Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Réunion du mercredi 13 décembre 2023 à 14h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ESA
  • alerte
  • civile
  • météo
  • sapeurs-pompiers
  • sapeurs-pompiers volontaires
  • sécurité civile
  • volontaire

La réunion

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Présidence de M. Jean-Marie Fiévet, vice-président.

La mission d'information auditionne MM. Samuel Mathis, secrétaire général, et Sylvain Trouvain, membre du bureau en charge de la communication du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires (GSNSPV).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous achevons notre troisième cycle d'auditions consacré aux acteurs de terrain de la sécurité civile, qu'il s'agisse de professionnels, de volontaires ou d'associations agréées de sécurité civile. Après avoir entendu, le 16 novembre dernier, les représentants des organisations syndicales représentatives des sapeurs-pompiers professionnels, nous accueillons aujourd'hui monsieur Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires (GSNSPV), et monsieur Sylvain Trouvain, membre du bureau du GSNSPV en charge de la communication. Je vous remercie, Messieurs, de vous être rendus disponibles pour cette mission d'information.

L'objectif de cette audition est de vous entendre sur le sujet de la formation et des conditions d'intervention des sapeurs-pompiers volontaires, ainsi que sur l'évolution de leurs effectifs et de leurs besoins. Plus largement, nous souhaitons aborder avec vous l'organisation de notre modèle de sécurité et de protection civiles, qui est confronté à des défis importants et repose sur ce que beaucoup ont qualifié de « constellations d'acteurs ». Nous avons souhaité partir du terrain, en rencontrant sans idées préconçues les élus locaux et les acteurs de la sécurité civile au quotidien, afin d'améliorer cette organisation. Dans ce cadre, nous avons souhaité tenir compte de leur expérience liée aux crises survenues au cours des dernières années. Nous étudions également l'organisation de la sécurité civile dans d'autres pays. Ainsi, notre mission s'est déplacée ces dernières semaines en France et à l'étranger et poursuivra ses déplacements au cours des prochains mois.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont confrontés à des urgences de secours au quotidien, et interviennent également lors de crises majeures liées aux risques naturels, industriels, sanitaires ou sécuritaires. Vous nous informerez, Messieurs, au nom des sapeurs-pompiers volontaires, sur les évolutions de vos interventions et de votre organisation, notamment sur l'articulation entre votre volontariat et votre vie professionnelle, ainsi que les difficultés que vous rencontrez. Nous voulons être éclairés sur les forces et les fragilités de notre modèle de sécurité civile, ainsi que sur les éventuelles réformes ou évolutions que vous appelez de vos vœux. Notre objectif est d'appréhender ce qui fonctionne bien dans ce modèle, mais aussi ce qui reste perfectible pour faire face, dans les meilleures conditions possibles, aux crises majeures qui pourraient se produire à l'avenir, voire se multiplier en raison du dérèglement climatique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sapeur-pompier volontaire et sapeur-pompier professionnel durant trente ans, mais aussi élu local, j'ai pu mesurer à travers une crise telle que celle du Covid comment fonctionne notre modèle. Avant d'en discuter, pourriez-vous, messieurs, décrire dans quel contexte a été créé votre syndicat, quels sont ses objectifs et quelles sont ses caractéristiques ?

Permalien
Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires

Nous tenons d'abord à vous remercier vivement de nous donner l'occasion de nous exprimer. Il s'agit, pour les sapeurs-pompiers volontaires, d'un événement historique, puisque c'est la première fois que nous sommes reçus en tant qu'organisation syndicale.

Les sapeurs-pompiers de France sont composés à 80 % de sapeurs-pompiers volontaires. Ils assurent 80 % des interventions et représentent 10 à 20 % des dépenses des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Le GSNSPV a été créé dans un contexte très particulier, sur la base du constat que les sapeurs-pompiers volontaires étaient la cible d'actes injustes et répétés. Un certain nombre d'entre nous étaient menacés, subissaient des pressions et voyaient parfois leur engagement non renouvelé. Cette situation était favorisée par la fragilité du statut de sapeur-pompier volontaire et la particularité de l'engagement quinquennal.

Les SDIS opposant le devoir de réserve à notre liberté d'expression, nous nous sommes naturellement tournés vers l'expression syndicale, d'abord sous la forme de sections départementales, puis d'une organisation nationale. Nous avons cependant dû solliciter le Conseil d'État pour obtenir, le 12 mai 2017, un arrêt reconnaissant notre droit à défendre nos intérêts, quand bien même nous ne sommes pas des sapeurs-pompiers professionnels.

Le GSNSPV a pour objet la défense des sapeurs-pompiers volontaires. Il a vocation également à formuler des propositions, tant au niveau départemental auprès des SDIS qu'à l'échelon supérieur. Dans l'écosystème des sapeurs-pompiers volontaires, nous estimons être la seule organisation parfaitement indépendante, non subventionnée par les SDIS, libre de sa parole, et à même de porter la voix des sapeurs-pompiers volontaires sur leur activité et leur avenir.

Représentant les sapeurs-pompiers volontaires et non professionnels, notre organisation n'est pas fléchée de la même manière que les organisations syndicales professionnelles ou de la fonction publique. Son activité n'est pas circonscrite par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, ni par le code général de la fonction publique. Elle compte plusieurs milliers de sympathisants et une trentaine de sections départementales en France et dans les départements et territoires ultra-marins.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis très heureux qu'une organisation de sapeurs-pompiers volontaires soit entendue pour la première fois à l'Assemblée nationale, et je ne doute pas que vous aurez d'autres occasions désormais de faire entendre la voix de ces femmes et ces hommes qui œuvrent tout au long de l'année. Quelles sont, selon vous, les principales motivations des personnes rejoignant le monde des sapeurs-pompiers volontaires ? Quelles sont les principales difficultés qu'elles rencontrent dans leur engagement et leur intégration ?

Permalien
Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires

Les motivations des sapeurs-pompiers volontaires ont sensiblement varié selon les époques. À l'exception des sapeurs-pompiers militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, les corps de sapeurs-pompiers ont longtemps été constitués quasi exclusivement de sapeurs-pompiers volontaires. Les services d'incendie et de secours tels que nous les connaissons aujourd'hui se sont formés dans les années 1980 et 1990. Les sapeurs-pompiers professionnels ont été répartis selon les catégories A, B et C à la faveur de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et de quatre décrets parus en 1990. Auparavant, les sapeurs-pompiers étaient tous volontaires. Ils sont devenus ensuite permanents lorsqu'ils ont été embauchés par les communes et enfin, depuis un peu plus de trente ans, professionnels. La professionnalisation est donc récente dans notre modèle de sécurité civile. Elle est venue combler les indisponibilités des volontaires, lesquels exerçaient souvent une activité professionnelle en parallèle de leur engagement.

L'une des premières motivations des sapeurs-pompiers volontaires fut de ne pas rester impuissants face au malheur de leurs concitoyens. Aujourd'hui, plusieurs profils cohabitent au sein d'un même centre de secours. Certains souhaitent porter l'uniforme pour les valeurs nobles qu'il représente, d'autres cherchent une occupation parce que leur vie professionnelle ou personnelle ne les satisfait pas tout à fait, d'autres encore, et il ne faut pas craindre de le reconnaître, cherchent avant tout un complément à leurs revenus.

La départementalisation des SDIS a peu à peu modifié le management des sapeurs-pompiers. Les sapeurs-pompiers ont longtemps évolué dans des petits corps, dirigés de manière extrêmement paternaliste par un chef de corps, et en lien avec un maire très présent. La départementalisation a inscrit la plupart des sapeurs-pompiers volontaires dans une forme d'anonymat. Nombre d'entre eux, c'est du moins ainsi qu'ils l'expriment, ont l'impression d'être un numéro de matricule, d'être gérés par un chef de service et non plus par un chef de corps, et de dépendre d'un service des ressources humaines au niveau départemental, même s'il existe dans certains départements des services de volontariat. J'estime que ce type de management a considérablement modifié la situation des sapeurs-pompiers volontaires.

Le recrutement s'est lui aussi sensiblement transformé. Plus qu'un examen, il consiste désormais en un concours où seuls les meilleurs sont retenus. Par conséquent, le recrutement est devenu plus difficile et la gestion quotidienne d'un sapeur-pompier volontaire se rapproche davantage de la gestion d'un salarié que de celle d'un bénévole. Par exemple, il est demandé à un sapeur-pompier volontaire de justifier une indisponibilité par un certificat médical, ce qui est une pratique commune dans le cadre d'une activité professionnelle, mais ne l'est pas dans le cadre du bénévolat.

Les traditions subsistent, mais les sapeurs-pompiers volontaires éprouvent souvent le sentiment d'intégrer anonymement l'institution et de la quitter dans un même anonymat, en ayant sacrifié une partie de leur vie de famille et de leur vie professionnelle – voire, pour certains d'entre nous, en ayant sacrifié leur vie tout court. Ils éprouvent, de plus en plus nettement, l'impression d'être devenus une variable d'ajustement dans un système motivé par l'objectif de réaliser des économies, l'impression également d'être tolérés comme exécutants dont on n'attend guère plus. Les compétences qu'ils ont développées dans leur vie professionnelle sont très souvent négligées. D'ailleurs, il leur est rarement demandé de présenter un curriculum vitae lors du concours.

Il est évidemment plus aisé de gérer des sapeurs-pompiers comme on gère des professionnels, mais leur recrutement, la gestion courante et la pérennisation de leur engagement réclament des compétences en termes de gestion, en termes de volonté, en termes d'énergie et en termes de constance.

Nous faisons le constat d'un manque de souplesse de l'organisation des SDIS vis-à-vis des sapeurs-pompiers volontaires. L'individu est sommé de s'adapter à l'institution, et non l'inverse. Je ne citerai comme exemples que les visites médicales et les formations dispensées en journée alors que les sapeurs-pompiers volontaires, le plus souvent, sont requis par leur travail en journée.

Pire encore, les sapeurs-pompiers volontaires subissent l'hostilité d'organisations syndicales souhaitant leur disparition, et se heurtent à un mutisme de leur hiérarchie laissant entendre, sinon une adhésion à ce souhait, du moins un consentement à l'idée que les sapeurs-pompiers volontaires puissent disparaître.

Ainsi, alors que les exigences sont de plus en plus fortes, la vocation, c'est-à-dire ce qui fait vibrer lorsque nous entrons pour la première fois dans un centre de secours, a peu à peu laissé place au désintérêt, à l'absence de reconnaissance, au sentiment d'anonymat et parfois, il faut le dire, à l'incompétence. Le désarroi est également lié à la fragilité du statut, puisque le propre de l'engagement quinquennal suppose qu'il puisse ne pas être renouvelé. Ainsi voit-on des volontaires quitter les rangs des sapeurs-pompiers après une simple mésentente avec un chef de centre.

L'idée même que notre existence puisse être remise en cause nous est insupportable, tant notre institution s'est construite à travers l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Certes les sapeurs-pompiers volontaires constituent une belle vitrine d'un point de vue national. Mais il est permis aujourd'hui de se demander si nos institutions souhaitent réellement pérenniser leur engagement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Permettez-moi une petite rectification à propos des SDIS: ils ont été créés en 1972, et les premiers SDIS furent constitués dans cinq départements, dont les Deux-Sèvres, la Vendée et les Yvelines.

Je souhaite à présent connaître votre avis sur le thème de la formation. Ayant été moi-même sapeur-pompier volontaire puis professionnel, j'ai eu l'occasion de participer au recrutement et à la formation des volontaires. Les formations sont dispensées aux sapeurs-pompiers volontaires à raison de quarante heures par an, au rythme de dix sessions mensuelles de quatre heures. Ces formations sont-elles adaptées aux risques actuels ? Conviendrait-il de les compléter ou de les assouplir ? Je pense par exemple aux formations sur les lots de sauvetage. Est-il nécessaire de suivre toutes les formations sur les lots de sauvetage, de connaître par cœur toutes les procédures, alors qu'une seule ou deux seront concrètement utiles à un sapeur-pompier ?

Permalien
Sylvain Trouvain, membre du bureau du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires, en charge de la communication

Je précise que les formations de quarante heures sont en réalité des formations de maintien des acquis. Alléger le maintien des acquis suppose de travailler sur le socle de connaissance à acquérir. Ce socle a été largement travaillé et redimensionné. Il est censé être adapté aux risques locaux des départements, ce qui d'ailleurs freine la mutabilité d'un sapeur-pompier volontaire d'un SDIS à un autre. En effet, les SDIS proposent des formations différentes autour du tronc commun des secours d'urgence aux personnes (Suap), qui représente 70 % des interventions.

Vous avez choisi un exemple quelque peu particulier en évoquant le lot de sauvetage. Cet organe de sécurité nous impose ce maintien d'acquis, puisque le nombre croissant de tempêtes multiplie les interventions sur les toitures et donc l'utilisation de ce type de matériel. En revanche, les sapeurs-pompiers ne disposant pas d'un véhicule de secours routier dans leur centre de secours n'ont effectivement pas besoin d'un maintien d'acquis sur la partie cisaillement de véhicule, qui d'ailleurs deviendra prochainement une spécialité étant donné la difficulté spécifique de cette pratique.

La connaissance du socle de base me semble bien prise en charge par la formation. À mon sens, l'effort d'amélioration doit porter davantage sur l'aspect organisationnel, afin de mieux adapter les formations aux disponibilités des sapeurs-pompiers volontaires. Ainsi que l'a souligné monsieur Mathis, mettre en place des formations du lundi au vendredi, en journée, alors que la majorité des sapeurs-pompiers volontaires sont au travail, n'a guère de sens. Les volontaires, pour suivre ces formations, sont dans l'obligation soit de disposer d'une convention avec leur employeur, soit de poser plusieurs jours de congé.

Le monde des sapeurs-pompiers évolue très vite. Il n'évolue pas rapidement sur l'aspect technique, puisque les pratiques restent globalement les mêmes, mais il évolue au niveau des mentalités. On peut parler d'hyperprofessionnalisation des sapeurs-pompiers volontaires, au sens où il leur est demandé de s'inscrire dans le cadre du métier de sapeur-pompier. Un commandant sapeur-pompier professionnel a réalisé une magnifique thèse sur le système hybride, et son étude conclut que les sapeurs-pompiers volontaires sont des sapeurs-pompiers professionnels, puisqu'ils remplissent 80 % de l'activité opérationnelle des centres de secours. Ils se distinguent des sapeurs-pompiers professionnels par le seul fait de ne pas être salariés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez raison, monsieur Trouvain, de distinguer la formation continue de la formation initiale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous prie de m'excuser pour mon retard. J'étais retenu dans l'hémicycle où j'ai adressé au Gouvernement une question sur le sujet des trimestres de retraite pour les sapeurs-pompiers volontaires. La réponse que j'ai obtenue ne m'a pas satisfait. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) a exprimé son mécontentement, estimant n'avoir pas été écoutée au moment de la rédaction du décret. Le GSNSPV a-t-il été consulté dans la perspective de la rédaction de ce décret ? Il apparaît que celui-ci ne concernera qu'une minorité des sapeurs-pompiers volontaires, en particulier ceux n'ayant pas eu de carrière professionnelle complète. Il convient de se demander si cette mesure n'aura pas un effet contre-productif, en encourageant des sapeurs-pompiers volontaires à ne pas exercer une activité professionnelle. Quel est votre avis sur ce sujet ?

Permalien
Sylvain Trouvain, membre du bureau du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires, en charge de la communication

Le GSNSPV n'a pas été contacté, ni interrogé sur ces questions, ce que nous regrettons. Je rejoins votre opinion sur ce décret porteur d'effets contre-productifs. Un sapeur-pompier volontaire sans emploi peut rapidement devenir sapeur-pompier professionnel, au sens où son planning est comparable à celui d'un professionnel et qu'il remplit de nombreuses fonctions dévolues aux sapeurs-pompiers professionnels, ainsi que nous le constatons dans les casernes. Ce mécanisme opère au détriment de la profession des sapeurs-pompiers, et nous sommes convaincus qu'un poste tenu par un sapeur-pompier volontaire au chômage est contre-productif, car il dénature le volontariat.

Je vous rejoins également, monsieur Rancoule, à propos des trimestres de retraite. Le sapeur-pompier volontaire pâtit d'un manque de reconnaissance. Nous souhaitons qu'il bénéficie d'une récompense pour les efforts qu'il fournit au cours de son engagement, ainsi que pour les efforts fournis par ses proches, par son conjoint ou sa conjointe, par ses enfants, qui subissent ses absences. De même, la pénibilité et les risques de l'activité, notamment lors des interventions où le pompier est confronté aux fumées et aux produits chimiques, méritent récompense.

Les plans concernant les sapeurs-pompiers volontaires, au nombre d'une vingtaine et qui ne restent que des plans et non des lois – c'est-à-dire qu'ils ne sont appliqués que par ceux qui veulent bien les appliquer – n'abordent jamais le sujet des bonifications pour la retraite. Nous sentons qu'une solution est proche, et je pense que la majorité des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires sont satisfaits. Cependant il faudra aborder également la question des sapeurs-pompiers bénéficiant du double statut volontaire et professionnel.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'aimerais m'arrêter sur le cas des sapeurs-pompiers volontaires qui prennent des gardes en caserne. Cette légère dérive existe. Quelle est votre position sur ces gardes postées pour les sapeurs-pompiers volontaires ? Les syndicats de sapeurs-pompiers professionnels, lors de leur audition, ont exprimé leur opposition à cette pratique.

Permalien
Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires

Il est difficile de vous apporter une réponse globale compte tenu de la grande disparité des besoins territoriaux. Certains centres de secours ne disposent pas d'autres possibilités que de recourir à ces gardes postées afin de garantir la promptitude des interventions. Il convient par conséquent de s'adapter aux besoins de chaque territoire. Les directeurs des SDIS sont légitimement les plus à même d'ajuster le potentiel opérationnel journalier (POJ), c'est-à-dire l'effectif quotidien disponible, et d'évaluer l'éventuelle nécessité de poster des sapeurs-pompiers volontaires.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour revenir sur l'objet de notre mission d'information, j'aimerais vous entendre sur les évolutions qui vous semblent souhaitables, en particulier sur la question de la rémunération. Comment selon vous appréhender la reconnaissance et la valorisation du travail des sapeurs-pompiers volontaires ?

Permalien
Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires

Je vous répondrai, monsieur le rapporteur, en évoquant l'évolution des effectifs. Comme l'a indiqué monsieur Trouvain, une multitude de mesures prises au cours des trente dernières années se sont avérées anecdotiques. Nous sommes certes sensibles à un certain nombre de mesures sur le régime indemnitaire ou sur les bonifications pour la retraite. Elles représentent de véritables signaux de reconnaissance, même si nous constatons une certaine inertie lorsqu'il s'agit de les mettre en œuvre. Mais, comme je le disais en introduction, la préservation du modèle de sécurité civile ne repose pas exclusivement sur des mesures, mais sur un état d'esprit, sur des compétences et sur une volonté. Nous avons le sentiment que le bon diagnostic n'est pas posé.

Les multiples mesures prises depuis la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service ne se sont guère montrées efficaces, si l'on considère l'évolution des effectifs. Sans doute convient-il de s'interroger, au préalable, sur la problématique de gestion des sapeurs-pompiers volontaires, afin de concevoir des mesures efficientes.

Il convient également de se demander si les effectifs répondent aux besoins des services d'incendie et de secours. Nous estimons qu'il s'agit avant tout d'une question de volonté des SDIS. La double gouvernance des SDIS, par les conseils départementaux et les préfectures, fait dépendre de l'orientation politique des conseils départementaux la définition des besoins. Ainsi s'expliquent les disparités territoriales, puisque d'un territoire à l'autre, la définition des besoins varie, et avec elle, par conséquent, la gestion des sapeurs-pompiers volontaires ou la volonté de procéder à des recrutements et de pérenniser les engagements.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais vous entendre à nouveau, par souci de clarté, sur la question des gardes postées. Je vous le demande en référence à la jurisprudence Matzak, du nom de ce pompier belge qui a déposé un recours afin de faire reconnaître ses heures de garde comme du temps de travail devant être rémunéré. L'arrêt Matzak ayant conduit au remaniement intégral du système belge, je pense qu'il convient d'être très clair sur les termes que nous employons.

Permalien
Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires

L'épisode de l'arrêt Matzak confirme notre position sur la gestion des sapeurs-pompiers volontaires. Ceux-ci sont encadrés comme des professionnels. Dès lors, la question de la requalification de leur activité volontaire en activité professionnelle doit être posée. Si une juridiction devait se pencher sur ce sujet, la garde postée ne serait qu'un épiphénomène de cette gestion globale de type managérial. Je rappelle l'exemple que j'ai cité dans mon propos introductif sur les certificats médicaux d'absence, qui sont exigés des sapeurs-pompiers volontaires. En droit du travail, il s'agit d'un arrêt maladie. À force de réunir les critères de l'activité professionnelle, l'activité des sapeurs-pompiers volontaires finit par s'y assimiler… telle est la genèse de l'arrêt Matzak. Il n'est pas exclu qu'une situation comme celle de nos camarades belges se produise en France.

Encore une fois, et j'insiste sur ce point, la question centrale est celle de la volonté. Gérer des sapeurs-pompiers volontaires est un exercice exigeant. A-t-on la volonté de s'y plier ? En a-t-on les compétences et les moyens ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les SDIS étant des services départementaux, les moyens et les financements mis à leur disposition varient considérablement d'un département à l'autre en fonction des spécificités et des besoins de chacun. Cette disparité pose-t-elle selon vous un problème d'équité ? Pensez-vous qu'un rééquilibrage est nécessaire ?

Permalien
Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires

En posant cette question, vous soulevez le problème de cette double gouvernance où l'un, le préfet, définit les missions régaliennes, et l'autre, le conseil départemental, paie et gère les sapeurs-pompiers. Comme je l'ai indiqué, cette organisation et les moyens qui lui sont alloués sont soumis aux orientations politiques et à la volonté des élus à la tête des conseils départementaux. Les budgets et les moyens diffèrent en effet, en termes de nombre de casernes, de maillage territorial, de véhicules, etc. Dès lors, la véritable réflexion à mener doit peut-être porter sur la pertinence d'une organisation nationale par rapport à des directions départementales.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Préconisez-vous une direction nationale gérant l'ensemble des moyens, à l'image de la gendarmerie par exemple ? Une telle organisation supprimerait les directions départementales, qui sont proches des citoyens et proches des pompiers.

Permalien
Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires

Une telle organisation aurait pour vertu de combler les disparités entre départements. Elle permettrait également de réaliser des économies d'échelle. Rationaliser au niveau national offrirait certainement la possibilité de procéder à une évaluation plus juste, plus équitable et parfois moins politique de la gestion des sapeurs-pompiers.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quels rapports les sapeurs-pompiers volontaires entretiennent-ils avec les autres acteurs de la sécurité civile ? Comment appréhendent-ils les actions de cette « constellation d'acteurs » évoquée par monsieur Fiévet dans son propos liminaire ? Les connaissent-ils ? Travaillent-ils avec eux ? Cela dépend-il du territoire, selon que l'on se trouve en milieu rural ou en milieu urbain, par exemple ?

Permalien
Sylvain Trouvain, membre du bureau du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires, en charge de la communication

Le mot constellation me semble très adapté pour décrire l'univers de la sécurité civile. Le rapport aux associations agréées de sécurité civile est relativement analogue à celui qui lie les corps départementalisés de sapeurs-pompiers et ceux qui ne le sont pas. Les associations agréées de sécurité civile jouent un rôle essentiel, par exemple lors de grandes manifestations publiques ou lors de crises, comme on l'a vu récemment lorsqu'une tempête et des inondations ont frappé le Nord de la France. Les sapeurs-pompiers sont tenus de traiter l'urgence, et seulement l'urgence, en s'appuyant sur leur organisation éprouvée, le maillage territorial de leurs moyens et leur système d'astreinte. Les associations agréées de sécurité civile pourraient participer aux secours d'urgence et soutenir l'action des sapeurs-pompiers. Elles le font d'ailleurs dans certains territoires, en mettant à disposition des ambulances sur des créneaux horaires de disponibilité.

Je considère que cette complémentarité ne présente aucune difficulté, parce que les uns et les autres sont investis d'une même mission de protection des personnes et des biens. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) entraîne tous les acteurs dans un même mouvement. Lorsque les interventions sont d'ampleur, il est nécessaire de mettre en place une coordination, et il revient aux centres opérationnels départementaux (COD) de s'y employer. Il serait toutefois utile, pour renforcer cette coordination, de procéder à davantage d'exercices en commun, afin que chacun puisse échanger avec les autres acteurs et mieux comprendre leurs rôles respectifs.

En résumé, les sapeurs-pompiers volontaires travaillent en bonne entente avec les associations agréées de sécurité civile. D'ailleurs, nous n'hésitons pas à leur adresser de potentielles recrues qui n'auraient pas le profil requis pour intégrer un corps de sapeurs-pompiers volontaires ou qui ne répondraient pas au test de la cotation SIGYCOP.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je reviens sur vos propos portant sur l'idée d'une structure nationale. Celle-ci concernerait-elle uniquement la partie financière, en ayant pour vocation de compenser certaines inégalités territoriales ? Ou bien pensez-vous à une structure de politique publique ? Au Portugal, par exemple, un secrétariat d'État est dédié à la sécurité civile. En France, le sujet de la sécurité civile n'est pas restreint au cadre d'action du seul ministère de l'intérieur et concerne d'autres ministères, tels que le ministère de l'environnement, le ministère de la santé ou le ministère du logement. Quel modèle aurait votre préférence ?

Permalien
Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires

Il me semble qu'une véritable direction nationale serait à même de pallier le manque d'équité entre les départements. Lorsque les pompiers sont passés des corps communaux aux service départementaux, le mal était fait. Aujourd'hui, si l'on souhaite mettre fin aux inégalités en termes financiers et en termes de gestion, il convient certainement d'envisager une direction nationale gérant directement l'ensemble des pompiers et qui relève du ministère de l'intérieur.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La durée d'engagement des sapeurs-pompiers volontaires a sensiblement diminué au fil du temps. À une époque, il n'était pas rare de voir des sapeurs-pompiers volontaires s'engager durant trente ou quarante ans. Aujourd'hui, la moyenne de la durée d'engagement est de sept ans et trois mois pour les hommes, et un peu plus de cinq ans pour les femmes. Que vous inspire cette évolution ? Avez-vous des propositions à formuler pour, au moins, stabiliser cette durée d'engagement ?

Permalien
Sylvain Trouvain, membre du bureau du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires, en charge de la communication

La durée moyenne d'engagement est supérieure au chiffre que vous avez avancé, monsieur le vice-président, et se situe autour de dix ans. Néanmoins, elle a en effet diminué. Je considère que ce dont nous avons parlé précédemment explique cet affaissement, à savoir que le sapeur-pompier volontaire est géré non pas comme un bénévole, mais comme un salarié, sans toutefois le corollaire, c'est-à-dire les gratifications du salariat. Si le salarié d'une entreprise mène une belle et longue carrière, il peut espérer une reconnaissance, une gratification et la récompense de son ambition. Le sapeur-pompier volontaire ne peut rien espérer de la sorte.

Des sapeurs-pompiers volontaires atteignent une durée de service de plus de trente ans, comme monsieur Mathis et moi-même. Mais nous arrivons à bout de souffle parce que nous sentons une certaine hostilité de l'institution, qui voit en nous des gens qui se plaignent, à la différence des jeunes engagés. Les durées d'engagement inférieures à dix ans sont insuffisantes, en effet. Ces engagements courts représentent, en outre, des dépenses supplémentaires, puisque le roulement des engagements suppose de dispenser plus fréquemment des formations ou de renouveler la mise à disposition des tenues vestimentaires, par exemple. La fidélisation nécessite des moteurs, et il me semble que la reconnaissance est le premier d'entre eux.

Permalien
Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires

Lorsqu'il s'engage, un sapeur-pompier volontaire est fréquemment célibataire. Lorsqu'il s'installe dans une vie de famille, ou dans une vie professionnelle, sa disponibilité diminue. Or, il n'est pas rare de rencontrer des volontaires dans cette situation s'entendre dire par leur chef de centre qu'ils ne sont plus utiles en raison de leurs disponibilités moindres. Telle est l'une des raisons pour lesquelles je disais précédemment que l'institution doit s'adapter à l'individu, et non l'individu à l'institution.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez souligné plusieurs fois l'importance de la reconnaissance de l'engagement, et j'y souscris. Nous attendons impatiemment ce qui ressortira des discussions à propos de l'arrêt sur les retraites. Par ailleurs, la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR) a considérablement évolué depuis un an. Tous les grades sont désormais ouverts aux sapeurs-pompiers volontaires, du caporal au colonel. Estimez-vous que ces dispositions suffisent ? D'autres mesures vous semblent-elles nécessaires afin de combler vos attentes en termes de reconnaissance et de fidéliser davantage les sapeurs-pompiers volontaires ?

Permalien
Samuel Mathis, secrétaire général du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires

Je crois avoir répondu en partie. Nous sommes sensibles aux médailles, aux bonifications pour la retraite, au régime indemnitaire, mais il convient de souligner que les directives nationales, parfois, ne sont pas ou peu appliquées au niveau local. Surtout, ces dispositions ne démentent pas le sentiment partagé qu'en France, les sapeurs-pompiers volontaires ne sont plus désirés, ou ne le sont que comme simples exécutants. J'estime que notre modèle de sécurité civile s'effondrera si la volonté fait défaut de donner aux sapeurs-pompiers volontaires la place qu'ils méritent.

Permalien
Sylvain Trouvain, membre du bureau du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires, en charge de la communication

Vous avez indiqué, monsieur le vice-président, que les grades sont désormais ouverts aux sapeurs-pompiers volontaires. C'est exact, mais cette disposition n'est pas tout à fait mise en œuvre en pratique. En consultant un rapport émanant de la DGSCGC datant de 2022, il apparaît que les sapeurs-pompiers professionnels comptent 1 904 officiers supérieurs, alors qu'ils ne représentent que 17 % des effectifs. Les sapeurs-pompiers volontaires, qui représentent 80 % des effectifs, ne comptent, eux, que 282 officiers supérieurs. Le déséquilibre est flagrant.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les sapeurs-pompiers sont impliqués dans la gestion de crise face à des risques multiples, climatiques, sanitaires, technologiques ou terroristes. J'aimerais recueillir votre avis sur les réserves communales de sécurité civile (RCSC). Celles-ci, naturellement, ne remplissent pas les mêmes missions que les sapeurs-pompiers, qui interviennent en situation d'urgence. Cependant, ces réserves jouent un rôle avant et pendant la crise, mais aussi après la crise, par le soutien qu'elles apportent à la population. Ce dispositif des réserves est-il bien identifié par les sapeurs-pompiers volontaires ? Un travail commun sur les missions des uns et des autres est-il mené ?

Permalien
Sylvain Trouvain, membre du bureau du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires, en charge de la communication

Je considère que le dispositif des réserves communales est très méconnu et très peu développé. Il s'agit souvent d'anciens centres de première intervention (CPI) ayant changé de statut en raison d'un manque de moyens et d'un manque de formation. Les RCSC témoignent d'une volonté de maintenir des capacités de secours à l'échelon communal sans être bien identifiées par les maires et des élus locaux. Cependant, les dispositions de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, prévoient la désignation d'un correspondant incendie et secours dans les conseils municipaux des communes ne disposant pas d'élu chargé des questions de sécurité civile. Ce conseiller municipal, en se rapprochant du SDIS et en se formant à la culture de la gestion du risque, permettra d'accélérer l'identification par tous les élus des dispositifs tels que les réserves communales. À ce titre, j'estime que les SDIS ont un rôle à jouer en termes de formation et d'information des conseils municipaux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient-ils d'heures sur leur compte engagement citoyen (CEC) ?

Permalien
Sylvain Trouvain, membre du bureau du Groupement syndical national des sapeurs-pompiers volontaires, en charge de la communication

Ce dispositif est très récent. Il permet de bénéficier, après cinq années de service, de 200 euros sur le compte engagement citoyen. Ce montant, très faible, ne permet pas de financer une formation. J'estime pour ma part que la finalité de cette disposition est de payer des formations aux SDIS par l'intermédiaire de nos CEC. Je pense que le compte personnel de formation (CPF) est un service bien plus significatif.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il était très important, pour nous, d'entendre la voix des sapeurs-pompiers volontaires, et je vous invite, au cas où vous souhaiteriez compléter cette audition, à nous transmettre une contribution écrite. Nous vous remercions vivement, Monsieur Mathis et Monsieur Trouvain, pour votre disponibilité, bien naturelle après tout pour des sapeurs-pompiers par définition toujours disponibles.

Puis la mission d'information réunit une table ronde, ouverte à la presse, sur le thème « Sécurité civile et environnement »

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous consacrons cette table ronde aux liens entre sécurité civile et environnement, parce qu'il nous paraît essentiel de réfléchir aux diverses influences de l'environnement sur l'organisation de notre sécurité civile. Il convient, dans ce domaine, de tenir compte des évolutions en cours et de les anticiper, ce souci d'anticipation étant au cœur de notre mission d'information, comme le suggère son intitulé.

Nous recevons aujourd'hui monsieur Lionel Suchet, directeur général délégué du Centre national d'études spatiales (Cnes), monsieur Pierre Tréfouret, directeur de cabinet du président du Cnes, monsieur Guillaume Mellier, directeur des programmes et de l'appui aux politiques publiques à l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), qui est accompagné de madame Marie-Agnès Scherrmann, cheffe du département gestion de territoire au service des partenariats et des relations institutionnelles de l'IGN, monsieur Benoît Thomé, directeur des relations institutionnelles à Météo France, monsieur Gilles Martinoty, directeur adjoint du Service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom), et madame Isabelle Duvaux-Bechon, conseillère sénior de l'équipe des accélérateurs à la direction des affaires européennes, juridiques et internationales de l'Agence spatiale européenne (ESA). Nous vous remercions de vous êtes rendus disponibles pour participer à cette table ronde.

Nous avions également convié un représentant du Commissariat général au développement durable (CGDD) en raison de sa compétence transversale en matière environnementale, qui ne nous semble pas dépourvu de liens avec les questions qui nous intéressent. Nous regrettons qu'il n'ait pu se joindre à nous aujourd'hui, mais peut-être pourrons-nous envisager de l'entendre lors d'une audition ultérieure, puisque nous avons prévu d'auditionner au cours des prochains mois diverses administrations concernées par ce thème. De même, madame Anne Clerc, préfète et cheffe du pôle territorialisation et filières au Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), n'a pu se joindre à nous en raison d'une contrainte imprévue et nous prie de l'en excuser.

Mesdames et messieurs, vos domaines de compétence et d'expertise sont divers, cependant il nous a semblé intéressant de croiser vos regards et vos analyses, en vous associant à nos réflexions sur le modèle français de sécurité civile et sur les défis auxquels il est confronté du point de vue environnemental.

Afin de mener nos travaux, nous avons souhaité partir du terrain et mettre à profit l'expérience des élus locaux et des acteurs de la sécurité civile au quotidien, ainsi que les enseignements à tirer de l'observation des pratiques à l'étranger. Notre échange aujourd'hui doit vous permettre de nous informer sur vos domaines d'expertise et sur votre organisation, ainsi que sur votre coopération avec certains acteurs de la sécurité civile. Vous nous fournirez également les moyens de comprendre, anticiper et prévenir les crises à venir et leurs conséquences environnementales. Notre objectif est de gagner en efficacité et de faire face, dans les meilleures conditions possibles, aux crises majeures qui pourraient se multiplier à l'avenir, en raison notamment du dérèglement climatique et des évolutions de nos modes de vie.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie à mon tour pour votre participation à cette table ronde. Notre mission d'information porte, comme vous le savez, sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de sécurité civile à différentes crises potentielles, qu'elles soient sanitaires, technologiques, naturelles ou terroristes. Nous nous intéressons plus particulièrement aujourd'hui au risque naturel. Je vous invite, pour commencer, à présenter les structures que vous représentez, leur organisation, leur budget et leurs effectifs, en précisant ce qui vous rapproche, de manière directe ou indirecte, de l'étude des enjeux environnementaux sous l'aspect de la protection des milieux naturels et des populations.

Permalien
Isabelle Duvaux-Bechon, conseillère sénior de l'équipe des accélérateurs à la direction des affaires européennes, juridiques et internationales de l'Agence spatiale européenne

Je vous remercie pour votre invitation. Je précise que celle-ci était destinée à M. le général Pascal Legai, conseiller sécurité du directeur général de l'ESA, qui m'a demandé de le suppléer. L'Agence spatiale européenne, ou European Space Agency, est un organisme intergouvernemental, et non une agence de l'Union européenne, créé en 1975. Elle est l'héritière de deux agences, l'une pour les lanceurs et l'autre pour la science. Sa mission, pour citer l'article 2 de la convention, consiste à « assurer et développer à des fins exclusivement pacifiques la coopération entre États européens dans les domaines de la recherche et de la technologie spatiales, ainsi que leurs applications spatiales, en vue de leur utilisation à des fins scientifiques et pour des systèmes spatiaux opérationnels d'applications ». Nous développons des programmes pour les États membres, ainsi que pour des tiers tels que l'Union européenne, l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat) ou encore des États désireux de déployer leurs moyens nationaux dans le domaine.

Nous nous distinguons des autres agences en ce que nous sommes actifs dans tous les domaines du spatial, c'est-à-dire l'astronomie, l'observation de la Terre, les télécommunications, le positionnement, les vols habités ou encore les lanceurs. Notre activité est financée aux trois-quarts par les vingt-deux États membres, dont dix-neuf sont également membres de l'Union européenne. Les trois autres États sont le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège, membres de plein exercice. Les États membres de l'Union européenne qui ne sont pas membres de l'ESA disposent d'accords de coopération ou de partenariat et peuvent, à terme, devenir États membres de plein exercice.

Le quart du financement restant est assuré en grande partie par l'Union européenne, qui demande à notre agence de développer ses programmes spatiaux. Des agences extérieures, telles que Eumetsat, complètent ce financement. Le budget de l'ESA est actuellement le plus élevé de son histoire. Il s'établit à 7,3 milliards d'euros, ce qui représente une dépense d'environ 12 à 13 euros par citoyen. L'Allemagne et la France sont les premiers contributeurs du budget, à hauteur d'environ un milliard d'euros chacun pour l'année 2023. Nos effectifs s'élèvent approximativement à 3 000 contractants à temps plein.

L'ESA est une organisation de recherche et développement, elle n'a donc pas de rôle politique, mais un rôle de mise en œuvre. Elle propose des programmes adaptés aux politiques de ses États membres, en échange constant avec eux, notamment à travers le conseil de l'ESA qui se réunit une fois par an. J'ai mentionné la convention de l'ESA, qui évoque sa finalité exclusivement pacifique. Cette disposition est tirée du Traité de l'espace extra-atmosphérique, ratifié par une centaine de pays. Ce texte est l'objet de diverses interprétations juridiques, notamment autour du mot « pacifique ». Nous nous accordons, à l'ESA, sur l'idée que pacifique ne signifie pas civil, mais non offensif. Autrement dit, si nous ne développons pas des moyens militaires purs, en revanche ce que nous développons est utilisable par les militaires. Le terme « pacifique » renvoie également au maintien de la paix, qui en France comme ailleurs peut être assuré aussi par les militaires. Il s'agit donc d'une notion importante, et aujourd'hui tous nos programmes ont une utilisation duale, à commencer par la météorologie. L'ESA, en somme, a vocation à s'adapter aux souhaits des États membres.

En ce qui concerne les enjeux environnementaux, l'ESA est impliquée dans les programmes de satellites d'observation de la Terre, qui sont soit des programmes optionnels financés par les États membres, soit des programmes cofinancés par les États membres et par l'Union européenne, par exemple le programme des sentinelles de Copernicus. Nous mettons également en œuvre des programmes nationaux financés par un État membre souhaitant bénéficier de l'expertise de l'ESA. Enfin, les programmes météo d'Eumetsat nous sont confiés.

L'ESA travaille également sur des services et des applications. Elle n'est pas opératrice de services, mais elle est en mesure de développer des applications et des services utiles sur les sujets environnementaux. En effet, la moitié des variables dont la mesure est essentielle pour appréhender le climat ne sont mesurables que par satellite. Il est, par conséquent, fondamental de disposer d'une flotte de satellites.

Je terminerai mon propos en indiquant que l'une des cinq priorités définies dans l'agenda 2025 de notre direction générale, publié en 2021, concerne le rôle du spatial dans le domaine de la sûreté et de la sécurité, reconnaissant ainsi que les satellites jouent un rôle dans l'amélioration de la sécurité sur Terre, avec des actions spécifiques.

Permalien
Lionel Suchet, directeur général délégué du Centre national d'études spatiales

Je représente M. Philippe Baptiste, président du Cnes, qui est retenu, justement, par le conseil de l'ESA. Le Centre national d'études spatiales est à la fois une agence nationale, qui propose au Gouvernement la politique spatiale française et la met en œuvre, ainsi qu'un centre technique disposant de la capacité de soutenir et d'accompagner le développement de l'écosystème spatial français. Le Cnes a été créé en 1961 ; 2 400 personnes y travaillent et son budget, lui aussi en croissance, s'élève en 2023 à 2,6 milliards d'euros, dont un milliard correspond au budget de la souscription française à l'ESA – je rappelle que le Cnes représente la France dans les instances de pilotage de l'ESA.

Le contrat d'objectifs et de performance qui nous lie à l'État comporte quatre axes stratégiques. Le premier est le renforcement de l'autonomie stratégique de la France et de l'Europe. Nous travaillons depuis notre création dans un modèle dual, puisque nous gérons des programmes militaires et des programmes civils. Le deuxième axe est la coopération scientifique et l'excellence scientifique française, grâce à notre communauté scientifique spatiale qui se situe au meilleur niveau mondial. Le troisième axe est la compétitivité économique ; notre champ d'activité s'est, en effet, élargi au-delà des deux pôles de défense et de science, et nous gérons de plus en plus d'activités économiques. Enfin, si les trois premiers axes sont liés à nos trois ministères de tutelle, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le ministère des armées et le ministère des finances, ce quatrième axe concerne quant à lui l'accompagnement du spatial pour le développement durable et la lutte contre le changement climatique. Nous sommes donc particulièrement impliqués sur ce sujet.

Le Cnes dispose de plusieurs types de moyens satellitaires contribuant aux enjeux de sécurité civile, au sens large : les satellites d'observation de la Terre, évoluant en orbite basse et couvrant l'intégralité du globe terrestre, les satellites de télécommunications caractérisés par leur résilience par rapport aux moyens déployés au sol, les systèmes tels que Cospas-Sarsat ou Argos, qui permettent de localiser des balises de façon inleurrable par rapport au GPS ou d'envoyer des signaux, et enfin les systèmes de navigation par satellite, tels le GPS ou Galileo, qui jouent également un rôle important au niveau de la sécurité.

Les satellites d'observation de la Terre concourent à la lutte contre le changement climatique selon quatre modalités. Premièrement, ils permettent de comprendre, en mesurant un grand nombre de paramètres, comment fonctionne le système Terre. Par exemple, l'élévation du niveau de la mer est mesurée par un système satellitaire qui est le fruit d'une coopération historique entre la France et les États-Unis, entre le Cnes et le Jet Propulsion Laboratory (JPL). Il s'agit de la mesure effectuée depuis l'espace la plus longue de l'histoire, puisqu'elle a été initiée il y a plus de trente ans. Cette mesure, qui sur trente ans atteint une moyenne de 3,2 mm par an, et qui est malheureusement en forte hausse puisque l'élévation est actuellement proche de 5,6 mm par an, est possible uniquement par l'intermédiaire d'un système satellitaire.

Deuxièmement, les satellites d'observation de la Terre permettent de montrer et de démontrer. Nous avons lancé un observatoire spatial du climat qui démontre l'impact local du changement climatique, en termes de risques d'inondations, de feux de forêt ou encore de désertification. Il s'agit d'un projet très concret montrant aux populations, aux décideurs et aux politiques l'impact réel du changement climatique sur des territoires très restreints.

Troisièmement, les satellites d'observation de la Terre concourent à la gestion des crises. Nous disposons à ce titre de certains moyens d'alerte, et de la possibilité de donner aux organisations de sécurité civile des outils d'intervention en situation de crise.

Quatrièmement, les satellites d'observation de la Terre forment un outil de contrôle. Il s'agit d'une réalité d'avenir, plus que du présent, mais dès aujourd'hui des systèmes sont développés pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre et ainsi contrôler le respect des réglementations en la matière.

Permalien
Guillaume Mellier, directeur des programmes et de l'appui aux politiques publiques à l'Institut national de l'information géographique et forestière

L'Institut national d'information géographique et forestière est un établissement public à caractère administratif, fonctionnant sous la co-tutelle du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, d'une part, et du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, d'autre part. Il emploie 1 600 personnes et son budget s'élève à 180 millions d'euros.

L'Institut est issu de la fusion opérée en 2012 entre l'Institut géographique national (IGN) et l'Inventaire forestier national (IFN). L'IGN a pour vocation de produire et diffuser des données accessibles à tous, des représentations cartographiques et des références relatives à la connaissance du territoire national et des forêts françaises, ainsi qu'à leur évolution. Nous mettons de plus en plus l'accent sur ce dernier point, dans un contexte d'évolution du territoire marqué par l'action de l'homme sur son environnement et les enjeux de la transition écologique. Nous sommes passés d'une description relativement statique du territoire à l'observation en continu de son évolution.

La fonction première de l'IGN est de produire de la connaissance servant en premier lieu à l'identification et à l'anticipation des risques, à mettre en place des politiques de prévention et, le cas échéant et dans une moindre mesure, à orienter les politiques d'intervention.

Les données produites par l'IGN sont disponibles et interviennent dans les systèmes d'information des acteurs de la chaîne de sécurité civile. Je donnerai quelques exemples. Sur le risque d'incendie, l'IGN produit des bases de données sur les incendies de forêt et des cartes des obligations légales de débroussaillement. Nous développons également un service d'identification en amont du risque d'incendie, à la faveur d'une connaissance fine des essences forestières sur le territoire. En effet, il est crucial de connaître la composition d'une forêt afin d'anticiper le risque et la forme de la propagation d'un incendie. Sur le risque d'inondations, nous produisons des modélisations numériques de terrain permettant une connaissance fine de la topographie, afin de simuler et anticiper les effets de l'augmentation soudaine des volumes d'eau.

Au soutien de ces actions interviennent les programmes transverses de l'IGN, par exemple géoplateforme, qui vise à fournir à la puissance publique des outils mutualisés de gestion d'information géographique, ou le projet de jumeaux numériques du territoire pour renforcer les capacités de simulation. Les transformations induites par les enjeux de la transition écologique imposent en effet de gérer des éléments multithématiques, de croiser les enjeux et, par conséquent, d'être davantage en capacité de simuler la prévention ou la réaction face au risque.

Permalien
Benoît Thomé, directeur des relations institutionnelles à Météo France

Météo France est un établissement public à caractère administratif présidé par Mme Virginie Schwarz, qui vous prie de l'excuser de ne pas avoir pu participer à cette table ronde, et que je représente. Météo France regroupe environ 2 500 agents, dont 500 prévisionnistes et 300 chercheurs, puisque notre service mène une importante activité de recherche. Son budget s'élève à environ 400 millions d'euros.

Les missions de Météo France sont fixées par son décret de création datant du 18 juin 1993. L'article 2 de ce décret stipule que « Météo France exerce les attributions de l'État en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens. À ce titre, il assure, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur, et s'il y a lieu dans le cadre de conventions, la satisfaction des besoins exprimés, notamment par les services chargés en métropole et outre-mer de la sécurité civile, de la prévention des risques majeurs et de la sûreté nucléaire. Il exerce auprès de ces services un rôle d'expertise dans les domaines de sa compétence. Il contribue également, par ses informations et son expertise, à l'élaboration des politiques publiques en matière de changement climatique ». Nous voyons, à la lecture de ce décret, que Météo France se situe à la croisée des questions de sécurité civile et des questions de changement climatique qui nous réunissent aujourd'hui. Ces deux axes, la sécurité et le changement climatique, sont les deux premiers axes stratégiques du contrat d'objectifs et de performances de Météo France, qui couvre la période 2022-2026.

Sur l'axe sécurité, nous nous sommes donné comme objectif de contribuer de manière déterminante à l'exercice des responsabilités régaliennes de l'État, et en premier le lieu à la sécurité des personnes et des biens. Météo France travaille en étroite relation avec les acteurs de la sécurité civile au niveau national et au niveau des territoires. Nous produisons des bulletins d'information et de prévision, mais aussi de l'appui durant les périodes de crise. Le plus important et sans doute le plus connu de nos services est celui de la vigilance météorologique, qui s'adresse à la fois aux opérateurs de la sécurité civile et au grand public. Le dispositif de la vigilance météorologique est né en 2001, après l'épisode de la tempête de 1999, dont le bilan fut très lourd puisque 92 personnes avaient alors péri. Cette tempête avait été correctement prévue, mais le grand public n'avait pas été suffisamment averti de sa dangerosité. De cette expérience montrant l'importance de la communication à destination du grand public est née la vigilance qui, en cas de prévision de phénomènes à risque, informe et conseille sur les bonnes pratiques à observer. La vigilance météorologique ne cesse de s'améliorer, en lien avec nos commanditaires que sont la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l'intérieur, et la direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui est notre ministère de tutelle.

Sur le thème du changement climatique, nous ambitionnons d'être l'acteur national de référence en matière de fourniture de données et de services en appui aux démarches d'adaptation au changement climatique. Météo France produit de la connaissance sur le suivi de l'évolution climatique et participe à la prise de conscience sur les conséquences du changement climatique, la nécessité de l'atténuer et, désormais, de s'y adapter. Afin d'accompagner les acteurs du territoire, les acteurs économiques et les acteurs de la sécurité civile, nous développons des services qui recouvrent notamment deux outils. D'abord le portail Drias, qui présente les projections des modèles climatiques validés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et s'adresse notamment aux bureaux d'études, afin de leur permettre de déduire des évolutions. Ensuite un produit s'adressant aux collectivités locales et notamment aux communes, Climadiag communes, qui permet très facilement d'obtenir une vision de ce que sera le climat dans une commune en 2050. Mettre l'accent sur les paramètres les plus problématiques en fonction du territoire incite les collectivités locales à une prise de conscience rapide et facile.

Permalien
Gilles Martinoty, directeur adjoint du Service hydrographique et océanographique de la Marine

Le Service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom) est un établissement public à caractère administratif depuis 2007. Auparavant service interne du ministère des armées, il est resté sous la tutelle de ce ministère. Son budget annuel s'élève à environ 70 millions d'euros et il emploie environ 550 agents. La mission du Shom est de connaître et décrire l'environnement physique marin, et de prévoir son évolution. Toutes proportions gardées, on peut dire que le Shom est en quelque sorte l'IGN des mers pour la partie connaissance et description, et le Météo France des mers pour la partie prévision.

Le Shom exerce ses missions d'une part pour une finalité militaire, en opérant un soutien opérationnel des forces et en menant une forte activité de recherche et développement pour les futures capacités militaires, et d'autre part pour une finalité civile. Ce second aspect est, en partie, une nouveauté introduite à la faveur de sa transformation en établissement public à caractère administratif.

Sur le plan civil, le Shom a pour mission historique de concevoir toutes les cartes, notamment les cartes électroniques, nécessaires à la navigation de surface. Depuis 2007, il vient également en appui aux politiques publiques en mer et sur le littoral. Il est donc amené à appréhender des enjeux environnementaux en lien avec les risques pour la sécurité et la protection civiles, et mène principalement trois activités.

La première est l'observation. Le Shom est l'opérateur d'un réseau très important de marégraphes numériques répartis sur l'ensemble des côtes françaises, servant à mesurer le niveau de la mer en temps réel et en continu. Cette observation est très importante et intervient à deux niveaux opérationnels, d'une part dans la vigilance vagues-submersion qui relève de la vigilance météorologique de Météo France, d'autre part dans la caractérisation des tsunamis, puisque la France dispose d'un réseau de détection de tsunamis en Atlantique et en Méditerranée.

La deuxième activité est la modélisation. Le Shom est l'un des acteurs techniques principaux, avec Météo France, de la modélisation de la circulation océanique, c'est-à-dire qu'elle produit des modèles de déplacement des courants ou de température dans l'océan. Ces modèles sont utilisés pour les bulletins d'alerte de vigilance vagues-submersion.

Enfin, le Shom a une activité d'expertise sur plusieurs sujets. L'un d'eux est le calcul et la mesure des niveaux extrêmes de la mer. Le Shom dispose en effet de la plus vaste archive de mesures marégraphiques, qui lui permet de produire des statistiques sur les niveaux extrêmes de la mer. Par ailleurs, le Shom intervient dans la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, notamment pour les communes du littoral victimes d'un événement extrême. En s'appuyant sur ses archives, il peut déterminer le caractère exceptionnel d'un phénomène.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Jusqu'à présent, notre mission a accueilli essentiellement des acteurs opérationnels. Or, il me semble crucial de parler avec vous d'innovation, de recherche et de stratégie, c'est-à-dire des domaines prépondérants en matière de gestion de crise. Vous avez évoqué l'identification, le contrôle et l'alerte. Sur ces trois aspects, j'aimerais savoir la nature de vos échanges avec les services de la sécurité civile, afin d'analyser les risques, de les prévenir et de faciliter leur gestion au cas où ils surviennent.

Permalien
Benoît Thomé, directeur des relations institutionnelles à Météo France

Météo France est en relation directe et quasi quotidienne avec les services de la sécurité civile et les services de prévention des risques, et nous avons des accords conventionnels avec la DGPR et la DGSCGC, dont l'objectif est d'améliorer nos dispositifs en continu. Monsieur Martinoty évoquait la vigilance vagues-submersion. Ce dispositif a été mis en place après la tempête Xynthia qui, en février 2010, a surpris par son bilan humain très lourd, alors qu'elle avait été correctement prévue. Cependant, les services de sécurité civile se sont préparés à une tempête et les pompiers sont partis en intervention avec des tronçonneuses, imaginant trouver des arbres abattus sur la route. Or, ils sont arrivés sur des lieux d'intervention noyés sous deux mètres d'eau et ont dû repartir chercher le matériel adéquat pour sauver des personnes de la noyade. À travers cette expérience, nous nous sommes rendu compte qu'un simple avis de tempête manquait de précision. Une tempête est une dépression, c'est-à-dire que l'air exerce une pression moindre sur la mer, ce qui entraîne une surcote, un dépassement anormal du niveau de la mer. Cette surcote peut atteindre 1,5 mètre lors d'une tempête importante, et en cas de marée haute à fort coefficient, la mer déborde, comme lors de la tempête Xynthia. Nous avons donc ajouté cette vigilance vagues-immersion afin de mettre l'accent sur ce risque. La tempête Ciarán, en octobre dernier, s'est produite alors que les coefficients étaient faibles. Une semaine plus tôt, cette tempête aurait causé de considérables dégâts.

Permalien
Isabelle Duvaux-Bechon, conseillère sénior de l'équipe des accélérateurs à la direction des affaires européennes, juridiques et internationales de l'Agence spatiale européenne

Le rôle de l'ESA est différent, puisque l'ESA est une agence de recherche et développement. 90 % de notre budget retourne aux industriels qui vont développer les programmes. Dès lors, les éventuels échanges avec les services se font par l'entremise des industriels développant des applications et des services financés ou co-financés par l'ESA. Nos futurs programmes s'appuieront davantage sur les besoins des utilisateurs ; c'est la raison pour laquelle nous avons mis en place des initiatives sur les questions de sécurité, de façon à identifier les besoins, combler des trous capacitaires et mettre en réseau les outils existants. Par exemple, nous avons une initiative sur les accélérateurs de réponse en matière de gestion de crise, afin de mettre en réseau et en interopérabilité des outils et des instruments des États membres, de l'Europe ou du secteur privé.

Permalien
Lionel Suchet, directeur général délégué du Centre national d'études spatiales

Le Cnes entretient des relations régulières avec les services de sécurité civile du ministère de l'intérieur, avec le ministère délégué chargé des outre-mer et avec le ministère de la transition écologique. Je citerai deux outils mobilisables par les services opérationnels. Le premier est la charte internationale espace et catastrophes majeures initiée par le Cnes et l'ESA en 2000, qui regroupe dix-sept organismes du monde entier et 270 satellites. Cette charte permet de dépêcher, dans les heures suivant une catastrophe, un chef de projet chargé de contrôler des satellites des pays signataires de la charte. Le chef de projet prend la main sur des satellites et réalise des images précises du lieu de la catastrophe. Ces images sont ensuite couplées avec un service de cartographie rapide situé à Strasbourg, le service régional de traitement d'image et de télédétection (Sertit). Des cartes sont alors transmises rapidement aux équipes de sécurité civile sur le terrain, leur indiquant les routes coupées, les inondations, les lieux où sont regroupées les populations, les zones plus ou moins accessibles, etc. Depuis 2000, cette charte a été activée 853 fois, malheureusement à un rythme de plus en plus soutenu. L'autre outil du Cnes est moins lié à la situation de crise qu'à la récupération des situations de crise. Il s'agit du Recovery Observatory, ou observatoire de la reconstruction, qui utilise l'imagerie par satellite pour aider à la reconstruction de zones sinistrées après une catastrophe naturelle, et permet de suivre dans le temps les reconstructions et les réaménagements.

De manière générale, le Cnes mène une importante activité de cartographie. Par exemple sur l'aléa des feux de forêt, puisqu'il est possible depuis l'espace de mettre en évidence la sécheresse des sols et les niveaux de végétation, ou sur le risque de ruissellement intense en couplant des modélisations 3D et des modèles météorologiques pour déterminer des zones inondables. Je citerai comme dernier exemple Kineis, un système en cours de développement de vingt-cinq satellites capables de suivre des petites balises émettant des informations. Nous étudions avec les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) la possibilité d'installer ces capteurs sur les arbres pour envoyer des alertes en cas d'élévation importante des températures, mais aussi sur les citernes des pompiers pour surveiller leur remplissage.

Permalien
Guillaume Mellier, directeur des programmes et de l'appui aux politiques publiques à l'Institut national de l'information géographique et forestière

L'IGN intervient en appui des politiques publiques nationales. Il fournit des données, de la connaissance et des capacités d'analyse afin d'alimenter les politiques de prévention et d'intervention. Nous intervenons en premier lieu au niveau national avec les ministères. Par exemple, à propos du risque d'inondations, nous apportons à la DGPR des modèles numériques de terrain permettant d'alimenter les simulations d'inondations. Ce travail fait intervenir les services de prédiction des crues du ministère, ainsi que le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (Schapi). Nous réalisons des captations d'image au moment des pics de crue grâce aux photos aériennes prises par les avions de l'IGN, ce qui nous informe sur l'état de la crue et son évolution. Ces données sont injectées dans les retours d'expériences afin d'affiner les modèles de simulation.

En ce qui concerne les feux de forêt, nous disposons de la base de données sur les incendies de forêt en France (BDIFF), établie pour compte du ministère de l'agriculture, qui a en charge les forêts en lien avec la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), la DGPR, l'Office national des forêts (ONF), la DGSCGC et les SDIS. Cette base permet de capitaliser l'information remontée par les acteurs de terrain, les directions départementales et les SDIS, afin d'anticiper les risques à venir. Ces actions sont menées au niveau national, avec les ministères concernés, qui ensuite organisent des chaînes d'acteurs sur le territoire.

Permalien
Gilles Martinoty, directeur adjoint du Service hydrographique et océanographique de la Marine

Le Shom lui aussi entretient des relations très régulières avec la DGPR et la DGSCGC, c'est-à-dire les deux grandes directions en charge de la prévention et de la gestion des risques. Nous rencontrons aussi régulièrement les opérateurs qui mettent en œuvre les différents dispositifs d'alerte et de vigilance dans le périmètre maritime, principalement le centre national d'alerte aux tsunamis (Cenalt), coordonné par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), et Météo France sur le sujet du risque vagues-submersion.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La sécurité civile travaille sur les crises et sur les catastrophes, tandis que vos différentes organisations travaillent sur le risque au niveau national. La France est un pays majeur en termes d'analyse et d'anticipation du risque. L'Union européenne dispose de la direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes de la Commission européenne (DG Echo). Certains pays en dehors de l'Union européenne sont-ils plus avancés en matière d'anticipation des risques et des catastrophes ?

Permalien
Gilles Martinoty, directeur adjoint du Service hydrographique et océanographique de la Marine

Dans le périmètre de la Shom, l'expertise américaine est prépondérante et bénéficie de moyens très importants. La National oceanic and atmospheric administration (NOAA) américaine nous apparaît comme une référence en matière d'observation et de prévision de la circulation océanique. Nous entretenons des relations de proximité avec la NOAA. Ainsi, les modèles de circulation océanique sur les côtes françaises sont fondés sur des modèles américains adaptés. Cependant, le Shom développe désormais en interne de nouveaux modèles, que nous espérons cinq à dix fois plus performants.

Permalien
Isabelle Duvaux-Bechon, conseillère sénior de l'équipe des accélérateurs à la direction des affaires européennes, juridiques et internationales de l'Agence spatiale européenne

Je considère que l'Europe est enviée pour ses moyens satellitaires, pour le nombre de satellites et la qualité des informations et des données qu'ils fournissent. La variété des satellites européens est un atout majeur, dans la mesure où de très nombreux paramètres sont mesurés. Chaque jour, les satellites européens recueillent vingt-cinq téraoctets de données pour la seule observation de la Terre. Sur ce point, j'estime que l'Europe n'a pas actuellement de véritable concurrent.

En revanche, l'enjeu porte sur l'utilisation de ces données. Celles-ci étant libres et gratuites, elles sont utilisées partout, y compris par des pays non européens afin de développer des applications et des services. L'Europe, quant à elle, possède une marge de progression dans ce domaine. Nous nous efforçons justement, sur le sujet de la gestion de crise, de bien comprendre les besoins, de façon à déterminer si nous ne possédons pas déjà les données nécessaires, qui n'auraient simplement pas été mises en forme, ou bien si certains types de mesures font défaut. Une concertation est menée, avec les États intéressés, le secteur des télécommunications et celui du positionnement avec le système européen Galileo, afin de tirer le meilleur parti des investissements publics réalisés dans ces domaines.

Permalien
Lionel Suchet, directeur général délégué du Centre national d'études spatiales

J'estime également que l'Europe n'a pas à rougir par rapport à ses partenaires étrangers, qui disposent, pour certains, de moyens très supérieurs aux nôtres. Nous avons lancé, en 2022, le satellite Swot, qui ouvre une nouvelle page de l'océanographie et qui permet déjà de mesurer les niveaux d'eau douce sur les fleuves et les lacs du monde entier. Ce satellite est le fruit d'une coopération franco-américaine, qui montre bien que la France se situe au plus haut niveau mondial sur ces sujets.

Mais pour répondre plus précisément à votre question, je pense que le Japon, du fait de sa position géographique et de son exposition aux risques, a depuis longtemps développé une forte culture du risque vis-à-vis de la population, et fait figure de modèle dans ce domaine.

Permalien
Benoît Thomé, directeur des relations institutionnelles à Météo France

Je rappelle que le dispositif de prévisions météorologiques et de vigilance est une invention française, et qu'il est désormais repris dans à peu près tous les pays. J'ajoute que la variété de nos territoires et la variété afférente des risques imposent à nos services de sécurité civile un champ d'action très large, ce qui place la France en bonne position sur ces sujets.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel est, selon vous, le risque majeur auquel sera exposée la France dans les années à venir ?

Permalien
Benoît Thomé, directeur des relations institutionnelles à Météo France

Le dérèglement climatique entraîne une hausse des risques dans de nombreux domaines. Je considère que l'augmentation de la température moyenne sur notre territoire, y compris en outre-mer, est particulièrement dangereuse, avec des épisodes caniculaires de plus en plus fréquents et un changement du régime de précipitations. En effet, on constate une augmentation des précipitations l'hiver et une diminution des précipitations l'été, ce qui induit des périodes de sécheresse plus fréquentes et plus importantes l'été, et en hiver des périodes de fortes précipitations plus fréquentes, et par conséquent des crues.

Nous rencontrons une difficulté dans la modélisation de ces changements. En effet, le contraste entre le nord de l'Europe et le sud de l'Europe est assez net. Or, la France se situe entre ces deux zones, si bien que la précision des modèles n'est pas optimale. Nous savons avec certitude que le sud de la France rencontrera des problématiques de sécheresse et de très fortes précipitations. La probabilité que le nord du pays subisse des inondations est élevée, et d'ailleurs nous avons connu un épisode d'inondation très récent. Néanmoins, une incertitude demeure en raison de la situation géographique du territoire. Par exemple, nous rencontrons des difficultés à appréhender la problématique des tempêtes. Il est clair, en revanche, que l'augmentation générale la température et de la température des océans accroît l'énergie des cyclones tropicaux.

Après une année 2022 particulièrement catastrophique en matière de feux de forêt, les moyens ont été renforcés avec des achats d'avions et une organisation modifiée. Météo France, de son côté, a mis en place une météo des forêts, c'est-à-dire un dispositif de vigilance sur les feux de forêt qui s'adresse au grand public, de façon à éviter les conduites à risques. Cette météo des forêts identifie les zones à risque et avertit le grand public lorsque les conditions météorologiques sont particulièrement propices au déclenchement et à la propagation des feux.

Il me semble toutefois difficile de hiérarchiser les menaces, et je considère qu'il convient de se préparer à tous types de risques. En 2022, nous avons conduit avec la DGSCGC une étude qui a donné lieu à un plan d'adaptation de la sécurité civile. Nous avons évalué différents risques un par un, et la DGSCGC a analysé son organisation et ses moyens au regard des données que nous lui avons fournies. Je tiens ce rapport à votre disposition.

Permalien
Isabelle Duvaux-Bechon, conseillère sénior de l'équipe des accélérateurs à la direction des affaires européennes, juridiques et internationales de l'Agence spatiale européenne

Nous rencontrons une difficulté avec les modèles, parce qu'ils sont à une échelle supérieure à celle qui intéresse le citoyen ou les services de protection civile. Nous travaillons sur des applications et des services centrés sur la détection du début de crise, chaque minute gagnée sur l'envoi des secours pouvant s'avérer cruciale. Nous cherchons également des solutions améliorant l'efficacité de la gestion de la crise.

J'estime que nous devons nous préparer à affronter différents types de crise sur l'ensemble des territoires. Il me semble périlleux d'identifier sur un territoire un seul type de crise susceptible de se produire dans le cadre du changement climatique. En revanche, il faut tenir compte des récurrences.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourriez-vous préciser quels sont les moyens d'alerte à la population dont nous disposons ? S'agit-il de numéros de téléphone dédiés, d'alertes sur les téléphones portables ? Par ailleurs, j'aimerais savoir ce qui est mis en place dans les collectivités ultramarines, par exemple en Nouvelle-Calédonie compte tenu de la proximité avec l'Australie. Enfin, j'aimerais quelques développements supplémentaires sur la coopération et la coordination en matière de sécurité civile au niveau de l'Union européenne et au niveau mondial.

Permalien
Benoît Thomé, directeur des relations institutionnelles à Météo France

L'information à la population est un sujet fondamental. La vigilance de Météo France est diffusée le plus largement possible. Nous avons passé des accords avec les médias, et avec certains d'entre eux des accords réglementaires qui les obligent à diffuser l'information de la vigilance météorologique. Par ailleurs, il est désormais possible de s'abonner sur son smartphone et de recevoir des sms d'alerte de la vigilance. Nous disposons également, à destination des élus locaux, d'un système d'alerte pluies intenses, qui s'active lorsque les pluies dépassent un certain seuil et envoie un message au maire d'une commune afin qu'il mette en œuvre les mesures appropriées.

La tempête Ciarán a été l'occasion, très récemment, de recourir pour la première fois s'agissant d'une tempête, et peut-être même pour un événement météorologique en général, à FR-alerte. Ce dispositif, à la main des préfets, permet d'envoyer sur tous les téléphones portables d'une zone un message d'alerte. Cette nouveauté nous semble pertinente ; néanmoins, nous travaillons de concert avec la DGSCGC pour définir la doctrine de son usage, qui doit être parcimonieux.

La météorologie a une très longue tradition de coopération internationale, puisqu'elle repose par définition sur le partage de données et d'informations. L'Organisation météorologique mondiale (OMM), qui est un organisme rattaché à l'Organisation des Nations unies (ONU), est en charge de coordonner tous les services nationaux de météorologiques. Elle distribue des fonctions de responsabilité par grands secteurs. Ainsi, Météo France, à travers le centre météorologique de La Réunion, est responsable au niveau international de la prévision des cyclones sur l'océan Indien. Pour les Antilles, cette responsabilité revient à la NOAA américaine. Cette répartition et cette coordination par l'OMM permettent de mettre en commun des moyens et s'avèrent très bénéfiques pour tout le monde. De même, la Nouvelle-Calédonie que vous évoquiez, Madame Karamanli, bénéficie des informations du bureau australien d'observation météorologique.

Au niveau européen, l'Eumetsat constitue l'un de nos principaux outils. Les satellites sont absolument essentiels pour la météorologie, puisqu'ils fournissent 80 à 90 % des données absorbées et assimilées par nos modèles numériques de prévision. Nous sommes dépendants de moyens satellitaires, qui sont coûteux et qui, par conséquent, doivent reposer en grande partie sur des coopérations internationales. Eumetsat est un organisme intergouvernemental dans lesquels les pays gèrent ensemble des satellites, puisqu'il n'est pas nécessaire que chaque pays dispose de ses propres satellites météorologiques.

L'Union européenne s'est dotée d'un programme, Copernicus, qui développe de plus en plus de services pour l'ensemble de la météorologie. Météo France participe à ce programme en produisant des données et en pilotant l'un de ses volets, lié à la qualité de l'air. Copernicus contient d'ailleurs un programme spécifique à la sécurité civile, qui produit un certain nombre de services. Copernicus a pour vocation l'observation de la Terre, et ses données sont complémentaires avec nos propres observations locales. Il est remarquable par la célérité de sa production, comme il l'a démontré lors des récentes crues dans le Nord, où il a très rapidement produit des cartes satellitaires indiquant l'extension des crues, en complément des cartes de l'IGN.

Permalien
Isabelle Duvaux-Bechon, conseillère sénior de l'équipe des accélérateurs à la direction des affaires européennes, juridiques et internationales de l'Agence spatiale européenne

Sur le sujet de l'alerte, j'indique l'existence d'un programme nommé Early warnings for all (EW4ALL), lancé en 2022 et qui vise, d'ici 2027, à permettre d'envoyer des alertes automatiques sur tous les téléphones portables dans une zone concernée par une alerte. Ce système est une initiative commune de l'OMM, du Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques des catastrophes (UNDRR), de l'Union internationale des télécommunications (UIT) et de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC). Nous sommes en contact avec ces quatre organismes, afin d'étudier la manière dont l'ESA pourrait coopérer à travers ses programmes, ses solutions et ses partenaires industriels.

La coopération entre l'ESA et l'Union européenne est quotidienne. Les satellites sentinelles sont co-financés par les pays membres de l'ESA et par l'Union européenne. Je précise que les pays membres de l'ESA financent chaque nouveau satellite et chaque développement technologique, quand l'Union européenne finance les lancements et les modèles récurrents afin d'assurer la continuité du service. Un certain nombre de services de Copernicus ont été développées par l'ESA et ses partenaires industriels, et sont mis à disposition des agences qui en seront les opératrices, c'est-à-dire des services d'urgence, des services maritimes, des services de qualité de l'air, etc.

Nous nous efforçons d'approfondir cette coopération pour les futurs programmes, parce que la perception du temps réel est perfectible. En effet, il est capital, lors d'une gestion de crise, de disposer de l'image de la veille de la crise, pour donner une vue d'ensemble. Mais il est tout aussi important, voire plus, de donner aussi une image rafraîchie de la crise en temps réel, afin de permettre de passer à l'étape ultérieure. Nous développons en ce sens un programme appelé Civil security from space, qui concerne cette question de l'orchestration et permettra de mettre en commun les informations, afin de fournir des données plus actualisées aux opérateurs de terrain.

Permalien
Gilles Martinoty, directeur adjoint du Service hydrographique et océanographique de la Marine

En ce qui concerne la coopération européenne en matière d'océanographie, les organismes français ont été à l'origine de la création de la société Mercator Océan, qui est l'opérateur du Copernicus marine service, c'est-à-dire le service financé par l'Union européenne qui fournit notamment des modèles d'états de la mer à l'échelle européenne et mondiale. Ce service est indispensable aux opérations du Shom. La société Mercator Océan a été créée il y a d'une dizaine d'années, et ses actionnaires fondateurs sont Météo France, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Shom. Cette société s'est ouverte à des organismes européens et deviendra prochainement une organisation intergouvernementale.

Permalien
Lionel Suchet, directeur général délégué du Centre national d'études spatiales

Copernicus est une constellation unique de satellites d'observation de la Terre, ; cet outil est sans équivalent dans le monde. Mais il est d'abord un programme dont l'objectif consiste à délivrer des services issus de l'ensemble de ces satellites. L'un d'eux, nommé service Copernicus de gestion des urgences, est très utilisé par la sécurité civile en complément de la charte internationale espace et catastrophes majeures que j'ai évoquée précédemment.

Sur le plan de la coopération internationale, je citerai le Space climate observatory (SCO), lancé depuis la France, mais à vocation mondiale, qui regroupe quarante organismes dans le monde entier et dans lequel 71 projets sont développés. Le SCO vise à mettre en œuvre des projets concrets et très localisés. Par exemple, nous avons mené un projet sur les risques d'inondation et de submersion à Palavas-les-Flots, pour lequel nous avons produit des simulations et des modélisations 3D afin d'expliquer aux responsables locaux ce qu'implique localement une élévation de la température moyenne mondiale de 1,5 degré. L'idée est de dupliquer ce type de travaux ailleurs dans le monde et de partager nos résultats. Ainsi les Chinois peuvent mener une étude similaire en Chine, les Américains aux États-Unis, et ensuite nous nous enrichissons mutuellement par le partage des informations. Cette coopération internationale s'avère très intéressante.

Permalien
Guillaume Mellier, directeur des programmes et de l'appui aux politiques publiques à l'Institut national de l'information géographique et forestière

L'IGN n'est pas un acteur direct de la chaîne d'alerte ; il intervient plutôt en amont. Néanmoins, son rôle est important, puisque l'efficacité d'une alerte dépend aussi de la précision de la territorialisation. Plus on développe la pratique de diffusion des alertes en push, plus il convient de s'assurer que l'on ne sur-alerte pas, et que l'on n'émet pas de fausses alertes ; à cette fin, la capacité à territorialiser l'analyse est primordiale. Ceci est valable aussi bien pour le risque d'inondation que pour le risque d'incendie. En effet, lorsque la météo des incendies indique certains paramètres climatiques, tels que la température ou la sécheresse, il est important de les confronter à des bases de données assez fines sur les essences forestières, parce qu'elles influent très fortement sur l'ampleur du risque. Cette connaissance peut exister localement, mais il convient de la capitaliser afin d'augmenter la capacité à cibler les alertes.

Si l'observation spatiale est prépondérante dans la surveillance des milieux et l'anticipation des risques, certaines informations ne s'obtiennent pas depuis l'espace, et il est nécessaire de produire des données issues des territoires, ainsi que de développer les capacités de consolider collectivement des bases de données. Par exemple, un texte de loi datant de l'été 2023 prévoit que les départements établissent et mettent à jour des cartes des voies d'accès aux ressources forestières, notamment en direction des SDIS. Cela permet d'affermir la connaissance sur les voies d'accès forestières et de vérifier leur entretien et leur praticabilité. À cette fin, il est nécessaire de collecter des informations locales et de les partager collectivement. L'IGN s'emploie à développer les outils adéquats à ce partage des connaissances.

Je citerai un autre exemple de l'implication de l'IGN sur le sujet des capacités d'intervention. Nous avons besoin d'outils collectifs permettant de déterminer les moyens d'intervention les plus efficaces et les plus rapides. Les forces d'intervention demandent d'avoir la maîtrise de ce type d'outils, et de se dégager de toute dépendance à des outils qui ne soient pas uniquement dédiés à déterminer, par exemple, le chemin le plus efficace pour accéder au lieu d'intervention, les capacités de résistance des ponts, la hauteur disponible pour les véhicules, etc. Nous devons renforcer notre maîtrise de ces informations locales, afin de les agréger collectivement et de les redistribuer massivement.

Permalien
Isabelle Duvaux-Bechon, conseillère sénior de l'équipe des accélérateurs à la direction des affaires européennes, juridiques et internationales de l'Agence spatiale européenne

Je voudrais rebondir sur les propos de monsieur Mellier. Concernant la gestion des crises et la prévention, il convient en effet de rappeler que les moyens spatiaux ne sont pas les seuls à disposition. J'évoquais précédemment l'interopérabilité. Celle-ci s'exprime également avec des données prélevées au sol, des données de médias sociaux ou d'internet des objets, des capteurs, etc. Le spatial n'est jamais la seule solution, il est l'un des éléments de la gestion des risques, souvent indispensable, mais jamais déconnecté des autres outils. Dès lors, il convient, si l'on souhaite bâtir un ensemble de dispositions cohérent, d'intégrer l'ensemble des éléments et des informations concourant à la solution.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez tous souligné, à juste titre et dans vos domaines respectifs, la nécessité d'anticiper afin que les risques ne se transforment pas en crise ou en catastrophe. Les acteurs de la sécurité civile sont également tenus d'anticiper sur les risques à venir, en termes de formation et d'équipement. Êtes-vous en mesure de vous projeter à dix, vingt ou cinquante ans pour informer de manière régulière les décideurs quant aux risques encourus, et leur permettre de préparer l'évolution des personnes et des moyens de protection civile ? Je vous interroge sur le très long terme, parce que les projections les plus pessimistes sur le réchauffement climatique évoquent le scénario d'une élévation de la température moyenne de quatre degrés à l'horizon 2100.

Permalien
Benoît Thomé, directeur des relations institutionnelles à Météo France

Le scénario d'une élévation des températures moyennes de 4 degrés en France constitue ce que l'on nomme la trajectoire de référence à l'adaptation au changement climatique (Tracc). Il s'agit bien entendu d'un scénario du pire, mais le ministère de la transition écologique demande à chacun, par prudence, de se mettre en ordre de marche afin d'être en mesure de résister à cette hypothèse des quatre degrés en France, qui correspond à une élévation de la température moyenne mondiale de trois degrés. Nous avons donc reçu commande de nous assurer que nos infrastructures de transports, notre système de santé, notre agriculture, nos villes, etc., se trouvent en capacité de résister, ou à tout le moins de s'adapter à cette hypothèse. Cela suppose, pour Météo France, de mettre à jour tous nos services climatiques afin de tenir compte de la Tracc.

Cependant, en concertation avec la DGSC, nous avons choisi de travailler également à l'horizon 2050, c'est-à-dire un horizon où l'élévation des températures sera inférieure à quatre degrés, du moins nous l'espérons, mais qui présente certaines certitudes. En effet, les scénarios d'augmentation des températures en fonction des émissions de gaz à effet de serre montrent que les courbes restent très groupées jusqu'en 2050. Au-delà de cette date, des écarts significatifs apparaissent, selon que l'on soit ou non vertueux en matière d'émissions de gaz à effet de serre. 2050 représente par conséquent un horizon assez stable. Nous prévoyons avec quelque certitude quelles seront les températures en 2050. Ces températures seront peut-être constatées en 2040 ou en 2060, mais il est certain qu'elles adviendront, ce qui nous offre une solide base de travail.

Ces vingt-cinq années devant nous représentent également un horizon de travail qui a du sens pour réfléchir à l'adaptation de nos organisations et de nos systèmes, par opposition à l'horizon 2100, qui me semble trop éloigné. Personne aujourd'hui n'est prêt à investir à si long terme. En revanche, une échéance de vingt-cinq années est évocatrice. Certaines infrastructures que nous construisons aujourd'hui, les infrastructures de transports par exemple, seront toujours utilisées en 2050.

Permalien
Lionel Suchet, directeur général délégué du Centre national d'études spatiales

Il me semble très important d'être capable de simuler de façon scientifique et sérieuse les conséquences concrètes, sur le terrain, d'une élévation des températures en fonction des hypothèses retenues. Il peut être utile de se placer dans l'hypothèse de la Tracc, c'est-à-dire dans l'hypothèse du pire, mais cette trajectoire n'est pas une fatalité. Il est nécessaire d'agir afin d'éviter ce scénario. Élaborer différentes hypothèses en termes de risques se révèle sans doute davantage motivant pour inciter à l'action sur le terrain, alors que se placer dans la perspective du pire relève d'une forme de résignation et n'incite qu'à se préparer à s'adapter. Il convient de montrer que l'action au présent peut dessiner d'autres trajectoires.

Permalien
Isabelle Duvaux-Bechon, conseillère sénior de l'équipe des accélérateurs à la direction des affaires européennes, juridiques et internationales de l'Agence spatiale européenne

Nous travaillons en concertation avec des centres d'entraînement à la gestion de crise situés dans deux pays moteurs de cette initiative, la Belgique et la Pologne. La France, pour le moment, n'a pas souhaité s'associer à ce programme, mais pourrait le rejoindre à l'avenir. La Belgique et la Pologne ont formulé le souhait d'intégrer leurs centres de gestion de crise et d'entraînement à cette réflexion, afin de bâtir des modèles éventuellement applicables dans d'autres États.

Dans un autre cadre, pour répondre à votre question, monsieur le vice-président, sur les échéances décennales, je voudrais évoquer le projet des jumeaux numériques, qui aboutira à long terme. Les jumeaux numériques sont des modèles virtuels répliquant un objet ou un système et couvrant son cycle de vie. Nous travaillons sur l'amélioration des outils de modélisation de jumeaux numériques en anticipant l'intégration de calculs quantiques dans l'attente que les ordinateurs quantiques soient opérationnels. L'objectif consiste à obtenir des modèles d'évolution suffisamment puissants pour y intégrer des politiques publiques et en modéliser l'impact avant de la mettre en œuvre sur le terrain. Autrement dit, ce type d'outils permettrait, au lieu de décider de politiques publiques et de devoir attendre une décennie avant d'en mesurer l'impact, d'assister la décision publique par des outils de modélisation avancée dont le niveau de performance est largement supérieur à ce que nous avons à disposition aujourd'hui. Ce type de réflexion, menée avec tous les États membres de l'ESA, a pour objectif de définir à l'avance les politiques publiques permettant d'éviter, par exemple, un scénario tel que celui de la Tracc.

Permalien
Guillaume Mellier, directeur des programmes et de l'appui aux politiques publiques à l'Institut national de l'information géographique et forestière

L'IGN est convaincu de la nécessité de développer une capacité de simulation multithématique. Aujourd'hui nous évoquons les risques en matière de sécurité civile, mais ce qui est effectué sur un thème de prévention, d'atténuation ou d'adaptation peut se répercuter sur d'autres thèmes. Aussi, pour améliorer nos capacités de simulation, il convient de mettre en commun l'ensemble des données issues de différentes thématiques.

Il est crucial, comme l'a rappelé madame Duvaux-Bechon, d'être en mesure de mesurer par anticipation les effets d'une politique publique, mais aussi de prévoir les conséquences d'une politique publique sur des enjeux connexes. Les systèmes sont de plus en plus liés, or la capacité de simulation est encore développée au cas par cas. Aujourd'hui l'IGN conduit avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et l'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) un projet de jumeaux numériques des territoires, dont l'enjeu est de constituer une capacité générale, une capacité de socle, à manipuler les données et à accueillir des moteurs de simulations thématiques. Il est en effet nécessaire de développer des outils perfectionnés de simulation, sans pour autant devoir réinventer à chaque fois toute cette infrastructure. Le plan d'investissement France 2030, notamment, reflète cette logique de développement d'un socle de jumeaux numériques des territoires, afin d'accélérer nos avancées et de capitaliser sur ces sujets.

Permalien
Gilles Martinoty, directeur adjoint du Service hydrographique et océanographique de la Marine

De nombreux travaux scientifiques doivent encore être menés pour anticiper les risques. Dans le périmètre du Shom, la question des projections statistiques des niveaux marins extrêmes, sous différents scénarios climatiques, n'est pas encore tout à fait réglée. Comme je l'ai indiqué précédemment, nous connaissons bien l'historique des niveaux marins extrêmes, mais nous devons élaborer des modèles de circulation et de submersion marine sous différents régimes climatiques. Nous travaillons avec Météo France et le Cerema à définir ce type de projet, de manière à être en mesure, dans quelques années, de modéliser localement des niveaux marins extrêmes et d'en tirer les conséquences en termes d'aménagement du littoral.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La population vous semble-t-elle suffisamment au fait des enjeux de notre modèle de sécurité et de protection civile ? Menez-vous, dans vos organismes respectifs, des actions de sensibilisation auprès de la population ?

Permalien
Benoît Thomé, directeur des relations institutionnelles à Météo France

La culture du risque est un sujet difficile, parce qu'elle requiert de maintenir en quelque sorte une pression d'information envers la population, qui oublie très vite. Des dispositifs tels que la vigilance et la météo des forêts participent à la diffusion d'une culture du risque, parce qu'ils incluent des conseils de comportement, mais je pense qu'il est nécessaire de maintenir une certaine notoriété publique des risques liés à la météo. Il s'agit d'un effort permanent.

Météo France a lancé récemment une campagne de notoriété sur la vigilance. Elle est cependant limitée à nos sites internet et à notre application, c'est-à-dire qu'elle vise des personnes qui visitent spontanément nos outils de communication et s'intéressent déjà à la météo. L'acquisition de minutes de publicité sur les grandes chaînes de télévision reste, quant à elle, hors de portée pour notre organisme. Cependant, notre site internet et notre application sont très consultés, puisqu'on dénombre presque un milliard de visites par an. Météo France a donc une fenêtre médiatique importante, et nous nous efforçons de la mettre à profit pour faire passer des messages.

Cette communication s'inscrit dans un contexte assez inquiétant, lié aux réseaux sociaux et à la montée en visibilité de petites entités s'investissant d'une mission d'alerte à la population, parfois en usant d'un catastrophisme qui risque d'atténuer, en le diluant, notre propre message de vigilance. Notre campagne de notoriété vise justement à rappeler que Météo France reste la référence en termes de vigilance.

Permalien
Guillaume Mellier, directeur des programmes et de l'appui aux politiques publiques à l'Institut national de l'information géographique et forestière

L'IGN n'est pas un acteur direct de la sensibilisation. Néanmoins, l'institut apporte des outils au grand public et développe le partage de cartographies afin de diffuser de l'information locale. Par exemple, les obligations légales de débroussaillement représentent un enjeu important dans un climat sec favorisant le risque d'incendie. Or, si ce principe est clairement énoncé, en pratique ces obligations sont peu respectées, souvent par manque d'information et faute de cartes disponibles. Nous nous donnons donc pour mission de les faire appliquer en diffusant des informations cartographiques localisées, précisant les zones concernées.

Permalien
Lionel Suchet, directeur général délégué du Centre national d'études spatiales

Plutôt que de sensibilisation, j'ai envie de parler d'éducation, et notamment des plus jeunes. Je pense que les populations ne sont pas assez sensibilisées aux questions qui nous occupent aujourd'hui, mais aussi aux questions liées au spatial. Nous œuvrons à améliorer cette sensibilisation à partir des quatre piliers de notre contrat d'objectifs et de performance, dont l'un est l'environnement. Nous nous rendons dans les écoles, dès le primaire, parce qu'il faut préparer la société future à appréhender les risques et les possibilités offertes par le spatial, grâce à la révolution numérique et au couplage avec des données recueillies au sol. Mais, de manière générale, j'estime que nous sommes largement perfectibles en matière de sensibilisation et d'éducation à ces sujets.

Permalien
Isabelle Duvaux-Bechon, conseillère sénior de l'équipe des accélérateurs à la direction des affaires européennes, juridiques et internationales de l'Agence spatiale européenne

L'ESA dispose d'un service qui développe des formations pour les enseignants et pour les étudiants, ainsi que des outils pédagogiques pour les classes. Par exemple, il existe un module espace et catastrophes majeures disponible en allemand, en anglais, en français, en espagnol et en italien. Le domaine spatial a toujours fait rêver les plus jeunes, et il convient d'en tirer profit et de s'appuyer sur un argument spatial pour faire passer un message. À titre d'exemple, j'ai rédigé un livre d'exercices de physique pour le lycée, dans lesquels les problèmes de fusées brûlant du combustible remplaçaient les problèmes de baignoires qui fuient.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie chacun d'entre vous pour ce temps d'échange et je vous invite à nous transmettre des contributions écrites qui pourront alimenter le rapport de la mission.

La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Réunion du mercredi 13 décembre 2023 à 14 h 30

Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Lisa Belluco, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Marietta Karamanli, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, M. Julien Rancoule

Excusé. - M. Bertrand Bouyx