Intervention de Frédéric Delorme

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 10h30
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe :

Nous savions que la Commission européenne allait instruire sérieusement le dossier de Fret SNCF. En revanche, s'agissant des politiques publiques passées, deux types de politiques auraient pu être cumulées : celle du pollueur-payeur et celle du non-pollueur aidé. Certains pays choisissent les deux, d'autres l'une plutôt que l'autre. Ce n'est que récemment, depuis 2020, que la France s'est dotée d'un plan de relance qui soutient le fret ferroviaire à un niveau de subventions jamais atteint jusqu'alors, à savoir 200 millions d'euros d'ici à 2030.

Nous souhaiterions qu'une loi de programmation sécurise rapidement ces 200 millions d'euros car il y a urgence. En 2024, nous allons souffrir en raison de la désimbrication des flux que nous devons abandonner. Pour l'opérateur historique et les autres opérateurs, il conviendrait que la loi de programmation soit effective dès 2024, au moins partiellement, et sécurisée jusqu'en 2030.

Concernant les 4 milliards d'euros d'investissements, il nous faudrait des objectifs calendaires et une visibilité sur dix ans. Le fret ferroviaire s'inscrit dans le temps long. On ne peut pas procéder à la décarbonation ou au report modal en deux ans. Il faut donner de la visibilité aux acteurs économiques. Nous en sommes d'autant plus demandeurs que la Commission européenne nous explique que pour parvenir à une « discontinuité juridiquement robuste », nous devrons ouvrir le capital. Un nouvel investisseur minoritaire dans la SNCF posera évidemment la question de la visibilité.

Au-delà des investissements de modernisation, de régénération, de développement des branches voyageurs et fret, il manque sans doute des investissements de désaturation. Des pays ont des installations permanentes de contresens sur toutes leurs voies. Qu'en est-il des investissements de désaturation du nœud lyonnais ou de l'Île-de-France ? Ils doivent absolument être inscrits dans la loi de programmation.

Concernant l'articulation avec le fluvial, SNCF Réseau a une convention sur l'intégration des infrastructures. En tant qu'opérateur, nous échangeons énormément avec VNF et nous développons des connexions sur les ports avec des plateformes combinées (Strasbourg, Le Havre). À travers notre filiale Forwardis, nous vendons du transport maritime aux chargeurs souhaitant du transport ferroviaire ou fluvial.

L'accès aux sillons est le nerf de la guerre, la ressource clé : il faut de la place sur les voies pour rouler dans un certain horaire. Si votre horaire est en dehors du marché, vous n'aurez pas de clients. Si votre horaire est irrégulier, vous consommerez plus de locomotives et de moyens, donc vous proposerez un prix au-delà du marché. SNCF Réseau a beaucoup progressé depuis quelques années, mais nous n'avons pas la garantie de disposer des sillons permettant de développer nos volumes d'ici quatre à cinq ans. Cela rejoint la question des investissements de désaturation. Le problème de Fret SNCF peut devenir celui de SNCF Réseau au regard de l'équilibre économique.

Pour ce qui est du cadre incitatif, j'ai déjà cité plusieurs d'éléments : une loi de programmation, l'augmentation des aides au wagon isolé dès 2024, la capacité et les sillons, les investissements de désaturation.

Quant aux mesures fiscales, je laisse le débat aux hommes et femmes politiques pour savoir si le transport routier doit être taxé. Évidemment, cela aiderait le ferroviaire, mais je suis aussi favorable aux aides lorsque la route est contributrice d'un développement durable. Les transporteurs routiers français qui font l'effort du transport combiné ou d'amener les marchandises à des gares de marchandises ne bénéficient aujourd'hui d'aucune aide pour investir dans des camions adaptés ou pour transférer la palette sur le rail. Cette aide constituerait un signal vertueux et profiterait aux pavillons et aux emplois français de la route. Le développement actuel est essentiellement porté par des pavillons étrangers de transit qui bénéficient de politiques antérieures.

Sur le plan réglementaire, les sites industriels ou logistiques pourraient être forcés de s'embrancher lorsque cela est possible. Des voies de débord pourraient aussi être envisagées dans les plateformes combinées pour faire du rail-route conventionnel. Certains pays ont par exemple décidé que tous les transports de déchets de longue distance devaient passer par le rail.

Il s'agit d'une panoplie des mesures complémentaires du plan de relance, dont le socle est bon. Elle permettrait, à n'en pas douter, d'atteindre le doublement de la part modale du fret ferroviaire.

Enfin, je sais qu'un travail est en cours sur les certificats d'économies d'énergie pour les locomotives électriques.

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