Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du jeudi 2 février 2023 à 14h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne secrétaire d'État chargée de l'écologie, ancienne ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement :

La campagne de 2007 a donné lieu à des débats internes sur la politique en matière nucléaire. Ma position sur le sujet était assez modérée. J'estimais qu'il était encore trop tôt pour précipiter les choses : il me semblait plus urgent de régler les tensions internes à l'équipe nucléaire française avant de prendre de telles décisions. Nos choix devaient tenir compte du contexte plus global, intégrant par exemple l'utilisation de la chaleur fatale de l'industrie nucléaire qui n'a jamais été valorisée. Je trouvais que la dimension du projet de réacteur pressurisé européen (EPR) – qui consiste en un très gros réacteur centralisé – était peu cohérente avec les évolutions du marché mondial de l'énergie, qui s'orientait davantage vers les petits réacteurs. L'EPR nécessite par exemple d'importantes lignes à très haute tension, qui posent des problématiques spécifiques.

Ainsi, si cette question était légitime et que je n'y étais pas formellement opposée, elle ne me paraissait pas prioritaire. Quelles étaient, au fond, les raisons de construire un si gros réacteur ? Les économies d'échelle étaient avancées comme l'un des principaux arguments. Cependant, ce projet entraînait de nombreux défis, tels que l'équilibre des plaques énergétiques ou l'extraction de l'énergie par les lignes à très haute tension qu'il a fallu construire. En outre, une partie du monde des ingénieurs du nucléaire y voyait un gage supérieur de sûreté. En effet, le réacteur EPR était conçu de telle sorte que des nappes de béton empêchent les fuites de corium en cas de fusion du cœur.

S'il est difficile de trancher ce débat, j'estimais qu'il n'avait pas été assez profondément réfléchi. La décision politique forte que nous nous apprêtions à prendre me paraissait quelque peu prématurée au regard des considérations techniques et du contexte de compétitivité – puisqu'il ne s'agissait pas uniquement de construire ce réacteur pour la France, mais également pour le reste du marché. Nous aurions peut-être dû davantage réfléchir aux petits réacteurs modulaires (SMR).

J'avais exprimé ces opinions durant la campagne de 2007. Je pense qu'elles ont participé du redécoupage des attributions en 2010 : il est possible que la gestion du marché et de la production ait été rendue à Bercy pour ces raisons.

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