Intervention de Christine Arrighi

Réunion du jeudi 11 avril 2024 à 10h00
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Arrighi, rapporteure :

Je vous remercie de participer à notre commission d'enquête. Si l'un de vous travaille davantage avec une clientèle privée et l'autre avec des personnes de droit public, vous réfléchissez tous deux aux rapports entre le droit et la société. Par-delà la question des conditions juridiques et financières du projet de l'A69, nous souhaitions élargir la perspective pour bien comprendre la situation.

Monsieur Gossement, vous avez rédigé en octobre 2023 une tribune où vous exposez le paradoxe de l'A69, ouvrage autorisé en vertu du droit de l'environnement et critiqué au nom de la protection de l'environnement – nos collègues de la commission en ont été destinataires. Cet article énonce ce que nos auditions permettent d'entrevoir : la légalité a certes été respectée, aucune entorse majeure n'ayant été relevée à ce stade ; mais un projet peut être légal tout en se fondant sur des hypothèses fragiles et des études incomplètes, voire contradictoires, car la loi qui impose de recourir à des consultations permet de ne pas suivre obligatoirement leurs conclusions. Cela illustre la place que le législateur accorde au droit de l'environnement.

Les actes juridiques relatifs à l'A69 se structurent autour de la DUP, de la mise en concession et de l'autorisation environnementale. Les décrets ou arrêtés afférents ont été précédés de la consultation de divers organes, qui ont pour certains rendus un avis négatif ou émis de fortes réserves. Ce ne sont cependant que des organes consultatifs, dont les avis sont destinés à l'État, lequel demeure libre de les suivre ou non, comme je viens de le dire. C'est sans doute là l'origine d'un premier décalage avec nos concitoyens : ils ne peuvent comprendre que, en matière environnementale, l'État puisse passer outre l'avis d'organismes qu'il s'est lui-même, par sa législation, obligé à saisir.

Il arrive même que l'État passe outre les lois qui assurent la protection de certains lieux, comme cela s'est passé à la Crémade. En l'occurrence, le rejet de l'institution se situe plutôt du côté de l'État que de ceux qui ont protégé la nature : le préfet est intervenu sans en avoir l'autorisation, le bois n'ayant pas été déclassé.

L'un des critères d'un régime démocratique est la compréhension des décisions publiques par les citoyens. En l'espèce, même si de nombreux débats publics ont été tenus, comment nos concitoyens peuvent-ils appréhender la complexité de la procédure sans être juristes ?

C'est ce lien entre le droit et la société que je souhaite analyser au regard de la procédure applicable à l'A69, qui concerne de nombreuses infrastructures lourdes. La chronologie des différents actes semble problématique, notamment la postériorité de l'autorisation environnementale par rapport à la DUP : une fois cette dernière publiée, les jeux paraissent faits. La preuve en est que M. le président ne cesse d'évoquer l'arrêt rendu par le Conseil d'État le 5 mars 2021, alors que le contrat n'était pas encore signé, que l'arrêté interpréfectoral ouvrant l'enquête publique date du 4 novembre 2022, que celle-ci s'est déroulée du 28 novembre 2022 au 11 janvier 2023 – soit à peine plus d'un mois, en période de Noël – et que l'arrêté interdépartemental qui clôt l'affaire, sans tenir compte des réserves ni des changements de méthodologie de la valeur actualisée nette socio-économique (VAN SE), date du 1er mars 2023. Comment les citoyens peuvent-ils s'y retrouver, et comment le droit peut-il s'appliquer quand tout est censé se passer avant mais que, en réalité, tout se passe après ?

Un questionnaire vous a été adressé ; il a également été communiqué à l'ensemble des membres de cette commission, car je tiens à en faire un lieu de débat démocratique. Je vous propose de le suivre autant que possible pour la bonne compréhension de l'audition, avant que nous en venions aux questions.

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