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Emmanuelle Ménard
Question N° 9389 au Ministère de la santé


Question soumise le 27 juin 2023

Mme Emmanuelle Ménard alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'aide médicale d'État (AME). Depuis 1999 et sa mise en place, l'aide médicale d'État permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'un accès gratuit à un grand nombre de soins. Dès trois mois de présence sur le sol français, l'AME permet en effet la prise en charge à 100 % des soins médicaux et hospitaliers et sans avance de frais pour, selon La Cimade, « les soins médicaux et dentaires, les médicaments, les frais d'analyses, les frais d'hospitalisation et d'intervention chirurgicale, les frais pour certaines vaccinations et certains dépistages, les frais liés à la contraception, à l'interruption volontaire de grossesse, etc. ». De plus, au bout de neuf mois, le périmètre des soins s'élargit aux soins inhérents aux pathologies non sévères comme la pose d'un anneau gastrique, le recollement des oreilles ou encore la possibilité de se faire refaire le nez. Depuis sa création, l'AME bénéficie à un nombre toujours plus important de clandestins. En septembre 2022, ils étaient 403 144 bénéficiaires répertoriés, ce qui représente une hausse de 5,9 % par rapport à 2021 et 20,5 % par rapport à 2019. Suivant cette dynamique, le budget de l'AME n'a eu de cesse d'augmenter chaque année. En 2012, l'enveloppe allouée à l'AME était de 588 millions d'euros pour passer à 1,2 milliard en 2023. Si l'AME peut évidemment s'avérer vertueuse pour venir en aide aux clandestins en situation sanitaire critique, son ampleur - la fondation Fondapol qualifie la France de pays le plus généreux au monde en matière d'accès aux soins - et l'appel d'air migratoire qu'elle suscite sont non seulement contreproductifs mais aussi désordonnés à l'heure où la dette de la France frôle les 3 000 milliards. Dès lors, elle lui demande s'il va étudier la pertinence de réduire le panier de soins offert par l'AME et de supprimer la prise en charge gratuite de soins non essentiels, ce qui aurait pour conséquence immédiate de réduire drastiquement le budget alloué à l'AME.

Réponse émise le 12 décembre 2023

Créée par la loi CMU du 27 juillet 1999, l'Aide médicale de l'Etat (AME) vise à assurer une couverture maladie aux personnes démunies en situation irrégulière, en poursuivant une triple logique : humanitaire (donner un accès aux soins aux personnes fragiles), de santé publique (éviter la propagation de maladies) et économique (prévenir les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l'urgence). Cette aide, qui bénéficiait à 403 327 bénéficiaires en moyenne en 2022, est ouverte à tout étranger en situation irrégulière et à ses ayants droit (conjoint et enfants), sous conditions de ressources (plafond de 810 € par mois pour une personne seule) et de résidence stable et irrégulière en France de plus de trois mois. L'évolution des dépenses d'AME est pour partie corrélée au nombre de bénéficiaires, par nature difficile à anticiper. Il convient cependant de noter que l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'AME est en partie la conséquence de mesures induisant une bascule de la Sécurité sociale vers l'AME (réduction de la durée de maintien des droits d'un an à six mois pour les assurés, dont le titre de séjour a expiré, délai de carence de 3 mois pour être affiliés à la Sécurité sociale appliqué aux demandeurs d'asile notamment).  L'évolution des dépenses du dispositif dépend également de la nature et des tarifs des soins consommés, ce qui explique que l'évolution des dépenses et celle des bénéficiaires ne soient pas systématiquement parallèles. Depuis le 1er janvier 2021, le panier de soins a été réduit pour les bénéficiaires de moins de 9 mois. Les soins remboursés après ce délai ne sont pas des soins esthétiques ou de confort. L'AME ne finance pas de soins non essentiels. Les principaux postes de dépenses de l'AME sont les accouchements, les affections respiratoires (Covid-19, pneumonie), les problèmes digestifs comme les affections hépatiques, les problèmes cardiovasculaires (comme les embolies pulmonaires ou les insuffisances cardiaques), ou encore les prises en charge de cancers. Les rhinoplasties remboursées sont des chirurgies réparatrices : ces opérations visent à rendre l'intégrité du visage du patient en cas de malformation, maladie, choc ou ablation. Le médecin statue sur la nécessité de cet acte. Par ailleurs, les montants de ces actes soumis à un délai de carence de neuf mois sont très faibles. A titre d'exemple, les montants remboursés au titre de la chirurgie des oreilles décollées représentaient moins de 10 000 euros en 2018. Les dépenses de l'Etat au titre de l'AME représentent moins de 0,5 % des dépenses totales de santé. La dépense moyenne par bénéficiaire de l'AME est la même que le reste des assurés (moins de 2 700 € par an en 2018). De surcroît, le coût moyen par bénéficiaire est en baisse : la dépense moyenne trimestrielle par bénéficiaire est ainsi passée de 674 € en 2018 à 598 € en 2021. Enfin, il convient de rappeler que les bénéficiaires de l'AME présentent en moyenne un état de santé plus dégradé que celui de la population générale, du fait notamment de pathologies souvent prises en charge tardivement en raison de l'absence de dépistage à l'arrivée en France et de la méconnaissance par les personnes de leur état de santé. D'après une étude de Médecins du monde concernant l'état de santé des personnes accueillies dans les Centres d'accès aux soins et d'orientation (CASO) en 2021, 51,8% des patients en situation administrative irrégulière, pris en charge en consultation, présentaient un retard de recours aux soins.  Pour conclure, le Gouvernement a confié à Claude Evin, ancien ministre de la santé, et Patrick Stefanini, Conseiller d'Etat honoraire, une mission visant à évaluer le fonctionnement de l'AME et à proposer des pistes éventuelles d'évolution. Leur rapport a été rendu le 4 décembre 2023, ses conclusions sont en cours d'analyse par le Gouvernement.

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