Intervention de Andreea Năstase

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Andreea Năstase, professeure à l'université de Maastricht, spécialiste des questions d'éthique et d'intégrité de la gouvernance :

Votre question dépasse le strict cadre du lobbying. Deux problèmes cumulatifs se posent selon moi. Le premier a trait à l'existence d'un déséquilibre entre, d'une part, une entreprise comme Uber, qui dispose de moyens importants pour son lobbying et, d'autre part, des intérêts qui ont du mal à mobiliser des ressources. Parfois, ce manque de ressources ne permet tout simplement pas à une voix alternative de se faire entendre. En l'espèce, je pense malgré tout qu'il existe un syndicat représentatif des chauffeurs Uber en France comme il en existe un au Royaume-Uni.

Quoi qu'il en soit, ce problème d'inégalité de moyens est donc difficile à gérer pour les députés. Notre conception du pluralisme démocratique ne correspond peut-être pas tout à fait à la réalité de l'organisation d'un groupe pour représenter un intérêt commun. Il est évident que certains groupes disposent de plus de facilités que d'autres pour conduire de telles actions de lobbying. Il serait erroné de penser que cette organisation s'effectue de manière naturelle.

On peut toutefois souligner que des groupes existants peuvent reprendre la cause des travailleurs de plateformes. Je pense notamment aux ONG œuvrant à la défense des droits des employés, en l'absence d'un groupe qui représenterait spécifiquement les chauffeurs VTC. On peut également encourager les syndicats à élargir leur mandat, pour couvrir les travailleurs de plateformes. En résumé, il existe des réponses, même si elles sont incomplètes.

Le second sujet concerne la consultation des citoyens et d'autres groupes dans l'élaboration du processus législatif. Il est facile de mettre en place un régime juridique qui définit les consultations publiques et permet d'entendre différentes parties prenantes.

Pendant très longtemps, la composition des groupes d'experts qui intervenaient auprès de la Commission était effectuée à la discrétion du directeur général. Il invitait ceux qu'il voulait pour participer à ces groupes. Au fil du temps, la question de l'équilibre nécessaire dans la composition de ces groupes d'experts s'est imposée, pour éviter la présence exclusive de membres de l'industrie. Aujourd'hui, un système de quotas doit être respecté lors de la création d'un groupe d'experts, qui doit par ailleurs faire l'objet d'une annonce publique. Cela rend possible le recrutement de membres d'origines diversifiées. Cet exemple montre qu'il est donc possible d'améliorer les situations.

Le processus formalisé de consultation publique existe en amont de la rédaction d'une législation. Ce cadre peut être employé pour garantir un certain équilibre entre les points de vue. Ces éléments s'appliquent aux exécutifs : il est fréquent que les gouvernements soient obligés de tenir des consultations publiques, qui sont encadrées dans le temps. Je ne suis pas sûr que cette pratique soit aussi répandue du côté des parlements, qui disposent néanmoins d'une plus grande autonomie dans l'organisation de leur travail interne. À cet égard, il pourrait être pertinent de rendre public l'agenda législatif pour informer de l'imminence d'un projet ou d'une décision et faire en sorte que toutes les parties intéressées puissent se faire entendre. Mais ici encore, nous en revenons à la question de la transparence, que nous avons évoquée plus tôt aujourd'hui.

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