiation locative s'appuie sur une contrepartie fiscale, qui a été réformée en 2022. Jusqu'en mars 2022, le dispositif « Louer Abordable » (dit « Cosse ») permettait de capter un nombre important de logements privés pour les rendre accessibles aux ménages. Depuis le 1er mars 2022, le dispositif « Loc'avantages » a remplacé le Louer Abordable. Cette réforme a eu un impact négatif pour le développement de l'intermédiation locative en Bretagne : le volume de logements captés a fortement baissé, ce qui contribue à tendre davantage encore le marché locatif. Le principe du Loc'avantages est de proposer des logements conventionnés à loyer plafonné, de 15 % à 45 % moins élevés que le loyer de marché. Pour déterminer ce loyer de marché commune par commune, le dispositif prévoit de se référer à des loyers dits « de marché » fixés par décret. Ce décret (n° 2022-465 du 31 mars 2022) fixe des loyers de référence pour chaque commune, qui, en particulier en Bretagne, sont très éloignés des véritables loyers de marché. Des associations gérant ces parcs proposent donc aux propriétaires d'appliquer une décote de 15 % à 45 % sur des loyers de référence qui sont déjà 40 % inférieurs en moyenne aux loyers actuels. La captation de logements conventionnés à l'ANAH (sans travaux, donc disponibles immédiatement) a connu une baisse très significative depuis l'application du Loc'avantages. Or l'intermédiation locative est également un outil privilégié par l'État dans le cadre du Plan Logement d'Abord, qui vise notamment à mobiliser des logements du parc privé pour permettre aux ménages à revenus modestes de bénéficier d'un logement locatif. Les difficultés de captation liées à la réforme du Loc'avantages constituent donc un frein considérable au développement d'une offre locative à loyer abordable, au moment où l'intermédiation locative a un rôle important à jouer dans l'offre de logements et le parcours résidentiel. Il paraît indispensable de réformer ce dispositif pour le rendre plus attractif et acceptable pour les propriétaires choisissant de louer à des personnes en difficulté, à travers des compensations fiscales renforcées. Plafonner cette contrepartie fiscale à hauteur de 18 000 euros au lieu de 10 000 euros semblerait également opportun, pour que le dispositif soit le plus incitatif et le plus efficace possible. Cette réforme du Loc'avantages permettrait de mobiliser davantage de logements du parc privé à loyer abordable, pour accueillir des ménages qui en ont besoin (jeunes couples, personnes isolées, familles monoparentales, etc.). Alors que l'accès au logement redevient un enjeu politique d'envergure en Bretagne où le parc social ne suffit plus à fluidifier le parcours résidentiel des Bretons, la mobilisation du parc privé à des fins sociales semble plus que jamais indispensable. Aussi, il souhaite demander au Gouvernement ce qu'il compte mettre en œuvre pour faciliter et accroître la mobilisation du parc immobilier privé à des fins sociales.

Réponse émise le 11 juillet 2023

L'article 67 de la loi de finances pour 2022 a transformé « Louer abordable », dispositif d'abattement au titre des revenus fonciers, en réduction d'impôt, dénommé « Loc'Avantages ». Si l'avantage fiscal n'est pas de même nature selon les deux dispositifs, ils reposent tous deux sur l'engagement par le bailleur à louer un bien dans le respect de plafonds de loyers et de ressources du locataire. Dans le précédent dispositif « Louer abordable », les plafonds de loyers étaient définis en fonction du zonage ABC, lequel répartit les communes françaises en cinq sous-ensembles (Abis, A, B1, B2, C) au sein desquelles les variations des loyers de marché peuvent être significatives. Ceci engendrait des effets d'aubaine dans certaines zones, souvent détendues, où les plafonds de loyer pouvaient être supérieurs aux loyers de marché. Au contraire, ce principe de zonage rendait le dispositif peu attractif dans les zones particulièrement tendues qui concentrent les besoins en logements, dans la mesure où le plafond de loyer était parfois a contrario trop faible par rapport au loyer pratiqué localement. Pour remédier à ces difficultés et rendre le nouveau dispositif à la fois plus lisible et plus incitatif que le précédent, le nouveau dispositif n'est plus basé sur une notion de zonage : les plafonds de loyers conditionnant la réduction d'impôt sont fixés à l'échelle de chaque commune (ou des arrondissements dans le cas de Paris, Lyon et Marseille). Chaque plafond de loyer est basé sur l'estimation du loyer de marché dans la commune, à laquelle un taux de décote est appliqué. Ce taux varie selon que le logement est affecté à une location intermédiaire (-15 % pour le « Loc1 » par rapport au loyer de marché sur la commune), sociale (-30 % pour le « Loc2 ») ou très sociale (-45 % pour le « Loc3 »). Ce mode de calcul garantit ainsi l'utilité sociale pour les locataires tout en supprimant les effets de bord liés aux précédents zonages.  Uniformes sur tout le territoire, et plus importants en cas de recours à l'intermédiation locative, les taux de la réduction d'impôt sont assis sur le revenu locatif brut et varient ainsi de 15 à 35 % sans intermédiation locative selon le niveau de décote par rapport au loyer de marché. L'avantage fiscal croît avec le niveau de décote de loyer. Le dispositif est encore plus attractif si le bailleur opte pour l'intermédiation locative, avec un taux de réduction d'impôt pouvant atteindre 65 %, et s'il combine ce dispositif avec la réalisation de travaux ouvrant droit aux aides de l'agence nationale de l'habitat (ANAH). Un suivi resserré et un pilotage opérationnel ont été mis en place dès la création du dispositif, notamment par le biais d'un comité des partenaires. Cette instance regroupant collectivités, associations, opérateurs, et État s'est déjà réunie à trois reprises depuis juillet 2022. Le sujet des loyers fait l'objet d'efforts soutenus d'objectivation (simulateur DHUP, bilan de l'Anah, échanges lors des comités des partenaires, réunions dédiées, travaux permanents de l'ANIL et de la DHUP). Il est admis que l'estimation des loyers de marché repose sur des méthodologies fiables, et en tout état de cause notablement améliorées par rapport à l'ancien dispositif. Pour autant, il subsiste une problématique de mise à jour des loyers « en temps réel » pour les zones en forte évolution. En effet, les données sources utilisées pour déterminer les plafonds de loyer 2022 et 2023 (les données les plus récentes des observatoires locaux des loyers et la carte des loyers étant relatives aux baux signés ou aux annonces parues en 2018) ne reflètent pas toujours les dynamiques récentes des marchés locatifs locaux (dans les zones touristiques en particulier). Pour remédier à cette situation, les valeurs des plafonds de loyer ont été révisées en 2023 en fonction de la variation de l'indice de référence des loyers, soit 3,60 %. Une amélioration du dispositif est également prévue dès janvier 2024 avec le recalcul des plafonds de loyer à partir des loyers de marchés observés en 2022. D'autres améliorations seront également proposées s'agissant du traitement des petites surfaces et de la simplicité des procédures de conventionnement. L'ensemble de ces mesures contribuera à favoriser le développement du dispositif « Loc'Avantages », qui constitue un dispositif d'investissement locatif utile.

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