Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 10h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.

Présidence de M. Jean-Marie Fiévet, vice-président

La mission d'information réunit une table ronde, ouverte à la presse, sur le contexte, la gestion et les conséquences de l'incendie survenu à l'usine Lubrizol de Rouen le 26 septembre 2019.

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Après une précédente table ronde, portant sur les incendies ayant eu lieu en 2022 en Gironde, nous poursuivons ce jour les travaux de notre mission d'information, en nous focalisant sur le grave incendie de l'usine Lubrizol, survenu en 2019 à Rouen et Petit-Quevilly.

Nous organisons cette table ronde en réunissant les représentants de l'État, les élus locaux et le SDIS du département, afin de bénéficier de leurs retours d'expérience et analyses sur cet événement majeur.

Cet incident a d'ailleurs fait l'objet d'une mission d'information de l'Assemblée nationale, sous la précédente législature, ainsi que d'une commission d'enquête au Sénat.

Nous avons le plaisir d'accueillir Madame Charlotte Goujon, vice-présidente de la métropole Rouen Normandie, en charge de la transition écologique, de la santé et de la sécurité sanitaire et industrielle, et également maire de Petit-Quevilly, commune qui accueillait une partie du site de l'usine Lubrizol ; Madame Françoise Lesconnec, conseillère municipale de Rouen déléguée à la nature en ville et la politique environnementale ainsi que M. André Gautier, président du conseil d'administration du SDIS de la Seine-Maritime, qui est également vice-président du conseil départemental en charge de l'habitat, du logement et de la politique de la ville ; M. Clément Vivès, sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime, qui est chargé de le représenter aujourd'hui, et le Colonel Stéphane Gouezec, directeur du SDIS de la Seine-Maritime.

Nous vous remercions pour votre disponibilité et votre volonté de partager avec nous votre expertise et vos témoignages. Vos éclairages sont essentiels, non seulement pour nous aider à comprendre les événements et la gestion d'une telle crise, mais aussi pour réfléchir aux améliorations nécessaires de notre système de sécurité civile.

Nous aurons la chance de prolonger ces échanges précieux dans quelques semaines, lorsque notre mission d'information se déplacera en Seine-Maritime. Notre rapporteur et les membres de notre mission sont donc impatients de poursuivre ces échanges sur le terrain.

Nos questions porteront sur le contexte, la gestion et les conséquences de l'incendie de Lubrizol, sans oublier la gestion des suites de l'incendie lui-même.

Nous vous encourageons également à partager avec nous vos analyses critiques de l'organisation actuelle de notre système de sécurité civile, en mettant en lumière les leçons tirées de cet événement.

Notre mission, qui est composée de 25 députés, a été créée à la demande du groupe Horizon et a pour rapporteur notre collègue Didier Lemaire.

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Merci d'avoir répondu à notre invitation pour évoquer ce sujet important, notamment sur la gestion de crise.

L'objectif de cette mission est de réfléchir sur la capacité d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de sécurité civile. De ce point de vue, il nous paraissait intéressant de pouvoir bénéficier de votre expérience au sujet de l'incident de Lubrizol.

Je vous propose, dans un premier temps, de vous présenter et de nous faire part de votre expérience dans le domaine de la sécurité civile ainsi que sur l'incident de Lubrizol.

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Clément Vivès, sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime

Je n'étais pas personnellement en poste à Rouen, à l'époque de cet incendie il y a quatre ans. Toutefois, j'ai eu la chance, pendant près de deux ans, de travailler avec le préfet Durand, qui a directement vécu l'incident de Lubrizol.

Grâce aux équipes en place, nous avons bénéficié d'une mémoire, d'un historique de l'événement, mais surtout d'un énorme travail de retour d'expérience (Retex) local et national, auquel la préfecture a été associée.

Ce travail a été mené en parallèle d'une commission d'enquête sénatoriale, d'une mission d'information et d'une mission inter-inspections, qui ont permis d'apporter un éclairage sur un certain nombre d'éléments.

Des décisions ont été prises à la suite de cet événement, au niveau local et national. La loi Matras a probablement pris en compte un certain nombre d'enseignements de la crise Lubrizol.

En outre, les institutions du département apparaissent en avance sur le plan national. Ce constat est normal et logique, car la Seine-Maritime ressort comme le département français le plus exposé aux risques. Ce département regroupe deux centrales nucléaires, deux grands ports maritimes, ainsi qu'un grand nombre de sites Seveso (seuil haut, seuil bas).

De surcroît, le département est confronté à un nombre particulièrement important de phénomènes naturels graves, liés aux inondations, aux ruissellements ou encore aux marnières. Ce département est donc identifié comme un expert dans ces domaines.

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Françoise Lesconnec, conseillère municipale de Rouen déléguée aux risques majeurs

Le département est effectivement confronté à de nombreux risques et la ville de Rouen n'y échappe pas.

Notre préparation face à ces risques doit intégrer les apports de la connaissance scientifique, notamment ceux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), afin de tenir compte de l'augmentation inéluctable de certains phénomènes naturels, qui conduiront probablement à des mises en danger des installations.

Le traumatisme de l'incident de Lubrizol est encore présent. L'inquiétude des citoyens est ravivée très facilement, dès qu'une fumée est visible ou qu'une odeur suspecte apparaît.

Un incendie relativement grave a récemment eu lieu dans la ville de Rouen, concernant deux immeubles contenant notamment une grande quantité d'amiante, avec un risque environnemental réel. Cet événement a réactivité des peurs et des questionnements.

Nous pouvons affirmer, de manière globale, qu'un réel déficit de confiance s'est installé depuis l'incident de Lubrizol. Restaurer cette confiance sera probablement extrêmement difficile.

Les élus locaux se situent dans une proximité immédiate avec les citoyens, et reçoivent ainsi directement leurs interrogations. À titre d'exemple, alors que je participais récemment à une réunion publique sur des sujets de politique générale, une grande partie des échanges a finalement été consacrée aux risques et à la protection des populations.

Nous sommes témoins d'un sentiment de non-transparence sur la transmission d'informations. Bien que l'intervention remarquable du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) ait permis d'éviter une catastrophe de plus large ampleur lors de l'incident de Lubrizol, ainsi que lors du récent incendie de deux immeubles, la transmission de certains éléments d'information a pu toutefois faire défaut.

Nous ne devrions pas être réunis ce jour, si ce n'est en se plaçant dans une démarche enthousiaste d'amélioration continue. Néanmoins, l'incident de l'usine AZF qui a eu lieu en 2001 aurait déjà dû permettre une réflexion sur l'ensemble de ces questions Nous devons nous améliorer continuellement, face à l'évolution des processus industriels, de la densification des villes et du réchauffement climatique (et ses éventuelles incidences sur l'Axe Seine).

Je suis fière d'être présente ce jour et de participer à cette mission d'information, mais je ne m'inscris pas réellement dans une démarche enthousiaste.

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Je rappelle que cette mission d'information a vocation à étudier les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de sécurité civile. Nous essayons de comprendre comment une collectivité locale et les élus locaux font face à ces situations et apportent un soutien à la population avant, pendant et après la crise.

Il était donc intéressant pour nous de constituer un panel de représentation et de comprendre les enjeux de chaque partie, afin d'avoir une réflexion la plus juste possible.

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André Gautier, vice-président du conseil départemental de la Seine-Maritime en charge de l'habitat, du logement et de la politique de la ville et président du conseil d'administration du SDIS de la Seine-Maritime

Je suis vice-président du conseil départemental de la Seine-Maritime depuis 2015 et conseiller municipal de Dieppe, une commune située entre deux centrales nucléaires (Paluel et Penly). Je suis également président délégué du SDIS depuis 2015.

J'ai suivi l'incident de Lubrizol depuis le centre de direction du SDIS. Au cours de cette journée, il est devenu évident que nous étions confrontés à un événement majeur, qui entraînerait des répercussions au niveau départemental et national, notamment au sujet de la gestion des risques.

La Seine-Maritime présente une grande variété de risques (naturels, industriels ou encore technologiques). Ces risques sont liés à l'histoire industrielle particulièrement riche de notre département. Il s'agit du premier département pour le raffinage du pétrole et des lubrifiants. De plus, nous disposons de deux grands ports autonomes, avec de nombreuses entreprises Seveso, manipulant des produits dangereux.

Je souhaite rappeler que l'incident de Lubrizol n'a fait aucune victime. Cet événement a néanmoins sensibilisé les élus et la population aux risques qui nous entourent au quotidien. Cette prise de conscience a suscité la volonté des élus locaux d'améliorer notre compréhension des risques et de mieux anticiper la communication auprès de la population.

En revanche, même si les habitants ont pris conscience des risques qui les entourent, je ne suis pas certain qu'ils réagissent de manière adéquate en cas d'activation des processus d'alerte et de confinement lors d'une prochaine crise. En effet, les exercices menés régulièrement auprès de la population ne mobilisent pas massivement les habitants. Les populations vivent à proximité des risques, mais n'ont probablement pas complètement saisi la dangerosité et les conséquences de ces dangers sur leur vie quotidienne et leur mobilité.

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Charlotte Goujon, vice-présidente de la métropole Rouen Normandie en charge de la transition écologique, de la santé et de la sécurité sanitaire et industrielle, maire de Petit-Quevilly

Je suis maire depuis le 2 juillet 2019 et l'incendie de Lubrizol a eu lieu de 26 septembre 2019, soit très peu de temps après ma prise de fonction.

Je suis donc attachée au sujet de la formation et de l'information des élus concernant les risques majeurs, ainsi que la gestion de crise. La question de l'information et de l'alerte aux populations est également essentielle, compte tenu de la sensibilité de notre métropole aux risques majeurs.

S'agissant de l'information de la population et de sa participation à la culture de la sécurité, nous avons constaté que de nombreux habitants ont pris conscience des risques qui les entourent seulement lors de la crise. Il est donc nécessaire d'anticiper cette question et de travailler sur des exercices impliquant la population, afin de promouvoir la culture du risque, qui avait quelque peu diminué dans notre métropole.

La question de la transparence vis-à-vis des habitants, concernant les activités des entreprises et de l'État, doit aussi être prise en compte. À ce titre, les rapports d'inspection sont disponibles en ligne, sur le site de la préfecture.

Des améliorations restent néanmoins à apporter à ce sujet. Il subsiste une certaine méfiance, voire des difficultés à croire en ce que les autorités, quelles qu'elles soient, peuvent communiquer lors d'événements majeurs.

Enfin, il semble important de discuter des moyens disponibles pour le SDIS et les inspections des installations classées.

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le Colonel Stéphane Gouezec, directeur du SDIS de la Seine-Maritime

Je suis colonel hors classe et j'évolue dans le domaine de la sécurité civile depuis une trentaine d'années. J'ai commencé ma carrière à la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris et suis officier des sapeurs-pompiers depuis 1997. J'ai occupé divers postes, notamment à Toulouse, en Haute-Garonne, puis en Ille-et-Vilaine pendant plusieurs années. Au fil du temps, j'ai progressé vers des postes de direction, d'abord dans la Nièvre, puis dans les Deux-Sèvres, et désormais en Seine-Maritime.

Je souhaiterais aborder divers sujets liés à la prévision, à la culture du risque, à l'éducation des populations et au lien avec la jeunesse, à la fédération des acteurs de la sécurité civile sur un territoire, à la formation des élus à la gestion de crise, aux missions de soutien aux populations et aux organisations publiques (telles que le SDIS), ainsi qu'aux réponses aux événements particuliers.

Nous constatons une progression continue dans ces domaines au cours du temps. Des textes législatifs ont été fondateurs sur ces questions, notamment les lois sur les risques majeurs et celles liées à l'organisation de la sécurité civile. La notion de culture du risque a également été revisitée à plusieurs reprises.

Cependant, des pistes restent encore à explorer pour renforcer ce système en constante amélioration. Je suis à votre disposition pour répondre à toutes les questions, en particulier sur la manière de fédérer cette constellation d'acteurs sur un territoire.

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Le sujet de l'information à la population semble fondamental au regard de vos différentes interventions. Le rapport parlementaire de 2020 a également émis une proposition en ce sens.

Le système FR-Alert a été mis en service en juin 2022. Pensez-vous que ce système est adapté au risque industriel ? Doit-il être amélioré face aux enjeux de demain ?

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André Gautier, vice-président du conseil départemental de la Seine-Maritime en charge de l'habitat, du logement et de la politique de la ville et président du conseil d'administration du SDIS de la Seine-Maritime

Ce système d'alerte est efficace lorsqu'il est connu et que les populations sont informées et conscientes des réactions à adopter. Cela implique un devoir d'information de la part des collectivités locales, en particulier au niveau communal, où les relations et les informations de proximité jouent un rôle essentiel.

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Je rappelle que le système FR-Alert permet de prévenir les personnes sur leur téléphone mobile, dans un périmètre donné, par rapport à un risque présent.

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Clément Vivès, sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime

Ce système, qui existe déjà depuis un certain temps dans plusieurs pays, tels que les États-Unis et le Canada (sous le nom de « Cell Broadcast »), a été mis en œuvre en France à la suite de l'incident de Lubrizol. Ce système d'alerte est une réponse directe aux leçons tirées de cet événement.

L'incident a mis en évidence un problème important concernant l'alerte des populations, notamment en pleine nuit lors d'un incendie. Le manque de culture du risque conduit à des comportements inadaptés en cas d'alerte. Les populations ne savent pas comment réagir et peuvent même adopter des comportements dangereux.

Il est important de sensibiliser les populations sur la manière de réagir en cas d'alerte. Lorsque les sirènes retentissent, les personnes doivent connaître les actions à entreprendre, telles que rester à l'intérieur de son domicile, écouter les médias nationaux, ne pas aller chercher les enfants à l'école et encore ne pas utiliser son téléphone.

Or, quand les sirènes sont activées, nous constatons que les citoyens ont tendance à ouvrir les fenêtres afin de comprendre ce qui se passe, à aller chercher leurs enfants à l'école et à appeler leurs proches et les services d'urgence, afin d'obtenir des informations.

La décision de déclencher les sirènes en cas d'urgence relève du maire ou du préfet. Les sirènes n'ont pas été déclenchées lors de l'incident du Lubrizol, afin de ne pas créer un mouvement de panique en pleine nuit, alors que les personnes étaient à leur domicile et donc en sécurité.

Le choix a été fait par la suite de déployer le « Cell Broadcast ». Ce dispositif permet l'envoi d'un message, y compris sur les téléphones en veille. L'appareil mobile vibre fortement dans cette situation, en émettant un son particulièrement gênant. Ce système intrusif, de bout de chaîne, permet ainsi de faire passer des messages d'alerte, en cas d'urgence imminente et de risque à l'intégrité physique des personnes, avec un besoin impératif de donner des consignes précises.

À la suite de tests du dispositif, 90 % des personnes interrogées ont estimé que ce système faisait peur. Néanmoins, 70 à 80 % des personnes sont contentes d'avoir reçu ce message indiquant clairement les consignes à suivre.

À notre époque, la plupart des concitoyens reçoivent des alertes sur leur téléphone mobile pour tout et n'importe quoi, et souhaitent être informés de cette manière. Ce dispositif doit néanmoins rester exceptionnel, afin de préserver sa force de frappe et permettre la transmission d'un message d'alerte particulièrement puissant.

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Françoise Lesconnec, conseillère municipale de Rouen déléguée aux risques majeurs

Ce système d'alerte se place effectivement en bout de chaîne. La question de l'anticipation est primordiale et ne se positionne pas uniquement en fonction des moyens mis en œuvre (système d'alerte, organisation interne dans les collectivités, etc.).

Ce sujet repose également sur la manière dont les différents acteurs se mettent en ordre de marche collectivement, chacun au sein de ses missions et fonctions. L'objectif est justement d'éviter d'utiliser ces systèmes d'alerte.

Les apports réglementaires et législatifs sont particulièrement importants sur la question de l'anticipation.

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Charlotte Goujon, vice-présidente de la métropole Rouen Normandie en charge de la transition écologique, de la santé et de la sécurité sanitaire et industrielle, maire de Petit-Quevilly

FR-Alerte est un outil de qualité, permettant de transmettre des consignes à la population.

Néanmoins, l'utilisation de cet outil semble trop restrictive. En effet, ce dispositif ne permet pas d'informer la population lorsque le danger n'est pas imminent ni immédiat. L'incendie survenu au mois de septembre 2023 a mis en lumière cette problématique dans notre métropole, où la population est très attentive à la transmission d'informations.

Il semble souhaitable de décliner au niveau local différentes doctrines d'utilisation afin de tenir compte des sensibilités locales. FR-Alert a été utilisé sur le territoire national à quatre reprises depuis sa mise en place : pour une évacuation en Gironde à la suite de feux de forêt, pour un message de prévention des autorités lors d'un technival, concernant des morsures de vipères dans l'Indre au mois de mai 2023, pour une vigilance rouge concernant un orage en juillet 2023 dans l'est du territoire, et enfin pour une vigilance orange liée à un orage dans les Pyrénées-Atlantique. Il semble donc exister une interprétation plutôt « extensive » de la doctrine par les autorités locales, par exemple pour le cas du technival et de la vigilance orange pour les orages.

Il n'existe donc pas véritablement de doctrine nationale dans ce domaine, puisque l'outil semble avoir été utilisé, au moins à deux reprises, à titre d'information. La question de la frontière entre l'information et l'alerte doit donc être posée.

Nous avons développé, sur le territoire de la métropole, un système d'alerte par SMS. Les personnes souhaitant bénéficier de ce service doivent s'inscrire à ce dispositif. 25 500 personnes se sont inscrites pour le moment, sur les 500 000 habitants que compte le territoire de la métropole. Cet outil a été utilisé à deux reprises, lors des incendies des mois de janvier et septembre 2023. Il ne s'agit néanmoins que d'un palliatif, la métropole milite plutôt pour adapter la doctrine nationale de l'outil FR-Alert aux sensibilités des territoires.

La question plus large de l'information aux populations doit également être traitée. Les habitants sont demandeurs d'un outil spécifique permettant de recevoir, de manière automatique, de l'information, sans devoir obligatoirement passer par un service nécessitant une inscription.

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Clément Vivès, sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime

Il n'existe pas plusieurs doctrines de l'utilisation de l'outil FR-Alert. La Seine-Maritime a appliqué la doctrine officielle de l'outil. L'incendie en Gironde présentait un risque immédiat et des consignes ont donc été données. Concernant l'alerte du technival, des vipères avaient été repérées sur le territoire, avec une urgence d'informer la population face à un réel risque. Enfin, des consignes ont également été transmises lors des épisodes orageux. L'objectif principal est de pouvoir faire passer des consignes à la population en cas de risque. Aussi, tant que les acteurs tels que les SDIS et les ARS n'indiquent pas au directeur des opérations de secours des consignes immédiates face à des risques pour l'intégrité des personnes, le système d'alerte n'a pas à être activé. Le problème est sensible, mais il faut conserver une doctrine globale et uniforme.

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le Colonel Stéphane Gouezec, directeur du SDIS de la Seine-Maritime

L'objectif n'est pas simplement de mettre en place un outil, mais un écosystème complet. Le dispositif doit s'inscrire dans une culture globale, avec l'éducation des jeunes, l'esprit civique, la compréhension des enjeux, la prévention des risques de la vie courante, l'information préventive sur les comportements qui sauvent, l'information régulière des élus et de la population, ou encore la formation et l'accompagnement des élus.

FR-Alert constitue une importante avancée. Par rapport aux précédents dispositifs de la sécurité civile, cet outil permet un taux de pénétration bien plus important.

Néanmoins, FR-Alert ne peut pas être le moyen exclusif, puisque certaines personnes sont malades, malentendantes ou n'ont pas accès à leur téléphone portable.

Nous devons construire l'aventure humaine autour de la sécurité civile, avec l'ensemble de l'écosystème, comprenant l'éducation, l'information et la nécessité de renouer la confiance entre les services publics et la population, dans le cadre d'un travail de long terme. Ce travail permet par la suite d'envisager l'alerte et l'information aux populations.

Les deux canaux ne doivent pas être confondus. Le message d'alerte doit réellement être perçu comme un message d'alerte. La présence de canaux d'information reste néanmoins nécessaire.

L'information, pour être efficace, doit être multicanal, avec le téléphone, le porte-à-porte, les messages dans les boîtes aux lettres, ou encore le contact humain.

Dans le cadre des plans communaux de sauvegarde (PCS) ou de la démarche de l'organisation de la réponse de sécurité civile (ORSEC), l'ensemble de l'aventure humaine doit être travaillé. Ces paramètres doivent être approfondis, afin de pouvoir rendre plus harmonieuse cette capacité de réaction et de résilience.

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Lorsque j'ai déposé cette mission d'information avec mon groupe, l'objectif était de pouvoir faire face à des crises majeures, d'ordre technologique, naturel, sanitaire ou liées à risque attentat.

Je prends notamment note de vos réflexions concernant l'acculturation de la population, qui constitue un enjeu majeur.

En matière de gestion de crise, le meilleur atout reste la prévention. Les crises doivent se préparer en amont.

FR-Alert représente un outil supplémentaire dans ce travail, mais d'autres canaux doivent également être mis en place.

Quel est votre regard sur le fonctionnement de notre modèle de sécurité et de protection civile ? Ce modèle doit-il évoluer ? Ce modèle est-il capable de répondre aux enjeux à venir ?

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Françoise Lesconnec, conseillère municipale de Rouen déléguée aux risques majeurs

La question des moyens doit être prise en compte. Les réflexions et l'intelligence collective doivent être accompagnées de moyens suffisants.

Lors de l'incident de Lubrizol, certains éléments sont apparus clairement sous-dimensionnés. Ce constat renvoie, une fois de plus, à la question de l'anticipation. Les moyens humains sont également nécessaires, avec des femmes et des hommes formés, capables de se rendre sur le terrain.

L'organisation et les moyens financiers doivent ainsi être au rendez-vous, afin de permettre cette présence humaine et cette démarche de formation. En outre, ces personnes doivent être dotées d'équipements de protection individuelle (EPI) adaptés et de moyens plus lourds. La question des moyens logistiques et administratifs doit également être prise en considération.

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André Gautier, vice-président du conseil départemental de la Seine-Maritime en charge de l'habitat, du logement et de la politique de la ville et président du conseil d'administration du SDIS de la Seine-Maritime

Je pense que notre modèle de sécurité civile répond aux risques. Au sein du SDIS, l'organisation intègre des professionnels disposant de compétences parfois poussées en Seine-Maritime (risque radiologique, risque chimique, risque nautique, etc.), ainsi que de nombreux sapeurs-pompiers volontaires, qui détiennent cette culture du risque et qui se montrent particulièrement disponibles lors des événements majeurs.

Cette capacité de réaction de nos sapeurs-pompiers volontaires et cette compétence de nos sapeurs-pompiers professionnels permettent de répondre à un spectre de risques relativement large.

La question des moyens humains et financiers peut effectivement se poser. Néanmoins, les moyens financiers sont présents dans le département et les communes.

En outre, d'autres partenaires participent à ces moyens financiers. Nous disposons de générateurs de risques en Seine-Maritime qui participent à l'ensemble des équipements des sapeurs-pompiers, et des moyens humains.

Je suis plutôt optimiste sur notre capacité à pouvoir répondre à un événement majeur, et sur notre modèle de sécurité civile.

En revanche, ce modèle ne doit pas être remis en cause par d'éventuelles réglementations européennes. Les dirigeants français doivent pouvoir préserver notre modèle de sécurité civile.

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Les services de Gironde, entendus par la mission la semaine passée, nous rappelaient malheureusement que plusieurs crises peuvent parfois se conjuguer au même moment, en plus du risque courant. Ils nous ont ainsi indiqué être récemment arrivés à un point de rupture. Je tiens donc à souligner que des difficultés peuvent donc apparaître en fonction des régions.

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André Gautier, vice-président du conseil départemental de la Seine-Maritime en charge de l'habitat, du logement et de la politique de la ville et président du conseil d'administration du SDIS de la Seine-Maritime

Nous avons également cette capacité de pouvoir faire bloc avec l'ensemble des SDIS. Lors de l'incident de Lubrizol, nous avons par exemple pu mobiliser d'autres forces autour du SDIS de Seine-Maritime.

Cette capacité est forte et se constate avec les volontaires et la collaboration interdépartementale. Nous sommes souvent appelés à intervenir sur des théâtres d'opérations qui ne sont pas spécifiques au département, et nous répondons présents.

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Charlotte Goujon, vice-présidente de la métropole Rouen Normandie en charge de la transition écologique, de la santé et de la sécurité sanitaire et industrielle, maire de Petit-Quevilly

Je rejoins ma collègue Mme Lesconnec sur la nécessité d'accorder des moyens supplémentaires aux SDIS, bien que la situation se soit améliorée concernant le SDIS en Seine-Maritime. Comme cela a été dit, notre département est particulièrement concerné par les risques, la construction d'un EPR est venue renforcer ce constat.

Au-delà des moyens, la question de l'attractivité des métiers au sein des services d'incendie et de secours doit également être évoquée. Le nombre de personnels sur le territoire doit être suffisant afin de pouvoir répondre aux enjeux qui sont les nôtres.

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le Colonel Stéphane Gouezec, directeur du SDIS de la Seine-Maritime

Notre modèle de sécurité civil mûrit relativement correctement depuis de nombreuses années. Les lois ont ainsi permis de solidifier ce dispositif.

Effectivement, la question des moyens, notamment humains, est au cœur de la façon dont les différentes missions, curatives ou préventives, sont menées. Ces deux aspects doivent être travaillés de façon parallèle.

Durant de nombreuses années, les SDIS se sont concentrés sur le curatif et donc sur l'intervention. La loi de 2004 n'a pas été complètement explorée, afin que les SDIS puissent devenir des acteurs de la formation et de l'éducation des jeunes à la sécurité civile.

Les citoyens ont profondément envie de s'engager. Lorsque les conditions de l'information, de l'éveil et de l'envie sont mises en place, nous provoquons cette capacité à renforcer nos effectifs. Le travail de ces paramètres nécessite une action sur l'éducation, notamment dans l'éducation nationale.

Nous sommes en train de construire un projet important en Seine-Maritime, avec des interventions planifiées annuellement dans les classes de quatrième, afin de réaliser de l'information préventive aux comportements qui sauvent et de déployer la culture du risque. Pour cela, la création d'une administration supplémentaire n'est pas nécessaire. Le préfet Durand rappelait l'importance de se méfier de l'institutionnalisation et de la création d'établissements publics supplémentaires qui viennent alourdir le système.

L'engagement citoyen, avec cette notion de réserve de sécurité civile (réserve citoyenne), a été un élément fort de la loi Matras et des lois précédentes concernant les réserves communales de sécurité civile. Ce cadre permet la construction de tels éléments, sous l'angle du bénévolat. De nombreux citoyens souhaitent participer à cette aventure de l'engagement, de la résilience et de l'entraide d'une communauté humaine, dans un quartier et un territoire. Pour parvenir à ce résultat, il est nécessaire d'agréger les compétences et les envies, en imaginant des systèmes qui relèvent davantage de la fédération des bonnes volontés.

En Seine-Maritime, nous avons plutôt imaginé une fédération d'intention, à laquelle un cadre plus structuré devra probablement être apporté. Une déclinaison pourrait être un conseil départemental de protection civile, fédérant les acteurs, dans le cadre d'une fédération d'intention, avec des objectifs partagés par les décideurs locaux, afin de fixer des axes permettant une complémentarité de ces réseaux d'acteurs.

Les associations agréées de sécurité civile sont des acteurs importants, qui travaillent sur la formation au secourisme de la population et sur les fonctions de soutien aux populations et de résilience.

17 associations, dont le SDIS, sous l'égide du préfet, ont signé cette fédération d'intention. L'idée est que ces associations agréées soient présentes pour réaliser un maillage citoyen. La réserve départementale intervient pour compléter ces actions et agréger les citoyens.

En créant cette organisation, nous constatons que les citoyens nous rejoignent, en ayant envie de participer à l'aventure de la communauté et à un appui aux services publics dans les missions de soutien aux populations. Dans ce cadre, le nombre de jeunes sapeurs-pompiers et de pompiers volontaires augmente, ainsi les membres des associations agréées de sécurité civile.

Ce modèle que nous devons inventer doit s'inscrire dans un partenariat construit, avec des textes adaptés, permettant de faire vivre cet écosystème, non pas comme une institution, mais comme une fédération d'acteurs ayant une volonté commune de répondre aux besoins des élus locaux et nationaux. Cette approche constitue une brique supplémentaire, et non une refondation, car la coordination des différents acteurs (communautés urbaines, métropoles, communautés de communes, communes, Conseil départemental, SDIS, etc.) permet la mise en place d'un front commun, afin d'être à la hauteur des enjeux de demain.

Nous bénéficions d'ailleurs de cofinancements croisés pour les infrastructures immobilières ou afin de mener à bien notre t projet de création d'une maison commune de la sécurité civile. Un texte devra donner du sens à cette fédération d'acteurs, afin d'éviter la dispersion des bonnes volontés au cours du temps.

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Vous avez évoqué l'organisation d'exercices, grandeur nature, avec la population. Vous avez, à cette occasion, déploré le manque d'implication de la population dans le cadre de ces exercices.

Quelle est la nature précise de ces exercices ? Ces exercices sont-ils propres à votre département, décidés, organisés et dirigés uniquement par les acteurs locaux ? Comment expliquez-vous le manque d'implication de la population dans ce cadre ?

Par ailleurs, disposiez-vous, au moment de la crise, du maillage territorial impliquant la population, les associations agréées sécurité civile et les réserves communales ? Ce maillage s'est-il mobilisé pour cette crise ? Des associations se sont-elles greffées après la crise ?

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André Gautier, vice-président du conseil départemental de la Seine-Maritime en charge de l'habitat, du logement et de la politique de la ville et président du conseil d'administration du SDIS de la Seine-Maritime

Ces exercices sont systématiquement organisés par la préfecture, dans le cadre du Centre nucléaire de production électrique (CNPE). L'objectif de ces exercices est de tester la coordination de l'ensemble des services amenés à intervenir auprès des populations, ainsi que les dispositifs d'évacuation.

Je regrette, en effet, le manque d'implication des habitants dans ces exercices. La population semble avoir intégré le risque dans la vie quotidienne. Par ailleurs, ces exercices ont lieu en journée, lorsque les personnes sont au travail, et sur des sites non urbanisés, avec une population moins importante dans le périmètre de sécurité.

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Clément Vivès, sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime

Tous les ans, la préfecture organise une demi-douzaine d'exercices à l'échelle départementale. Certains de ces exercices peuvent être d'ampleur nationale, notamment ceux relatifs aux centrales nucléaires, avec des scénarios en lien avec l'Autorité de sûreté nucléaire et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

Dans le cadre de ces exercices, nous avons, de manière générale, un regret concernant le manque d'implication d'un certain nombre d'acteurs du territoire et de la population. Ce constat nous oblige à réfléchir à des modalités plus « ludiques », afin de faire intervenir des écoles, des agents et des structures.

Nous partons probablement de loin vis-à-vis d'autres pays dans ce domaine. Les Français n'aiment pas le risque. Nous ne souhaitons pas le voir ou nous considérons qu'il ne devrait pas exister. Or, cette manière de penser nuit à la gestion du risque lorsqu'il se produit.

Ce sujet est majeur lorsque des exercices sont organisés. Les élus locaux, les directeurs d'écoles et les habitants estiment que ces exercices sont particulièrement anxiogènes. Ce sujet est très « français ».

Cette année, 24 % des communes du département ont participé à l'exercice de mobilisation du plan communal de sauvegarde. Le taux de participation atteint 59 % dans la métropole de Rouen-Normandie.

La direction générale a lancé un certain nombre d'initiatives, notamment des exercices « flash », qui fonctionnent et sont adaptés aux risques spécifiques des communes.

Les plans communaux de sauvegarde ne sont pas tous réalisés. L'initiative évoquée par le Colonel Gouezec est centrale afin de renforcer l'acculturation de toute la population.

La journée de la résilience est née à l'issue d'un rapport. La deuxième édition a lieu cette année, avec la participation d'acteurs du territoire. La métropole de Rouen a, de son côté, consacré une semaine entière à cette question.

Cette journée, importante et symbolique, permet de sensibiliser quelques centaines d'enfants pour la métropole. Ce résultat n'est pas négligeable, mais l'enjeu est bien plus large. La cible est de toucher une classe d'âge entière, soit environ 14 000 enfants, qui auront la capacité de diffuser ces informations, notamment au sein de leur domicile. Cet objectif, qui est rempli à un tiers cette année, devrait être atteint en 2025.

Nous avons beaucoup de retard dans ce domaine, mais nous essayons de nous mettre en ordre de marche. La réserve départementale, qui nous aidera à conduire cette mission, s'appuiera sur le travail des bénévoles.

Les bénévoles des associations agréées de protection civile jouent un rôle majeur dans notre modèle. Nous ne pouvons pas les laisser de côté. Ces personnes travaillent quotidiennement avec les organisateurs de divers événements et les élus. Ces activités garantissent leur capacité à être présents et opérationnels lorsqu'une crise survient.

Les associations agréées de sécurité civile n'étaient pas engagées dans la crise de Lubrizol. Ces personnes ne sont pas réellement engagées au quotidien. Or, les bénévoles ont besoin de s'entraîner régulièrement, notamment afin de réaliser cette transmission et cette prévention, et de communiquer auprès des élèves.

La fédération de ces bonnes volontés est un élément majeur qui se met en place au sein du département, sans institutionnalisation ou obligation « verticale ». Cette fédération nécessite une convergence des volontés et des moyens.

À ce titre, le SDIS met à disposition deux personnels, à savoir le président et le directeur, afin de faire vivre cette réserve et cette maison.

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le Colonel Stéphane Gouezec, directeur du SDIS de la Seine-Maritime

L'objectif est de rendre visible la sécurité civile sur le territoire. Un objet peu utilisé dans ce domaine est le pavillon de sécurité civile. Il semble nécessaire de valoriser les communes qui font flotter le pavillon de sécurité civile, car cet élément fait le lien avec les exercices.

Afin de pouvoir faire flotter le pavillon de sécurité civile sur une commune, un certain nombre d'exercices doit être réalisé. Les territoires ayant exploré cette possibilité doivent répondre à certaines règles de culture, d'organisation de la commune, de gestion des plans communaux de sauvegarde et de réussite d'exercices dans lesquels le poste de commandement communal a été activé.

De plus, des niveaux de cotation existent pour ce pavillon qui permet de rendre visible cette notion de sécurité civile sur le territoire, ainsi que de valoriser l'action des élus qui s'engagent dans cette démarche.

Ce travail fait également le lien avec le correspondant incendie et secours, qui pourrait d'ailleurs parfaitement être renommé « correspondant sécurité civile ». Ce sujet doit être relié à la notion de sécurité civile. Ce pavillon constitue un élément de reconnaissance et de valorisation des acteurs, en particulier sur la culture des exercices.

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Françoise Lesconnec, conseillère municipale de Rouen déléguée aux risques majeurs

Je participe à un certain nombre de commissions communales de sécurité et je rencontre souvent des préventionnistes. La question de l'engagement à long terme revient régulièrement, avec cette notion importante de l'attractivité.

Nous sommes également victimes de nos erreurs, notamment en matière de déficit de confiance. Lors de l'incident de Lubrizol, les informations transmises ont pu parfois paraître contradictoires. D'autres informations n'ont pas été transmises à la population, qui a pu avoir le sentiment que la vérité lui était cachée.

Retrouver la confiance des citoyens sera compliqué. Nous devons rester cohérents vis-à-vis des messages que nous envoyons et nous devons nous inscrire dans cette volonté d'acculturation au risque.

En outre, il semble nécessaire de ne pas dissocier la culture de la sécurité de celle du risque. Ces deux cultures sont totalement liées et dépendantes l'une de l'autre.

Des exercices, dans le cadre du plan particulier de mise en sûreté (PPMS), sont régulièrement menés au sein des écoles, avec différents scénarios (attentat, risque technologique, sanitaire, etc.). Les enfants sont ainsi entraînés à adopter les bons comportements, en fonction des situations.

L'acquisition de comportements réflexes est donc primordiale, le risque zéro n'étant pas envisageable. La population semble prête à s'investir dans ce domaine. Dans ce cadre, la notion de complémentarité des acteurs est fondamentale pour l'élaboration de l'ensemble nos stratégies locales, ainsi que celle de la coordination.

Je souligne, une fois encore, qu'il ne faut pas craindre d'effrayer la population et nos propres agents en anticipant et en informant sur les réponses à apporter aux risques.

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André Gautier, vice-président du conseil départemental de la Seine-Maritime en charge de l'habitat, du logement et de la politique de la ville et président du conseil d'administration du SDIS de la Seine-Maritime

Nous vivons dans une société numérique. Nous ne pouvons pas ignorer les réseaux sociaux et les images qui circulent sur internet.

L'incident de Lubrizol et l'ensemble des événements majeurs que nous avons pu connaître ont suscité une mobilisation particulièrement importante de la part des réseaux sociaux. Les messages diffusés sur ces plateformes peuvent être contradictoires et les images peuvent apparaître effrayantes.

Au sein du SDIS, deux experts sont mobilisés, lors d'événements majeurs, afin d'être en alerte sur les réseaux sociaux et de pouvoir apporter des réponses en temps réel.

Nous avons également créé un réseau de reporters d'images. Ce réseau fait remonter les images des différentes interventions, afin de permettre aux personnes en responsabilité, dans le cadre de la direction des opérations de secours (DOS), mais aussi aux médias, de diffuser l'information correcte et les bons conseils. Ces deux éléments importants doivent être pris en compte.

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Pourriez-vous apporter des précisions sur cette idée de fédération d'intention ? Cette démarche est-elle également mise en place dans d'autres départements ?

Par ailleurs, pouvez-vous mettre en lumière les différences qui existent entre la sécurité civile et la protection civile ?

De plus, le niveau de réponse et de connaissance est-il identique, quelle que soit la taille des communes ?

Enfin, quels sont les avantages et les inconvénients des réserves communales de sécurité civile, qui sont sous la responsabilité directe du maire ?

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le Colonel Stéphane Gouezec, directeur du SDIS de la Seine-Maritime

Les réserves communales sont un élément essentiel, puisque la solidarité humaine sur un territoire part, dans un premier temps, du lieu de vie et de la réalité des risques locaux. Ces réserves doivent faire le lien avec les élus locaux.

Le déclenchement des réserves communales est particulièrement rare, et nous rencontrons des difficultés à les faire vivre en continu, sur l'ensemble du territoire.

Il est possible, au travers de la réserve départementale, de rendre projetables les réserves communales. Une réserve communale de sécurité civile bien structurée existe sur la commune de Grand-Quevilly. Les acteurs de cette réserve peuvent ainsi être projetés, par exemple, dans le cadre d'une tempête, sur une autre partie du territoire.

Par convention, nous lions les réserves communales aux réserves départementales. La complémentarité de ce maillage, entre le tissu communal et le tissu départemental, renforce l'ensemble du dispositif et permet d'agréger des citoyens sur l'ensemble du territoire.

Ces deux paramètres nécessitent de penser l'appui et la formation à l'information des cadres des réserves communales. Ce point est développé dans le cadre de notre collaboration entre les associations agréées et les acteurs de la sécurité civile. La réalisation de la formation des cadres de ces réserves communales est nécessaire, afin qu'ils puissent comprendre l'environnement dans lequel ils se situent (dans le cadre de la démarche ORSEC) et les différences qui existent entre les missions de secours ou de soutien aux populations.

En effet, la bonne volonté d'acteurs non formés peut apparaître perturbatrice dans cette envie d'effectuer du secours. Ces éléments doivent être pris en considération.

L'un des objectifs de la maison de la sécurité civile sera de former nos cadres de réserve communale de sécurité civile, afin de pouvoir envisager la projection d'équipes de neuf personnes. Cette démarche globale doit être envisagée en partant de l'échelle communale, du quartier et de la zone d'habitation.

Par ailleurs, la question de l'appellation peut poser des difficultés, avec une constellation d'acteurs qui se complexifie. Actuellement, la « marque » protection civile ou sécurité civile n'est pas protégée, et des personnes ayant envie d'être utiles peuvent parfois créer des associations en y accolant le terme de « protection civile ».

Je pense qu'il faudra protéger cette capacité à utiliser ce terme de « protection civile » ou de « sécurité civile » à travers cette idée de fédération d'intention. La « tutelle » sur celle-ci pourrait être exercée par le service interministériel régional des affaires civiles et économiques de défense et de protection civiles (SIRACEDPC) ou le corps préfectoral, qui pourrait donner un agrément d'usage du nom, cette tutelle pouvant fonctionner éventuellement avec une codirection ou une direction adjointe du directeur du SDIS. L'idée est de promouvoir l'esprit de sécurité civile, sous la responsabilité du préfet, tout en réalisant une distinction avec son rôle de directeur d'établissement public.

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Clément Vivès, sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime

Nous comptons 13 associations dans le département, pour plus de 3 000 personnes engagées. Certaines associations disposent d'un fonctionnement quasiment professionnel, avec un nombre de salariés particulièrement réduit.

Ces structures représentent des acteurs majeurs du quotidien pour l'ensemble des pouvoirs publics et permettent, auprès des élus et d'autres acteurs du territoire, de mener à bien des missions et d'accompagner des événements avec professionnalisme.

Par ailleurs, la Seine-Maritime, dans les domaines de la sécurité civile, connaît un déficit d'attractivité, dont j'ignore les causes, ces initiatives sont donc particulièrement utiles.

Ce déficit se retrouve dans le recrutement des sapeurs-pompiers. Le sujet de la fédération des bonnes intentions permet une reconnaissance et le partage d'un certain nombre d'éléments (uniformes, formations, cérémonies, etc.). Cette initiative permet de faire grandir l'envie et, indirectement, de faire grossir les rangs des candidats pour les concours de sapeurs-pompiers ou d'autres professions.

Le sujet de la réserve communale est important. Des communes s'engagent particulièrement dans ce domaine, ce qui implique des équivalents temps plein (ETP) pour gérer ces personnes et les former.Néanmoins, d'autres collectivités sont moins impliquées sur ces questions, pour diverses raisons (financières, politiques, etc.). Il s'agit d'un point majeur lorsque nous évoquons le sujet de la protection civile.

Le département est exposé à de nombreux risques, qui diffèrent en fonction de la localisation ; pour ces risques, les collectivités locales et les maires sont les plus à même de prendre des mesures. Le SDIS et le préfet ne peuvent pas imposer l'information à une population générale de la Seine-Maritime, au risque de se retrouver avec un document d'une centaine de pages, similaire au document départemental des risques majeurs (DDRM).

Le sujet est donc éminemment local. Le DDRM permet à chaque commune de connaître les risques qui lui sont propres, avec des fiches spécifiques qui doivent être présentées à la population tous les deux ans.

Dans ce domaine, l'appropriation n'est pas homogène. La loi Matras nous a offert un certain nombre de leviers. Nous avons pu accueillir, avec le directeur du SDIS et le président, 500 correspondants dans diverses réunions, afin de rappeler les obligations des maires en matière de réponse aux risques. La responsabilité pénale des maires et la responsabilité civile de la commune sont susceptibles d'être engagées dans ce cadre, mais certains maires n'ont pas conscience de cette responsabilité.

Certains territoires ont la chance d'avoir mis en place des équipes compétentes dans ce domaine, et cette organisation relève de choix budgétaires et financiers, impliquant des arbitrages. Or, certains sites peuvent afficher des retards en la matière. Le sujet majeur est celui de la compétence des collectivités locales, qui sont seules chargées de connaître le plan intercommunal de sauvegarde.

Concernant l'incendie de Lubrizol, tous les retours et les rapports des différentes commissions d'enquête ont été mis en ligne et sont donc disponibles de manière totalement transparente. Cet événement n'a fait aucun mort, ni aucun blessé. En outre, aucune conséquence n'a été constatée dans le cadre de la surveillance épidémiologique.

En revanche, les médias locaux et nationaux n'évoquent pas le décès, à Rouen, d'une femme de 40 ans, en juin 2022, à la suite d'un ruissellement dans une rue. Pourtant, ce drame aurait pu être évité et s'inscrit dans le cadre de la responsabilité collective en ce qui concerne le plan de prévention ou encore l'artificialisation des sols.

Par ailleurs, des câbles (internet et téléphonie) ont récemment été arrachés. À la suite de cet incident, une zone de trois communes n'a plus eu accès à la téléphonie fixe et mobile, ainsi qu'à internet. Des sapeurs-pompiers ont été déployés, ainsi que des patrouilles de police et de gendarmerie. L'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) a été prévenu, afin de demander aux autres communes l'activation de leur PCS. Or, les personnes chargées de cette mission se sont contentées d'envoyer des messages sur les téléphones d'astreintes, ainsi que des courriels, au lieu de dépêcher des individus directement sur place.

Cette organisation nécessite un travail quotidien de planification, une capacité à répéter les bons comportements à adopter en cas de crise, ainsi qu'une formation des élus. Les directeurs des opérations de secours doivent savoir écouter le SDIS et les services de l'État. Nous sommes néanmoins en avance dans ce domaine, au sein de notre département.

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Françoise Lesconnec, conseillère municipale de Rouen déléguée aux risques majeurs

Ce sujet renvoie à la question de l'anticipation, par la formation et l'accompagnement des communes. Des interventions sont parfois effectuées dans les communes ou les conseils municipaux sur ces éléments de sécurité civile. La question de l'anticipation est majeure.

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Pensez-vous que l'information des élus est importante dans le domaine de la gestion d'un risque ou d'une catastrophe ? Les élus devraient-ils être obligatoirement formés à cette gestion ?

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Clément Vivès, sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime

Le code général des collectivités territoriales et le code de la sécurité intérieure rendent les maires et les préfets personnellement responsables sur ce sujet.

Les communes du département, pourtant particulièrement exposées aux risques, ne sont pas toutes dotées d'un PCS. Ce sujet, qui relève pourtant de la responsabilité du maire et de sa propre compétence, n'est pas suffisamment connu.

La question de l'obligation de formation peut en effet se poser, notamment pour le maire et, éventuellement, pour le maire adjoint en charge du sujet sécurité civile ainsi que du correspondant incendie et secours.

Ces personnes doivent avoir totalement conscience de ces sujets et de leur capacité à dégager des ressources internes. Les communes particulièrement exposées aux risques doivent pouvoir mettre en place un certain nombre de ressources humaines pour préparer et planifier ces situations.

Les maires qui ne s'intéressent pas à ce sujet peuvent malheureusement se retrouver un jour convoqués devant un tribunal ou mis en examen.

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André Gautier, vice-président du conseil départemental de la Seine-Maritime en charge de l'habitat, du logement et de la politique de la ville et président du conseil d'administration du SDIS de la Seine-Maritime

L'information et la formation sont essentielles. En outre, une information préventive semble également nécessaire pour ces personnes, avant l'acte de se présenter aux élections. Certains maires découvrent, une fois élus, qu'ils sont également agents de l'État.

Une information préventive, éventuellement sous la forme d'une charte ou d'un engagement, pourrait s'avérer particulièrement utile, afin que les candidats à une élection municipale prennent connaissance du poids de leurs responsabilités. Le maire est un agent de l'État et un exécutif local.

L'Association départementale des maires joue ce rôle d'information et se montre particulièrement efficace en Seine-Maritime sur ce sujet, avec plusieurs séances de formation des maires sur ces problématiques de sécurité civile.Néanmoins, un travail plus en amont semble également nécessaire dans ce domaine, afin de faire prendre conscience de cette responsabilité.

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Françoise Lesconnec, conseillère municipale de Rouen déléguée aux risques majeurs

Le sujet de l'éducation des citoyens est également important, notamment dans le cadre des cursus scolaires.

En outre, la question de l'opérationnalité se pose dans les communes. La commune de Rouen est, par exemple, dotée d'un service dédié aux incendies et aux risques majeurs, composé de seulement trois personnes. Ce service est donc clairement sous-dimensionné et ne semble pas en capacité de répondre aux risques auxquels la ville est confrontée.

Une réflexion sur l'organisation des services, dans le cadre des mandatures, peut également être menée. Par exemple, est-ce réellement judicieux de rattacher ce service à celui des bâtiments ? Ce service devrait apparaître comme incontournable dans un certain nombre de réflexions ou de décisions au sein de la commune. L'organisation interne d'une commune aura forcément des incidences sur la capacité à apporter des réponses et à être opérationnels.

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le Colonel Stéphane Gouezec, directeur du SDIS de la Seine-Maritime

La structure évoquée précédemment est en train de répondre à cette démarche, avec l'objectif de rencontrer l'ensemble des correspondants incendie et secours deux fois par an.

Nous avons séparé le département en 17 bassins de vie qui correspondent à des bassins du territoire, permettant une sélectivité concernant les risques. Cette information, via un adjoint au maire, doit permettre de faire grandir cette culture de sécurité civile.

Nous avons commencé les premières séquences de formation des élus à la gestion de crise, afin les maires et de leurs représentants puissent être formés sur une période de six ans. Ainsi, 600 à 700 maires ou représentants de maires seront formés dans ce cadre.

La formation des élus à la gestion de crise ne correspond pas simplement à la connaissance des risques. Il s'agit de la capacité de ces personnes à tenir leur rôle de directeur des opérations de secours, et à pouvoir organiser leur poste de commandement communal.

L'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) a été à l'initiative de cette démarche de mallette pédagogique. Nous avons formé les premiers formateurs de formateurs, permettant la mise en place de ce réseau, dans le cadre de la réserve départementale. Les formations ne sont pas obligatoirement dispensées par des sapeurs-pompiers. Nous avons vu s'agréger, par exemple au niveau des citoyens, des ingénieurs de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), qui sont devenus réservistes de sécurité civile.

Cette formation est menée conjointement avec les services du SIRACEDPC sur l'ensemble des matières qui rejoignent l'aspect réglementaire et opérationnel.

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Clément Vivès, sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime

Les efforts sur ce point sont majeurs, avec l'organisation des réunions et des formations. Même si nous connaissons les agendas denses des maires, nous essayons de convaincre les élus de sanctuariser des temps de formation sur ces sujets au cours de leur mandat.

Une réflexion sur cette notion d'obligation peut effectivement être menée. Actuellement, dans le département de la Seine-Maritime, cette formation existe et sera déployée.

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Je tiens à préciser que la Seine-Maritime compte 59 établissements Seveso II, dont 39 seuils hauts. Il s'agit du département le plus risqué de France dans ce domaine.

Je tiens par ailleurs à rappeler l'existence du site gouvernemental « Georisques.gouv.fr », permettant d'obtenir un grand nombre d'informations sur les risques qui existent et les conduites à tenir en cas de besoin.

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Ce sujet de la protection et de la sécurité civiles fait intervenir un grand nombre d'acteurs et apparaît transgénérationnel, impliquant l'ensemble de la population. Je vous remercie sincèrement pour votre participation.

La séance est levée à douze heures trente-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 10 h 35

Présents. - M. Jean-Marie Fiévet, M. Didier Lemaire, M. Julien Rancoule

Excusés. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Lisa Belluco, M. Florian Chauche