Intervention de Lora Verheecke

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Lora Verheecke, chercheuse à l'Observatoire des multinationales et porte-parole de l'Observatoire du lobbying au niveau européen :

Je déplore fréquemment « l'effet bulle ». Une entreprise comme Uber emploie non seulement des personnes essayant de représenter ses intérêts auprès des dirigeants européens, mais elle est également membre de BusinessEurope, de Delivery Platforms Europe ou de think tanks. Uber fait en outre appel à des cabinets d'avocats, des agences de communication.

Selon moi, le principal problème posé aux démocraties réside dans le monopole du débat : le même message transmis par différents agents devient alors le seul message entendu au niveau européen. Mme Chaibi s'est employée à faire entendre d'autres voix, en invitant des travailleurs concernés par la directive à des réunions organisées par les lobbys et en leur faisant rencontrer les décideurs européens. Ainsi, lorsque la bulle éclate, la situation évolue car les débats deviennent plus politisés, moins techniques et moins éloignés du quotidien des Européens. Nous avons besoin d'entendre d'autre voix que celles des entreprises.

Ce besoin concerne d'autres sujets, comme le démontre l'exemple des pesticides, qui donne lieu à une forte mobilisation des citoyens et des ONG et permet de faire entendre d'autres acteurs. Je rappelle que le secteur des produits chimiques constitue l'un des lobbys européens les plus puissants. Lors des débats sur le renouvellement de l'autorisation du glyphosate, j'ai observé un repolitisation des enjeux : les ministres de l'agriculture français, allemands et hongrois savaient que leurs votes seraient scrutés. La transparence et l'implication des parlements nationaux permettent donc de repolitiser le débat et d'obliger les décideurs à rendre des comptes.

Un autre enjeu porte sur le Parlement européen. Lors de son audition, Marc MacGann a évoqué le phénomène des doubles voire triples emplois des députés européens. À l'heure où l'on essaye de réformer l'institution, ce sujet n'est malheureusement pas évoqué. Environ un tiers du Parlement européen est composé de députés qui peuvent exercer d'autres activités rémunérées. Je rappelle par exemple que Sylvie Goulard a vu sa candidature au poste de commissaire rejetée par le Parlement européen car elle était employée par un think tank américain lorsqu'elle était députée européenne. Ces doubles ou triples emplois posent ainsi problème, notamment parce que les députés peuvent travailler pour des intermédiaires représentants des gouvernements étrangers.

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