Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 15h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 15 heures 35.

Présidence de Mme Lisa Belluco, présidente.

La mission d'information réunit une table ronde, ouverte à la presse, de services d'incendie et de secours (SDIS) ultramarins, réunissant le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion, et le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique.

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Nous poursuivons ce troisième cycle d'auditions consacrées aux personnels et aux associations de sécurité civile par une table ronde réunissant les directeurs des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ultramarins de la Martinique et de La Réunion. Cette audition s'inscrit dans la continuité d'une table ronde organisée jeudi 16 novembre avec cinq SDIS métropolitains répartis entre cinq zones de défense et de sécurité de notre territoire. Nous recevons aujourd'hui le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion, et le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique, que nous remercions pour leur présence.

L'objectif de cet échange est double. Nous souhaitons tout d'abord mieux comprendre les défis particuliers auxquels les SDIS ultramarins sont confrontés. Je pense notamment au risque naturel, à l'insularité ou à la gestion de la récente crise sanitaire. Par ailleurs, nous souhaitons recueillir votre avis sur l'organisation de notre modèle de sécurité et de protection civile, sur ses forces et ses faiblesses, sur les moyens disponibles et les difficultés rencontrées. Nous vous invitons également à proposer des pistes pour conforter ce modèle, en vous appuyant sur votre expérience de professionnels du terrain.

Notre mission d'information, composée de vingt-cinq députés issus de tous les groupes de l'Assemblée nationale, a été constituée au mois de juillet 2023 à la demande du groupe Horizons et apparentés. J'ai l'honneur de la présider et mon collègue M. Didier Lemaire en est le rapporteur. Cette table ronde est enregistrée et sera accessible au public sur le site internet de l'Assemblée nationale. Un compte rendu sera également établi et annexé au rapport publié à l'issue de nos travaux, c'est-à-dire au printemps 2024.

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Ayant été sapeur-pompier volontaire et professionnel pendant plus de trente ans, mais aussi élu local, j'ai pu constater par moi-même les difficultés auxquelles nous sommes confrontés en termes de gestion de crise. Cette mission d'information a pour ambition d'examiner notre capacité d'anticipation et d'adaptation à ce type de situation. Il nous a paru important de vous entendre aujourd'hui, car les différences d'approche entre l'hexagone et les territoires ultramarins, quand bien même nous sommes dans le même pays, peuvent nourrir notre réflexion sur les capacités de résilience et d'adaptation de la population.

Je vous propose, messieurs, de nous présenter dans un premier temps vos SDIS respectifs, en évoquant leurs moyens budgétaires, leurs capacités humaines, ainsi que vos relations avec les différents services.

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le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion

Le SDIS de La Réunion est un établissement public classique et similaire aux autres SDIS du territoire national, mais il présente certaines particularités. Il est composé de 870 sapeurs-pompiers professionnels, 1 500 sapeurs-pompiers volontaires et 240 personnels administratifs et techniques. Son budget s'élève à 116 millions d'euros.

La Réunion a ceci de particulier d'être une région isolée et monodépartementale, c'est-à-dire qu'elle n'est pas entourée d'autres départements proches. La situation de l'île est caractérisée par son exposition majeure à l'ensemble des risques naturels existant dans le spectre de la sécurité civile, à l'exception des avalanches. La Réunion est particulièrement exposée à des événements météorologiques extrêmes, tels que les cyclones, et à des éruptions volcaniques, puisque le piton de la Fournaise est l'un des volcans les plus actifs au monde.

Une autre spécificité réside dans notre éloignement par rapport au continuum opérationnel, puisque nous ne pouvons évidemment pas faire appel à des renforts de proximité à l'échelle régionale ou zonale. En situation de crise, nous devons par conséquent mobiliser des renforts nationaux. La difficulté de l'exercice réside dans notre aptitude à ne pas subir de rupture capacitaire avant la mobilisation de ces renforts nationaux, laquelle suppose un délai de constitution et d'acheminement des équipes. Aussi, l'une de nos préoccupations majeures est l'organisation d'un accueil des renforts en cas de crise, afin de se prémunir contre ce que l'on pourrait appeler une crise dans la crise.

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le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique

Le SDIS de la Martinique est un SDIS relevant de la catégorie C, qui comprend les départements de moins de 400 000 habitants. Avec 370 000 habitants en Martinique, nous sommes dans le haut de cette catégorie et notre territoire de 1 200 kilomètres carrés présente une forte densité de population, supérieure à 300 habitants par kilomètre carré. Cette réalité doit être prise en compte dans la gestion du risque courant. Celui-ci est couvert par un effectif de 1 200 sapeurs-pompiers volontaires, 290 sapeurs-pompiers professionnels et une cinquantaine de personnels administratifs et techniques.

Les missions du SDIS de la Martinique sont comparables à celles des SDIS de l'Hexagone et ultramarins. Nous sommes, comme nos collègues réunionnais, exposés à tous les risques du spectre de la sécurité civile. J'y ajouterais même les avalanches puisque, si nous n'avons pas de neige en Martinique, nous sommes confrontés au risque représenté par les lahars, des coulées torrentielles de cendres volcaniques et de blocs rocheux accumulés lors des périodes d'activité de la montagne Pelée. La commune du Prêcheur, sur la côte, est particulièrement concernée par ce phénomène, ce qui a conduit à la mise en place d'un dispositif d'alerte pour ce risque relativement prévisible quelques heures avant sa survenue.

La Martinique est également soumise au risque des tsunamis, aussi bien les tsunamis lointains, à l'image de celui de 1755 consécutif au séisme de Lisbonne, que les tsunamis régionaux provenant de l'intérieur du bassin caribéen, et que les tsunamis proches, notamment ceux dus à la subduction, puisque l'île se situe sur la conjonction de deux plaques tectoniques, la plaque Caraïbe et la plaque Atlantique.

Si ces risques sont bien identifiés, la capacité d'alerter les populations me semble perfectible, notamment en ce qui concerne les risques d'inondations. Une cellule de veille hydrologique a été mise en place à La Réunion, ce qui n'est malheureusement pas encore le cas en Martinique, ni même dans les Antilles. Ce défaut n'est pas sans conséquences en termes d'organisation des secours en situation opérationnelle.

Le SDIS de la Martinique dispose d'un budget de 38 millions d'euros, un montant insuffisant à mon sens, et bénéficie de 6 millions d'euros d'investissements. Si des efforts de la part de la collectivité ont été produits récemment, le budget de notre SDIS se situe dans la moyenne des SDIS de catégorie C, alors que, comme je l'ai indiqué, nous sommes dans la fourchette la plus haute de cette catégorie C. Le retard structurel de notre SDIS n'est pas négligeable, puisque les plus anciens corps en Martinique datent des années 1950, tandis qu'en France métropolitaine, les plus anciens corps remontent au début du XXe siècle, voire plus tôt encore. Après l'entrée en vigueur de la loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours, les communes ont mis à disposition des bâtiments qui n'étaient pas suffisamment adaptés à l'organisation d'une caserne. Un programme de construction d'un montant de 150 millions d'euros a été lancé, en construction neuve ou en rénovation, afin de tenter de rattraper ce retard structurel qui a des conséquences pour le fonctionnement quotidien du service.

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J'aimerais connaître votre sentiment à propos des différences que vous percevez entre le fonctionnement et la gestion des risques, courants ou exceptionnels, d'un SDIS métropolitain, et ceux d'un SDIS ultramarin. Quels leviers conviendrait-il d'actionner pour améliorer le fonctionnement de vos SDIS ?

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le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion

En ce qui concerne la gestion du risque courant, il me semble que le fonctionnement de notre SDIS est tout à fait comparable à celui des SDIS de l'Hexagone. Les secours d'urgence à la personne (Suap) représentent environ 90 % de l'activité de notre SDIS et les luttes contre les incendies environ 10 %. En revanche, et à la différence de l'Hexagone, nous pratiquons peu d'interventions dites diverses à La Réunion. La population a pour habitude de faire peu appel aux sapeurs-pompiers pour ce type d'interventions, y compris lors de passages de cyclones, pour lesquels l'organisation spontanée et l'entraide naturelle prévalent.

Une autre particularité de La Réunion est la répartition géographique de sa population, puisque 80 % de la population vit sur 20 % du territoire, en l'occurrence le périmètre de l'île. La topographie de l'île est remarquable par l'abondance des cirques montagneux, dont certains sont totalement inaccessibles par voie routière. L'acheminement des secours n'y est possible que par voie aérienne ou pédestre. Cela pose d'évidentes difficultés, dans la mesure où la sécurité civile de La Réunion ne dispose pas de moyens aériens. Les sauvetages en montagne sont assurés par les pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM) et le service d'aide médicale urgente (Samu) peut intervenir par hélicoptère. Quant au SDIS, il s'en remet à un accord avec le secteur privé afin de disposer d'une réponse héliportée.

Les feux de forêt représentent bien entendu un risque majeur à La Réunion, où 85 % de la forêt est accessible uniquement par voie aérienne. L'État met à disposition un avion bombardier d'eau durant toute la période la plus favorable aux feux de forêt, ce qui implique un effort de formation important pour initier et entraîner les sapeurs-pompiers au détachement d'intervention héliportée.

Comme je l'indiquais précédemment, les renforts à La Réunion sont systématiquement de dimension nationale. Cela suppose, sur place, d'être aussi résilient que possible en s'appuyant sur des moyens locaux. Dans un certain nombre de domaines, une rupture capacitaire demeure possible, par exemple sur le risque technologique ou le risque chimique. Les sapeurs-pompiers sont des généralistes, mais ils doivent également travailler sur des spécialités. Or, cumuler toutes les spécialités pose des difficultés en termes de ressources humaines et en termes d'équipements. Il convient par conséquent d'ajuster notre réponse opérationnelle à nos ressources. Cet ajustement n'entre pas toujours dans les standards de préconisations imposés par les textes réglementaires.

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le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique

De nombreuses caractéristiques de la situation en Martinique sont comparables, du fait de notre commune insularité, à ce qui vient d'être décrit. Sur le risque courant, la proportion est équivalente à celle de La Réunion avec 85 % d'interventions de Suap, la lutte contre les incendies représentant environ 4 % de l'activité du SDIS.

Nous sommes confrontés à des difficultés en matière de santé, notamment en raison des attentes prolongées de nos moyens d'intervention de secours à la personne, les véhicules de secours et d'assistance aux victimes (VSAV). Au niveau des urgences hospitalières, les moyens sont concentrés sur le plateau technique de l'hôpital Pierre Zobda-Quitman à Fort-de-France. Cette réalité est véritablement problématique dans une situation insulaire. Si une dizaine de SVAV sont bloqués devant les urgences et que survient un événement grave faisant de nombreuses victimes, il est certain que nous nous trouverions en difficulté.

Nous avons tenté de mettre en place des dispositifs avec l'hôpital pour pallier ce manque de ressources. Nous avons obtenu un retour d'expérience intéressant à propos de la mise en place d'un sas à l'entrée des urgences lors de la crise sanitaire, et nous avons proposé de pérenniser ce dispositif dès lors que plusieurs SVAV arrivent aux urgences. Néanmoins, ce dispositif peine à s'installer durablement. Nous sommes en quête de solutions pour faire face au problème quotidien de la distribution des secours, mais également pour nos personnels, qui acceptent de moins en moins ce type de situations. Il convient de rappeler également que cette problématique intervient dans un contexte de très forte tension aux urgences. En écoutant les collègues de l'Hexagone que vous avez auditionnés, j'ai pris la mesure des travaux menés avec des groupes de travail interministériels. Si des avancées sont notables, leur application uniforme sur le territoire reste lacunaire. Je précise toutefois que ces problématiques dépassent le cadre du SDIS qui, pour remplir ses missions et se montrer en capacité de répondre aux risques courants, me semble dimensionné.

Sur le risque particulier, nous avons développé une culture de l'anticipation, impérative sur un territoire insulaire. Nous sommes en effet à capacité dépassée par rapport à des événements naturels majeurs, quel que soit l'aléa, par exemple un ouragan ou un séisme. Les élus locaux et les représentants de la préfecture sont conscients de la nécessité d'anticiper, dans la mesure où ils savent, comme nous, que toute réponse à une demande de renfort suppose un délai. Nous préparons par conséquent des équipes dans tous les domaines, afin d'apporter autant que possible une première réponse à une situation de crise. L'une des conditions pour y parvenir est de garantir la protection de nos propres moyens. En cas de séisme par exemple, si les casernes de pompiers s'effondrent à la première secousse, notre capacité d'intervention sera évidemment très faible.

C'est la raison pour laquelle nous nous efforçons de disposer d'un parc immobilier capable de faire face au risque sismique. Le programme que j'évoquais précédemment est inscrit dans le cadre du plan séisme Antilles (PSA) et financé à 50 % par l'État. Sur les dix-neuf casernes de Martinique, douze nécessitent des travaux. Sept casernes ont déjà été rénovées et le programme va se poursuivre.

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Avant d'aborder le volet opérationnel de vos activités, j'aimerais connaître votre avis sur le déploiement de notre modèle de sécurité et de protection civile, tant dans les départements ultramarins que dans les départements de la métropole. Par ailleurs, j'aimerais connaître votre sentiment sur l'évolution de ce modèle depuis votre point de vue ultramarin, et depuis la loi de 1996 relative aux services d'incendie et de secours, qui instaurait une départementalisation de ces services.

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le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion

La particularité du SDIS de La Réunion est que son service opérationnel fonctionne en service de garde, sans aucun sapeur-pompier volontaire en système d'astreinte. Notre SDIS ne peut en effet fonctionner avec un système d'astreinte, en raison de l'éloignement des habitations et des importantes problématiques de circulation. En revanche, nous nous efforçons de développer un système plus résilient, fondé sur la reconstitution d'effectifs. Mon collègue évoquait précédemment les délais d'attente à l'hôpital. Lorsqu'un SVAV est coincé à l'hôpital ou que son temps de trajet pour rejoindre la caserne est trop long, l'enjeu consiste à reconstituer des effectifs. Il s'agit là d'un travail de fond que nous menons spécifiquement pour La Réunion.

Outre cette particularité, qui n'est pas négligeable d'un point de vue organisationnel, je considère que notre modèle est souple et adaptable et, à la lumière de mon expérience professionnelle, j'ai le sentiment qu'il a toujours su répondre aux défis opérationnels. La solidarité nationale fonctionne en situation de crise. Le SDIS participe d'ailleurs lui-même à cette solidarité, par exemple à Mayotte où nous intervenons en renfort.

Enfin, je considère que l'échelon communal n'était plus pertinent pour le bon fonctionnement de nos services. Nous avions besoin de cette organisation départementale, dont le format me semble adapté et plus proche des réalités du terrain. D'ailleurs la population a totalement intégré cette organisation.

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le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique

Je partage les propos de mon collègue. Durant ma carrière, je suis passé par la direction centrale où, chargé du retour d'expérience, j'ai eu l'occasion d'évaluer les réponses aux crises sur plusieurs territoires. Je considère que le modèle français de sécurité civile a fait ses preuves et continue de faire ses preuves. Nous avons pu bénéficier de ses dispositions en termes de montée en puissance lors de la pandémie de Covid-19, avec le renfort de collègues venus de l'Hexagone ou de la Guadeloupe.

Ce modèle s'inscrit de plus en plus dans le dispositif européen, et à ce titre la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane sont candidats à l'accréditation et la certification d'une unité légère d'intervention en cas de séisme. Le modèle français s'exporte, et nous avons eu l'occasion d'intervenir lors de plusieurs crises dans les Caraïbes, où notre capacité d'action est reconnue.

Toutefois, un point portant sur l'implication du citoyen dans sa propre sécurité, qui apparaissait explicitement dans la loi de 2004, n'a pas trouvé à mon sens sa pleine traduction sur le terrain. J'ai pu constater au Québec combien nos homologues locaux avaient su tirer parti du modèle européen, et français en particulier, et le combiner au pragmatisme anglo-saxon. Au Québec, on compte sur l'intervention de l'État, mais non moins sur soi-même, sur sa propre appréhension des risques. Il me semble que nous avons tendance, quant à nous, à perdre ce type de réflexe, autrement dit à se montrer moins proactif en matière de prévention des risques. Mettre en place des dispositifs permettant aux citoyens de se pendre davantage en charge me semble constituer un enjeu important. Nous nous y sommes d'ailleurs engagés dans le cadre de la journée nationale de la résilience (JNR). Par ailleurs, et en collaboration avec le rectorat, nous intervenons dans les écoles à travers des exercices d'évacuation et des formations sur les bons comportements en situation de crise. Comme la loi 2004 le rappelait, il convient de commencer l'apprentissage des réflexes utiles dès le plus jeune âge. Les enfants doivent être de bons ambassadeurs auprès de leurs parents et il est important de développer cette culture. Une plus forte résilience de nos populations est nécessaire pour compléter un dispositif de sécurité civile.

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Nous sommes, me semble-t-il, unanimes quant à la nécessite de développer ou redévelopper une culture et une sensibilité citoyennes à la question des risques. Cette proposition d'interventions dans les écoles nous a été soumise à plusieurs reprises. Des directeurs de SDIS nous ont signalé qu'ils souhaitent bénéficier de davantage de temps, de moyens et de personnels pour les mettre en œuvre sans empiéter sur leurs missions opérationnelles.

Monsieur le rapporteur et moi-même nous intéressons aux réserves communales de sécurité civile. Existent-elles dans vos territoires respectifs ? Peuvent-elles être selon vous un moyen de renouer un lien avec la population, d'impliquer les citoyens et de travailler sur cette culture commune du risque ?

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le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion

Nous partageons tous cet impératif de faire du citoyen un acteur de sa sécurité. J'aimerais détailler, à titre d'exemple, nos dispositions en cas de cyclone. Lorsqu'une alerte cyclonique est lancée à La Réunion, chacun est mobilisé à son niveau. Tous les employés communaux sont à leur poste, et il est procédé à un maillage du territoire, avec des points d'accueil dans chaque quartier, parfois en co-gestion avec les sapeurs-pompiers. Nous y mettons en place des postes de secours avancés pour pallier les éventuelles difficultés de circulation. Cette culture est acquise et, s'agissant des autres services publics ou opérateurs, la démarche de mobilisation est la même.

Cependant, le SDIS doit agir avec une certaine autonomie, dans la mesure où des sapeurs-pompiers conventionnés, que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public, ne pourraient pas être mobilisés s'ils le sont déjà par leur propre structure. Toutefois, je souligne une nouvelle fois la solidarité naturelle qui existe entre tous les opérateurs et les intervenants, et la logique d'entraide qui prévaut, même lorsque nous sommes à la limite de nos périmètres d'intervention respectifs.

Ces mécaniques se sont mises en place dans une logique territoriale, avec un maillage qui, me semble-t-il, est davantage en vigueur qu'en métropole. Le maillage territorial qui prévaut à La Réunion est combiné à une forte implication des sous-préfets, qui en situation de crise disposent immédiatement d'un poste de commandement opérationnel auquel nous participons. Son lien de proximité avec les maires permet une organisation pyramidale qui se met en place naturellement au moindre événement météorologique dangereux.

Je n'ai pas connaissance de l'existence de réserves de sécurité civile à La Réunion. Mais elles peuvent s'avérer un outil efficace, en effet, pour faire passer certains messages de prévention et de protection. Chacun peut y concourir, qu'il porte un uniforme ou non.

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Je précise que dans ces réserves, telles que nous en avons connaissance, peuvent être engagés de simples citoyens n'étant pas forcément agents de collectivités, d'opérateurs ou de services publics.

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le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique

Ce dispositif est en place en Martinique du point de vue législatif et réglementaire. Quelques communes s'en sont emparées et se sont placées dans une dynamique de réserve au sens d'un engagement citoyen et d'un apport de compétences diverses. J'ai en tête quelques exemples dans lesquels ces dispositions fonctionnent très bien, avec une organisation comparable à celle décrite par mon collègue de La Réunion, notamment en matière de maillage territorial et de répartition de cette réserve dans les quartiers. Je pense par exemple à la commune du Lamentin, où a été constituée la toute première réserve en Martinique. Ces réserves résultent souvent de l'initiative d'élus, parfois du personnel administratif.

Toutefois, ce dispositif concerne une minorité de communes. Nous nous sommes souvent demandé comment aider ce type de démarche. Avec le service interministériel de la défense et de la protection civile (SIDPC), nous incitons les communes à y recourir, en demandant à celles qui l'ont déjà fait de communiquer avec leurs homologues et d'expliquer en quoi consistent les réserves. Il convient cependant de bien ajuster l'implication du SDIS, parce que, comme mon collègue l'a rappelé à l'instant, notre service doit conserver une capacité d'action autonome et ne pas voir ses effectifs dispersés dans les réserves. Nous faisons déjà face à l'attractivité, notamment pécuniaire, des associations agrées de sécurité civile, puisque dorénavant ce sont ces associations qui assurent les dispositifs prévisionnels de secours (DPS).

Dans un secteur où l'on compte une multiplicité d'acteurs, il faut prendre garde au risque de dispersion. Des collègues de la direction centrale m'ont rapporté que le SDIS de Gironde avait mis en place une réserve départementale en impliquant des sapeurs-pompiers retraités. Cela me semble être une initiative judicieuse, qui prend soin de se prémunir quant à ce risque de dispersion. Nous devons favoriser le principe de la réserve, qui peut s'avérer très utile, notamment en ce qui concerne cette partie dite de sauvegarde, en lien avec les maires. Mais il est évident que ces missions ne devraient pas être les nôtres, dans la mesure où nous sommes avant tout concernés par l'urgence. C'est quand celle-ci est maîtrisée que nous pouvons passer le relais à d'autres acteurs, par exemple des associations agrées de sécurité civile ou des réserves.

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La diversité de nos territoires et de nos départements appelle des réponses et des dispositions circonstanciées. Notre réflexion doit porter sur ces réponses adaptées, que l'on soit en ville, en milieu périurbain, à la campagne, à la montagne ou sur le littoral.

Vos remarques sur le danger d'une potentielle dilution des forces me paraissent intéressantes. Vous évoquiez des sapeurs-pompiers engagés dans des associations agréées de sécurité civile. Quel regard portez-vous sur cette constellation d'acteurs, aux moyens souvent très divers ? Quelles relations entretenez-vous avec ces partenaires associatifs ? Pensez-vous que les responsabilités des différents acteurs de la sécurité civile sont clairement et suffisamment établies ? Faut-il selon vous réviser les attributions de chacun ?

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le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique

J'estime que nous entretenons de bonnes relations avec les associations agrées de sécurité civile. Celles-ci se sont développées, comme je l'indiquais précédemment, à la faveur des nouvelles dispositions sur les DPS. Ce transfert de compétences entre les SDIS et ces associations me semble sain.

Cependant, il me semble que la coordination entre nous n'est pas véritablement aboutie. Ainsi, je ne saurais vous dire aujourd'hui quels sont les objectifs fixés par les présidents de ces associations, et quels sont leurs axes de développement. Nous venons d'évoquer les réserves. Ces associations sont-elles disposées à s'y investir ? Je considère qu'il manque un échelon ou un rouage dans la mécanique de coordination. Lors de la préparation de la JNR, nous partagions le constat qu'il serait possible de faire mieux ensemble et davantage. Il ne s'agit, à mon sens, que d'une question d'organisation, dans la mesure où les compétences sont quant à elles avérées, de même que l'investissement de ces associations. Lorsque nous mettons en place des exercices départementaux, voire sur une échelle plus large comme l'exercice au niveau européen de 2017, l'implication de ces associations est un atout. En situation de crise majeure, il est évident que nous aurions besoin d'elles.

J'estime donc que cette coopération est perfectible. Peut-être le SIDPC pourrait-il l'améliorer. Pour les SDIS, s'investir sur ce sujet requiert des moyens, mais le problème se pose également pour ce service, qui naturellement a d'autres missions à conduire en matière de prévention. Lors du séisme de L'Aquila en 2009, j'ai pu constater l'apport des associations de protection civile italienne, qui ont déployé des moyens considérables et de haut niveau dans le domaine de la sauvegarde et de la mise en place de structures d'accueil et d'hébergement d'urgence.

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le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion

Sur la clarté des missions, je considère qu'il n'y a pas de confusion à propos du rôle du directeur des opérations de secours (DOS), qu'il soit dévolu au maire ou au préfet. Les associations sont quant à elles très impliquées dans le cadre des DPS, et cette répartition des rôles est désormais acquise. Cependant, je ressens un certain essoufflement des associations qui sont sursollicitées pour des DPS et qui, parfois, arrivent à la limite de la rupture capacitaire.

En ce qui concerne la coordination, il revient, de mon point de vue, à l'autorité préfectorale de l'assurer. Je n'ai pas le sentiment d'une incompréhension quant au positionnement des uns et des autres.

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D'une part, du point de vue du SDIS, les rôles du DOS et du commandant des opérations de secours (COS) sont clairement établis. Il convient cependant de s'assurer qu'il en va de même pour les élus, et que les responsabilités sont bien définies. D'autre part, vous dites l'un et l'autre que le rôle des associations agréées de sécurité civile est lui aussi bien défini, notamment dans le cadre des DPS déployés lors de grandes manifestations. Si j'ai bien noté que l'articulation entre les différents services était perfectible, j'aimerais savoir si vous pensez qu'en cas d'événement inattendu, de crise majeure, les multiples acteurs seraient capables de se coordonner efficacement pour fournir une réponse appropriée.

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le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion

La Réunion comptant seulement 24 communes, nous avons finalement assez peu d'interlocuteurs en comparaison de départements de l'Hexagone où le nombre de maires peut se compter en centaines. À La Réunion, les maires sont naturellement très bien identifiés, mais les territoires communaux sont très étendus. Les maires ont par conséquent un rôle à jouer en termes de déploiement local, mais ils maîtrisent bien cette configuration et détiennent une certaine culture de la gestion de crise et des événements majeurs. Je n'ai donc pas fait l'expérience de difficultés particulières dans la relation avec les maires.

Il existe à La Réunion, du fait des spécificités du territoire, un réflexe quasi instantané de se rapprocher de l'échelon de l'arrondissement et donc du sous-préfet, lequel est très proche de l'échelon local. Le SDIS met systématiquement en place un officier de liaison, ce qui permet au sous-préfet d'arrondissement de disposer d'un appui immédiat de sécurité civile. Par ailleurs, il y a autant de centres de secours que de communes, ce qui suppose une relation de grande proximité entre le chef du centre et le maire. En outre, les plans communaux de sauvegarde sont parfaitement intégrés et régulièrement déclenchés. Ce maillage territorial m'incite à penser que l'organigramme des secours serait adapté à la survenue d'un événement majeur.

Cet organigramme est en tout cas bien identifié, et nous nous efforçons d'améliorer constamment nos pratiques, puisqu'une démarche de retour d'expérience est systématiquement entreprise à l'issue de chaque événement, avec l'échelon zonal et avec le préfet.

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le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique

Je rejoins ces observations en ce qui concerne la Martinique. Dans le cas des risques prévisibles tels que les ouragans, notre dispositif de montée en puissance et de gestion de crise autour du préfet me paraît rodé et bien identifié. Il se déploie en bonne entente avec les collectivités locales, avec un centre opérationnel départemental (COD) installé systématiquement, des postes de commandement opérationnel (PCO) autour des sous-préfets, et des maires qui mettent en place leur poste de commandement communal (PCC).

Vous formulez, monsieur le rapporteur, l'hypothèse d'un événement à cinétique rapide non prévisible, tel un séisme. Je reviens à l'exemple du séisme de L'Aquila : l'expérience a montré que, dans un certain nombre de communes de la région des Abruzzes, les autorités elles-mêmes ont été touchées. Un système pourtant rodé aux situations de crise a été pris au dépourvu, et les capacités venues de Rome ont dû reconstituer tout un dispositif opérationnel et administratif. Sur des territoires insulaires comme les nôtres, nous savons qu'il convient de prendre en compte des délais importants, c'est-à-dire des temps de trajet en avion depuis la métropole.

Cependant, dans le cas de la Martinique, nous pouvons compter sur la proximité avec la Guadeloupe, et les scénarios que nous avons étudiés n'intégraient pas l'hypothèse d'un séisme touchant simultanément et fortement les deux îles, sa probabilité étant infime. Par conséquent, nous pourrions espérer une montée en puissance rapide du fait de cette proximité, et ne pas faire face à une rupture capacitaire qui pourrait intervenir avec un séisme de magnitude 7 par exemple. Cet élément est capital, dans la mesure où, dans la gestion de crise, les premières heures sont cruciales. Aussi, dans le cas d'un sinistre majeur et d'affaiblissement des autorités sur place, l'autorité pourrait rapidement reprendre la main depuis la Guadeloupe, et se montrer capable de coordonner une stratégie adaptée.

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De quels moyens disposez-vous, en Martinique et à La Réunion, concernant les dispositifs d'alerte et de soutien à la population en cas de crise ? J'imagine qu'ils sont similaires à ceux existant actuellement en métropole, c'est-à-dire les téléphones par exemple. Mais j'aimerais savoir également ce qui est prévu en cas de blackout, c'est-à-dire avec dans une situation où les systèmes de communication ne fonctionnent plus.

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le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion

La Réunion n'est pas située dans un archipel, et l'île française la plus proche, Mayotte, est tout de même relativement éloignée. Nous disposons des moyens d'alerte nationaux, comme vous l'avez évoqué. Le dispositif FR-alert est opérationnel sur l'île de La Réunion, il a pu être testé lors d'exercices, mais aussi en situation réelle lors de la dernière éruption du Piton de la Fournaise. À cette occasion, il a démontré sa pertinence et sa fonctionnalité.

Nous avons conduit récemment, sous l'égide du préfet, un exercice en coopération avec tous les acteurs, les collectivités et les opérateurs privés et publics. Nous avons envisagé un scénario de cyclone majeur entraînant un blackout total et de fortes atteintes des centres de décision et des centres opérationnels, ce qui n'a rien d'hypothétique dans la mesure où, ces centres étant situés sur le littoral, ils peuvent être exposés à des vagues submersives, à l'image du centre opérationnel de la Préfecture. Dans ce scénario de rupture complète des communications, un travail autonome local doit être enclenché ; il doit être fondé sur des priorités définies à l'avance, à savoir le sauvetage des vies humaines et ensuite le rétablissement des voies de communication.

La Réunion pourrait en effet être victime d'un blackout total. L'Île est reliée à l'Hexagone par des câbles sous-marins qui peuvent subir des ruptures partielles. Nous l'avons constaté récemment, et nous avons perdu du débit Internet pour du fonctionnement courant. Nous ne sommes donc pas à l'abri d'un incident majeur, sur lequel il convient de réfléchir en amont et d'envisager des solutions, comme le recours aux radioamateurs par exemple.

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le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique

Nos moyens d'alerte et d'information de la population sont comparables à ceux développés dans l'Hexagone. Sur l'information de la population, un travail spécifique est mené avec les radios locales, parce que les Martiniquais ont pour habitude de les écouter lorsqu'un événement se produit. L'une d'elles ouvre son antenne et les gens peuvent téléphoner pour signaler des difficultés locales ou exprimer des demandes.

J'estime qu'il convient de renforcer certains dispositifs d'alerte, notamment sur le risque de tsunami. Il existe un système d'alerte au tsunami qui concerne 42 pays de la Caraïbe et s'appuie sur des capacités américaines, puisque le centre opérationnel est situé à Hawaï. Ce centre ne donne pas l'alerte, mais produit des informations d'alerte, chaque territoire devant ensuite les traduire en alerte pour sa population. Le système hawaïen est lui-même théoriquement très performant. Il garantit un délai inférieur à six minutes entre le moment où un séisme est susceptible d'avoir généré un tsunami et le moment où les informations sont diffusées à l'ensemble des territoires concernés. En réalité, ce délai est plus proche de la minute. Cependant, ce dispositif me semble trop vulnérable, dans la mesure où il dépend d'une chaîne d'information, ce qui est naturellement risqué. En effet, une fois l'information parvenue, sa traduction dépend de la capacité d'astreinte des services locaux et préfectoraux.

L'alerte concernant les tsunamis proches est gérée différemment, dans la mesure où ce sont les signes naturels qui prévalent. Nous devons d'ailleurs apprendre à la population à reconnaître ces signes et à se réfugier sur les hauteurs de l'île au cas où ils se produisent. Dans tous les cas, un tsunami proche, régional ou plus lointain suppose une évacuation massive puisque, comme à La Réunion, l'essentiel de la population est concentré en zone côtière. Notre capacité à alerter dans les meilleurs délais est donc cruciale.

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Je souhaite rebondir sur ce que vous disiez, monsieur le colonel Leguillier, à propos des radios amateurs. Il existe des associations départementales des radioamateurs au service de la sécurité civile (Adrasec), qui sont des associations agréées de sécurité civile intégrées aux dispositifs d'alerte. Dans mon département, la Vienne, l'Adrasec dispose d'une antenne sur la préfecture. Comment, dans vos départements, les radioamateurs sont-ils intégrés au dispositif d'alerte ? Participent-ils aux exercices ? Dans la Vienne, ces radioamateurs sont pour l'essentiel des retraités et il semble difficile d'intéresser les plus jeunes à cette activité, ce qui peut représenter un frein à la mobilisation de cette association.

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le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion

L'Adrasec réunionnaise existe, et elle est évidemment référencée à la Préfecture. Nous l'avons sollicitée pour le récent exercice que j'évoquais. Elle a démontré à cette occasion sa capacité à établir une communication entre La Réunion et l'Hexagone sans aucune difficulté et avec des moyens rudimentaires. Il s'agit donc d'un auxiliaire potentiellement précieux et très résilient. L'Adrasec est composée de passionnés, et en effet il me semble que la plupart sont des retraités. Le SDIS n'est pas en relation directe avec les radioamateurs : le contact passe plutôt par l'état-major de zone et les services de la préfecture.

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le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique

Les radioamateurs sont, de même, présents dans les Antilles, en Martinique en particulier. Lorsque l'ouragan Maria a frappé en 2017, je me suis rendu en détachement en République dominicaine et j'ai pu constater leur utilité. Je ne connais pas leur moyenne d'âge, mais je sais qu'ils possèdent des équipements très modernes et sont capables de produire des données. Ils sont en lien avec le SIDPC et sont associés à tous nos exercices.

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J'aimerais savoir si vous rencontrez des difficultés en termes de recrutement. De quels avantages bénéficient les sapeurs-pompiers qui veulent rejoindre vos rangs, qu'ils soient volontaires ou professionnels ?

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le colonel Frédéric Leguillier, directeur du SDIS de La Réunion

Nous n'avons, à La Réunion, jamais rencontré de difficultés à recruter des sapeurs-pompiers volontaires, et je n'ignore pas que cette situation est atypique par rapport à celle de l'Hexagone. Je m'étais étonné lors de mon arrivée qu'il n'y ait pas de campagnes de communication pour le recrutement, et on m'avait déconseillé d'en entreprendre par crainte d'être submergé par les demandes. Les demandes d'engagement sont en effet très nombreuses et ne peuvent être toutes satisfaites, nos capacités de formation étant nettement inférieures aux sollicitations. Au-delà de la vocation, il convient également de prendre en considération un facteur social pour expliquer cette singularité. La Réunion est en effet exposée à la pauvreté, et la population est en quête d'activités rémunératrices. J'ajoute que, à l'image de la situation décrite par mon collègue martiniquais, nos difficultés résident dans la mise à niveau de nos infrastructures. La féminisation de nos effectifs est, à cet égard, freinée par l'insuffisance de locaux adaptés, ce qui nous vaut de perdre des vocations féminines.

Nous ne rencontrons donc aucun problème de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires à La Réunion, bien au contraire. En revanche, nous éprouvons certaines difficultés de gestion des ressources humaines concernant le corps des officiers. Le nombre d'habitants à La Réunion s'élève à 870 000. Notre SDIS est donc tout proche du seuil de la catégorie A. Pourtant, le taux d'encadrement en officiers atteint à peine 10 %, quand il devrait se situer autour de 20 %. Il s'agit d'un handicap majeur pour le SDIS. Le recrutement des officiers est freiné par un problème de mobilité. En effet, un officier candidat pour une expérience de mobilité en métropole se heurte à l'incertitude quant à la possibilité de revenir plus tard à La Réunion. Il y a donc une grande réticence à la mobilité. Je pense qu'une réflexion doit être menée sur la mobilité des ultramarins, parce que cette réticence à la mobilité peut ensuite les pénaliser dans leur parcours professionnel, étant donné qu'ils ont un défaut d'expérience par rapport à leurs homologues de l'Hexagone.

Par ailleurs, le coût des formations est extrêmement élevé pour le SDIS de La Réunion et l'affecte très fortement, puisque toutes les formations à l'école nationale, ainsi que les transports, sont à sa charge. En outre, les formations dispensées en métropole n'intègrent pas toujours les spécificités du terrain réunionnais, notamment en ce qui concerne les constructions, puisque les exigences de ventilation dans les bâtiments à La Réunion ne sont pas du tout les mêmes que dans l'Hexagone, ce qui entraîne des formes d'incendies radicalement différentes. Ces particularités nuisent à notre capacité de formation. Dans notre outil local de formation, nous ne pouvons former que 60 sapeurs-pompiers professionnels par an et 80 sapeurs-pompiers volontaires, alors que le nombre de candidatures peut s'élever à 300.

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le colonel Patrick Tyburn, directeur du SDIS de la Martinique

Nous ne rencontrons pas non plus de difficultés à recruter des sapeurs-pompiers volontaires en Martinique. Néanmoins, en tenant compte des futures conséquences du vieillissement important de la population martiniquaise, nous développons une promotion pour attirer de plus jeunes volontaires. Notre taux de féminisation est particulièrement élevé, sans avoir eu à produire un effort particulier dans ce domaine. Cette situation s'explique, comme à La Réunion, par un facteur social, puisque beaucoup de jeunes femmes ainsi que de jeunes hommes sont en quête d'une activité rémunératrice.

Nous fonctionnons en Martinique, comme à La Réunion, avec un dispositif de service de garde, et nous peinons grandement à convaincre de l'intérêt de l'astreinte du fait de leur indemnisation inférieure. L'activité de sapeur-pompier volontaire relève certes d'un engagement citoyen, mais l'aspect rémunérateur doit naturellement être pris en compte. À ce titre, si la directive européenne devait être appliquée strictement sur nos territoires, nous rencontrerions une difficulté de continuité de notre mission au service de la population.

Du côté des pompiers professionnels, nous faisons face au vieillissement de notre encadrement intermédiaire. Nous avons accompagné tous ceux qui étaient en capacité de réussir au concours d'officier, en particulier de lieutenant. Nous avons connu des réussites rassurantes, qui ne lèvent pas pour autant toutes les inquiétudes. Nous sommes également en sous-effectif d'encadrement, notamment d'encadrement supérieur, car les postes de chef de centre ou d'officier supérieur nécessitent un temps de formation long. Enfin, nous recevons de nombreuses demandes de collègues de l'Hexagone désirant connaître une expérience en mobilité chez nous. Nous accueillons bien entendu favorablement ces demandes, mais elles supposent des moyens managériaux pour les accompagner. De manière générale, nous éprouvons les mêmes difficultés que celles évoquées par mon collègue sur le management de nos personnels, afin de maintenir et développer nos ressources humaines, qu'elles soient volontaires ou professionnelles.

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Nous vous remercions vivement d'être venus nous apporter un éclairage précieux sur les particularités de vos territoires, dont il convient de tenir compte, et nous vous invitons à nous fournir une contribution écrite si vous le souhaitez.

Puis, la mission d'information organise une table ronde, ouverte à la presse, d'associations agréées de sécurité civile, réunissant : M. Gilles Diaz, coordinateur national de l'Association nationale des premiers secours (ANPS), M. Patrice Dallem, expert secours à l'Association Bouclier Bleu France, M. Nicolas Tamic, directeur adjoint responsable des opérations du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE), M. Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française et M. Florent Vallée, directeur de l'urgence et des opérations de la Croix-Rouge française.

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Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs, chers collègues, nous entamons aujourd'hui notre troisième cycle d'auditions, qui est consacré aux personnels et aux associations de sécurité civile. La présente séance nous permet de réunir, en une première table ronde, plusieurs associations agréées de sécurité civile. Nous organiserons également deux autres tables rondes similaires, en raison du nombre substantiel d'associations agréées.

Pour cette première discussion, nous avons le privilège d'accueillir M. Gilles Diaz, coordinateur national de l'Association nationale des premiers secours, ainsi que M. Patrice Dallem, expert secours à l'Association Bouclier Bleu France, qui supplée Mme Marie Courselaud, la présidente. Nous accueillons également M. Nicolas Tamic, directeur adjoint responsable des opérations du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE), M. Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française, et enfin, M. Florent Vallée, directeur d'urgence et des opérations de cette association. Nous vous remercions sincèrement pour votre présence et votre contribution précieuse à nos travaux.

Il est impératif pour nous de vous impliquer dans nos réflexions concernant le modèle français de sécurité civile, auquel vous participez activement. Votre expérience directe sur le terrain revêt une importance capitale, et nous sommes convaincus que votre contribution à nos travaux sera substantielle. Nous avons organisé nos auditions de façon à débuter par la collecte de retours d'expérience terrain, compte tenu de votre connaissance approfondie des besoins locaux et de votre expertise avérée de la gestion des risques. Ces informations sont cruciales pour étoffer notre analyse et orienter judicieusement nos travaux.

À mesure que nous avançons dans nos auditions, nous prenons pleinement conscience du rôle de premier plan joué par le secteur associatif dans le bon fonctionnement de notre système de protection et de sécurité civiles. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais partager avec vous quelques informations d'ordre administratif. Cette mission d'information rassemble 25 députés issus de tous les groupes présents à l'Assemblée nationale. Elle a été constituée à la demande du groupe Horizon et a débuté ses auditions en septembre dernier. Je préside cette mission et mon collègue Didier Lemaire m'accompagne en tant que rapporteur.

Je tiens également à vous informer que nos échanges seront enregistrés, conformément à la pratique habituelle, et qu'ils seront accessibles au public sur le site de l'Assemblée nationale. Un compte rendu détaillé sera également rédigé et annexé à notre rapport, que nous espérons pouvoir présenter au printemps prochain. Ceci étant dit, je tiens à souligner que cette échéance n'est en aucun cas contraignante, mais plutôt indicative.

Nous vous remercions chaleureusement pour votre engagement et votre participation. Je cède maintenant la parole à notre rapporteur, qui amorcera nos échanges par une première série de questions.

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Merci infiniment, madame la présidente, mesdames et messieurs, chers collègues. Nous vous exprimons notre profonde gratitude d'avoir répondu présents à notre mission d'information, permettant ainsi un échange constructif sur vos rôles au sein de vos associations respectives. Permettez-moi de partager quelques réflexions sur cette mission d'information, en toute transparence sur mon parcours, fort de trente années d'expérience en tant que sapeur-pompier, tant en qualité de volontaire que de professionnel, et également en tant qu'élu local. Au cours de diverses crises, j'ai eu l'opportunité d'appréhender les enjeux des deux côtés de la barrière, de comprendre la manière dont ces situations se présentaient et de voir comment nos moyens s'organisaient.

Ce qui suscite notre intérêt au sein de cette mission d'information, c'est la capacité d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de sécurité civile dans son ensemble. Votre engagement au sein de vos associations joue un rôle crucial à cet égard. Depuis le début du mois de septembre, nous avons pu constater, parfois au travers de difficultés rencontrées, que ce soit au sein des sapeurs-pompiers ou d'autres organismes, votre implication significative, même face aux risques courants. C'est dans ce contexte que nous souhaitons échanger avec vous pendant une durée d'environ une heure et demie, afin de mieux comprendre le fonctionnement spécifique de chacune de vos associations.

À ce titre, ma première question est la suivante : pourriez-vous nous faire part de quelques éléments sur vos associations respectives et leur structure organisationnelle ? Nous pourrions peut-être débuter par M. Da Costa, si cela vous convient.

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Permettez-moi d'apporter une précision d'ordre technique. Initialement, nous avions prévu pour cette table-ronde une durée de deux heures, mais si cela vous convient, je propose un léger ajustement de l'horaire, avec une séance raccourcie d'une dizaine de minutes. Monsieur Da Costa, je vous cède la parole.

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Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française

Madame la députée, monsieur le député, madame la présidente, monsieur le rapporteur, je vous prie de bien vouloir accorder une attention particulière à notre réunion cet après-midi, au cours de laquelle nous entamerons une réflexion approfondie sur un sujet central. J'ai personnellement tenu à participer à cette audition, accompagné de mon directeur national, Florent Vallée, afin de souligner l'importance que nous accordons à cette activité au sein de la Croix-Rouge française. Je rappelle que nous célébrerons l'année prochaine les 160 ans de la Croix-Rouge française, une institution regroupant près de 100 000 personnes, dont 70 000 bénévoles, 20 000 salariés et 20 000 étudiants dans le secteur sanitaire, d'où nous puisons également une part de nos ressources. Nous aborderons ce sujet dans notre intervention technique, notamment en ce qui concerne la transposition des formations d'un secteur à l'autre.

Nous sommes profondément liés à l'histoire de notre pays, aux crises et aux événements tant nationaux qu'internationaux. Notre maillage territorial nous permet de couvrir l'ensemble du territoire national : les 108 départements et les territoires ultramarins. Lorsque nous sommes présents, nous nous engageons sur les trois océans et sur l'ensemble de l'Hexagone. En témoignage de cette capacité, nous déployons de nombreuses équipes de secouristes, une mission que nous aborderons plus en détail ultérieurement.

Cette capacité opérationnelle découle d'une stratégie élaborée depuis 1943, avec la création des équipes d'urgence, évoluant au fil de l'histoire pour accompagner et nourrir la politique de construction du modèle actuel, un modèle aujourd'hui essoufflé. Bien que ce modèle ait conféré à la France un rôle original en Europe et à l'échelle internationale, il repose en grande partie sur l'énergie des volontaires et des institutions. Nous saluons votre initiative parlementaire, mais constatons un véritable déficit de positionnement des associations de sécurité civile, une lacune que nos collègues présents ce soir souligneront sans doute.

Sortant d'une mobilisation exceptionnelle dans le Pas-de-Calais, dans le Nord et en Bretagne, nous avons mobilisé de nombreuses équipes pour faire face à cette crise. Cependant, au-delà de ces actions, nous nous engageons depuis 2019 dans une réflexion au sein de la Croix-Rouge française, baptisée « Résilience 2030 ». L'interrogation principale était de savoir si les Français sont préparés aux crises à venir, et la réponse est négative. Cependant, avec les moyens nécessaires, ils aspirent à être préparés et sont prêts à faire le nécessaire, pourvu que les conditions soient réunies.

Ainsi, notre stratégie repose sur trois piliers fondamentaux que nous aborderons plus en détail ultérieurement. Tout d'abord, la prévention et l'éducation constituent un pilier essentiel à nos yeux. Ensuite, nous pouvons citer la protection, où le secours à la personne joue un rôle important, voire essentiel. Enfin, nous pouvons évoquer le relèvement et le rétablissement du lien social, un pilier que nous observons de plus en plus dans nos interventions, avec nos collègues pompiers confrontés à des problématiques sociales qui peuvent être distinguées des urgences vitales.

La création du dispositif en 2006 a indéniablement fait progresser la structuration des acteurs de sécurité civile, mais le positionnement qui doit être le nôtre nécessite la création d'un nouveau paradigme. La crise sanitaire récente, bien que la Croix-Rouge française se soit engagée de manière exceptionnelle, a révélé une incapacité à réunir l'ensemble des acteurs autour de la table au lendemain de cette crise. C'est pourquoi, dans une démarche interministérielle et mobilisant tous les acteurs concernés, nous plaidons pour une préparation anticipée à la prochaine crise.

Notre participation à cette rencontre s'explique également par notre engagement au congrès des sapeurs-pompiers, nos échanges avec le député Matras et l'ensemble des acteurs, ainsi que par les initiatives positives des dernières années, dont la loi Matras constitue une avancée. Cependant, il est crucial de reconnaître que nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux. Les crises à venir seront plus nombreuses, plus conséquentes et nécessiteront davantage de moyens. La façon dont nous préparerons et accompagnerons la population, avec chaque acteur jouant son rôle, nécessitera un changement d'échelle significatif dans l'accompagnement. Ainsi, nous avons lancé un grand plan de relance secours avec nos moyens et nos supports, en vue notamment des Jeux olympiques.

En conclusion, je souhaite souligner que l'histoire a démontré que des citoyens ont pris conscience de la nécessité de s'engager au sein d'associations comme la nôtre pour permettre à notre pays de faire face à certaines crises. En tant que président de la Croix-Rouge française, je témoigne de cet engagement exceptionnel que vous avez pu constater dans vos deux arrondissements. Il s'agit d'une activité unique, allant du social au secours en passant par le médico-social et sanitaire, avec un niveau d'engagement et d'expertise exceptionnel, tant au niveau individuel qu'au sein de nos équipes sur le terrain.

Ces propos introductifs avaient pour seul objectif d'attirer votre attention et de souligner l'importance du sujet que vous avez choisi. Je suis accompagné de collègues d'autres associations, qui pourront approfondir les thématiques spécifiques. En conclusion, j'aborderai un dernier point essentiel : au-delà des aspects techniques que nous pourrons examiner, le véritable enjeu auquel nous sommes aujourd'hui confrontés est notre capacité à redéfinir le positionnement des associations de sécurité civile, notamment de la Croix-Rouge française, dans leur relation avec le ministère de l'intérieur et, de manière cruciale, avec le ministère de la santé. Historiquement, notre relation avec le ministère de la santé a toujours été présente, et il est essentiel de la rétablir dans une perspective interministérielle, impliquant également le ministère des armées et de la défense nationale. Nous sommes convaincus que l'avenir des associations de sécurité civile, en particulier de la Croix-Rouge française en tant qu'association humanitaire, se jouera dans la capacité à répondre à des crises multiples et diverses, en engageant un dialogue avec les différents ministères. Cela constitue la clé du futur.

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Merci beaucoup. Je saisis l'opportunité de prendre la parole une nouvelle fois afin de vous présenter mon collègue, ce que j'ai omis de faire précédemment. Il s'agit de M. Florian Chauche, député du Territoire de Belfort, qui est membre de cette mission d'information et participe à ses travaux.

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Patrice Dallem, expert secours à l'Association Bouclier Bleu France

Le Bouclier Bleu France, fondé en 2001, trouve son origine dans la branche française du Blue Shield International, créé en 1995 à la suite des accords de La Haye de 1954 sur la protection du patrimoine en temps de conflit armé. Ces accords ont donné naissance à deux protocoles additionnels, le premier signé simultanément avec la convention de 1954 et le second en 1999, renforçant la protection du patrimoine lors des conflits armés.

En France, le Bouclier Bleu, érigé en institution en 2001, se consacre principalement aux catastrophes naturelles et technologiques, promouvant la prévention et la préparation face à de telles catastrophes, notamment celles affectant le patrimoine culturel. Des événements tels que les dégâts subis par le musée Cocteau à Menton à cause d'une vague scélérate ou l'inondation du musée de Montargis en 2016 soulignent l'importance de protéger le patrimoine identifié et recensé à travers un logiciel dédié aux catastrophes, ainsi qu'en collaboration avec le logiciel du ministère de la culture.

Au-delà des ministères évoqués précédemment par le président de la Croix-Rouge, le Bouclier Bleu collabore étroitement avec le ministère de la culture, conscient que la protection du patrimoine est intrinsèquement liée au droit international humanitaire, tel que spécifié dans les conventions de La Haye. Une convention avec la Croix-Rouge française est en cours de discussion, visant à renforcer cette dimension du droit international humanitaire et à faciliter la formation des équipes respectives.

La mission du Bouclier Bleu dépasse ainsi la protection des populations, confiée principalement aux pompiers et aux associations de sécurité civile. Elle s'étend à la préservation du patrimoine culturel lors de crises majeures, soulignant que la sauvegarde de la mémoire est indissociable de la protection de l'homme. L'association, constituée d'environ 350 membres, dont 150 membres institutionnels, œuvre à construire une réponse d'urgence opérationnelle. Des partenariats, récemment conclus avec la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, avec certains services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et avec l'association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT) permettent un déploiement efficace, marquant un recentrage vers le secours au bien culturel en complément de l'expertise, qui constituait son axe principal par le passé. La nouvelle présidente, fraîchement élue, impulse ce changement de cap.

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Nicolas Tamic, directeur adjoint et responsable des opérations du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE)

expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE). Madame la présidente, monsieur le rapporteur, je vous exprime tout d'abord ma gratitude pour avoir convié le CEDRE à cette réunion, d'une importance particulière pour nous. Permettez-moi de vous présenter brièvement notre organisation. Le CEDRE, créé en 1979, est une association régie par la loi de 1901. Son origine remonte aux conséquences désastreuses de la marée noire du mazout du pétrolier Amoco Cadiz en 1978, qui a souillé les côtes françaises avec 227 000 tonnes de fioul, affectant principalement les côtes du Finistère et de la Bretagne.

Notre association assume une mission de service public, disposant d'un budget d'environ 6 millions d'euros, principalement financé par l'État, notamment par les ministères de la transition écologique et de l'intérieur. Environ 50 % de notre financement provient de subventions étatiques, le reste provenant d'opérations commerciales, ce qui est inhabituel pour une association relevant de la loi de 1901. Nos activités sont principalement tournées vers des partenariats dits B2B (business to business) avec des groupes pétroliers ou des fabricants de produits de lutte contre la pollution, notamment.

Le CEDRE possède plusieurs agréments des ministères de la transition écologique, du secrétaire d'État chargé de la mer, du ministre de l'intérieur, ainsi qu'un agrément récent du ministère délégué chargé des collectivités territoriales et un agrément international délivré par le Nautical Institute, qui nous permet de donner des formations conformes au standard international. Nous sommes également engagés dans un processus de certification ISO 9001 : 4001 en gestion de la qualité environnementale, soulignant notre engagement envers le respect de l'environnement.

Notre particularité réside dans le fait que le CEDRE ne compte aucun bénévole, avec 52 employés permanents et une masse salariale d'environ 3,5 millions d'euros. Nous sommes basés à Brest et notre conseil d'administration est hybride, comprenant des représentants des ministères régaliens, tels que le service de la Première ministre, le ministère des armées, le ministère de l'environnement, le ministère des transports, le ministère de l'intérieur, ainsi que des organismes publics et des acteurs de l'industrie, dont l'agence de l'eau, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), les Industries françaises du pétrole et des énergies nouvelles, Météo France, Armateurs de France, le Comité national des pêches, et des représentants d'industries potentiellement polluantes, regroupées en syndicats comme France Chimie et l'Union française des industries du pétrole, dont Total Énergie fait partie. Enfin, une dernière particularité réside dans la présence à notre table des victimes potentielles d'une pollution. Vigipole, créé à la suite de la catastrophe de l'Amoco Cadiz, figure également parmi les participants. Je rappelle que Vigipole a été mis en place à la suite de cette catastrophe, pour intenter des actions en justice dans le cadre de la procédure complexe qui a trouvé son dénouement à Chicago – procédure qui a permis d'indemniser les municipalités sinistrées à la suite de la marée noire de l'Amoco Cadiz.

Les missions dévolues au CEDRE concernent l'urgence opérationnelle, dans le cadre de laquelle nous agissons en tant que bras armé des préfectures et des autorités nationales. Nous fournissons des recommandations en continu et tout au long de l'année pour lutter efficacement contre les pollutions, qu'elles aient pour origine des hydrocarbures, des produits chimiques ou, plus récemment, des plastiques. Par ailleurs, notre capacité d'intervention rapide est démontrée par notre déploiement dans des missions internationales, comme à l'île Maurice et aux Philippines en 2023, ainsi que dans des interventions nationales, notamment en Saône-et-Loire et sur les plages de Loire-Atlantique et des Landes, lorsqu'elles ont été touchées par des arrivées massives de granulés plastiques industriels.

Nous occupons également la fonction de point focal pour l'ensemble des États membres de l'Union européenne en ce qui concerne les pollutions chimiques en mer. Ainsi, ces États peuvent nous solliciter dès qu'ils sont confrontés à ce type de pollution. Nous avons établi un contrat avec l'Agence européenne de sécurité maritime, ouvert non seulement aux États membres de l'Union européenne, mais également à ceux qui sont candidats à l'adhésion, ainsi qu'à ceux de l'AELE (Association européenne de libre-échange).

Notre service de planification accompagne l'État français dans l'élaboration opérationnelle des plans d'urgence pour les pollutions maritimes. Nous apportons également notre expertise aux industriels du pétrole dans ce domaine. Notre centre est unique au monde, car il est le seul capable de simuler le déversement de pétrole dans des conditions quasi réelles, disposant d'une véritable plage et d'eau de mer authentique. Bien entendu, nous veillons à ce que rien ne soit rejeté en mer, dans le respect des normes environnementales. Cette particularité explique l'afflux de stagiaires venant des quatre coins du monde, de Taïwan à l'Allemagne en passant par le Bénin. En effet, notre centre offre un environnement de travail exceptionnel pour des formations allant de l'initiation de base « les pieds dans le fioul », à des formations avancées en gestion de crise. Celles-ci profitent aux préfets et aux structures de gestion de crise, y compris les centres opérationnels départementaux.

Nous partageons notre savoir-faire en formant les pilotes d'État, notamment ceux de la marine nationale, des douanes et de la gendarmerie, pour la détection des pollutions en mer, compte tenu de leurs pouvoirs de constatation d'office judiciaire. Notre laboratoire d'analyses de grande envergure permet de déterminer la présence de polluants dans l'eau, les sédiments et les tissus. Il est également orienté vers la recherche appliquée, explorant les fiouls de nouvelle génération et les énergies nouvelles qui façonneront le transport maritime dans les années à venir.

En réponse à la demande du ministère de la transition écologique, nous avons développé un département spécialisé dans la gestion des déchets aquatiques, traitant plutôt une pollution chronique que des accidents ponctuels. Cette mission est effectuée au nom de l'État, en collaboration avec l'Ifremer et d'autres partenaires. Nous supervisons un réseau d'une soixantaine de plages tout au long de l'année, documentant régulièrement les débris plastiques que nous caractérisons. Ces informations sont intégrées aux bases de données de l'Union européenne et se traduisent ensuite par des directives européennes, transposées dans les droits nationaux, telles que l'interdiction des pailles en plastique et des cotons-tiges. Enfin, notre centre de documentation, ouvert au public, s'inscrit également dans notre mission de service public. Tout ce que nous produisons est mis à la disposition des élus, des étudiants, des chercheurs, ainsi que des services de secours, notamment les pompiers et les préfets maritimes.

En conclusion, le CEDRE, association relevant de la loi de 1901, s'engage fermement en faveur de la protection de l'environnement, de la réactivité et de l'expertise. Dans notre mission de service public, la neutralité est un principe fondamental qui guide notre accompagnement des opérateurs maritimes dans les secteurs éolien, pétrolier ou chimique notamment. Nous sommes également impliqués dans les eaux douces navigables de France. C'est dans cet esprit que nous partageons notre savoir-faire avec les différents acteurs, qu'il s'agisse des forces de l'ordre, des autorités maritimes, des industriels ou des élus.

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Gilles Diaz, coordinateur national de l'Association nationale des premiers secours (ANPS)

Association nationale des premiers secours (ANPS). Madame la présidente, monsieur le rapporteur, au nom de l'Association nationale des premiers secours (ANPS), je tiens à vous exprimer notre gratitude pour l'organisation de cette table ronde. Nous sommes honorés de participer à cette discussion cruciale sur l'amélioration de notre sécurité civile. La présence de plusieurs associations de sécurité civile aujourd'hui souligne notre importance dans le système de sécurité civile français.

L'Association nationale des premiers secours, créée en 1936, avait pour vocation initiale la formation aux premiers secours, évoluant ensuite vers des missions opérationnelles. Actuellement, présente sur 67 territoires, nationaux et ultramarins, elle compte 2 500 bénévoles et seulement deux salariés. Au fil des années, notre association a ressenti le besoin de se professionnaliser, notamment en établissant des cadres permanents au niveau du siège. La période de la covid-19 a mis en lumière cette nécessité, mobilisant massivement nos bénévoles et soulignant le manque de cadre permanent au sein de notre fédération.

Notre plan stratégique pour 2025 vise à professionnaliser l'ANPS, tout en mettant l'accent sur le développement de la prévention et de l'engagement citoyen, un axe fondamental pour nous. Nos 2 500 bénévoles proviennent de divers horizons tels que l'enseignement, la boucherie, la cordonnerie et aussi des sapeurs-pompiers. Leur dévouement repose sur un engagement désintéressé, consacrant bénévolement leur temps à aider autrui, parfois en finançant eux-mêmes une partie de leur formation pour témoigner de leur engagement.

L'ANPS forme annuellement 35 000 personnes. Nous exigeons de nos formateurs et de nos équipiers secouristes, tout comme d'autres associations de sécurité civile, de se former régulièrement. Comme souligné par le président de la Croix-Rouge, il est crucial de reconnaître que ces associations peuvent atteindre un point de saturation, comme observé durant la crise de la covid-19. Aujourd'hui, une réflexion approfondie s'impose au niveau des différentes fédérations et nous avons eu l'occasion d'en discuter avec d'autres députés lors de diverses commissions. Il est impératif d'envisager un soutien accru de l'État pour accompagner ces associations actrices de la sécurité civile.

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Je remercie chacun d'entre vous pour vos présentations. Je souhaiterais aborder la question des modalités d'agrément, en sachant qu'elles peuvent présenter des spécificités en fonction des secteurs d'activité ou des particularités propres à chaque organisation. Selon votre perspective, estimez-vous que ces modalités sont adaptées, ou nécessitent-elles une évolution ? En tout état de cause, quel jugement portez-vous sur ces différentes modalités ?

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Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française

La Croix-Rouge française souhaite intervenir avec une présentation à deux voix, et Florent Vallée apportera un complément à mes propos. Permettez-moi de préciser les chiffres : nous comptons actuellement un peu moins de 10 000 secouristes formés au sein de la Croix-Rouge française. Notre plan de relance secours, récemment lancé, vise à amplifier nos effectifs, dans la perspective des Jeux olympiques, et à étendre notre présence. Nous assurons notamment environ 13 000 postes de secours lors de manifestations diverses à l'échelle nationale, mobilisant près de 70 000 personnes. Cette couverture nationale, étendue sur l'ensemble du territoire, soulève la question de l'agrément. En tant qu'association nationale, nous pouvons nous interroger sur la pertinence d'une logique préfectorale et suggérer la possibilité que les associations nationales disposent d'un agrément national unique. La logique préfectorale a indéniablement des avantages, comme démontré pendant la crise sanitaire. Nous attachons une grande importance à notre relation qualitative en tant qu'auxiliaire des pouvoirs publics, participant aux discussions au niveau départemental. Nous sommes convaincus du caractère essentiel de cette position.

Face aux crises nationales aux effets départementaux et régionaux, notre présence et notre réactivité se sont avérées cruciales. Par exemple, lors d'un entretien avec la ministre du travail à l'époque, devenu depuis Première ministre, nous avons dû accueillir rapidement des Ukrainiens dans les gares parisiennes. En l'espace d'une après-midi, une invitation a été lancée, et le soir même, cent présidents territoriaux de la Croix-Rouge française étaient en ligne avec l'équipe nationale. Le lendemain, ces présidents étaient directement en interface avec les préfectures pour coordonner l'action au niveau territorial. Mon propos souligne la nécessité d'un dispositif national sous l'autorité du directeur national de l'urgence et du secourisme, mais aussi l'importance du maillage territorial départemental. Cette interlocution est cruciale, et la crise sanitaire a révélé la dimension sociale de la Croix-Rouge française, au-delà de son rôle traditionnel en matière de santé. Dans mes déplacements en tant que président depuis deux ans, je constate que les préfectures ont pleinement identifié notre association et la considèrent comme un acteur indispensable.

Au-delà de la dimension technique évidente, notamment dans le cadre du SDIS et des feux de forêt où nous mobilisons les sapeurs-pompiers, la réalité essentielle réside dans la prise en charge des populations. C'est un véritable métier, où l'humanité et le bénévolat sont des marqueurs essentiels. En vue des Jeux olympiques, nous collaborons étroitement avec quatre autres associations, soulignant l'importance de la relation à différents niveaux, bien que les modalités varient sur le plan technique en matière d'agrément.

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Florent Vallée, directeur de l'urgence et des opérations de la Croix-Rouge française

Bonjour à tous et à toutes et merci. Nous disposons de quatre agréments nationaux, ABCD, que vous connaissez bien. Ces agréments, propres à toute association nationale, s'étendent sur l'ensemble du territoire, formant ainsi un dispositif simple et unique. Il se caractérise par la gestion d'un seul dossier, la rédaction d'un rapport annuel et un renouvellement triennal. Ce dispositif, efficace dans son fonctionnement, mérite d'être préservé des dérives et des concurrences déloyales observées depuis longtemps.

La loi Matras a apporté des avancées significatives, mais leur mise en œuvre demeure insuffisante. Nous constatons, dans le domaine du soutien aux populations, l'intervention d'associations non agréées, comblant certes un besoin, mais opérant en concurrence avec des associations agréées qui investissent financièrement dans de la formation et du matériel, sans bénéficier de reconnaissance pour ces actions-là. L'agrément de formation, nécessitant une révision urgente, devrait être uniformisé au niveau national et départemental. Actuellement, le processus est coûteux en termes de temps bénévole. Une simplification administrative, avec un seul agrément couvrant l'ensemble du dispositif, serait beaucoup plus pratique.

Un agrément national, englobant les déclinaisons départementales et interdépartementales, faciliterait la collaboration entre associations locales, départementales et nationales. Il est impératif de faire évoluer les aspects purement techniques à l'intérieur de ces agréments, notamment le référentiel national de dispositif réel de secours datant de 2006. Des ajustements sont nécessaires, car certaines spécifications gravées dans le marbre ne correspondent plus à la réalité.

Cependant, ce travail doit être effectué de manière réfléchie, évitant toute précipitation, malgré l'échéance des Jeux olympiques dans six mois. En parallèle, l'obtention et le remplissage annuel de l'agrément génèrent un bilan détaillé, mais une publication ministérielle faisant état du monde des associations agréées de sécurité civile manque cruellement. Ces données, cruciales pour positionner et valoriser notre engagement citoyen au profit de l'État et de la société, font défaut.

En conclusion, il est primordial de préserver ces agréments solides, opérationnels, car nous sommes parfois confrontés à une concurrence déloyale. Ils sont essentiels pour faire vivre notre législation en matière de sécurité civile, qui place le citoyen au cœur de sa protection. Aujourd'hui, cet engagement citoyen mérite d'être pleinement reconnu et mis en avant, et c'est à travers nos associations que le citoyen peut réellement être au cœur de la protection. Nous devons faire vivre cette réalité.

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Patrice Dallem, expert secours à l'Association Bouclier Bleu France

Le Bouclier Bleu France a obtenu son agrément le 2 juin dernier, une démarche qui a pris presque un an, malgré le dépôt du dossier un an auparavant. Il semble y avoir des problèmes au niveau de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) concernant l'instruction des dossiers et la réévaluation triennale des associations agréées. Actuellement, cette direction générale travaille sur un projet de logiciel de relevé de statistiques et sollicite la collaboration des associations de sécurité civile pour participer à ce travail.

Lors d'une réunion récente rue des Pyrénées, il a été révélé que les rapports annuels envoyés par les associations étaient à peine lus, en raison du nombre limité de personnels dédiés à cette tâche. Cela soulève des questions sur le processus d'obligation des associations de sécurité civile à produire des rapports annuels, même si ce processus a été partiellement automatisé au fil du temps. Le rapport, souvent volumineux et exigeant un temps considérable, comme celui de la Croix-Rouge, semble ne pas être pleinement exploité par la DGSCGC.

Le projet de logiciel statistique est susceptible d'être bénéfique, mais la situation actuelle est problématique. L'agrément pour les associations est inégalement appliqué en termes de critères d'analyse et de temps dédié à la délivrance. L'obligation pour les associations agréées de mettre en place un contrôle interne, visant à assurer la qualité de leurs actions, n'est pas toujours respectée, provoquant ainsi du ressentiment parmi certaines associations. Actuellement, 21 associations sont agréées pour le secours et 12 uniquement pour la formation. Cette distinction entre celles dédiées uniquement à la formation et celles impliquées dans le secours pourrait être modernisée. Il est essentiel de revoir et de repenser entièrement les critères et le processus d'agrément des associations.

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Nicolas Tamic, directeur adjoint et responsable des opérations du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE)

Le CEDRE bénéficie d'un agrément national de catégorie A. Dans le cadre du renouvellement de notre agrément, le dossier que nous constituons est très formel ; il est ensuite examiné par le bureau des associations, parfois perçu comme légèrement éloigné de la réalité.

Récemment, nous avons obtenu un agrément temporaire de deux ans, surprenant du fait du motif invoqué : l'absence d'émetteurs-récepteurs VHF. Cela peut sembler étonnant, car notre organisation travaille intensivement avec des téléphones portables et des téléphones satellitaires, offrant une portée différente de celle des VHF. Malgré cela, nous nous sommes retrouvés avec un agrément temporaire, en raison du manque de matériel à courte portée, alors même que nous disposions de technologies de pointe permettant une communication mondiale.

En général, une fois que nous avons respecté ce formalisme, bien que chronophage, nous obtenons l'agrément. Ce qui s'avère plus complexe n'est pas l'agrément en lui-même, mais plutôt les conventions qui nous lient à la DGSCGC et au ministère de la transition écologique. Ces conventions pluriannuelles d'objectif nécessitent un temps considérable pour leur mise en place, avec de nombreuses validations, notamment sur le plan financier. En effet, ces conventions sont étroitement liées aux subventions de l'État. Au-delà de l'agrément, ce sont ces conventions qui mobilisent réellement les ressources en temps et en personnel administratif au sein de notre organisation, impliquant également le président et moi-même ; nous sommes donc grandement sollicités par ces démarches.

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Gilles Diaz, coordinateur national de l'Association nationale des premiers secours (ANPS)

En ce qui concerne l'Association nationale des premiers secours, elle détient les quatre agréments de sécurité civile depuis leur création. Je partage avec la Croix-Rouge le principe de ces agréments. Il s'agit d'un agrément national délégué aux différentes représentations territoriales. Cependant, chaque représentation départementale doit aussi solliciter un agrément au niveau de la préfecture spécifiquement pour la formation. Cette démarche peut s'avérer lourde pour des bénévoles, impliquant une charge administrative conséquente. Une amélioration serait d'obtenir un agrément national également pour la formation.

La DGSCGC nous demande beaucoup d'efforts, surtout lors des périodes de renouvellement d'agrément, impliquant une grande quantité de données. Je partage le ressenti de mon collègue concernant le fait que toutes les données remontées ne sont pas toujours intégralement étudiées, ce que l'on peut comprendre.

Certaines associations, dont l'Association nationale des premiers secours, ont investi dans des logiciels pour automatiser la remontée de leurs statistiques et faciliter l'édition de leurs documents. Il est également crucial, pour une fédération telle que la nôtre, de prendre ses responsabilités lorsqu'elle délègue son agrément de sécurité civile sur les territoires et dans les départements. Cela inclut la capacité à suspendre des organisations départementales en interne si les règles établies ne sont pas respectées. Sur ce point, nous collaborons avec la DGSCGC pour traiter les suspensions éventuelles dans certains départements.

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Merci beaucoup. En réalité, j'aurais une question à poser à monsieur Vallée. Vous avez brièvement mentionné la nécessité de faire évoluer le référentiel DPS, qui date de 2006, dans le cadre de la procédure d'agrément, tout en soulignant qu'il ne fallait pas le faire de manière précipitée en vue des Jeux olympiques. Ma question est la suivante : cette évolution précipitée est-elle une réalité actuellement, ou exprimez-vous seulement une crainte, et si oui, pourquoi ?

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Florent Vallée, directeur de l'urgence et des opérations de la Croix-Rouge française

Ce projet émane de l'organisateur, qui souhaite réformer le référentiel actuel. Ce dernier impose divers éléments qui ont fait leurs preuves, notamment à la suite d'une étude scientifique conduite sur deux ans. Cette étude a permis la mise en place du ratio d'intervenants-secouristes. Remettre en question cette étude nécessiterait une nouvelle démarche scientifique approfondie pour déterminer les ajustements nécessaires.

Il est indéniable que des adaptations sont requises, et mes collègues partagent cette préoccupation. Cependant, il est crucial de procéder de manière réfléchie, en prenant le temps nécessaire et en reprenant les bases de ces études scientifiques. Bien que cette initiative soit soutenue par la demande de Paris 2024 et par certaines autorités préfectorales, elle apparaît risquée à l'heure actuelle, car introduire des exceptions dans ce contexte pourrait poser des problèmes à long terme.

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Je vous remercie. Je propose d'aborder la question des bénévoles, étant donné que la plupart de vos organisations fonctionnent avec la participation d'un grand nombre de bénévoles. Si j'ai bien compris les différents discours déjà tenus ici, nous avons actuellement deux associations qui sont organisées de manière fédérale, avec des structures départementales, et deux autres qui opèrent de manière exclusivement nationale, à savoir le Bouclier Bleu et le CEDRE. Toutes ces associations font appel à des bénévoles. Pourriez-vous nous indiquer le nombre de bénévoles présents au sein de chacune de vos structures ? Comment parvenez-vous à les fidéliser sur le long terme ? Est-ce une problématique à laquelle vous êtes confrontés, et si oui, comment la gérez-vous ?

En ce qui concerne la question des indemnisations ou des dotations matérielles pour les bénévoles, pourriez-vous préciser si ces derniers bénéficient d'une quelconque forme de rétribution ? Comment sont pris en charge vos bénévoles, et de quelles ressources disposent-ils pour subvenir à leurs besoins ? Je vous remercie par avance pour vos réponses.

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Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française

Tout d'abord, il convient de préciser une première chose : nous ne sommes pas une fédération, mais une association unique. Il n'y a qu'un conseil d'administration et un président à la Croix-Rouge française, qui assume la responsabilité en tant que tel. La logique de la Croix-Rouge française repose sur une structure d'association unique régie par la loi de 1901, avec une véritable vie associative et des systèmes d'élection au niveau local, remontant ensuite au niveau territorial. L'assemblée générale est composée des représentants de chaque département de France. Cette organisation est inscrite dans un processus totalement intégré dans nos statuts, avec un pilotage réel et une seule vraie responsabilité, qui est la parole de la Croix-Rouge française. Ainsi, une seule politique est mise en œuvre, avec un pilotage logique de mouvement.

En tant que société nationale de la Croix-Rouge en France, nous sommes également en lien avec 192 sociétés nationales dans le monde, portant la question du secours dans les catastrophes naturelles et les événements récents à l'échelle internationale. Un exemple récent est l'intervention au Maroc, où, au-delà des débats politiques, l'intervention de la France en termes d'action humanitaire a été rapide, grâce à notre partenaire, la société nationale sœur du Croissant-Rouge. Nos équipes ont pu intervenir et fournir un accompagnement directement sur le terrain.

Il est essentiel de souligner que nous sommes également dépositaires du centre mondial des premiers secours en France. Les premiers secours demeurent une activité majeure au sein du mouvement Croix-Rouge. Nous avons des réflexions sur l'évolution du secourisme, tant au niveau national, avec les agréments et les normes européennes, qu'au niveau international dans le cadre de la politique internationale. Le centre mondial des premiers secours nous permet de partager notre expertise avec les sociétés nationales sœurs du monde entier.

En tant qu'association de volontaires, je suis moi-même bénévole, tout en exerçant une activité professionnelle. Le volontariat et le bénévolat sont des marqueurs puissants de notre institution, inscrits dans son ADN. À la Croix-Rouge française, il n'y a aucune indemnisation des bénévoles. Le bénévole est celui qui offre son temps et sa compétence par un acte gratuit, motivé par la volonté de faire le bien.

Notre histoire a forgé un niveau d'exigence et de formation très élevé. Lorsque nos équipes de secouristes interviennent, par exemple, dans les Hauts-de-Seine ou à Paris, elles sont en phase avec les exigences du Samu et de l'urgence vitale. Mobilisées par les pompiers de Paris avec des ambulances équipées pour intervenir, nos équipes sont attendues par nos partenaires du Samu et des pompiers de Paris pour procéder à des gestes équivalents.

Certes, l'association investit de manière significative sur le plan budgétaire dans la formation, mais le véritable investissement provient des bénévoles en termes de temps, d'engagement et de parcours. Actuellement, nous sommes dans une phase de plan de relance secours liée aux Jeux olympiques, avec un triple investissement : recrutement via des campagnes autofinancées (26 millions d'euros), formation au PC1 et au PC2 en vue des Jeux, et renouvellement technique du parc, y compris l'évolution des équipements des ambulances.

Avec près de 10 000 secouristes, nous avons pour objectif de croître, mais une réflexion approfondie sur la reconnaissance de l'engagement des bénévoles est cruciale. Le bénévolat dans le secourisme n'est pas une tendance, il représente une exigence élevée. La mise en place de moyens de reconnaissance de l'engagement des bénévoles dans les années à venir est indispensable pour éviter de véritables difficultés. Il ne s'agit pas pour nous d'aborder la question de l'indemnité matérielle, laquelle est davantage associée aux sapeurs-pompiers.

Notre demande porte sur la facilitation de l'engagement en temps et sur la possibilité d'inscrire ce type de bénévolat dans la relation avec les employeurs. Lors des inondations dans le département du Pas-de-Calais, nous avons mobilisé 500 secouristes nécessaires à l'intervention. Ce besoin de mobilisation concerne les préretraités, les retraités qui consacrent leur temps, mais également les actifs qui peuvent être utiles.

Il est nécessaire que notre pays réfléchisse à la manière dont d'autres secteurs, comme celui des incendies, ont pu gérer ces situations. En tant que dirigeant d'un groupe de protection sociale, nous avons mis en place des mesures particulières dans l'entreprise pour soutenir ceux qui étaient sapeurs-pompiers. Ce que nous demandons aujourd'hui s'inscrit dans la lignée des politiques des années 1960 sur les congés cadres jeunesse ou dans d'autres domaines plus largement, tels que la jeunesse ou l'éducation populaire.

La clé réside dans la facilitation de l'engagement en temps et la reconnaissance de la compétence élevée de nos secouristes. Avec les crises de plus en plus présentes, le monde de l'entreprise et les administrations sont des terrains propices à ces passerelles. La simplification des processus, évoquée par mon directeur, est inéluctable. Il est crucial de poser les bases dans la réflexion sur les passerelles entre le monde de la formation des infirmiers, par exemple, et notre secteur du secourisme, en simplifiant les exigences sans compromettre la qualité des interventions.

En conclusion, le capital le plus précieux de notre association est le temps des bénévoles. Mon engagement à la Croix-Rouge française, initié dans les années 1980 en tant que secouriste, est différent de l'engagement actuel des bénévoles. L'acte gratuit et généreux demeure, mais il est essentiel de reconnaître et rééquilibrer le temps donné par les bénévoles par une reconnaissance appropriée de leur engagement. Ces dernières années, nous avons observé une augmentation significative du nombre de bénévoles, en particulier parmi les jeunes, qui s'engagent dans le secourisme et la maraude. Nous formons près de 50 000 personnes au PC1, un élément crucial de notre dynamique de formation.

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Florent Vallée, directeur de l'urgence et des opérations de la Croix-Rouge française

Je souhaite revenir sur un point essentiel : nous ne déclinons pas l'agrément. En réalité, c'est l'État qui nous a contraints à refuser cet agrément, conformément au fonctionnement prévu par le texte. Cette déclinaison s'opère dans chaque département par le biais d'une délégation territoriale. Ce choix ne résulte pas de notre volonté, bien au contraire. Nous aurions préféré une intervention uniforme sur l'ensemble du territoire. Ainsi, la complexité du dispositif en place autorise néanmoins aux fédérations d'avoir un relais, tel que la MDS, et de disposer de leviers pour l'application de règles uniformes au sein de toutes les fédérations.

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Patrice Dallem, expert secours à l'Association Bouclier Bleu France

Le Bouclier Bleu rassemble 350 adhérents, dont 150 institutionnels, comprenant des communes et organismes divers. L'association est également composée de 200 bénévoles, principalement des conservateurs du patrimoine, œuvrant dans des domaines tels que les musées, les bibliothèques, les archives ; nous comptons aussi des régisseurs d'œuvres, ainsi que des restaurateurs. Il est important de souligner que l'univers du Bouclier Bleu est étroitement lié au ministère de la culture, s'inscrivant ainsi dans un contexte culturel.

Concernant les conservateurs du patrimoine, ils sont tous bénévoles au sein du Bouclier Bleu, à l'exception d'un demi-ETP (emploi à temps plein) salarié. La mobilisation quotidienne présente certaines complexités, en raison de l'engagement intense de ces personnes dans leurs activités professionnelles. Toutefois, malgré ces contraintes, le réseau de bénévoles est animé de manière créative. Environ 20 % des bénévoles sont actifs de manière régulière, tandis que les autres contribuent ponctuellement à des projets spécifiques. Ils cherchent toutefois à intensifier leur mobilisation lors d'interventions significatives, comme récemment lors de l'inondation de l'École française du Moyen-Orient.

Cette mobilisation a nécessité l'intervention d'une quinzaine de bénévoles du Bouclier Bleu pour sauver des œuvres d'art à la suite d'une fuite d'eau. Cependant, ce type d'activité exige une infrastructure conséquente et, surtout, une base de repli – un aspect actuellement lacunaire dans le domaine de l'urgence. Il est essentiel de souligner que le Bouclier Bleu n'est agréé que pour l'assistance immédiate aux œuvres en cas de sinistre immédiat. Au niveau 1, l'intervention implique l'envoi d'experts sur demande des sapeurs-pompiers, offrant des conseils pour l'évacuation des œuvres sans les endommager.

Le modèle italien, par exemple, se distingue par des bases de repli significatives, mettant à disposition des hangars pour le stockage d'œuvres d'art. En Italie, les sapeurs-pompiers participent depuis longtemps au sauvetage des œuvres d'art, ajoutant une dimension importante à leurs missions traditionnelles de sauvetage des personnes en cas d'urgence.

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Nicolas Tamic, directeur adjoint et responsable des opérations du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE)

En ce qui concerne le CEDRE, comme mentionné précédemment, nous ne comptons aucun bénévole, mais uniquement des salariés à temps plein. Cependant, nous les côtoyons régulièrement lors d'incidents de pollutions maritimes. Ces bénévoles se distinguent par le fait qu'ils ne sont pas organisés au sein d'une réserve communale ou d'une association spécifique. Il est souvent difficile de les intégrer directement sur le terrain. À cet effet, nous avons élaboré un guide destiné aux élus locaux, visant à les orienter sur la gestion de bénévoles intervenant de manière spontanée lors d'opérations de lutte anti-pollution. En tant qu'organisme œuvrant dans le domaine des composés organiques volatils et de substances chimiques potentiellement dangereuses pour la santé, nous fournissons des conseils essentiels.

Bien que nous soyons protégés par le statut de collaborateur occasionnel du service public, il n'est pas rare de voir ces bénévoles entreprendre à notre encontre des actions judiciaires pour réclamer des réparations en raison d'expositions non conformes aux normes de sécurité, notamment en l'absence de formation spécifique à la lutte contre la pollution. Ainsi, nous encourageons le recours à ces bénévoles plutôt pour des opérations en coulisses, en suggérant par exemple leur implication dans le soutien des bases logistiques, mais en évitant tout contact direct. La gestion des affaires liées à la lutte contre la pollution par les hydrocarbures et les produits chimiques requiert une expertise professionnelle, et il est délicat de les employer de manière alternative.

Malgré cela, nous avons établi des contrats spécifiques avec des associations de bénévoles, comme la Surfrider Foundation, pour la collecte de données sur la présence de plastique sur les plages. En tant qu'association de petite envergure avec 50 salariés, notre réseau de plages s'étend sur l'ensemble du territoire français, notamment dans les bassins hydrographiques intérieurs. Ainsi, ces associations de bénévoles, formées par nos soins, mènent ce travail en collaboration avec nous. Cependant, il est important de souligner que cette coopération s'inscrit davantage dans le cadre d'un soutien aux politiques publiques liées au ministère de la transition écologique. Ces bénévoles, spécifiquement formés et répondant à des critères stricts, peuvent être considérés comme des professionnels dans ce contexte particulier.

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Gilles Diaz, coordinateur national de l'Association nationale des premiers secours (ANPS)

En ce qui concerne l'Association nationale des premiers secours, il s'agit d'une fédération rassemblant 67 associations locales. Chaque association locale est placée sous l'égide de l'Union départementale des premiers secours, disposant d'une gouvernance locale composée d'un président, d'un secrétaire et d'un trésorier. Ces associations adhèrent ensuite à notre fédération. Dans le cadre de notre agrément, nous renforçons notre contrôle interne.

Sur l'ensemble du territoire, nous comptons 2 500 bénévoles, répartis au sein de représentations départementales pouvant varier de 20 à 200 bénévoles en fonction des territoires. Le renouvellement est significatif parmi ces bénévoles, car leur durée moyenne d'engagement est de 4 à 5 ans. Certains bénévoles, dont je fais partie, sont engagés depuis plusieurs années. En moyenne, l'investissement s'élève à 200 heures par an, bien que cette plage puisse varier entre 20 et 1 000 heures, selon les circonstances.

Cependant, il y a une frustration parmi certains bénévoles, ce qui a été rapporté, et cela inclut mon propre vécu il y a quelques années. En tant que formateur de formateurs en premiers secours, j'ai constaté l'absence de passerelle vers la GSU (gestionnaire de soutien d'urgence) relevant du ministère de la santé. J'ai dû suivre l'intégralité de la formation, alors qu'au quotidien, je formais des formateurs en premiers secours. Le manque de reconnaissance de cet engagement, particulièrement dans des contextes tels que les inondations, les incendies ou la pandémie de covid-19, a parfois été frustrant.

Je tiens à souligner que les employeurs ne facilitent pas toujours le départ de nos bénévoles, car ils invoquent des considérations économiques. La question des jours de congé a été plus souple pendant la pandémie, mais cela n'est pas systématique pour d'autres événements majeurs. Ce qui serait crucial pour nous, en tant que fédération, c'est la facilité d'engagement lors d'événements majeurs et une reconnaissance plus marquée de l'engagement bénévole.

Bien que notre fédération adresse des félicitations et des récompenses, les jeunes bénévoles de 18 à 20 ans peuvent parfois espérer une reconnaissance plus significative, compte tenu du fait qu'ils ne reçoivent aucune rémunération et doivent parfois couvrir eux-mêmes les frais engagés, tels que les déplacements, selon les pratiques des représentations territoriales. L'indépendance financière est variable selon les départements.

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Bien que vos propos introductifs aient été assez clairs, je souhaitais revenir sur les missions qui sont les vôtres, à la lumière de la discussion que nous avons eue sur votre rôle dans le cadre de la sécurité et de la protection civile. D'après vous, vos missions doivent-elles évoluer par rapport à ce qu'elles sont aujourd'hui ? Je comprends que les réponses peuvent différer en fonction de vos secteurs d'activité respectifs. Si tel est le cas, de quelle manière ? Quelles relations pourriez-vous entretenir les uns avec les autres, non seulement avec les associations agréées, mais aussi avec des structures telles que les sapeurs-pompiers ou d'autres corporations, dans le contexte de la sécurité civile ?

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Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française

En préambule à vos propos, permettez-moi d'évoquer le projet stratégique de la Croix-Rouge, que nous avons entériné lors de notre assemblée générale de 2021. Dans son ensemble, ce projet vise à mobiliser la population autour de la culture de la préparation aux risques. Lorsque j'ai abordé précédemment les notions de prévention et d'éducation, il est indéniable que c'est précisément ce concept qui représente notre premier grand défi. Autrement dit, en tant qu'entité de confiance entre la population et ses enjeux, nous devons être en mesure de sensibiliser efficacement la population aux risques majeurs.

Cette sensibilisation revêt une importance capitale, comme en témoignent les situations que nous, engagés au quotidien dans les questions de sécurité civile, constatons lors de catastrophes naturelles. Ce que nous percevons comme évident dans notre engagement quotidien n'est pas toujours aussi clair pour nos concitoyens, notamment en ce qui concerne la présence de centrales nucléaires ou de cours d'eau susceptibles de déborder. L'anticipation de ces crises représente donc notre première mission majeure. À cet égard, nous disposons de conseillers techniques nationaux et d'un dispositif complet, incluant la recherche pédagogique, l'évolution et l'accompagnement.

Il est primordial de souligner notre volonté de sortir de la position qui nous confinerait à une relation exclusive avec le ministère de l'intérieur. Bien que nous soyons soucieux de préserver une relation de haut niveau et de qualité avec ce ministère, nous estimons que l'évolution des crises que nous traversons nécessite une approche interministérielle. Le ministère de la santé occupe une place prépondérante dans cette réflexion, tant historiquement qu'actuellement, notamment au regard de notre agrément initial, axé sur la santé.

Passons désormais aux missions proprement dites. Pour nous, elles se déclinent en trois phases distinctes : l'avant, le pendant et l'après crise. Lorsque j'ai mentionné précédemment que nous avons formé près de 10 000 secouristes – notre objectif étant d'atteindre les 10 000 supplémentaires d'ici les Jeux olympiques – il est essentiel de souligner que ce chiffre englobe des spécialistes disposant de tous les diplômes requis. Cependant, dans des situations d'urgence, les 70 000 bénévoles de la Croix-Rouge, répartis sur le territoire, sont également mobilisés, élargissant ainsi le champ de compétences techniques et d'intervention.

Dans l'évolution de nos missions, nous devons accorder une priorité incontestable à la question des populations et à leur accompagnement. Si le rôle des équipes du Samu dans les situations vitales est indéniablement crucial, notre réflexion s'oriente vers le pré-hospitalier, avec des propositions spécifiques. Il est impératif que les associations de sécurité civile, telles que la Croix-Rouge, soient perçues comme des partenaires complémentaires, et non comme des concurrents. Notre ambition est simplement d'apporter des réponses adaptées aux besoins des populations.

En ce qui concerne l'après-crise, je conclus en soulignant l'importance cruciale de la santé mentale et de l'accompagnement des populations. Des accords locaux déterminent souvent notre présence lors des évacuations, mais nous constatons une évolution significative vers une prise en charge plus complète, englobant les gestes qui sauvent, les comportements bénéfiques, et surtout la santé mentale et le bien-être psychosocial. Nous avons consenti d'importants efforts, notamment dans le domaine de l'initiation psychologique et de l'accompagnement à long terme, conscients que les traumatismes engendrés par les crises exigent une attention continue de la part de nos équipes.

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Florent Vallée, directeur de l'urgence et des opérations de la Croix-Rouge française

Certains aspects techniques seront abordés en mettant particulièrement l'accent sur la reconnaissance et la valorisation de nos thèmes actuels. Pour illustrer votre interrogation, prenons comme exemple une convention signée dans les années 2010 avec la direction générale de la sécurité civile. Il convient de souligner que cette convention, en vigueur depuis plus de dix ans, n'inclut aucune dimension financière explicite. Sa déclinaison dans chaque département de France, à ce jour, concerne moins de soixante départements, ce qui illustre parfaitement la complexité de nos relations tant au niveau national, préfectoral, que lors des échanges avec les Samu et les préfectures.

Nous entretenons des relations variées avec ces différentes instances, mais leur mise en place est souvent disparate, complexe et laborieuse. La déclinaison des conventions, pour permettre un fonctionnement légal et coordonné de nos structures, constitue la principale complexité du système actuel. Lorsque l'on examine la situation dans le Pas-de-Calais, notamment lors d'inondations, nous sommes présents et nous nous efforçons d'établir une coordination. Toutefois, malgré l'existence de textes définissant la place des associations de sécurité, leur mise en œuvre reste rare et complexe à obtenir. La coordination et la répartition des secteurs, des éléments basiques, sont considérablement simplifiées lorsqu'elles se font en collaboration avec le commandant des opérations de secours ou les Samu, mais au quotidien, ces points constituent des complexités majeures.

Les textes existent, et bien qu'ils aient le mérite d'être en place, leur connaissance doit être davantage diffusée. À cet égard, en ce qui concerne les situations de pollution et les bénévoles spontanés intervenant dans ce contexte, l'agrément encadrant ces bénévoles existe, mais son utilisation demeure limitée en France lors de ce type d'événements. Les associations se sont constituées pour encadrer ces bénévoles, mais les demandes sont rares, et les cadres d'action sont souvent créés de manière différente à chaque fois. Par exemple, il existe un cadre permettant de lutter contre la concurrence déloyale de certains acteurs, mais il n'est pas appliqué.

Aujourd'hui, il est plus simple d'opter pour une action citoyenne directe ou de rejoindre des associations non réglementées, créant ainsi un déséquilibre dans le système. Les dispositions mises en place en 2006 ont vieilli, et il est nécessaire de les réviser pour rétablir l'équilibre, notamment en repensant la complémentarité avec les réserves communales ou intercommunales de sécurité civile. Dans le contexte actuel de l'intercommunalité, une collaboration accrue avec ces réserves est essentielle. De plus, il faut revoir le système pour donner les moyens aux citoyens de se protéger, car la contribution du citoyen, sa place et son rôle clé dans la résilience doivent être renforcés. C'est sur ce point que nous devons concentrer nos efforts.

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Patrice Dallem, expert secours à l'Association Bouclier Bleu France

Préalablement, j'exprimais que notre association est actuellement constituée d'experts. Cependant, notre objectif est de nous étendre et d'attirer des non-experts. En effet, pour mener à bien des actions concrètes, nous avons besoin de personnes physiques. Les membres du Bouclier Bleu, très engagés, représentent environ 20 % de notre effectif, et nombreux sont ceux qui se sont déjà mobilisés sur le terrain, en intervenant par exemple lors des inondations en Belgique, cette année.

Pour faire progresser nos initiatives, nous nous sommes étroitement rapprochés de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France et de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris. À la suite de l'incendie de Notre-Dame de Paris, des fonds de Renault ont sollicité les sapeurs-pompiers pour réfléchir à une amélioration des interventions lors d'incendies similaires. Les résultats de cette réflexion ont été présentés lors d'un colloque l'année dernière à Chantilly. Je vous encourage à consulter les actes de ce colloque, qui abordent des solutions propices à l'évolution de nos pratiques.

Il convient de noter que trois rapports importants, bien qu'ils soient un peu anciens, demeurent pertinents. Le rapport Sauzet de l'inspection générale de l'administration (IGA), datant de janvier 2012, le rapport de Sapin de 2010 et celui de l'Académie de Médecine, datant aussi de 2010, ont émis des conclusions et des recommandations qui sont toujours d'actualité. Il est regrettable de constater que, depuis une décennie, voire douze ans, très peu d'avancées ont été observées.

Le rôle essentiel du citoyen en tant que premier acteur de la sécurité civile, mis en avant par M. Vallée et le président de la Croix-Rouge, reste crucial. Malgré la modernisation de la sécurité civile en 2004, la sensibilisation des citoyens à leur propre intérêt dans ce domaine demeure un défi. J'ai mentionné précédemment le « poids mort » que constitue le citoyen non formé et non aguerri dans la prise en charge des victimes. Cette inertie complique les opérations de secours, nécessitant parfois la prise en charge dudit citoyen. Une évolution majeure consiste donc à engager un dialogue inter-organismes, englobant l'État, les collectivités territoriales, les associations, les citoyens et les réserves communales. Toutefois, il est essentiel d'harmoniser ces acteurs pour une coordination efficace, notamment en ce qui concerne les réserves communales, dont le nombre reste limité en France et qui sont placées sous l'autorité du maire. Cette harmonisation est cruciale pour s'assurer que tous convergent dans la même direction, même en temps de crise, où les intérêts du maire peuvent différer de ceux du préfet et du commandant des opérations de secours.

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Nicolas Tamic, directeur adjoint et responsable des opérations du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE)

En ce qui concerne le CEDRE, dans le nouveau contexte, nous avons la chance d'être intégrés au sein des structures de gestion de crise. Ainsi, un dialogue opérationnel est instauré, opérant à divers niveaux, que ce soit avec le directeur des opérations de secours ou le commandant des opérations de secours, qu'il soit préfet maritime ou maire. Nous sommes donc étroitement engagés dans une collaboration active avec ces autorités. Il convient de souligner notre chance d'être encadrés par un texte qui régit notre mission, ce texte ayant en outre été révisé il y a un an. Cette instruction, émanant de la Première ministre, régule nos actions de lutte contre les pollutions marines. Cette régulation se concrétise grâce au dialogue permanent que nous entretenons avec nos autorités de tutelle, à savoir la direction de l'eau, de la biodiversité du ministère de la transition écologique, le secrétariat général de la mer (SGMer) et la DGSCGC. Tous ces acteurs sont des partenaires essentiels, avec lesquels nous collaborons tant au niveau opérationnel que sur le plan institutionnel.

Nous organisons des rencontres bisannuelles avec ces autorités, qui viennent à notre rencontre à Brest. Ces réunions permettent d'établir une feuille de route, que nous qualifions de comité stratégique, et de travailler sur l'évolution de nos activités pour les cinq années à venir. Cette approche, souple et adaptable, nous confère la capacité de nous ajuster en permanence en fonction des évolutions, comme l'illustre notre engagement récent dans le domaine de l'éolien en mer. Initialement hors de notre champ d'expertise, nous avons pu accompagner les industriels de ce secteur, répondant ainsi à leurs besoins, tout en respectant nos missions d'appui aux politiques publiques.

Cette proximité et cette capacité d'adaptation rapide résultent de notre statut d'ancien opérateur de l'État, opérant désormais sous une forme associative, ce qui confère à notre fonctionnement une nature hybride. En conséquence, cette approche nous permet de rester au plus près de la réalité et de réagir promptement aux nouvelles contraintes, qu'elles émanent du milieu maritime ou terrestre notamment.

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Gilles Diaz, coordinateur national de l'Association nationale des premiers secours (ANPS)

En ce qui concerne l'Association nationale des premiers secours, tout comme les autres associations de sécurité civile, nous collaborons étroitement avec la DGSCGC. Tel que souligné par la Croix-Rouge aujourd'hui, il existe une diversité des spécificités territoriales, variant d'une préfecture à une autre, d'une mairie à une autre, avec une intégration ou non du plan communal de sauvegarde qui constitue actuellement une problématique. Pour ma part, originaire d'une région non parisienne, mon récent établissement à Paris m'a permis de constater des disparités significatives entre ce que l'on expérimente en région et ce qui prévaut à Paris, notamment en termes de relations avec la préfecture ou le secrétaire général de la zone de défense de Paris. Les engagements des associations de sécurité civile varient considérablement d'un territoire à un autre, générant une complexité supplémentaire.

Il est manifeste que l'approche interministérielle est cruciale, comme en témoigne la progression des compétences des secouristes à travers la loi Matras sur la prise en charge des victimes. Ces compétences, initialement octroyées aux sapeurs-pompiers pour assurer une première réponse pré-médicale, seront également étendues aux ambulanciers. Néanmoins, les associations agréées de sécurité civile, faisant partie de cette réserve opérationnelle qui demeure aujourd'hui sous-estimée, ne sont pas nécessairement incluses dans cette innovation prometteuse. Le risque imminent réside dans l'émergence de deux fonctionnements distincts, reproduisant une situation que nous avons connue par le passé. À l'époque de la réforme de la formation des premiers secours, tous les secouristes, qu'ils aient été formés par la Croix-Rouge, les sapeurs-pompiers, l'Association nationale des premiers secours ou d'autres associations, bénéficiaient d'une formation similaire. Actuellement, il subsiste le risque de créer une disparité regrettable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, madame la présidente, et je tiens à exprimer ma gratitude envers vous tous. Dans vos réponses, vous abordez des sujets assez divers, ce qui nous permet d'explorer plusieurs thèmes simultanément. J'aurais, pour ma part, une dernière question. Je crois percevoir une certaine unanimité parmi vous sur le fait que, dans le cadre de la sensibilisation de la population, le citoyen doit être, ou devrait être, placé au centre de ces préoccupations, car il représente le premier acteur de la sécurité civile. Nous vous rejoignons sur ce point également au vu de l'avancement de nos travaux. La question de l'éventualité d'une crise imprévue a été soulevée tout à l'heure, ce qui conduit à s'interroger sur le soutien à la population, la diffusion d'informations et l'alerte à la population. Concernant cette constellation d'acteurs, englobant non seulement les associations agréées de sécurité civile, mais aussi, de manière plus générale, les acteurs de la protection civile, pensez-vous que ces acteurs se connaissent suffisamment dans leur rôle et leur fonction, notamment en situation de crise ?

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Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française

C'est une excellente question, monsieur le rapporteur. Tout d'abord, permettez-moi d'indiquer que nous sommes à l'aube d'une époque nouvelle. Nous assistons à un changement de paradigme, notamment dans un monde caractérisé par la polarisation, la radicalisation, et surtout, la prédominance du numérique, dont l'intelligence artificielle générative s'impose face aux citoyens. L'État se trouve confronté à d'autres émetteurs de messages, une évolution qui, jusqu'à récemment, était symbolisée par la recommandation classique de prendre avec soi une radio à pile pour s'informer et connaître les gestes appropriés en cas de catastrophe, comme l'a souligné récemment Patrice Dallem. Cependant, nous devons admettre que nous ne sommes plus dans cette époque, qui est révolue.

Le véritable enjeu réside dans la lutte contre la désinformation, dans la manière dont le citoyen peut être influencé, entendre, ou percevoir différents messages. Nous faisons face à des guerres de l'information, des conflits dans lesquels des institutions comme la nôtre sont également attaquées. En tant que dirigeant d'une institution arborant l'un des emblèmes internationaux les plus prestigieux dans le domaine de l'action humanitaire, je suis témoin quotidiennement de cette réalité, que ce soit en Ukraine ou dans d'autres régions du globe. Il est indéniable que nous sommes immergés dans diverses situations complexes.

La première question qui se pose est de savoir si l'État entretient une relation, voire même une relation anticipative, face aux crises. Comme je l'ai mentionné en ouverture de notre échange ce soir, la réponse est affirmative, mais nous pouvons indubitablement faire mieux. Si vos travaux peuvent contribuer à insuffler une logique d'anticipation des crises et à susciter une prise de conscience quant au changement de paradigme, de période, d'époque, et de monde, d'autant plus que la loi de 2006 n'est plus adaptée aux nouvelles crises à venir, cela serait hautement bénéfique. Aujourd'hui, la question ne se limite plus à une spécialisation technique ou à la maîtrise de gestes spécifiques. Elle implique de plus en plus une mobilisation citoyenne, notamment dans la manière dont nous établissons une relation avec la population.

À la tête d'une institution rassemblant 100 000 volontaires, salariés et bénévoles sur les territoires, nous constituons une force considérable. Cependant, il est impératif de construire, avec la puissance publique, la mobilisation de cette force. Dans nos choix d'investissement, nous sommes confrontés à des arbitrages difficiles. Il est parfois nécessaire de supprimer certaines activités pour en privilégier d'autres, en tenant compte du contexte actuel, une problématique à laquelle font face toutes les organisations et associations de sécurité civile. La question cruciale se pose : faut-il investir dans un parc d'ambulances ou dans un autre type de matériel pour faire face aux crises de demain ? La présence de nos ambulances contribue non seulement à l'attractivité auprès de nos bénévoles, mais aussi à un choix d'investissement immobilier significatif. En tant que secouriste à l'âge de 17 ans, j'ai conscience de l'importance d'avoir des moyens d'intervention à disposition à cet âge. C'est également une forme de reconnaissance que notre association soutient.

J'ai dépassé le cadre de votre question pour situer ce nouveau contexte. Évidemment, il est essentiel que les acteurs dialoguent davantage. Je suis particulièrement fier, par exemple, de la collaboration entre la fédération française de secourisme, l'ordre de Malte, l'union nationale des associations de secouristes et sauveteurs (Unass), la Croix Blanche, et la Croix-Rouge française pour répondre aux besoins liés aux Jeux olympiques. Ensemble, nous assumons les trois quarts de notre réponse aux exigences de cet événement, ce qui témoigne de notre volonté de décloisonner des frontières anciennes. Il fut un temps où une certaine concurrence existait entre les associations de sécurité civile, mais cela n'a plus lieu d'être. Nous devons dialoguer et construire ensemble, en respectant l'identité de chacun. Je suis convaincu, en tant que président de la Croix-Rouge française, que cela doit être notre première démarche.

Sur un autre plan, j'ai assisté au congrès des sapeurs-pompiers et j'ai eu l'occasion d'échanger sur la nécessité d'occuper une place différente. En observant le stand de la direction de la sécurité civile, j'ai pu constater que la position accordée aux associations de sécurité civile n'était pas à la hauteur de notre rôle au sein de l'ensemble du dispositif de la sécurité civile nationale.

Dans la relation avec les sapeurs-pompiers, nous sommes actuellement trop centrés sur les hommes, alors que cela devrait être une question d'institutions. Il est nécessaire de redéfinir la relation entre les SDIS de France et la Croix-Rouge française dans leurs rôles respectifs et dans l'accompagnement des populations. Par ailleurs, je dirais que, pour aborder certains sujets, il est crucial de se demander comment parvenir à un décloisonnement entre les acteurs de la sécurité civile. Si nous replaçons le citoyen et l'intérêt général au cœur de nos préoccupations, la Croix-Rouge est prête à jouer un rôle actif dans cette démarche. Vous avez parfaitement raison. Il est impératif que les acteurs acceptent de changer d'époque et tiennent compte des nouveaux risques qui sont, je le souligne, totalement existentiels pour nous tous. Les ruptures auxquelles nous faisons face aujourd'hui, en tant qu'institution de portée internationale, sont nombreuses, et bien que certaines soient mises en lumière, d'autres restent dans l'ombre, avec des répercussions sur le territoire national dans les mois et les années à venir.

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Patrice Dallem, expert secours à l'Association Bouclier Bleu France

Il est impératif de mobiliser le citoyen. Depuis 2004-2006, nous avons tenté de le faire, mais nous nous sommes retrouvés bien seuls. Il n'y a pas eu de messages de campagne ayant un impact suffisant pour susciter l'engagement du citoyen. Aucun message de communication clair n'a été délivré pour éveiller son intérêt, alors qu'il est nécessaire de stimuler son imagination. Il faut que la personne puisse mentalement visualiser les scénarios possibles pour qu'elle commence à réagir. Il est crucial de faire prendre conscience aux individus que, dans une situation où des milliers de personnes sont confrontées à une urgence, les services d'urgence, tels que les pompiers ou le Samu, peuvent rapidement être dépassés.

Dans les années 1990, les gens étaient rassurés en pensant que l'État veillait sur eux. On leur disait de dormir tranquillement, car tout était sous contrôle. Ils pensaient qu'en cas de problème, ils pouvaient appeler le Samu ou les pompiers. Cependant, lorsque des milliers de personnes se trouvent dans une situation similaire, il peut arriver un moment où il n'y a plus assez de secours disponibles. Aujourd'hui, il est primordial de susciter une prise de conscience réelle. Il faut changer les mentalités, et cela prend du temps, souvent plusieurs décennies.

Il est essentiel de frapper l'imagination des individus. Grâce aux réseaux sociaux, il est envisageable de créer des jeux sérieux et des outils qui permettraient de sensibiliser et de répéter les messages nécessaires pour mobiliser la population. Dans notre domaine particulier, celui du Bouclier Bleu, nous avons la chance de ne pas être touchés par une concurrence quelconque. Nous bénéficions d'un statut international via le Blue Shield et des institutions telles que le Centre international d'études pour la conservation et la restauration des biens culturels (Iccrom) ou la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (Ifla). Nous disposons d'un réseau d'experts et de personnes capables de se mobiliser pour intervenir, que ce soit au niveau national ou international.

Ce dialogue ne doit pas se limiter au niveau national : il doit également s'étendre au niveau international. Apprendre à mieux sensibiliser la population pour encourager son engagement, même à une échelle individuelle ou au bénéfice de son entourage, constitue un premier pas significatif. Un exemple concret de cette évolution se trouve dans la petite commune de Sommières, dans le Gard, qui, bien qu'étant inondée chaque année, a développé une résilience remarquable. Il est crucial de convaincre les individus non pas de subir, mais d'affronter les situations d'urgence.

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Nicolas Tamic, directeur adjoint et responsable des opérations du Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (CEDRE)

Les acteurs se connaissent-ils réellement ? J'observe fréquemment, notamment lors de crises d'ampleur, un manque de coordination entre les différentes cellules de crise. En effet, il existe un cloisonnement manifeste entre la cellule préfectorale et la cellule locale, notamment au niveau municipal. Ce cloisonnement se traduit par un défaut de communication entre les autorités. Lorsqu'un préfet prend en main la situation, il prend le contrôle des opérations de secours, ce qui entraîne un nivellement par le bas des pouvoirs des maires. Ces derniers se sentent désorientés, et cette situation peut également se répercuter au niveau de la population, ainsi que chez les bénévoles, qui ne savent pas comment s'intégrer dans le système de gestion de crise.

Cette problématique peut expliquer la réticence de la population à s'engager dans une démarche de bénévolat. En comparaison avec le système allemand ou italien, où le bénévolat est intégré dès le plus jeune âge, la France présente une organisation très centralisée. Ces pays adoptent des approches décentralisées, avec des organisations fédérales régionales, ce qui leur permet de motiver et de fidéliser les bénévoles grâce à des moyens financiers adéquats.

En France, en revanche, le système d'organisation est plus rigide et fortement centralisé, principalement avec la DGSCGC. Cette structure centralisée complique considérablement l'adhésion de la population locale à un système de gestion de crise essentiellement national, conçu initialement pour répondre aux directives du préfet, mais moins adapté aux préoccupations et à la participation active des maires. Cette dynamique explique en partie le désintérêt parfois observé chez les potentiels bénévoles.

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Gilles Diaz, coordinateur national de l'Association nationale des premiers secours (ANPS)

En ce qui concerne la connaissance des acteurs, il est évident que sur le terrain, les différentes parties se connaissent. Cependant, le véritable point à améliorer, comme cela a déjà été mentionné, concerne la connaissance des personnes plutôt que sur celle des fonctions. J'ai eu l'occasion d'écouter la table ronde précédente, où les directeurs de SDIS ont démontré une connaissance approfondie des associations agréées de sécurité civile. Cependant, il est important de souligner que ce n'est pas le cas pour tous les SDIS sur le territoire, ce qui crée une disparité. Cette faiblesse peut s'expliquer en demandant à un individu lambda dans la rue de définir ce qu'est concrètement l'Association nationale des premiers secours, la Croix-Rouge, la protection civile, ou toute autre association en comparaison avec les sapeurs-pompiers. La complexité de notre système de secours rend difficile sa compréhension par le grand public. Cette complexité se manifeste également à travers les numéros d'urgence multiples en place. Les individus peuvent parfois s'y perdre, comme cela peut être observé lors de formations.

Cependant, il est essentiel de souligner que, malgré cette complexité, il y a de la place pour toutes les parties, y compris pour toutes les associations de sécurité civile, car il existe des besoins variés à satisfaire. Cependant, peut-être de manière préoccupante, notre système actuel repose trop sur des individus. Un simple changement de directeur de cabinet, de préfet, ou même d'une municipalité peut avoir un impact significatif sur les associations agréées de sécurité civile, qui sont fortement impliquées. Cette situation ne résulte pas d'une mauvaise volonté, mais plutôt d'une méconnaissance de ce qu'est réellement une association agréée de sécurité civile.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je propose de conclure notre échange à ce stade. Nous avons abordé divers sujets, et je tiens à exprimer ma gratitude pour vos contributions, qui se sont avérées très enrichissantes. Monsieur Dallem, il me semble que vous avez déjà soumis une contribution écrite, n'est-ce pas ? Je souhaite vous confirmer que nous la lirons attentivement et que nous y consacrerons le temps nécessaire, car nous avons les moyens de mener à bien cette mission. Les uns et les autres, je vous encourage vivement à nous faire parvenir vos contributions écrites, car nous prendrons le temps de les examiner soigneusement. Par ailleurs, n'hésitez pas à revenir vers nous si des points spécifiques nécessitent des éclaircissements ou si d'autres questions émergent. Merci infiniment pour votre investissement et votre temps.

La séance est levée à 18 heures 50.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 15 h 35

Présents. - Mme Lisa Belluco, M. Florian Chauche, M. Didier Lemaire

Excusés. - M. Jean-Marie Fiévet, M. Éric Pauget