Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du jeudi 2 février 2023 à 14h00
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la france

Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne secrétaire d'État chargée de l'écologie, ancienne ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement :

Le nucléaire et la politique énergétique forment un sujet très politique, mais ils reposent sur des fondements techniques, qu'il faut maîtriser et qui nécessitent un certain investissement. À l'époque, cet investissement aurait pu être plus dense. Le débat a été posé dans des termes très catégoriques : il fallait lancer l'EPR pour ne pas perdre en compétences. Nous avons profité du fait que le réacteur d'EDF semblait prêt pour accélérer notre politique. Des débats d'ingénierie, liés à la question du marché, n'ont pas été menés à leur terme, notamment parce que la construction de l'EPR apparaissait comme un marqueur politique fort. Ainsi, même si le projet n'était pas suffisamment mûr, il semblait urgent de le lancer.

Ces décisions ont été prises dans un contexte de fortes tensions entre EDF et Areva. À mon sens, il fallait d'abord résoudre ce conflit. Sans cela, nous risquions de rencontrer des échecs à l'exportation. Il convenait aussi d'étudier sérieusement les options technologiques et de questionner la taille du réacteur.

Au niveau ministériel, j'ai dû gérer la question des lignes à très haute tension. Ces questions auraient mérité une réflexion plus approfondie.

L'un des problèmes est que la politique énergétique subissait des mouvements de balancier pour de mauvais motifs politiques. L'industrie nucléaire et les partisans de la filière craignaient, comme moi, un nouveau mouvement de balancier si la décision n'était pas prise immédiatement. C'est bien ce qui s'est passé lors de la fermeture de Superphénix ou l'arrêt d'Astrid. En l'absence de consensus national sur la question du nucléaire, cette inquiétude a poussé à l'urgence.

Il est vrai que nous aurions pu attendre un ou deux ans pour mener une réflexion plus aboutie sur certains sujets, et désamorcer les tensions entre EDF et Areva ; cependant, nous avions le sentiment que dès que la gauche revenait au pouvoir, le parti socialiste ne s'intéressait pas à l'écologie et sous-traitait cette question aux Verts, qui cherchaient quant à eux à enfoncer un coin de plus contre la politique nucléaire. Nous pensions donc nous trouver dans une fenêtre d'opportunité pour lancer l'EPR, et qu'il fallait en profiter.

Les politiques énergétiques ont besoin de stabilité et d'un minimum de consensus. Elles doivent dépasser les divergences politiques. Les mouvements de balancier, lorsqu'ils concernent des sujets qui font l'objet d'investissements aussi longs, amènent nécessairement à se tromper – et je pense que nous avons commis des erreurs sur la quatrième génération, victime d'accords politiques parfois mal informés sur le plan technologique – ou à prendre des décisions de manière accélérée.

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