Intervention de Esther Duflo

Réunion du mercredi 21 juin 2023 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Esther Duflo, professeure au Massachusetts Institute of Technology et au Collège de France, prix Nobel d'économie de 2019 :

Vous avez raison de mentionner l'absence de communiqué. Ce sommet se veut d'emblée une instance plus consultative. Le succès en termes de participation répond au besoin d'avoir une conversation sur le fait que l'organisation du système de coopération internationale ne fonctionne plus comme il devrait fonctionner. Il existe effectivement des points de tension, qui ont été particulièrement saillants lors de la crise de la Covid ou de la crise de la dette. Le FMI éprouve de grandes difficultés à gérer comme il le faisait auparavant les problèmes de dette des pays africains, dans la mesure où d'autres acteurs, comme la Chine, ne jouent pas selon les mêmes règles. Il existe donc un inconfort généralisé.

Dans ce contexte, commencer par une conversation peut se concevoir. L'enthousiasme suscité montre qu'il existe malgré tout un élan, sur lequel il faut capitaliser pour avancer et repenser aux objectifs que nous voulons atteindre en matière de coopération internationale. Comment faire mieux ? Il faut se concentrer là où la coopération fait une différence, c'est-à-dire l'assurance, les biens publics mondiaux et l'innovation. Comment associer le public et le privé ? Mon opinion est sans doute plus sceptique que la vôtre. Dans le domaine climatique par exemple, nous avions beaucoup essayé de nous appuyer sur le secteur privé. Lors des dernières COP, les engagements concernaient essentiellement les secteurs privés qui font en réalité du greenwashing. Même quand les entreprises disent qu'elles atteignent zéro émission nette, elles y parviennent en finançant des projets dont l'efficacité est très contestable, voire clairement nulle.

Je suis donc plutôt encline à faire payer les entreprises de manière explicite, afin de pouvoir utiliser ces fonds sur les trois domaines listés, sans avoir à s'aligner avec les préférences d'un président-directeur général à un moment ou à un autre. Cela n'empêche d'établir un lien avec des efforts sur les émissions de carbone. Si l'on mettait en place l'augmentation de la taxation minimum sur les grandes multinationales dont je parlais, je souhaiterais qu'elle soit minorée ou majorée en fonction du bilan carbone des entreprises.

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