Intervention de Benjamin Haddad

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenjamin Haddad, président :

Nous avons l'honneur d'accueillir M. Bernard Cazeneuve, en tant qu'ancien ministre de l'Intérieur, fonction qu'il a exercée entre le 2 avril 2014 et le 6 décembre 2016, avant de devenir Premier ministre jusqu'en mai 2017.

Monsieur le Premier ministre, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de vous être rendu disponible pour répondre à nos questions.

Vous le savez, à partir du 10 juillet 2022, plusieurs membres du consortium international des journalistes d'investigation ont publié ce qu'il est désormais convenu d'appeler les Uber files. S'appuyant sur 124 000 documents internes, datés de 2013 à 2017, cette enquête a dénoncé un lobbying agressif de la société américaine Uber pour implanter en France, comme dans de nombreux pays, des véhicules de transport avec chauffeur (VTC) venant concurrencer le secteur traditionnel du transport public particulier de personnes, réservé jusqu'alors aux taxis.

Dans ce contexte, notre commission d'enquête s'est fixé deux objectifs : d'une part, identifier l'ensemble des actions de lobbying menées par Uber pour pouvoir s'implanter en France et le rôle des décideurs publics de l'époque et émettre des recommandations concernant l'encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d'intérêts ; d'autre part, évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales du développement du modèle Uber en France – l'ubérisation – et les réponses apportées et à porter par les décideurs publics en la matière.

Dans la mesure où vous étiez ministre de l'Intérieur lors du conflit entre les taxis et les VTC en 2014, après l'arrivée d'Uber sur le marché français et que vous avez accompagné M. Thévenoud puis M. Grandguillaume pour résoudre ce conflit, il nous est apparu essentiel de recueillir votre témoignage. D'une manière générale, nous souhaiterions connaître votre appréciation des révélations des Uber files et de l'implantation de la société Uber et des VTC en France.

De façon plus précise, plusieurs questions nous intéressent : tout d'abord, pouvez-vous nous rappeler le contexte du premier conflit entre les taxis et les VTC en 2014 ? Lors de son audition, M. Thévenoud nous a déclaré que, lors de sa nomination comme médiateur, il n'y avait pas de stratégie prédéfinie par le Premier ministre ou le Président de la République pour sortir de cette crise. Il a indiqué qu'il avait fallu discuter avec tous les acteurs pour trouver une solution qui, en pratique, s'est avérée plutôt conservatrice pour les taxis placés sous la responsabilité du ministre de l'Intérieur, alors que Bercy poussait pour obtenir l'ouverture à la concurrence du secteur – avant même l'arrivée d'Emmanuel Macron au poste de ministre de l'Économie.

Pouvez-vous confirmer qu'au départ, il n'y avait pas de position de principe du Gouvernement ? Quelles étaient les relations entre les ministres de l'Intérieur, du Tourisme, des Transports et de l'Économie sur l'émergence des plateformes de VTC à l'époque ? Les positions de chacun étaient-elles connues et transparentes ? Ou y a-t-il eu des manœuvres, des influences opaques des uns ou des autres pour faire valoir leurs positions, que ce soit dans le cadre de la discussion de la « loi Thévenoud » et de la « loi Grandguillaume » ou de leurs décrets d'application ?

L'autre sujet qui a animé nos auditions est la question d'un « deal » qui aurait été révélé par les Uber files. Ce « deal » aurait été préparé par Emmanuel Macron avec vous et Manuel Valls en juillet 2015 pour obtenir la cessation du service Uber Pop en contrepartie d'une réduction des obligations de formation des VTC qui visaient à les aligner sur la formation des chauffeurs de taxi. Pouvez-vous nous confirmer l'existence d'un tel « deal » ?

Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse et retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale.

Avant de vous laisser la parole, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à activer votre micro, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

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