Intervention de Andreea Năstase

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Andreea Năstase, professeure à l'université de Maastricht, spécialiste des questions d'éthique et d'intégrité de la gouvernance :

Je pense qu'Uber a développé une approche spécifique du lobbying. Si tout le monde agissait de la sorte, la situation serait très embarrassante. Uber n'a pu se le permettre qu'en raison de ses très grandes ressources financières et de l'existence d'un réseau dont l'entreprise a tiré profit pour entrer en contact avec les décideurs publics et faire pression sur eux. Elle est également parvenue à modifier le discours public, grâce à une stratégie de communication particulièrement bien rodée. Cependant, il faut souligner que tous les groupes ne mènent pas un tel lobbying. Par ailleurs, la responsabilité est partagée : les décideurs sont plus ou moins sensibles à ce type d'approche.

Uber n'est certes pas la seule entreprise à développer une approche agressive. On peut naturellement penser à l'exemple désormais célèbre des grandes entreprises de l'industrie du tabac, qui ont mis en œuvre un lobbying assez similaire, qui visait à semer le doute sur les effets nocifs de la cigarette sur la santé humaine.

Il est compliqué de lutter contre ce genre de manœuvres ; ce défi est difficile à surmonter. La transparence sur l'agenda des réunions est évidemment essentielle. Mais lorsque la réunion intervient dans un cadre informel comme celui d'un dîner, faut-il la déclarer ? Une solution pourrait consister à adopter une approche multiple. Je pense ici notamment aux règles concernant les cadeaux ou les « hospitalités » pouvant être acceptées par les décideurs. Ainsi, il serait possible de définir des limites. Par exemple, il n'est pas normal de se faire payer un dîner-débat très onéreux par un lobbyiste. Cependant, je ne pense pas qu'il soit possible de tout prendre en compte, de tout réguler et de tout réglementer.

Du côté des représentants d'intérêts, il serait peut-être utile d'étendre la définition du champ d'activité du lobbying. Je crois savoir que, dans le sens traditionnel du terme, le lobbying est une communication directe. Néanmoins, les stratégies de communication peuvent être plus élaborées, notamment à travers les réseaux sociaux. Par exemple, la stratégie des lobbyistes peut consister à mobiliser des chauffeurs Uber pour aller manifester.

Je sais que ces solutions ne sont pas parfaites et j'ai conscience que les réglementations ont toujours un temps de retard par rapport aux lobbyistes. Il est difficile de tout prendre en compte.

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