Intervention de Erwan Balanant

Séance en hémicycle du mardi 30 janvier 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

« La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » Telle est la rédaction qui nous est soumise aujourd'hui pour ce vote solennel. Avec ces mots, que nous nous apprêtons à faire entrer dans la Constitution, nous avons rendez-vous avec l'histoire – celle de la construction de l'égalité entre les femmes et les hommes, celle de nos mères et de nos grands-mères, celle de nos filles et de nos petites-filles.

Cette rédaction est la plus aboutie qui soit – j'en suis convaincu. Elle est, sans nul doute possible, la plus protectrice pour toutes les femmes de ce pays. Fruit d'un équilibre entre les positions de notre assemblée et celles du Sénat, elle retient les mots « interruption volontaire de grossesse » afin de ne laisser subsister aucune ambiguïté. Elle consacre l'existence d'une liberté, conformément à l'esprit de la loi de Simone Veil de 1975. Elle reconnaît le rôle du Parlement dans l'établissement des conditions dans lesquelles s'exerce cette liberté, garantie par la Constitution.

Sous couvert d'une prétendue meilleure protection des femmes et de leurs intérêts, certains s'inquiètent qu'aucune limite ne soit explicitement mentionnée dans la Constitution. Sur ce point, je me contenterai de vous relire l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi : « Il considère que cette rédaction, comme le souhaite le Gouvernement, laisse au législateur la possibilité de faire évoluer le cadre juridique dans lequel s'exerce cette liberté, en en fixant les garanties et les limites et dans le respect des principes mentionnés au point 8 » – la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et la liberté de la femme – « sous le contrôle du Conseil constitutionnel ».

Ces derniers temps, la tendance est à la remise en cause de nos institutions. Arrêtons un instant ces postures purement politiques : considérons cette décision comme elle doit l'être et admettons que les parlementaires que nous sommes pourront bien fixer les limites juridiques de cette liberté. En votant ce texte, nous ne reviendrons toutefois jamais en arrière.

À toutes celles et ceux qui estiment encore aujourd'hui que cette rédaction manque de ceci ou manque de cela, après les multiples débats que nous avons eus en commission des lois et en séance, à l'Assemblée nationale aussi bien qu'au Sénat et au cours desquels chacun a pu développer ses revendications et ses argumentaires, je dirai que le temps n'est plus à la casuistique.

Prenons nos responsabilités et votons pour la constitutionnalisation de l'IVG. Je comprends la volonté de certains de nos collègues d'inscrire également la contraception dans la Constitution, mais je ne pense pas qu'elle y ait sa place, d'autant que son intégration risquerait d'inciter le Sénat à ne pas adopter le texte conforme, nous privant de facto d'un vote du Congrès dans les prochains mois. Je les rejoins cependant sur un point essentiel : ces deux combats sont intimement liés. Les politiques publiques doivent garantir la bonne information relative à la contraception et en permettre l'accès à toutes les femmes souhaitant y avoir recours. Le groupe Démocrate sera vigilant sur ce point.

« L'histoire nous montre que les grands débats qui ont divisé un moment les Français apparaissent avec le recul du temps comme une étape nécessaire à la formation d'un nouveau consensus social, qui s'inscrit dans la tradition de tolérance et de mesure de notre pays ». En ce jour historique, ces mots de Simone Veil résonnent vivement dans notre hémicycle.

En mémoire de nos grands-mères, qui ont tant souffert de ne pas avoir ce droit, à qui la liberté de disposer de leur corps a tant manqué, et pour garantir demain ce droit à nos filles et à nos petites-filles, écrivons un nouveau chapitre dans l'histoire des droits des femmes. Le groupe Démocrate votera pour la constitutionnalisation de l'IVG.

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