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Paul Molac
Question N° 9080 au Ministère auprès du ministre de la transition écologique


Question soumise le 20 juin 2023

M. Paul Molac alerte M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur les effets contre-productifs de l'interdiction désormais annoncée des chaudières à gaz. En effet, malgré le lancement d'une consultation publique relative sur la réduction des émissions de carbone dans le bâtiment jusque fin juillet 2023, Mme la Première ministre a d'ores et déjà évoqué, courant mai 2023, une interdiction générale des chaudières à gaz à compter de 2026. Si, depuis le 1er janvier 2022, la réglementation interdit déjà les solutions de chauffage gaz dans les maisons neuves (le collectif suivra en 2025), l'interdiction s'étendra, à terme, au renouvellement des chaudières à gaz dans le bâti existant. Cette interdiction, si elle était prononcée, auraient des effets directs sur 4 foyers sur 10, actuellement chauffés au gaz, soit pour 12 millions de foyers au total (5 millions en maison individuelle et sept millions en logement collectif). Motivée par la volonté de sortir les logements des énergies fossiles (fioul, gaz et charbon), cette interdiction n'aura pourtant pas ou peu d'effet sur la réduction des émissions carbone. En effet, en tenant compte du nombre d'équipements arrivant en fin de vie, GRDF estime que le remplacement, pendant des années, de 12 millions de chaudières à gaz par des pompes à chaleur augmentera la pointe électrique en hiver. Les projections évaluent une consommation accrue de 10 gigawatts en 2035, voire 2040. Or le premier EPR n'est toujours pas mis en service et aucun autre ne pourra l'être à ces dates. Sachant que l'Autorité de sûreté nucléaire doute fortement de la longévité de 56 réacteurs des 19 centrales nucléaires française et que la France est en retard dans le développement des énergies renouvelables, l'interdiction des chaudières à gaz, en augmentant les installations de pompes à chaleur, entraînera des importations d'électricité en hiver, notamment en Allemagne, où avec la fin du nucléaire, le fonctionnement des centrales à charbon et thermiques a été réactivé. Autre souci en matière de neutralité carbone, les composants des pompes à chaleur viennent pour l'essentiel d'Asie tandis que les chaudières à gaz sont en majorité produites en France ou en Europe. En plus d'engendrer une perte de souveraineté industrielle et d'alourdir le bilan carbone, l'interdiction généralisée des chaudières à gaz aura pour effet d'accroître les dépenses publiques (prises en charge des renouvellements d'installation sur le domaine public, augmentation des aides publiques à l'installation...) et de fragiliser le pouvoir d'achat des concitoyens, une pompe à chaleur coûtant trois à quatre fois plus cher qu'une chaudière, dans un contexte inflationniste sans précédent. En outre, face à l'interdiction des chaudières à gaz telle qu'annoncée en 2026, les professionnels sont formels : les délais ne sont pas tenables, la mesure nécessitant la formation de 200 000 chauffagistes à la pompe à chaleur. À cela s'ajoutent des blocages techniques, notamment dans l'immobilier collectif, où l'installation d'une ou plusieurs pompes à chaleur implique un accord de la copropriété et une déclaration de travaux préalable. Face à toutes les difficultés et conséquences précitées, considérant qu'il ne faut pas confondre appareil et combustible, M. le député demande au Gouvernement d'opter pour le développement du gaz vert plutôt que d'interdire les chaudières à gaz. En faisant le choix de diversifier l'approvisionnement en énergies des Français et de ne pas miser sur le « tout électrique », on évitera ainsi les dangers de la rupture d'approvisionnement tout en répondant aux objectifs d'indépendance énergétique. Il souhaite connaître sa position sur le sujet.

Réponse émise le 5 décembre 2023

Dans le cadre de la planification écologique et pour atteindre nos objectifs ambitieux fixés en matière climatique, tous les secteurs seront mobilisés pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre. En dépit des efforts réalisés sur la dernière décennie, nous devons encore doubler le rythme de réduction d'ici 2027. À cet égard, le secteur des bâtiments, qui représente 18% des émissions en France, devra donc contribuer à l'accélération de la décarbonation du pays, au même titre que les transports ou encore l'industrie. Dans ce cadre, tous les leviers disponibles doivent être mobilisés : pérennisation des efforts de sobriété énergétique, accentuation de la dynamique d'isolation et accélération du rythme de sortie des énergies fossiles. S'agissant en particulier de la sortie des énergies fossiles, il convient de souligner que : - des alternatives moins carbonées et plus efficaces en termes énergétiques existent : il s'agit notamment de recourir aux réseaux de chaleur ainsi qu'aux énergies renouvelables ou de récupération (pompes à chaleur, géothermie de surface, systèmes solaires ou biomasse). Les chaudières à gaz hybridées avec des pompes à chaleur ou des systèmes solaires thermiques, qui permettent de réduire d'au moins 70 % la consommation de gaz, feront également partie des solutions ; - même si elles peuvent représenter un coût d'investissement plus élevée, ces solutions sont compétitives en coût complet, et permettront de réduire l'impact carbone des bâtiments construits ; - le recours aux énergies décarbonées est générateur de nouvelles perspectives pour les entreprises désireuses de s'engager dans ces solutions d'avenir. Le Gouvernement est engagé pour accompagner la transition des filières industrielles du chauffage vers des énergies bas carbone, notamment avec un plan d'actions en cours pour développer l'industrie française des pompes à chaleur. L'impact sur le réseau électrique de l'accélération de la décarbonation des bâtiments a fait l'objet d'une étude approfondie dans le Bilan prévisionnel 2023 de RTE publié le 20 septembre 2023, reposant sur de multiples variantes et intégrant des principes de prudence. Selon ce rapport, « accélérer le développement des pompes à chaleur ne conduit pas à augmenter sensiblement la consommation d'électricité » et « une réduction rapide de l'usage du gaz fossile dans le secteur du bâtiment conduit nécessairement à augmenter la pointe électrique, mais sans mettre en danger la sécurité d'approvisionnement ». Il indique par ailleurs qu'une « accélération du remplacement des chaudières au gaz par des pompes à chaleur contribue fortement à l'amélioration de la souveraineté énergétique de la France et à la diminution des émissions de gaz à effet de serre ». Ces changements structurels s'engagent progressivement, afin de donner de la visibilité et le temps de l'adaptation à l'ensemble des acteurs. Plusieurs jalons ont déjà été posés en ce sens. Depuis le début de l'année 2022, la réglementation environnementale RE2020 impose le recours à une part importante d'énergie décarbonée pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire dans les logements neufs. Cette première échéance s'est imposée aux maisons individuelles et s'étend progressivement aux logements collectifs en 2025 et dans les bâtiments tertiaires. Les dispositifs d'aides tirent également les conséquences de l'impératif de sortie progressive des énergies fossiles : ainsi MaPrimeRénov', principale aide à la rénovation énergétique des logements, ne subventionne plus l'installation de nouvelles chaudières au gaz depuis fin 2022. En revanche, toujours dans un souci de progressivité des décisions et de prise en compte de tous les facteurs, notamment économiques pour les ménages comme les entreprises, d'un changement maîtrisé, l'interdiction d'installation de nouvelles chaudières gaz a à ce stade été écartée, en lui privilégiant des mesures d'incitation renforcée telles que le relèvement des forfaits MaPrimeRénov' pour les équipements de substitution comme les pompes à chaleur.

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