Intervention de Danielle Simonnet

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Simonnet, rapporteure :

Le statut du travailleur et de la travailleuse ne dépend pas de son souhait mais de la situation et des faits. Un « vrai indépendant » fixe ses tarifs et bénéficie d'un réel partage de la valeur ajoutée. Tel n'est pas le cas aujourd'hui, pour nombre de plateformes. En revanche, certaines plateformes mettent les personnes intéressées en relation avec de véritables indépendants. Je pense par exemple à la plateforme Doctolib, qui ne fixe pas les tarifs des médecins, ni leurs horaires. À l'inverse, certains travailleurs aimeraient travailler de manière non déclarée, mais notre code du travail ne le permet pas. De même, notre cadre légal n'autorise pas les abus liés à l'exploitation du travail dissimulé.

Ensuite, vous avez évoqué la voie du dialogue social. J'observe qu'il s'agit là de la même stratégie que celle employée par Uber, qui a pu défendre l'instauration d'un tiers statut avant de se rendre compte qu'il soulevait un certain nombre de résistances et qu'il faisait également l'objet de décisions judiciaires. En effet, dans différents pays, les tribunaux ont requalifié la relation de travail en salariat.

Les plateformes ont ensuite souhaité installer un dialogue social dans des soi-disant conventions collectives où des droits sociaux seraient concédés aux travailleurs des plateformes. C'est le cas en France dans le cadre de l'Arpe, par exemple à travers la fixation de tarifs minimum ou les conditions de déconnexion.

Par ailleurs, à l'échelle européenne, le Parlement européen préconise une directive qui instaurerait une présomption de salariat sans critère. En revanche, dans les autres instances européennes, des propositions visent à instaurer des critères. À cet égard, la position des représentants du Gouvernement français est plus proche de celle d'Uber que celle du Parlement européen. Ainsi, la France est favorable à l'instauration de critères, y compris ceux qui contreviendraient à d'éventuels prix minimums de la course déjà existants dans certains pays. De fait, un soi-disant cadre de dialogue social accordant des droits sociaux pourrait se muer en une arme contre les travailleurs.

Ensuite, il est particulièrement scandaleux que certaines plateformes agissent dans l'illégalité alors qu'elles sont rattachées à des entreprises publiques. À ce titre, avez-vous eu connaissance d'un courrier de mise en demeure adressé par Maître Jérôme Giusti au PDG de La Poste au sujet de du Stuart ? Dans son courrier, il indique que, sans qu'aucun statut ne lui soit reconnu, son client Samir Yalaoui a été chargé de recruter et de rémunérer au nom de Stuart et sous son contrôle, de multiples coursiers motorisés, sur une période courant de janvier 2016 à novembre 2021, soit bien au-delà de l'enquête de l'OCLTI. En novembre 2021, M. Samir Yalaoui a été évincé sans préavis, ni justification sérieuse. Apparemment, il ne serait pas le seul, puisque Maître Giusti auraient plusieurs clients dans le même cas.

Ces faits sont extrêmement graves et n'ont pu être révélés que par l'entremise d'un lanceur d'alerte. Ce système est frauduleux et s'il a été instauré avant l'acquisition de Stuart par Geopost au début de 2017, il s'est néanmoins poursuivi par la suite. Comment la direction de La Poste a-t-elle réagi lorsqu'elle a eu connaissance de ce courrier ? En avez-vous été averti ? Comment pouvez-vous garantir que ces pratiques n'existent pas ?

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