Intervention de Nicolas Schmit

Réunion du jeudi 11 mai 2023 à 14h00
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Nicolas Schmit, commissaire européen à l'emploi et aux droits sociaux :

Dans les discussions en cours, la France défend une dérogation généralisée – ce qui va dans le sens d'une présomption d'indépendance, qui donne raison, a priori, à la plateforme. En effet, il revient aux travailleurs des plateformes de prouver qu'ils ne sont pas indépendants devant une juridiction : c'est en fait la situation qui prévaut actuellement.

Le rapport de force a permis de renverser la situation pour imposer une présomption de salariat, fondée sur des critères, et avec une possibilité, pour la plateforme, de démontrer que ses travailleurs sont bien indépendants. Je ne tiens pas à commenter les positions des États membres : la France n'est pas la seule à émettre des réserves. Cependant, la présomption d'indépendance revient à un statu quo voire pire, ce que la Commission ne peut accepter : il faut au contraire créer davantage de clarté et de sécurité juridique. Sans cela, comment expliquer qu'une extrême majorité des 300 jugements prononcés par des cours reconnaissait un statut salarié ?

Il suffit de prendre l'exemple de Londres : le Royaume-Uni n'est plus membre de l'Union européenne et n'est pas connu pour la fermeté de son droit du travail. Pourtant, la Haute Cour de justice de Londres a statué en considérant que les chauffeurs Uber étaient des salariés et a rappelé les droits qui devaient leur être garantis. Or, comme je l'ai dit au président directeur général d'Uber, ce jugement n'a pas mis fin aux activités d'Uber à Londres, au contraire ! Les faits ne confirment en rien que le statut d'indépendant est nécessaire au fonctionnement de ces plateformes car la demande est là. Si la demande existe, elle perdurera, quel que soit le statut employé.

On m'a souvent fait valoir le surcoût du statut de salarié par rapport à celui de l'indépendant : certes, la prise en charge des cotisations sociales et d'une rétribution plus juste, qui serait alignée sur le salaire minimum ou une convention collective est plus coûteuse ; mais est-ce au travailleur de payer le prix d'un service ? Au contraire, il me semble que le consommateur et la plateforme doivent eux aussi participer à le prendre en charge : c'est une question de justice sociale et de rétribution équitable d'un service rendu et du travail.

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