Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 10h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix heures trente.

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Mes chers collègues, nous sommes réunis pour trois journées consécutives d'auditions. En ouverture de cette longue séquence, nous accueillons M. Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe. Vous êtes, monsieur le président, un pur produit de la maison SNCF. Entré au groupe public ferroviaire en 1991 comme chef du département des ouvrages d'art, vous avez été aussi directeur commercial de Fret SNCF de 2001 à 2004, à l'époque où Francis Rol-Tanguy en assurait la présidence et la direction. Même si nous vous interrogerons essentiellement sur la période contemporaine, il est possible que certains de mes collègues souhaitent vous questionner également sur le passé.

Vous êtes accompagné de M. Jérôme Leborgne. Entré dans le groupe en 1991, il est lui aussi un pur produit de la maison SNCF, même s'il a travaillé dans des services plus commerciaux et orientés « voyageurs » que le fret. M. Leborgne a rejoint Fret SNCF en 2018 et en assure la direction générale.

Rail Logistics Europe est l'entité créée en 2021 qui regroupe l'ensemble des activités de fret et de logistique ferroviaires de la SNCF et de ses filiales, dont Geodis.

La procédure dont Fret SNCF fait l'objet a été ouverte en janvier 2023 par la Commission européenne à la suite de plaintes de concurrents, déposées puis retirées dès 2016. Elle est l'élément déclencheur de la création de cette commission d'enquête. Le « plan de discontinuité » que le gouvernement français a annoncé pour protéger Fret SNCF d'une éventuelle condamnation fait débat.

Plus largement, nous souhaiterions que vous nous présentiez la situation de l'entreprise, à la veille d'une très grande transformation – la disparition de Fret SNCF au profit des deux entités qui lui succéderont, l'une dédiée aux activités de fret et l'autre aux activités de maintenance –, et ses atouts et fragilités au regard de la situation que vous avez pu connaître il y a vingt ans. Nous souhaitons également vous entendre sur la manière dont s'organisent actuellement la concurrence en matière de fret ferroviaire et la relation entre les opérateurs présents sur les différents segments de marché, notamment sur les trains longs. Nous voulons également revenir sur les attentes de vos salariés et les perspectives qui leur sont offertes ; mais également sur les attentes de vos clients, sachant que cet argument a été mis en avant par le ministre Clément Beaune. Enfin, nous voudrions connaître la façon dont vous préparez la naissance d'un nouvel opérateur public de référence, plus concentré sur le segment de la gestion capacitaire, et dont vous entendez relever le défi du doublement de la part modale du fret ferroviaire à l'horizon 2030, pour passer de 9 à 18 %.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(MM. Frédéric Delorme et Jérôme Leborgne prêtent serment.)

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Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe

Rail Logistics Europe est une somme de sociétés. Fret SNCF représente 750 millions d'euros de chiffre d'affaires sur 1,7 milliard d'euros pour l'ensemble des activités qui placent Rail Logistics Europe comme numéro deux européen. Fret SNCF est le « bateau amiral » de Rail Logistics Europe, dont toutes les filiales se situent dans l'Ouest européen et contribuent au développement de l'ensemble du fret ferroviaire public. Fret SNCF est numéro un en France avec 48 % de parts de marché, mais 50 % de son activité s'effectue à l'international. Par conséquent, tous les grands comptes sont européens. Contrairement au trafic passagers, une entreprise qui n'est pas européenne n'existe pas dans le fret ferroviaire, même s'il existe bien entendu des trafics franco-français.

Je suis président non exécutif de Fret SNCF depuis le 1er mars 2020. Le confinement dû à la crise du covid a contribué à faire prendre conscience de l'importance du fret ferroviaire. Jérôme Leborgne est quant à lui directeur général exécutif depuis le 1er mars 2018, avant la réforme.

Le secteur du fret ferroviaire était en difficulté partout en Europe et particulièrement en France, du fait d'un fond de désindustrialisation et d'une concurrence peu accompagnée par des politiques publiques qui auraient vraiment pris en compte la disparité entre le rail et la route, à savoir que la route ne paye pas ses externalités négatives. Le carbone est souvent évoqué, mais il y a également le sujet des économies d'énergie. Il faut savoir qu'une tonne transportée par le rail utilise six fois moins d'énergie que par la route, quel que soit le type d'énergie. Par ailleurs, des accidents de la route sont évités, ainsi que des morts prématurées dues à la pollution et à la congestion. En prenant toutes les valeurs tutélaires édictées par Bruxelles, par rapport à la valeur carbone, les écobénéfices sont cinq fois supérieurs. Nous en sommes au tout début de la prise de conscience que le fret ferroviaire répond à de nombreux enjeux du bien public.

En Suisse ou en Autriche, les parts de marché du fret ferroviaire sont historiquement plus élevées, mais on trouve une corrélation très directe avant 2020 entre le nombre de subventions publiques accordées aux secteurs vertueux et la part de marché. Par ailleurs, ces pays font peser des contraintes sur le secteur routier, notamment pour les traversées alpines.

Depuis le covid, nous assistons à une renaissance du fret ferroviaire. Il faut en rendre hommage aux cheminots de Fret SNCF, notamment pendant la crise sanitaire. Nous nous sommes rendu compte que le fret ferroviaire était indispensable au transport des marchandises, en particulier pour livrer les supermarchés.

À la lame de fond de l'urgence climatique s'est ajoutée depuis deux ans une crise énergétique due à la guerre en Ukraine. La question de l'accès à une énergie décarbonée à un prix raisonnable est devenue absolument fondamentale.

Pendant la crise sanitaire, l'ensemble des acteurs du fret ferroviaire s'est constitué en alliance 4F – Fret ferroviaire français du futur – pour répondre à la demande du Gouvernement de relancer le fret ferroviaire. Bonne nouvelle, nous avons été entendus, puisque le Gouvernement a annoncé récemment 200 millions d'euros d'aides par an sur les péages, le wagon isolé et le transport combiné. Par ailleurs, 4 milliards d'euros d'investissements ont été annoncés pour le développement du fret ferroviaire. J'en remercie le Gouvernement. L'objectif d'un doublement de la part modale du fret ferroviaire d'ici à 2030 ayant été inscrit dans la loi Climat et résilience, nous avons une obligation de résultat.

Autre bonne nouvelle : les premiers effets s'en font ressentir, puisque la part de marché a augmenté en 2021 par rapport à 2020, et continue à augmenter en 2022.

L'ouverture formelle par la Commission européenne d'une procédure pour aides d'État illégales a été un choc. L'État étant visé au premier chef, il a engagé des discussions avec la Commission. Depuis 2016, nous craignions une sanction, mais celle-ci a été un choc pour tous les salariés, cheminots de fret, dirigeants, syndicats, car elle survient à une période où l'entreprise était revenue à l'équilibre, où il n'y avait pas de plainte et où le plan de relance a été décidé. Ces différents éléments n'ont pas suffi à convaincre la Commission. Il s'agit sans aucun doute d'une sanction de la période d'avant la réforme, à savoir de 2007 à 2019.

Tout au long de la discussion, la SNCF a été totalement solidaire de l'État sur les quatre lignes rouges suivantes, à savoir : pas de licenciement et l'obligation que chaque salarié retrouve un emploi quoi qu'il arrive ; une viabilité économique ; pas de report modal inversé vers la route ; pas de privatisation et le maintien d'une activité fret forte au sein de SNCF.

Il y a vingt ans, je travaillais déjà dans la branche fret en tant que directeur commercial, au tout début de l'ouverture à la concurrence. Nous avons assisté à une période de déclin. La ligne de conduite des dirigeants était de se considérer comme un investisseur avisé au sens où ils croyaient au retour à l'équilibre, en raison, précisément, des enjeux écologiques. Malheureusement, cette période a été marquée par des chocs économiques et des crises sociales, sur fond de désindustrialisation. La France n'a pas mené de politique publique comparable aux autres pays. À titre d'exemple, l'écotaxe, votée en 2009 et abandonnée en 2014, représentait l'espoir d'un retour à l'équilibre en rétablissant la compétitivité du rail. La période a profité aux pavillons routiers étrangers, dont l'activité a été multipliée par 2,5, tandis que celle du pavillon routier français est restée stable. La France est devenue un pays de transit.

Aujourd'hui, le fret est immédiatement disponible pour répondre aux enjeux des crises énergétique et climatique et à ceux de la réindustrialisation. Décarboner la route prendra énormément de temps. Il faut être réaliste : l'enjeu est immédiat et le fret a, tout de suite, les caractéristiques qui répondent aux besoins de société.

L'ouverture à la concurrence en 2003-2006 a été double et déséquilibrée. Les plus de 5 milliards d'euros de dette analytique accumulée sont dus au déficit du wagon isolé pour 50 %, aux coûts sociaux particuliers que supporte l'entreprise pour le régime de retraite pour 25 % et aux frais financiers afférents.

La première plainte a donné lieu à une procédure informelle de discussion entre l'État et la Commission européenne. Fret SNCF s'est toujours battu en sa qualité d'investisseur avisé et en faisant preuve de pédagogie. Nous avons essayé de convaincre, avec l'État, de l'existence d'une double concurrence en raison de la porosité entre la route et le rail. Le risque de report vers la route ne pouvait être ignoré. Par ailleurs, il existait une spécificité du modèle du wagon isolé.

Le 1er janvier 2020 n'a rien changé au risque de qualification d'aide d'État illégale. En effet, en tant que business unit de l'EPIC Mobilités, compte tenu de l'obligation de séparation comptable imposée par les directives européennes, le jugement et la sanction de la Commission européenne auraient été les mêmes. Pour que la filiale Fret SNCF ne soit pas condamnée, la dette analytique de 5 milliards d'euros a été constituée et positionnée au niveau de la SNCF SA. Mais la Commission européenne a considéré que ce n'était pas pour solde de tout compte.

En 2022, nous avons assisté à une accélération des questions de la Commission européenne. Le terme de « discontinuité » a été prononcé pour la première fois. La menace orale d'un scénario de type Alitalia a été exprimée – avec la réduction de moitié des activités, des actifs et des personnels et la privatisation. Elle franchissait toutes les lignes rouges.

Le moment clé a été l'ouverture formelle de la procédure le 18 janvier 2023, malgré les arguments de Fret SNCF. La Commission européenne a donné rendez-vous à l'État dans dix-huit mois. Seules deux solutions s'offrent à nous. La première est le remboursement des 5 milliards d'euros de dette, qui aurait pour conséquence la mort et la liquidation économique de Fret SNCF. En tant que dirigeants, nous ne pouvons pas prendre ce risque pour nos 5000 salariés et nous devons préserver l'activité de fret au sein de la SNCF. L'État nous a donc demandé de travailler avec lui sur un scénario de discontinuité, très difficilement acceptable mais qui respecte nos quatre lignes rouges.

Sur le droit à la concurrence, la Commission européenne a démonté tous nos arguments. En revanche, sur le droit de l'environnement, nous avons été tout de même entendus, car nous avons démontré que si nous démutualisions une partie de l'activité de fret, ce n'était pas viable économiquement car nous reportions des charges fixes sur des trafics que nous conservions alors que nous en perdions. Si Fret SNCF disparaît, c'est 1 million de camions en plus sur les routes, soit, tôt ou tard, un bilan carbone absolument catastrophique.

Sur le plan du droit, notre message a été pris en compte. Le plan de discontinuité, plus modéré que celui d'Alitalia, n'est pas souhaité par Fret SNCF mais il permet de préserver l'essentiel.

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Jérôme Leborgne, directeur général de Fret SNCF

Dans ce contexte, nous avons deux priorités.

La première – la priorité absolue – est de soutenir et accompagner les agents de Fret SNCF, notamment les 10 % directement concernés par la perte des vingt-trois flux. Il s'agit de trouver une solution à chacun, essentiellement par des mobilités au sein du groupe SNCF en jouant totalement la carte de la solidarité. Je rappelle qu'il n'existe pas de licenciement économique à la SNCF. Les agents statutaires et les agents contractuels seront traités de la même manière, sans distinction. Il convient de donner le sens des transformations à venir. C'est important pour préserver l'engagement des cheminots, qui est essentiel à la réussite. Je souhaite à mon tour saluer l'engagement et la résilience des cheminots de Fret SNCF qui ont contribué, par leurs efforts, à ce que l'entreprise obtienne pendant deux années consécutives – 2021 et 2022 – une marge opérationnelle positive, ce qui constitue un fait historique. Ces cheminots vivant bien sûr la situation assez difficilement, notre priorité est de les soutenir et de les accompagner dans cette période.

La seconde priorité est de développer l'activité sur le cœur de métier de la future entreprise ferroviaire qui prendra la suite de Fret SNCF, à savoir la gestion capacitaire de trafics mutualisés. Pour mémoire, il s'agit d'un système industriel de trains en tapis roulant sur les grands axes qui irriguent l'ensemble du territoire français, acheminant tous types de formats : un ou plusieurs wagons isolés, des trains ou des coupons – c'est-à-dire des lots plus ou moins grands de wagons intégrés à un train existant. Ce système offre un éventail très large pour servir de vecteur de report modal et pour contribuer à la réindustrialisation du pays, tout en « verdissant » la chaîne logistique des industriels. Une tonne-kilomètre transportée par le rail représente huit fois moins de particules fines et neuf fois moins de CO2 dégagés que la même tonne-kilomètre transportée par la route. Avec Fret SNCF, c'est même quatorze fois moins, puisque 90 % de nos kilomètres sont réalisés avec des locomotives électriques, les 10 % restants en diesel en l'absence de caténaires.

Fret SNCF ou l'entreprise qui la remplacera ne sera pas tout à fait une entreprise comme les autres. Elle aura une vocation d'intérêt général à travers ce système mutualisé. En effet, lorsque Fret SNCF transporte des wagons nucléaires, des matériels militaires ou des matières très dangereuses qui ne peuvent pas passer par la route dans les vallées des Alpes, elle remplit une sorte de mission d'intérêt général. Et c'est une fierté et une motivation pour les cheminots de Fret SNCF.

Ce système ne peut fonctionner que si Fret SNCF dispose d'infrastructures en bon état. Pour le système mutualisé, il s'agit principalement des triages, des faisceaux ferroviaires et des voies de service utilisées pour remanier les trains.

L'effort réalisé par l'État depuis 2021, à travers les deux volets de son plan de relance, doit être souligné. Les 4 milliards d'euros d'investissement annoncés ont commencé à être dépensés concrètement pour les travaux de Woippy près de Metz, qui est le plus grand triage de France, mais aussi pour ceux de Miramas, site stratégique de triage proche des ports de Fos-sur-Mer et de Marseille.

Les 170 millions d'euros de subventions deviendront 200 millions d'euros à partir de 2025. Une augmentation sera éventuellement possible dès 2024, que nous appelons de nos vœux. En effet, plus tôt nous ferons du report modal, plus nous accélérerons la transition écologique et la décarbonation.

Dans tous les cas, ce plan de relance est une excellente nouvelle, réclamée par le secteur à travers la coalition 4F.

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Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe

La mauvaise nouvelle est que nous allons tout de même perdre 30 % du trafic, 20 % du chiffre d'affaires et 10 % des effectifs. C'est un moindre mal par rapport au scénario Alitalia dont nous étions menacés ; il n'empêche que la nouvelle est extrêmement dure. Pour autant, la volonté de l'entreprise est de faire perdurer et de développer l'activité, et non simplement de la stabiliser.

Il y a vingt ans, seul le prix importait alors qu'à présent les chargeurs ont la volonté d'intégrer la valeur carbone dans leurs décisions. C'est une voie pour concilier l'économie ouverte de concurrence et l'intérêt général.

Fret SNCF devra partir à la reconquête de son chiffre d'affaires et même dépasser son chiffre d'affaires actuel. Nous conservons l'ensemble du marché industriel qui recourt à la gestion capacitaire. Le wagon isolé n'est que la moitié de l'activité, l'autre moitié absolument fondamentale étant représentée par les trains entiers à fréquence irrégulière couvrant les territoires nationaux ou internationaux.

Votre commission d'enquête a pour but de faire émerger des propositions pour développer le fret ferroviaire. Tout en saluant le plan annoncé par le Gouvernement, nous avons des propositions pour aller plus loin, qui concernent la loi de programmation, l'accès aux sillons, la capacité, et un cadre fiscal et réglementaire incitatif. De ce point de vue, il est possible de proposer des mesures périphériques, mais importantes, qui viendraient compléter le dispositif formidable de 200 millions d'euros par an jusqu'en 2030 et de 4 milliards d'euros d'investissement pour le fret. En agissant sur d'autres facteurs, nous pourrons accélérer le report modal vers le ferroviaire et aider cette nouvelle société à être plus pérenne.

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À propos de l'Europe, vous avez ouvert votre propos sur une comparaison, plus implicite qu'explicite, avec les politiques de soutien à l'activité de fret ferroviaire qui se développaient à l'étranger de façon plus précoce qu'en France. Vous avez notamment évoqué le fait que, pendant longtemps, les subventions publiques étaient plus élevées à l'étranger qu'en France, ce qui expliquait que les parts modales se soient moins effondrées, se soient maintenues et même parfois aient progressé dans des pays comme l'Autriche, la Suisse, l'Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas.

À l'aune de cette analyse, diriez-vous que la politique de développement du fret ferroviaire en France a souffert d'une forme d'absence de stratégie globale pendant longtemps, et au moins dans les années 2000 ? La dégradation de la part modale est-elle la conséquence de cette absence de stratégie jusqu'en 2017, avant la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire en 2021 ? C'est parfois le sentiment qui ressort des auditions menées la semaine dernière.

Quant à la nature des subventions publiques, un des reproches formulés par l'Union européenne concerne la reprise de la dette de Fret SNCF au moment où la dette du groupe public ferroviaire est elle-même reprise en partie par l'État – d'où la qualification d'aides publiques indues à Fret SNCF également. Seriez-vous d'accord avec l'idée qui consisterait à dire que, pendant longtemps, nous avons soutenu l'offre en matière de fret ferroviaire alors que nous sommes passés aujourd'hui à une politique de soutien de la demande avec des subventions publiques ? Pourriez-vous revenir sur la nature de ces aides ? Nous connaissons les aides à la pince ou aux péages. Il existe une compensation pour les chargeurs, mais existe-t-il une compensation pour SNCF Réseau du moindre niveau des péages par rapport aux voyageurs ? Diriez-vous que l'une des faiblesses de Fret SNCF pendant les deux dernières décennies a été l'absence de stratégie européenne ? C'est en tout cas ce qu'a affirmé M. Francis Rol-Tanguy, l'un de vos prédécesseurs.

Vous avez qualifié la décision annoncée par le Gouvernement de « choc », même si elle était prévisible. Vous nous expliquez qu'en 2019, au moment de la transformation du groupe, la question de la reprise de la dette de Fret SNCF avait bien été évoquée avec la Commission européenne, qui avait convenu d'en reparler plus tard. Pourriez-vous étayer et développer cette affirmation ? Vous avez évoqué un dialogue avec l'Union européenne qui aurait débuté en 2020 et vous indiquez avoir été entendus sur le risque de perte de part modale et de report modal inversé. Pouvez-vous nous expliquer la forme que prenaient ces échanges, qui intéressent très directement la commission d'enquête ? Enfin, sur les vingt-trois liaisons qui vont devoir être cédées par Fret SNCF, quel est l'état des échanges éventuels, formels et informels, avec vos concurrents qui laisseraient à penser que cette reprise puisse se faire dans de bonnes conditions afin de rassurer les chargeurs ?

Par ailleurs, vous affirmez que l'activité de Fret SNCF s'est profondément modifiée ces dernières années avec l'intensification de la prise en compte, depuis cinq ou six ans, chez les entreprises mais aussi chez les décideurs publics, de la question de la décarbonation. À l'écoute des débats sur le fret ferroviaire dans les années 1990 et 2000, il est très frappant de constater que pendant assez longtemps, le sujet du fret ferroviaire n'était pas associé à celui de la transition écologique. Seul le Grenelle de l'environnement l'évoquait. Plusieurs de nos interlocuteurs l'ont reconnu et vos propos vont dans le sens de ceux tenus au cours de notre première semaine d'auditions.

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Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe

Concernant les politiques publiques, je tiens à votre disposition une courbe montrant la corrélation assez surprenante entre les aides publiques d'État et les parts de marché des différents pays européens. Le tableau des ratios place la France et l'Espagne en dernier, l'Autriche et la Suisse en haut de la liste, et l'Italie et l'Allemagne au milieu – sachant que le fret ferroviaire représente en Allemagne 18 % des parts de marché. Il serait cependant un peu simpliste d'affirmer que les aides publiques sont le seul facteur. Le fret ferroviaire doit encore faire des progrès pour se moderniser, car pendant des années il n'a pas suffisamment investi.

Effectivement, la stratégie doit porter sur les deux volets : pollueur-payeur ou non-pollueur aidé. Les deux questions doivent être posées. Mme Anne-Marie Idrac a affirmé qu'il était difficile d'envisager la taxation de la route mais certains pays le font malgré tout. En tant qu'entrepreneur, j'applique la stratégie telle qu'elle est définie par les politiques publiques. Je ne gère pas la politique publique de report modal, je ne crée pas les taxes, qui sont juste une donnée pour nous. Le fait est qu'il n'y a pas eu d'écotaxe. En France, aujourd'hui, le principe pollueur-payeur n'est pas mis en avant. Par conséquent, il faut aider les secteurs vertueux. Depuis 2020, le plan de relance est tout à fait à la hauteur et comparable à d'autres pays où ma part modale est de 18 %. Pour autant, des mesures complémentaires peuvent encore être prises.

Sur la reprise de la dette, la Commission européenne reproche à l'État français – et indirectement à la SNCF – que les aides publiques dites « illégales » aient été au bénéfice unique de Fret SNCF et non pas du secteur. Il existe aujourd'hui des aides publiques légales, adressées à tout un secteur, et des règles pour les obtenir. Ces aides pourraient être déplafonnées. Il est possible également d'obtenir un soutien de la demande. Fait nouveau, l'État français a commencé à aider les chargeurs à travers les certificats d'économies d'énergie. Jusqu'à présent seuls les entreprises ferroviaires ou les opérateurs de combiné étaient aidés. Or les chargeurs peuvent aussi être aidés à faire du report modal.

Pour augmenter le fret ferroviaire, il faut davantage de sillons. Or dans le modèle économique de SNCF Réseau et du TGV, les voyageurs sont plus contributifs que les péages. Le fret ferroviaire ne représente pas des recettes très importantes. Pour autant, les péages en France sont plus élevés que la moyenne européenne.

Il est possible d'apprécier l'utilité publique du fret ferroviaire en termes de bénéfices sociaux, économiques, environnementaux, climatiques, énergétiques. Il s'agit aussi de rendre notre économie plus compétitive, car les chargeurs ont besoin de décarboner dans le cadre du « scope 3 », qui englobe la logistique et le transport.

Pour dénouer le vrai nœud gordien, il faudra multiplier le fret par deux, répondre à la demande de développement de l'activité voyageurs et réaliser les nombreux travaux nécessaires. Comment désaturer le réseau ? Et comment faire en sorte que le modèle économique soit supportable si l'on dégage des sillons de qualité pour le fret, notamment la nuit ? Il faudra en effet réaliser des travaux sans doute plus onéreux, et le contrat de performance de SNCF Réseau devra intégrer cette dimension.

Sur l'absence de stratégie européenne, notamment au niveau du groupe, ce qu'a indiqué M. Francis Rol-Tanguy était vrai à l'époque. J'ai pris mes fonctions en 2020. Fret SNCF réalise 50 % de son activité à l'international, en partenariat avec d'autres entreprises historiques. Nous sommes par ailleurs présents à travers d'autres filiales puisque nous sommes deuxièmes en Espagne, en Italie et en Belgique, troisièmes en Allemagne. Mes prédécesseurs ont réalisé de nombreuses acquisitions qui placent aujourd'hui Rail Logistics Europe au rang de numéro deux européen, avec une présence physique dans tous les pays. Et nous connectons les filiales – y compris Fret SNCF – entre elles pour développer des activités en commun.

Effectivement, nous savions que la Commission européenne allait instruire le sujet. Nous nous sommes battus pour qu'elle n'ouvre pas la procédure formelle. Nous savions qu'à un moment, des confrontations auraient lieu avec la Commission européenne, un débat juridique autour de ces « aides d'État illégales ». Le choc est que la Commission européenne ait vraiment ouvert la procédure, et ce en l'espace de six mois, alors que l'instruction avait commencé depuis 2016. Je pense que la conviction de la Commission était déjà faite. Le risque qui pèse sur Fret SNCF est considérable, puisque la voie normale est le remboursement de 5 milliards d'euros. Nous nous sommes battus jusqu'au bout, avec des arguments juridiques que la Commission européenne a éliminés un à un.

Je précise que je n'ai pas pris part aux débats qui ont eu lieu au moment de la réforme car je suis arrivé le 1er mars 2020. J'ai cependant repris tous les écrits des groupes de travail de Fret SNCF, avec les administrateurs salariés, ainsi que les procès-verbaux des diverses instances – comité central du groupe public ferroviaire, conseil de surveillance, conseil d'administration de SNCF Mobilités. Il apparaissait clairement qu'une décision de la Commission européenne serait prise à un moment donné. Les plaignants ont considéré qu'à partir du moment où l'on filialisait, on se comportait normalement sur le marché. Or il n'était pas possible de filialiser le fret sans placer cette dette analytique au niveau de SNCF SA, de manière transitoire, le temps que la Commission européenne prenne position définitivement et officiellement sur le dossier de Fret SNCF.

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Jérôme Leborgne, directeur général de Fret SNCF

Concernant les vingt-trois flux, nous avons écrit officiellement aux clients le 31 juillet 2023, après le processus de passage en instance, pour leur signifier que nous devions arrêter ou ne pas renouveler les contrats en fin d'année. Ils doivent nous répondre pour la fin septembre. Dans le courant du mois d'octobre, nous devrons contractualiser des sous-traitances dans le cas où les repreneurs le demanderaient. Une dizaine de clients sont concernés par ces vingt-trois flux, essentiellement des opérateurs de transport combiné. Nous savons qu'ils ont consulté les autres entreprises ferroviaires, avec lesquelles nous sommes en contact étroit. Nous tenons à leur disposition un dispositif facilitateur, à savoir des conducteurs sur la base du volontariat et des locomotives correspondant à ces flux. Nous pouvons les vendre s'ils sont acheteurs. Nous devons en outre assurer la sous-traitance pendant un temps défini – de un à trois ans – si les repreneurs le demandent. Il sera en effet impossible de reprendre 6 milliards de tonnes-kilomètre d'ici la fin de l'année 2023.

À ce jour, nous savons de manière formelle que trois flux du même opérateur de transport combiné seront repris par une entreprise ferroviaire sur ses propres moyens, a priori en fin d'année. Nous savons également qu'un client – le train des primeurs – a activé une clause dérogatoire qui consiste en ce que Fret SNCF puisse assurer le trafic jusqu'au mois de juillet 2024, puisque ce client travaille en campagne entre octobre et juillet.

Des discussions nourries sont en cours sur l'ensemble des autres flux. À dire d'experts, une petite minorité de flux pourrait être reprise en fin d'année, une autre partie au mois de juillet, et nous pourrions assurer la sous-traitance pour des repreneurs par la suite. Nous imaginons que la perte des flux sera lissée sur un à trois ans. Je n'imagine pas qu'il puisse y avoir de report modal inversé sur ces flux car les entreprises ferroviaires sont intéressées. Au moins deux d'entre elles ont engagé des écoles de conduite, sachant que six à douze mois sont nécessaires pour embaucher et former un conducteur de train. Une autre entreprise est intéressée par nos locomotives. Le marché a réagi, et c'est normal car ces flux correspondent à une activité classique de trains longs sur le territoire, avec des moyens dédiés. Nous pensons que les flux seront repris progressivement et qu'il ne devrait pas y avoir de rapport modal inversé.

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Nous sommes visiblement à l'aube d'un nouveau plan concernant l'opérateur public de fret. Nous avons vécu de nombreux plans depuis 2003, qu'il s'agisse de plans de relance ou de plans de restructuration, et à chaque fois nous en avons constaté l'échec, y compris lorsqu'ils s'accompagnaient d'engagements publics, indépendamment de l'accord européen de 2005. À chaque étape, cela s'est traduit par une attrition certaine des moyens matériels et humains de l'opérateur public.

Le nouveau plan « de sauvegarde » serait la moins mauvaise solution, selon le ministre des transports. Il reste pourtant des interrogations sur les lignes rouges, dont celles des opérateurs – notamment du président de l'Association française du rail (AFRA) – et des partenaires, dont les salariés.

Ce plan auquel vous travaillez désormais a-t-il fait l'objet d'une étude d'impact ou d'une étude d'approche qui permettrait d'esquisser ce que serait ce nouvel opérateur et le paysage général de la filière ?

Une des premières inquiétudes est la question de l'attractivité du métier après ce nouveau soubresaut affectant la filière. Vous avez souligné l'enjeu du métier, notamment de celui de conducteur. Pourriez-vous nous en dire plus sur les enjeux « métier » dans la prospective que vous menez ?

Vous avez indiqué être confiants dans la viabilité économique de la future entité et dans le développement de la gestion capacitaire. Or l'étiage de la réindustrialisation et de la remise en état des infrastructures s'analyse au minimum à moyen terme. La stratégie nationale vient de s'engager et l'horizon 2030 se rapproche. Lorsque l'on considère à la fois la part déterminante de la rénovation des infrastructures et la perspective de réindustrialisation, quelle viabilité peut être garantie au wagon isolé et au groupement de wagons ?

La troisième question porte sur la garantie de non-report modal. M. Jérôme Leborgne a indiqué qu'il était convaincu qu'un lissage sur trois ans permettrait d'éviter tout report modal sur la route. Pouvons-nous considérer qu'il s'agit d'un engagement ferme ?

Enfin, dans quel paysage s'intégrera l'opérateur de demain ? Qui, si ce n'est l'opérateur public, peut être la « locomotive du fret », quel que soit du reste le pays concerné ? Les économistes libéraux eux-mêmes affirment que le marché est difficile et dégage peu de marge, voire du déficit. Compte tenu de la nature même de l'activité de fret, une locomotive du marché détenant 50 % des capacités de trafic est nécessaire. S'agira-t-il de la future entité, ou à défaut de Rail Logistics Europe, ou bien encore de la concurrence – par exemple DB Cargo, filiale de la Deutsche Bahn, qui est elle-même visée par une enquête européenne ?

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Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe

Deux phénomènes distinguent le plan actuel des plans précédents. Il y a d'abord la demande du public d'agir urgemment pour le climat – l'urgence en matière d'énergie suivra très rapidement. De plus, si nous cultivons la conscience du risque de pollution, de morts prématurées, d'accidents de la route, nous offrons une valeur très élevée pour la société, qui se retrouve dans le débat public.

Il faut également souligner que ce plan est le premier qui, en plus d'investissements bien ciblés sur le fret ferroviaire, offre un soutien non seulement au secteur, mais aussi aux chargeurs, favorisant ainsi l'investissement et le report modal. Nous utiliserons ces subventions non pas uniquement pour combler un déficit, mais également pour moderniser notre outil.

Les politiques publiques ont montré qu'il était possible de renverser la situation. Elles ont atteint 10,4 % de parts de marché en 2021, contre 9 % auparavant. Nous espérons avoir mis en place un mécanisme nous permettant de relever le défi du report modal de la route vers le rail, qui est la seule solution dans les deux prochaines décennies pour apporter rapidement des solutions aux problèmes posés dans le domaine des transports de marchandises.

Pour ce qui est des études d'impact, nous avons d'abord analysé l'impact social, ensuite l'impact sur les clients, puis les conséquences économiques. Nous avons effectivement modélisé la viabilité économique de l'entreprise, sachant que les deux nouvelles sociétés créées – tous paramètres pris en compte, à savoir le chiffre d'affaires, la performance, la productivité, mais aussi les subventions – auront une trajectoire économique équivalente à partir de 2026-2027 à celle de Fret SNCF avant la scission. Ces sociétés sont donc viables.

Concernant les enjeux du métier, nous tenons à garder un cadre social employeur attractif, sachant qu'il existe une forte concurrence entre les opérateurs ferroviaires concernant les conducteurs. Un certain nombre d'innovations seront développées dans les dix prochaines années, comme l'essai de frein digital ou le possible attelage automatique. C'est à nous de faire évoluer les métiers en les accompagnant. Nous investissons beaucoup dans la formation pour rendre cette filière attractive. Nous avons l'intention d'offrir du « mieux-disant » afin d'attirer des talents.

Nous avons produit une note, que nous tenons à votre disposition, démontrant que la gestion capacitaire est insécable et indispensable. Si on lui retire des flux, le report modal est inévitable. En effet, le système repose sur des coûts fixes, avec des moyens partagés entre tous les clients. Si vous enlevez un flux, les autres clients paient pour les moyens maintenus. Au fur et à mesure, vous devenez moins compétitifs et le marché s'effondre.

Concernant la confiance dans la gestion capacitaire, nous avons rencontré chacun de nos grands comptes. Qu'il s'agisse des entreprises de la chimie ou du nucléaire, ou encore des armées, ils sont rassurés sur le fait que nous conservons la gestion capacitaire, outil indispensable pour la souveraineté nationale et pour l'intérêt général.

Enfin, nous pouvons capter de nouveaux clients, comme ceux qui ont fermé leur ITE – installation terminale embranchée –, grâce aux certificats d'économies d'énergie. Mais ceux-ci ne s'appliquent pas aux commissionnaires de transport et à de nouveaux trafics. Des progrès pourraient être faits en la matière.

Par ailleurs, nous sommes favorables à la taxation du transport routier, selon le principe pollueur-payeur. Cela relève du débat politique. En revanche, le rail et la route peuvent être complémentaires. Il ne s'agit pas que du combiné, mais également des voies de débord, avec le transfert des palettes des camions vers le train. Or il nous manque des voies de débord pour notre nouvelle offre Rail Route Connect. Il faudrait donc investir dans ces voies de débord, et éventuellement offrir un avantage fiscal aux routiers qui utilisent le rail, en défiscalisant la route vertueuse qui contribue à offrir une chaîne verte de bout en bout.

Le réseau est l'enjeu majeur. Si les investissements de 4 milliards d'euros ne sont pas rythmés dans le temps et si les livraisons n'ont lieu que dans dix ans, nous ne parviendrons pas au doublement du trafic. Il manque aujourd'hui une programmation et des cofinancements. Il faut être volontariste et établir un calendrier. Des investissements sont réalisés sur les triages et des conventions sont signées : il faut maintenant livrer. Nous devons respecter un certain rythme pour être au niveau dans les trois à cinq prochaines années afin de reconquérir nos parts de marché.

En ce qui concerne la garantie du non-report modal, le processus vient de démarrer. Les trafics cédés sont à la portée de tout opérateur ferroviaire. La question est de savoir s'ils ont les moyens et l'envie de les récupérer. Pour l'instant, nous disposons de premiers échos mais nous n'aurons les résultats qu'à la fin de l'année. Nos clients, qui ont été prévenus de la nécessité de transférer leurs trafics, sont en cours de discussion avec les opérateurs. Les dispositifs de transition souple mis en place à la demande de la Commission, pendant deux ou trois ans, par la mise à disposition de moyens voire de la sous-traitance temporaire, devraient faciliter la reprise de ces 6 milliards de tonnes-kilomètre qu'aucun opérateur ne pourrait reprendre instantanément.

J'ai une conviction forte, matérialisée au sein de mon groupe. Nous avons une filiale alternative, Captrain, sur le modèle des autres opérateurs. Pour autant, elle n'a pas été fusionnée avec Fret SNCF ou la « newco » fret. En effet, Fret SNCF a un positionnement spécifique sur le marché. Elle est la seule à couvrir tout le territoire français et à offrir toutes tailles de lots, et de la fréquence. Grâce à cette taille critique et à cet effet réseau systémique sur la gestion capacitaire, nous permettons à des chargeurs qui n'auraient pas eu accès au ferroviaire d'y accéder quand même. La moitié de la gestion capacitaire est en concurrence frontale avec la route et non avec le rail. C'est ce que nous nous sommes efforcés de démontrer à la Commission européenne et ce qui a permis de préserver l'intégralité de la gestion capacitaire. Il s'agit d'un outil fondamental de souveraineté nationale et de performance, que seule cette société peut offrir.

Cela étant, tous les concurrents, dont DB Cargo, sont en train de regarder sur quel flux se positionner. Avant la fin de l'année, nous saurons quels sont les repreneurs et à quelles conditions ils souhaitent être accompagnés dans une transition souple. Notre intérêt est que nos clients ne soient pas abandonnés sans solution.

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Jérôme Leborgne, directeur général de Fret SNCF

Nous sommes très attentifs à l'impact sur les personnes. Le métier le plus touché est effectivement celui de la conduite, puisqu'environ 270 conducteurs sont directement concernés par les vingt-trois flux, soit plus de la moitié des personnels. Au niveau national, ce chiffre ne pose pas de problème car le groupe SNCF recrute chaque année plus de 1 000 conducteurs sur l'ensemble des territoires. Mais les chiffres ne font pas tout et, au niveau local, la situation sera plus difficile dans certains sites. Par exemple à Perpignan, un conducteur de fret pourra continuer sur les trafics restants ou ceux qui seront développés vers l'Espagne, ou bien il pourra travailler pour l'opérateur ferroviaire qui reprendra nos flux, sur la base du volontariat, ou encore s'orienter vers le TER Occitanie.

Nous ne cherchons pas à retarder le désengagement, mais au contraire à faciliter la reprise des flux. De mes échanges avec certaines entreprises ferroviaires, j'entends toutefois qu'elles pourraient avoir besoin de nos services en sous-traitance, le temps de former des conducteurs.

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Concernant le fret, il faut bien distinguer les évolutions de la structure de l'entreprise publique en 1997, 2014 et 2019, et les deux plans successifs de relance du fret ferroviaire jusqu'à la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire. Le fait est que nous vivons aujourd'hui une situation que nous n'avons pas connue depuis trente ans. Pour la première fois, la part modale se redresse et l'entreprise ne perd plus d'argent depuis deux années consécutives. Ce n'était pas le cas en 2001, en 2014 ou en 2018.

Dans la configuration politique actuelle de l'Assemblée, la condition de faisabilité de la programmation repose sur le réalisme de l'évaluation par les différents groupes politiques de la capacité à réaliser des travaux et à mobiliser des crédits publics. Le Conseil d'orientation des infrastructures ne recommandait pas d'investir immédiatement 3 milliards d'euros dans les infrastructures, mais plutôt de lisser les 4 milliards d'euros sur plusieurs années.

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Monsieur Delorme, vous avez indiqué que vous n'aviez pas suffisamment investi. Les chargeurs choisissent effectivement un mode de transport et un prestataire en fonction de critères tels que la qualité de service, dont la ponctualité, la fiabilité, le service au dernier kilomètre, la capacité à réagir à des imprévus ; mais aussi tels que les prix en coûts complets et la maîtrise des risques, dont la maîtrise des externalités négatives, les impacts écologiques, etc. Au-delà de la nécessité d'investir dans le réseau et dans le matériel roulant, mais je voudrais vous entendre sur les autres investissements, à savoir dans les ressources humaines, commerciales, le numérique, la gestion de la relation client, etc.

Vous avez esquissé une répartition de la structure de la dette de 5,3 milliards d'euros : 50 % pour le wagon isolé, 25 % pour le régime de retraite des cheminots et 25 % en frais financiers. J'aimerais que vous précisiez ce point, en particulier les éventuelles actions correctives demandées par la Commission européenne, qui seront à votre initiative ou exigées par l'État.

Enfin, les trains de marchandises en vallée du Rhône sont censés passer rive droite. Or ils passent de plus en plus fréquemment rive gauche, donc au cœur de plusieurs villes dont Valence qui se situe dans ma circonscription, ce qui entraîne des externalités négatives et des risques. Ces externalités négatives ont-elles été prises en compte ? Si les flux en vallée du Rhône sont parmi les vingt-trois flux transmis, quelles seront les obligations des repreneurs ?

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Jérôme Leborgne, directeur général de Fret SNCF

La qualité de service et le prix sont effectivement les deux critères de choix des chargeurs. Concernant la qualité de service, avec le système mutualisé, nous visons des délais de transport augmentés de vingt-quatre heures par rapport à ceux des routiers. Les chargeurs sont prêts à attendre vingt-quatre heures de plus au titre du prix de la décarbonation, mais pas davantage, en raison des problématiques d'alimentation des usines et du prix des wagons. De fait, ces actifs ayant un coût, il est important de les faire circuler au maximum.

Nos temps d'acheminement progressent, service après service, année après année. Le système mutualisé apporte de la souplesse et de la robustesse, et il peut être réglé avec l'ajout de trains et de périodes de tri. Il s'agit d'un investissement mais cela permet de satisfaire les clients et les chargeurs qui peuvent nous remettre davantage de volumes. C'est donc positif pour tous.

Vous avez soulevé le sujet des investissements, qui sont évidemment prévus dans notre trajectoire économique. Fret SNCF dispose d'un parc de locomotives électriques important permettant de décarboner davantage les parcours. La plupart de ces locomotives ont vingt ans et nécessitent des investissements pour durer encore autant.

En termes de ressources humaines, Fret SNCF investit énormément. Nous avons recruté 500 personnes en deux ans dans tous les métiers de la production. Nous ne pouvons fonctionner qu'avec des personnels compétents et en nombre suffisant. S'agissant de métiers particuliers, il est nécessaire d'embaucher, de former et de maintenir les compétences. Le numérique est une attente des chargeurs. Nous travaillons au cas par cas avec ces derniers, les wagonniers, ainsi que des sociétés spécialisées qui nous fournissent un service d'interprétation des données des boîtiers placés sur les wagons. Il s'agit de pouvoir fournir aux chargeurs, en fonction de leur demande, un suivi des wagons et une date prévisionnelle d'arrivée.

Finalement, les demandes des chargeurs sont relativement simples. Ils veulent pouvoir bénéficier des trains demandés avec la souplesse voulue, suivre les wagons et connaître leur date d'arrivée, et que leurs wagons ou groupes de wagons arrivent suffisamment vite.

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Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe

Le wagon isolé n'est plus aussi déficitaire que par le passé, car on a pris conscience qu'il était en concurrence frontale avec le fret routier. Les aides publiques ne visent pas à combler le déficit d'une entreprise structurellement déficitaire, mais à reconnaître la valeur des choses. Quand on me demande combien nous coûtons aux contribuables, je renvoie la question en demandant combien nous rapportons. Chez Rail Logistics Europe, pour un euro de chiffre d'affaires enregistré, nous faisons pratiquement cadeau d'un euro en valeur d'externalités évitées à la société. C'est un rendement considérable et nous savons désormais le monétariser, ce qui n'était pas le cas il y a vingt ans.

Le wagon isolé est aujourd'hui aidé comme il l'est dans tous les pays. À ce jour, 85 % des wagons isolés sont traités par Fret SNCF. Ce niveau d'activité devrait se stabiliser et la nouvelle société de fret devra chercher à équilibrer ce segment. Durant des années, la SNCF a porté à bout de bras une activité absolument indispensable pour l'économie française et les industries en pensant revenir à l'équilibre. Les faits ont démontré le contraire.

Le coût social est supporté. De nombreux cheminots bénéficient encore d'un statut spécifique et cette situation perdurera, bien que les recrutements au statut aient cessé au 1er janvier 2020. Ces éléments sont intégrés à notre équation économique, y compris le surcoût social particulier résultant du régime de retraite.

Sur la rive droite de la vallée du Rhône, les repreneurs seront des entreprises ferroviaires, y compris pour des flux abandonnés. Il n'y aura pas de report modal. La locomotive aura sans doute un logo différent mais permettra de maintenir le niveau d'émissions carbone d'aujourd'hui.

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La ligne de la rive gauche traverse plusieurs villes alors que la ligne de la rive droite, de plus en plus délaissée, est censée être dédiée au fret.

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Jérôme Leborgne, directeur général de Fret SNCF

Nos flux passent et continueront de passer sur la rive droite. Simplement, ce sera avec une locomotive d'une autre entreprise. Logiquement, les sillons doivent être repris. Je confirme qu'une grande partie des vingt-trois flux circulent par la vallée du Rhône qui est un axe majeur de trafic et un pivot économique très important pour le fret ferroviaire, reliant l'Europe du nord à l'Europe du sud. Cet axe est effectivement très chargé et le restera.

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Pour répondre à la question de Mme Mireille Clapot, je suppose que des travaux expliquent la circulation exceptionnelle des trains sur l'autre rive.

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La situation du fret est le résultat de mauvais choix opérés depuis bien longtemps dans une vision extrêmement jacobine de notre aménagement du territoire ; elle est également la conséquence des choix du routier. Mais il ne s'agit pas de vos choix et de vos renoncements car la SNCF et ses salariés se sont toujours montrés à la hauteur des enjeux.

C'est l'absence de prise en compte du coût du carbone dans les critères de choix de la modalité qui a engendré la situation actuelle. Comme vous le dites fort bien, de manière prévisible, le fret s'est dégradé car il n'a pas été aidé. Avez-vous une idée de la façon dont il aurait fallu soutenir le fret au moment où l'on s'est engagé dans ces aides d'État illégales ?

Les 4 milliards d'euros inscrits au plan de relance, dont vous vous félicitez, sont-ils suffisants pour conforter un fret à la hauteur des ambitions de décarbonation, qui reprendrait les mobilités liées au transport routier ? Il est évident qu'il faut privilégier le fret.

Je voudrais également que vous abordiez la question du fret et de la desserte fine, et que vous expliquiez l'articulation entre le fluvial et le fret ferroviaire. Avez-vous engagé des dialogues, des contrats ou des conventions avec Voies navigables de France (VNF) sur la gestion des plus gros flux ? Ceux-ci, pouvant aller jusqu'en centre-ville grâce au fret fluvial, me paraissent également à privilégier.

Vous faites des propositions pour une grande loi de programmation. La Première ministre a annoncé 100 milliards d'euros dont nous n'avons pas encore la concrétisation financière. Pouvez-vous détailler vos propositions quant à l'accès aux sillons et à un cadre fiscal incitatif ? Quels sont les autres facteurs favorisant le report modal ? Enfin, comment les vingt-trois flux ont-ils été choisis et parmi quel nombre de flux ?

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Monsieur Leborgne, puisque vous êtes dirigeant de Fret SNCF depuis 2018, avez-vous alerté les ministres des transports – Mme Élisabeth Borne puis M. Jean-Baptiste Djebarri – du risque que les aides d'État faisaient peser sur la viabilité de Fret SNCF ? Dans l'affirmative, pouvez-vous détailler le contenu de ces échanges ?

Pour réussir le défi de la transition écologique et énergétique pensez-vous qu'il faudrait créer un géant du fret européen avec nos partenaires européens, à l'image d'Airbus ?

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Je ne voudrais pas qu'il y ait de confusion : lorsque vous avez parlé à plusieurs reprises de « plan de relance », vous évoquiez la relance du fret ferroviaire, et non le plan de relance européen. Les 4 milliards d'euros sont des investissements prévus jusqu'au début des années 2030. Les contrats de plan État-région en cours de discussion et les CPER à venir couvrent deux fois 2 milliards d'euros avec 930 millions de l'État, ce qui est tout à fait inédit pour soutenir le fret ferroviaire.

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Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe

Nous savions que la Commission européenne allait instruire sérieusement le dossier de Fret SNCF. En revanche, s'agissant des politiques publiques passées, deux types de politiques auraient pu être cumulées : celle du pollueur-payeur et celle du non-pollueur aidé. Certains pays choisissent les deux, d'autres l'une plutôt que l'autre. Ce n'est que récemment, depuis 2020, que la France s'est dotée d'un plan de relance qui soutient le fret ferroviaire à un niveau de subventions jamais atteint jusqu'alors, à savoir 200 millions d'euros d'ici à 2030.

Nous souhaiterions qu'une loi de programmation sécurise rapidement ces 200 millions d'euros car il y a urgence. En 2024, nous allons souffrir en raison de la désimbrication des flux que nous devons abandonner. Pour l'opérateur historique et les autres opérateurs, il conviendrait que la loi de programmation soit effective dès 2024, au moins partiellement, et sécurisée jusqu'en 2030.

Concernant les 4 milliards d'euros d'investissements, il nous faudrait des objectifs calendaires et une visibilité sur dix ans. Le fret ferroviaire s'inscrit dans le temps long. On ne peut pas procéder à la décarbonation ou au report modal en deux ans. Il faut donner de la visibilité aux acteurs économiques. Nous en sommes d'autant plus demandeurs que la Commission européenne nous explique que pour parvenir à une « discontinuité juridiquement robuste », nous devrons ouvrir le capital. Un nouvel investisseur minoritaire dans la SNCF posera évidemment la question de la visibilité.

Au-delà des investissements de modernisation, de régénération, de développement des branches voyageurs et fret, il manque sans doute des investissements de désaturation. Des pays ont des installations permanentes de contresens sur toutes leurs voies. Qu'en est-il des investissements de désaturation du nœud lyonnais ou de l'Île-de-France ? Ils doivent absolument être inscrits dans la loi de programmation.

Concernant l'articulation avec le fluvial, SNCF Réseau a une convention sur l'intégration des infrastructures. En tant qu'opérateur, nous échangeons énormément avec VNF et nous développons des connexions sur les ports avec des plateformes combinées (Strasbourg, Le Havre). À travers notre filiale Forwardis, nous vendons du transport maritime aux chargeurs souhaitant du transport ferroviaire ou fluvial.

L'accès aux sillons est le nerf de la guerre, la ressource clé : il faut de la place sur les voies pour rouler dans un certain horaire. Si votre horaire est en dehors du marché, vous n'aurez pas de clients. Si votre horaire est irrégulier, vous consommerez plus de locomotives et de moyens, donc vous proposerez un prix au-delà du marché. SNCF Réseau a beaucoup progressé depuis quelques années, mais nous n'avons pas la garantie de disposer des sillons permettant de développer nos volumes d'ici quatre à cinq ans. Cela rejoint la question des investissements de désaturation. Le problème de Fret SNCF peut devenir celui de SNCF Réseau au regard de l'équilibre économique.

Pour ce qui est du cadre incitatif, j'ai déjà cité plusieurs d'éléments : une loi de programmation, l'augmentation des aides au wagon isolé dès 2024, la capacité et les sillons, les investissements de désaturation.

Quant aux mesures fiscales, je laisse le débat aux hommes et femmes politiques pour savoir si le transport routier doit être taxé. Évidemment, cela aiderait le ferroviaire, mais je suis aussi favorable aux aides lorsque la route est contributrice d'un développement durable. Les transporteurs routiers français qui font l'effort du transport combiné ou d'amener les marchandises à des gares de marchandises ne bénéficient aujourd'hui d'aucune aide pour investir dans des camions adaptés ou pour transférer la palette sur le rail. Cette aide constituerait un signal vertueux et profiterait aux pavillons et aux emplois français de la route. Le développement actuel est essentiellement porté par des pavillons étrangers de transit qui bénéficient de politiques antérieures.

Sur le plan réglementaire, les sites industriels ou logistiques pourraient être forcés de s'embrancher lorsque cela est possible. Des voies de débord pourraient aussi être envisagées dans les plateformes combinées pour faire du rail-route conventionnel. Certains pays ont par exemple décidé que tous les transports de déchets de longue distance devaient passer par le rail.

Il s'agit d'une panoplie des mesures complémentaires du plan de relance, dont le socle est bon. Elle permettrait, à n'en pas douter, d'atteindre le doublement de la part modale du fret ferroviaire.

Enfin, je sais qu'un travail est en cours sur les certificats d'économies d'énergie pour les locomotives électriques.

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Parmi les grandes entreprises routières françaises, je citerai le groupe Mauffrey qui travaille beaucoup avec le ferroviaire et le fluvial.

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Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe

En 2020, pendant le confinement dur, le risque a vraiment été pris en compte pour le secteur du fret, et pas seulement pour Fret SNCF. Pour la première fois, les concurrents, l'AFRA et la SNCF ont travaillé à des propositions pour un plan de relance commun.

Quant à la question d'un géant du fret européen, la difficulté est que les trafics ne sont pas bilatéraux. Dans le domaine du wagon isolé, une alliance intégrée de sept opérateurs historiques s'est constituée – Xrail – avec un système numérique.

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Les vingt-trois liaisons qui seront cédées représentent-elles 100 % de l'activité « trains complets dédiés » ?

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Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe

Ces trafics sont caractérisés par des trains complets achetés par un seul client, qui prend le risque du remplissage, à moyens dédiés, fréquents et réguliers. À l'inverse, la gestion capacitaire est un système mutualisé où tous les moyens de production sont mis en commun entre plusieurs clients.

La sanction est plus lourde que le fait d'abandonner simplement vingt-trois flux au 1er janvier 2024 ou au-delà. On interdit à Fret SNCF, pendant dix ans, de revenir sur le marché des trains entiers, réguliers et dédiés. Nous avons le droit d'utiliser des trains entiers, mais dans la gestion capacitaire. Il s'agirait par exemple de trains entiers irréguliers pour les céréales, liés à des campagnes qui ne sont pas forcément prévisibles.

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Je n'ai pas tout à fait compris comment avait été décidé ce qui ne relèverait plus de Fret SNCF. Ce sujet a-t-il fait l'objet de discussions au niveau européen ou national ? Quelles étaient les conditions de ces discussions et qui était en présence ? J'apprends par votre intervention que vous êtes privés de cette capacité pendant dix ans, ce qui interroge.

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Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe

L'État et la Commission européenne ont échangé. Nous étions présents à certaines réunions aux côtés de l'État avec les sachants de l'économie de Fret SNCF. Par exemple, nous seuls pouvons apprécier une discontinuité dans la gestion capacitaire. À partir de début 2023, les discussions se sont tenues entre M. le ministre Clément Beaune, Mme la commissaire Margrethe Vestager, mais aussi les services de l'État, le secrétariat général des affaires européennes, le commissaire européen aux transports, et parfois nous-mêmes. Nous avons tous voulu éviter le scénario Alitalia, qui aurait été mortifère.

In fine, les lignes rouges que nous avons posées sont respectées, avec une discontinuité douloureuse que nous n'avons pas souhaitée. On nous oblige à nous amputer d'une partie du trafic que nous aurions souhaité conserver, mais qui nous permet de maintenir dans le groupe public ferroviaire, à hauteur de 80 % du chiffre d'affaires et 90 % des effectifs, une société qui a un rôle stratégique important pour le pays.

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Les flux à céder ont été évalués lors de discussions entre la Commission européenne et l'État. Un des arguments avancés était que les trains longs dédiés étaient ceux pour lesquels l'effet de report modal inversé était moins important que pour la gestion capacitaire.

La séance s'achève à midi dix.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Christine Arrighi, Mme Mireille Clapot, M. Matthieu Marchio, M. David Valence, M. Hubert Wulfranc.