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Christelle D'Intorni
Question N° 8480 au Ministère de la justice


Question soumise le 30 mai 2023

Mme Christelle D'Intorni appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le sujet de l'interprétariat pour les services d'enquêtes. En effet, Mme la députée sait que, lorsque qu'une mesure attentatoire aux libertés est prise (retenue douanière, garde à vue), le droit pour la personne suspecte d'être informée de ses droits dans une langue qu'elle comprend est essentiel et est exigé par l'article 63-1 du code de procédure pénale. Or Mme la députée constate que, fréquemment, les enquêteurs rencontrent des difficultés pour trouver des interprètes à des heures tardives ou concernant des langues pour lesquelles les traducteurs sont rares. Cela fragilise indéniablement le bon déroulement des procédures. Au surplus, elle observe qu'il existe des réseaux internationaux de traducteurs à l'instar de Global Voices qui pourraient, dans les cas mentionnés ci-dessus, remplir une telle mission et pallier à ces difficultés. À l'heure où il existe une volonté politique d'alléger les démarches qui incombent aux enquêteurs (cela est notamment le cas avec la mise en place d'assistants d'enquêtes), cette mesure lui apparaît de bon sens puisqu'elle s'inscrit dans la même continuité. C'est pourquoi Mme la députée demande à M. le ministre s'il entend, dans le cadre d'un marché public mutualisé avec d'autres administrations, solliciter un prestataire extérieur afin de résoudre ces problèmes. À charge pour ce dernier, dans un délai contraint, de mettre à disposition toutes les personnes nécessaires par visioconférence, à l'image de ce qui est déjà mis en place par les notaires pour les actes de vente dématérialisés. Tout cela, dans le dessein que la continuité et la fluidité des procédures soient assurées. Elle souhaite connaître sa position sur ce sujet.

Réponse émise le 21 novembre 2023

La Chancellerie est particulièrement attentive à cette problématique qui s'inscrit dans le cadre législatif et réglementaire encadrant les interprètes-traducteurs intervenant au cours d'une procédure pénale. Les interprètes-traducteurs sont requis par les autorités judiciaires et ont un statut spécifique d'experts collaborant au service public de la justice et dont les conditions d'exercices sont définies par le décret n° 2004-1463 ainsi que par le code de procédure pénale (CPP). Ce statut particulier impose des conditions d'inscription sur une liste d'experts auprès des cours d'appel ou de la Cour de cassation, ainsi que des conditions d'exercice des missions qui sont peu compatibles avec la mise en place de marchés publics dans les règles du code de la commande publique. Par ailleurs, les prestations d'interprétation-traduction sont rétribuées sur frais de justice sur la base de tarifs déterminés par un arrêté conjoint du ministère de la Justice et du ministre chargé du budget. Ainsi, ce cadre n'est pas forcément adapté aux pratiques concurrentielles.  Enfin, le recours à la visioconférence ou la téléphonie en matière d'interprétariat est certes prévu dans le code de procédure pénale, mais pour un usage très limité et uniquement « en cas de nécessité, résultant de l'impossibilité pour un interprète de se déplacer » (article 706-71 CPP) et est très rarement utilisé en raison des complexités que ces moyens techniques engendrent, notamment dans le cadre du secret de l'instruction. Il s'avère donc, en droit et en fait, que la rareté de l'offre dans certaines langues et les contraintes liées aux conditions de réalisation des missions d'interprétation 24h/24 7j/7 ne pourraient être résolues par la mise en œuvre de marchés publics. En conséquence, la Chancellerie recourt à la recherche de solutions avec les syndicats et les diverses associations d'interprètes-traducteurs représentatifs de la profession afin de susciter le développement du tissu économique recherché. Le dialogue social, noué en 2023 avec les syndicats de traducteurs (SFT, UTI, CNCEJ, UNETICA), a permis d'établir un partenariat entre le ministère de la Justice et l'école des interprètes traducteurs (ESIT) aux fins de mettre en œuvre un cursus dédié aux langues dites « rares » et aux différents dialectes faisant partie des besoins du ministère de l'intérieur et du ministère de la Justice. Dans le cadre strict de la réglementation actuelle qui fixe les tarifs de la prestation dans le code de procédure pénale, les interprètes-traducteurs nouvellement diplômés pourraient ainsi avoir, grâce à ce diplôme, une connaissance précise des conditions d'intervention sur réquisition dans le cadre d'une procédure judiciaire. Les conditions d'inscription sur les listes d'experts de ces diplômés, à leur demande, ainsi que les éventuelles mises à jour des tarifs pourront intervenir dans un second temps. Les syndicats et associations de traducteurs sont vigilants et souhaitent pouvoir proposer rapidement une offre de nouvelles ressources d'interprètes-traducteurs aux enquêteurs dans le cadre de ce partenariat. Enfin, il convient d'indiquer que des crédits supplémentaires dédiés au paiement des frais de justice ont été délégués aux cours d'appel en octobre à hauteur de 35 millions d'euros, permettant notamment de régler les mémoires de frais déposés par les interprètes judiciaires.

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