Intervention de Danielle Simonnet

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Simonnet, rapporteure :

Dans le domaine de l'empreinte normative, il existe un débat sur la traçabilité des amendements. Dans ma pratique de députée, il peut m'arriver de dire avec fierté que l'amendement que je présente a été travaillé avec la fondation Abbé Pierre ou avec une association, un collectif ou un syndicat. Ceci permet d'ancrer dans le débat l'origine de l'expertise qui a conduit à telle ou telle proposition. La transparence permet ainsi de mieux débattre par la suite.

À l'occasion du scandale des Uber files, nous avons eu vent d'amendements « clefs en main » proposés par la plateforme à différents députés sur différents textes de loi, sans que les députés soient tous au courant de leur provenance, rendant l'opacité encore plus importante, y compris dans la période postérieure aux Uber files. Lorsque nous avons entendu l'ancien parlementaire Luc Belot, il nous a indiqué avoir endossé de tels amendements rédigés par Uber, dans la mesure où il estimait être en accord avec leur contenu sur le plan idéologique. Il a porté les amendements sans expliciter leur provenance de manière publique, ce qui a biaisé le débat et la définition de l'intérêt général. Surtout, il n'avait pas connaissance du « deal » passé à l'époque entre Emmanuel Macron alors ministre de l'Économie et l'équipe dirigeante d'Uber France. Ce « deal » prévoyait que le ministre de l'Économie apporterait un avis défavorable à ces amendements clefs en main. Le débat parlementaire était en réalité un leurre pour ensuite faire passer le « deal » visant à supprimer UberPop pour rendre légitime l'abaissement des exigences de formation permettant à Uber d'inonder le marché avec un plus grand nombre de VTC.

Par conséquent, la question de l'empreinte normative est essentielle pour garantir une plus grande transparence. Néanmoins, simultanément, il est extrêmement difficile de cerner le cadre contraint. C'est la raison pour laquelle je trouve que votre proposition de plateforme est intéressante. Des lobbys envoient un amendement à l'ensemble des députés mais certains d'entre eux n'ont pas forcément l'intelligence de se rendre compte que tous l'ont reçu. Néanmoins, les citoyens n'en ont pas nécessairement connaissance.

Malheureusement, compte tenu des contraintes horaires, nous devrons interrompre cette audition dans quelques minutes. Je précise néanmoins qu'il nous sera possible de vous demander par écrit des compléments d'information ou des propositions. En effet, les Uber files sont particulièrement instructifs en matière d'action des lobbys. Par exemple, des économistes ont été achetés pour réaliser de prétendues enquêtes clefs en main, afin de peser sur l'opinion publique et les décideurs publics. De même, de faux articles ont été rédigés et des manifestants ont été payés pour pouvoir manipuler l'opinion publique par la rue. En résumé, Uber a mis en œuvre une action de lobbying extrêmement agressive.

Par ailleurs, en France comme ailleurs dans le monde, la stratégie d'Uber ne s'est pas contentée de cibler les décideurs publics et de payer des cabinets qui facilitent les mises en relation avec les décideurs publics. Elle a en outre reposé sur le recrutement de décideurs publics. Je pense notamment à David Plouffe, proche de Barack Obama aux États-Unis, à Grégoire Klopp du cabinet d'Alain Vidalies en France ou à Neelie Kroes, ex-commissaire européenne à la concurrence. Avez-vous travaillé sur ces pratiques chez Anticor ? Par ailleurs, la question du pantouflage est patente en France et doit faire l'objet, à mon avis, de moyens de surveillance permanents.

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