Intervention de Laurent Panifous

Séance en hémicycle du mardi 30 janvier 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Panifous :

Les avancées consacrées il y a quarante-sept ans par la loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse (IVG), dite loi Veil, sont désormais acceptées par une immense majorité de nos concitoyens. Ce texte a traversé les âges pour protéger les droits des femmes dans tous nos territoires. Aujourd'hui, on nous demande d'aller plus loin et d'inscrire la liberté d'accès à l'interruption volontaire de grossesse dans notre Constitution.

Comme beaucoup de mes collègues, comme Jean-Félix Acquaviva, chef de file de notre groupe sur ce texte, je tiens à rendre hommage au combat mené par Simone Veil en 1975. Ce combat pour le droit des femmes est entré dans l'histoire, mais il reste d'actualité. Il ne tient qu'à nous de le prolonger et de le consacrer solennellement dans notre norme la plus élevée.

Les Françaises nous écoutent avec une attention particulière. J'aimerais répondre à ceux qui laissent entendre que nous serions suffisamment protégés en France et qu'il n'est nul besoin de sécuriser l'IVG. Je leur dirai que l'optimisme est une qualité, mais qu'elle ne doit pas mener à l'aveuglement.

La loi Veil est une garantie essentielle pour le droit à l'IVG, mais ce droit n'est garanti que par la loi ordinaire. Une autre loi pourrait donc le limiter, le restreindre et revenir sur ces acquis. Des revirements jurisprudentiels peuvent également conduire à des décisions inattendues, dans le bon ou dans le mauvais sens.

Inutile d'aller jusqu'aux États-Unis pour trouver des exemples inquiétants : il s'en trouve ici même, parmi les pays membres de l'Union européenne. En Pologne, le tribunal constitutionnel a réduit de manière drastique l'accès à l'avortement, à rebours de l'équilibre juridique qu'il avait trouvé dans les années 1990. Le Gouvernement portugais a quant à lui décidé en 2015 de mettre à la charge des femmes tous les frais liés à l'arrêt de leur grossesse. En Espagne, un projet de loi, approuvé en 2013 en conseil des ministres, prévoyait de limiter l'IVG aux cas de grave danger pour la santé de la mère ou de viol, avant d'être retiré devant le tollé suscité.

Dans notre pays, certains organismes militent aussi contre l'IVG : souvenez-vous, il n'y a pas si longtemps, en janvier 2020, une campagne anti-IVG était affichée dans les espaces publicitaires du métro de notre capitale.

Certes, en France, aucun mouvement politique d'ampleur ne demande encore l'abolition pure et simple du droit à l'IVG. Est-ce pour cela qu'il faudrait ne rien faire ? Devrions-nous rester les bras croisés sous prétexte que le danger que ce droit soit amoindri n'est pas encore à la porte de notre assemblée ? Au contraire, nous devons agir pendant que nous le pouvons, tant qu'une majorité d'entre nous est contre tout recul.

Je l'affirme dans cet hémicycle : l'improbable n'est pas impossible, et c'est bien le rôle d'un élu, d'un représentant de la nation d'anticiper et d'agir, même face à ce qui est aujourd'hui considéré comme hautement incertain. Ne prenons pas de risque, ne parions pas sur un sujet aussi important ! Le droit à l'IVG fait pleinement partie de notre contrat social. Les droits des femmes sont des droits fondamentaux, l'IVG mérite d'être inscrite dans notre Constitution.

À ceux qui estiment qu'il n'y a là qu'un symbole, je veux dire qu'il ne s'agit aucunement de faire semblant, mais de renforcer une protection ordinaire pour lui offrir un bouclier constitutionnel à la hauteur des enjeux.

C'est pourquoi nous nous rangeons derrière la rédaction de compromis proposée par le Gouvernement, que nous avons adoptée la semaine dernière, qui fait le choix de la notion de liberté et de son inscription à l'article 34 de la Constitution. Si l'expression « droit à l'IVG » semblait préférable à bon nombre des membres de mon groupe, le débat entre les forces politiques permet aussi d'évoluer et, dans un objectif de rassemblement, nous l'acceptons. Je fais donc le choix de renforcer les acquis de la loi Veil en actant cette consécration au rang constitutionnel.

Je terminerai en insistant sur la notion d'égalité d'accès à l'IVG pour les femmes qui le souhaitent. Des difficultés pratiques et des fractures sociales et territoriales élevées persistent en France. Nous devons veiller à garantir un accès effectif à l'IVG ; cela impose une réponse forte de l'État.

La très grande majorité des membres de mon groupe votera pour cette avancée en faveur du droit des femmes et de la liberté de choisir ou non de donner la vie.

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