Intervention de Jean-Noël Barrot

Séance en hémicycle du mercredi 11 octobre 2023 à 15h00
Sécuriser et réguler l'espace numérique — Après l'article 5 ter

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du numérique :

Le Gouvernement émet un avis très défavorable sur ces amendements – des amendements similaires avaient été retirés en commission. Essayons de vous convaincre.

L'article 77-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 décembre 2020, rendait possible les réquisitions de données informatiques pour tous types de délits, de presse ou non, sans justification par l'urgence ni limite dans le temps. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, dans sa décision n° 2021-952.

Le Gouvernement et le Parlement ont donc restreint les possibilités de réquisition, en créant l'article 60-1-2 du code de procédure pénale et en révisant l'article 77-1-1 du même code, par la loi du 2 mars 2022, dite loi « Balanant ». Désormais, la réquisition des données de connexion n'est permise que pour les délits passibles d'au moins un an d'emprisonnement, s'ils ont été commis en ligne, et pour ceux passibles de trois ans d'emprisonnement, s'ils n'ont pas été commis en ligne. Autrement dit, depuis la censure du Conseil constitutionnel, la réquisition est impossible, dès que la peine de prison susceptible d'être prononcée est inférieure à un an.

Or vos amendements visent à rendre possible les réquisitions pour des délits de presse passibles de simples amendes. Ils tombent donc dans le champ d'inconstitutionnalité, au vu de la décision du Conseil constitutionnel.

En outre, la Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 2 mars 2021, dit « Prokuratuur », limite plus fortement les réquisitions que le Conseil constitutionnel, n'autorisant celles-ci que dans les dossiers de criminalité grave, et sous le contrôle du juge. Ainsi, le droit français en vigueur irait moins loin que la CJUE en matière de protection des droits de la défense.

La Chancellerie a donc créé un groupe de travail pour résoudre ce problème. Les signataires de ces amendements, ainsi que Mme la rapporteure, ont raison : nous avons besoin de pouvoir procéder à des réquisitions, au moins pour les délits passibles de peines supérieures à un an d'emprisonnement – peut-être pour des délits moins graves –, afin de retrouver les auteurs et de les sanctionner.

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