Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Réunion du lundi 18 mars 2024 à 8h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • côte
  • naturel
  • nouméa
  • nouvelle-calédonie
  • sapeurs-pompiers
  • secours
  • érosion

La réunion

Source

Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Lundi 18 mars 2024

La séance est ouverte à 8 heures

Présidence de Mme Sophie Panonacle, vice-présidente

La Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer procède à l'audition, ouverte à la presse, de la table ronde « Nouvelle-Calédonie – Volet gouvernement et élus locaux » réunissant : Direction de la sécurité civile et de la gestion des risques (DSCGR) : Général Frédéric Marchi-Leccia, directeur ; Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) : Commandant Géraldine Bourgoin, directrice et M. Tristan Derycke, adjoint au maire de Nouméa en charge de la sécurité ; Association française des maires de Nouvelle-Calédonie (AFM-NC) : M. Pascal Vittori ; Association des maires de Nouvelle-Calédonie (AMNC) : M. Wilfried Weiss, deuxième vice-président.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Bonjour à tous. Je suis députée de Gironde. Je remplace aujourd'hui notre président, Mansour Kamardine.

Mes chers collègues, nous poursuivons les travaux de notre commission d'enquête pour une première table ronde consacrée à la Nouvelle-Calédonie avec le volet gouvernement et élus locaux. Pour aborder le sujet de la gestion des risques naturels majeurs sur ces territoires, nous sommes connectés avec la Direction de la Sécurité Civile de Gestion des Risques (DSCGR), le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) et les associations de maires.

Votre audition est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et l'enregistrement vidéo sera ensuite disponible à la demande.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. le général Frédéric Marchi-Leccia, Mme la commandante Géraldine Bourgoin, M. Tristan Derycke, M. Pascal Vittori et M. Wilfried Weiss prêtent serment.)

Permalien
le général Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la Direction de la Sécurité Civile et de la Gestion des Risques

Pour contextualiser très brièvement la Nouvelle-Calédonie, la sécurité civile a été transférée le 1er janvier 2014, sachant qu'en Nouvelle-Calédonie, les sapeurs-pompiers sont encore organisés au niveau communal, voire intercommunal. Les communes et intercommunalités s'occupent de la gestion des risques courants, d'occurrence importante, de gravité faible à modérée. Le contrat opérationnel de la sécurité civile consiste à venir en soutien de ces communes, notamment lorsqu'elles ne possèdent pas de centre de secours, et à assurer la distribution des secours spécialisés face aux risques chimiques, biologiques, faisant de nombreuses victimes, qui coûtent cher, à occurrence faible, mais qui nécessitent des moyens qu'une commune seule ne pourrait pas entretenir. Les secours sont souvent directement proportionnels à la richesse de la commune et nous sommes très loin de la version métropolitaine où la charge est répartie sur l'ensemble des collectivités du département, ce qui permet un lissage de la réponse opérationnelle.

La Nouvelle-Calédonie est l'équivalent de l'arc méditerranéen avec la population de l'Aveyron, qui serait pour 90 % à Nice. Il est donc très difficile d'apporter une réponse homogène sur l'ensemble des territoires.

Permalien
Wilfried Weiss, deuxième vice-président de l'association des maires de Nouvelle-Calédonie (AMNC)

L'association des maires de Nouvelle-Calédonie représente 23 communes sur les 33 de Nouvelle-Calédonie. Les difficultés en Nouvelle-Calédonie ne sont effectivement pas les mêmes qu'en métropole, en raison de la grande taille des communes et de moyens, qui ont parfois besoin d'être complétés par la DSCGR. Pour vous donner une idée, la commune de Koumac compte 5 000 habitants sur 550 kilomètres carrés. Nous tentons donc de nous regrouper. Le Syndicat Intercommunal à Vocations Multiples (SIVM) Nord regroupe trois communes (Kaala-Gomen, Koumac et Poum), représentant près de 14 000 kilomètres carrés. En termes de moyens humains, nous nous situons au-dessous des seuils de la métropole, puisque nous n'avons que trois pompiers professionnels, car nous peinons à recruter des sapeurs-pompiers volontaires.

Sur notre secteur, nous avons aussi le régiment du service militaire adapté (RSMA), qui a maintenant une section Sécurité civile qui forme des jeunes et qui intervient sur les feux de forêt, ce qui aide beaucoup nos communes.

Les risques naturels en Nouvelle-Calédonie sont la montée des eaux, les inondations, les glissements de terrain et l'érosion côtière. Deux ou trois risques sont parfois présents sur une même commune.

Permalien
Pascal Vittori

Je représente l'association française des maires de Nouvelle-Calédonie et je suis maire de la commune de Boulouparis. Cette commune est également très étendue, puisqu'elle compte 3 700 habitants sur à peu près 90 000 hectares.

Notre service de lutte contre le feu est assuré par le syndicat intercommunal à vocation multiple, qui regroupe neuf communes. Les risques sont le feu, les tsunamis, l'érosion côtière, la montée des eaux. Nous avons été très impactés ces dernières années par les phénomènes El Niño ou La Niña dans le Pacifique. Nous avons connu deux années de pluies très intenses, qui ont causé beaucoup de dégâts sur les routes et les infrastructures, notamment les ponts. Ces phénomènes sont constatés sur la côte ouest de la Nouvelle-Calédonie. Ma commune a un grand littoral avec 38 îlots, mais la barrière de corail nous protège des tsunamis. Nous constatons la montée des eaux, puisque le trait de côte a dû être repositionné, mais elle n'impacte pas encore les habitations et les populations. Néanmoins, avec le changement climatique, l'augmentation des vents empêche les petits pêcheurs côtiers de sortir en mer, ce qui représente un manque à gagner pour eux.

Je vous confirme que nous peinons à recruter des sapeurs-pompiers volontaires. Nous comptons effectivement sur l'appui de la DSCGR, qui nous fournit des hélicoptères bombardiers d'eau en cas de gros incendies. Nous construisons actuellement une caserne neuve dans ma commune et nous agrandissons la deuxième caserne située dans l'aire des neuf communes du syndicat intercommunal Sud.

Permalien
la commandante Géraldine Bourgoin, directrice du Service départemental d'incendie et de secours

Ma responsabilité s'exerce uniquement sur la ville de Nouméa, qui a le corps le plus important du territoire. Il réalise 5 000 interventions et son CTA reçoit 35 000 appels à l'année. Il compte 79 sapeurs-pompiers professionnels et environ 150 volontaires.

Notre activité quotidienne s'exerce sur la ville, la côte et les îlots. Nous traitons particulièrement le risque courant, pour lequel nous sommes autonomes de par nos effectifs et nos moyens opérationnels que la ville maintient malgré un coût important. Nous sommes les seuls à disposer d'une échelle de grande hauteur pour pouvoir intervenir sur les immeubles de la ville de Nouméa.

Nous intervenons avec la DSCGR sur les risques particuliers, notamment du bassin industriel de la commune, qui compte plusieurs entreprises à risque, comme les installations à haut risque industriel (HRI) ou des entreprises soumises à autorisation. Nous travaillons avec la Sécurité civile pour planifier les risques sur ces secteurs.

La ville de Nouméa est également touchée par tous les risques industriels ainsi que par les risques naturels (la submersion, les cyclones, l'érosion et même les tsunamis, d'après les dernières études) et les risques sanitaires. Je laisse la parole à M. Tristan Derycke, qui a géré les épidémies de dengue que nous avons connues.

Permalien
Tristan Derycke, adjoint au maire de Nouméa en charge de la sécurité

Je pense que les risques sanitaires font partie des risques naturels. Je suis cinquième adjoint au maire en charge des pompiers de la veille de Nouméa, des risques sanitaires de l'eau de la ville et de l'intercommunalité. Je suis aussi médecin hospitalier, ce qui me permet d'adopter une approche un peu différente.

Nous avions une importante problématique sanitaire, l'épidémie de dengue et autres arboviroses, c'est-à-dire le Zika et le chikungunya, qui touchent également d'autres territoires ultramarins, en particulier La Réunion. Grâce à une méthode de la Monash University de Melbourne, nous avons mis en place avec l'Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie et la Direction des affaires sanitaires et sociales de la Nouvelle-Calédonie (DASS-NC), la procédure Wolbachia en 2019. Celle-ci a permis d'éradiquer ces épidémies en Nouvelle-Calédonie, ce qui est un progrès considérable, car chaque épidémie engendrait des morts ou des séquelles sur des centaines de patients, avec un coût sociétal et social de plusieurs milliards de francs CFP.

Il existe d'autres situations épidémiques. La leptospirose est un peu moins problématique, mais toujours présente.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Bonjour à tous. Merci pour les éléments que vous nous avez déjà fournis sur les effets induits par les aléas des risques naturels.

Le débat statutaire nous occupe, puisque les textes passeront successivement au Sénat, puis à l'Assemblée nationale.

Vous avez commencé à répondre à la première question en décrivant la complexité de la situation sur votre territoire et en saluant le renfort apporté par la sécurité civile aux communes. Considérez-vous que ce dispositif est statutairement satisfaisant dans son organisation ? Est-ce aussi le cas dans la coordination avec les multiples codes qui coexistent dans les faits sur un territoire régi par un article particulier de la Constitution ? Le travail de coordination a-t-il été bien fait ou reste-t-il des marges de progrès ?

Avez-vous une grille de lecture, qui n'est pas forcément unique, de cette réalité ? Avez-vous l'équivalent des plans Orsec ou des plans de prévention des risques naturels (PPRN) ? Comment êtes-vous organisés pour anticiper les aléas et les effets du réchauffement climatique sur la fréquence et l'intensité des aléas ?

Permalien
le général Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la Direction de la Sécurité Civile et de la Gestion des Risques

Il existe des plans Orsec de mesures générales ou spécifiques, mais pas de PPRN, car les zones et les aléas ne sont pas encore précisément définis en Nouvelle-Calédonie, car la taille du territoire complique énormément la situation. Malgré tout, beaucoup de travaux sont engagés via des financements nationaux ou européens, voire internationaux, mais tout ceci peine à se connecter. Nous y travaillons dans le cadre du plan stratégique 2023-2026, afin d'en tirer quelque chose d'exploitable.

Il n'en demeure pas moins que la ressource reste faible et que dans cette population d'environ 270 000 habitants, il est difficile de trouver de la ressource. Ce n'est pas uniquement une question de finance, même si recruter coûte cher et que les communes ne peuvent pas toujours se le permettre. La solution pourrait consister en une mutualisation des moyens, afin d'élargir l'assiette de financement. Pour autant, l'étendue des communes et la dispersion des populations ne facilitent pas la distribution des secours, sauf à avoir des effectifs pléthoriques et des casernes tous les dix kilomètres. Il est de notre devoir d'imaginer une autre forme de distribution des secours, plus conforme à l'extrême balkanisation de la population. En dehors du Grand Nouméa, il y a, comme au Far-West, très peu d'habitants au kilomètre carré. Il n'est pas imaginable d'assurer le même niveau de réponse de sécurité civile à l'ensemble de la population. L'égalité des citoyens devant la distribution des secours n'est pas possible aujourd'hui, car nous n'avons pas assez de ressources. Nous devons toutefois nous efforcer de lisser ces disparités. Les élus s'y emploient.

Permalien
Wilfried Weiss, deuxième vice-président de l'association des maires de Nouvelle-Calédonie (AMNC)

Je m'associe à la réflexion du général Marchi-Leccia. Nous avons aussi d'autres soucis par rapport à l'insularité et au matériel, car les délais de commande du matériel en métropole sont énormes. Il faut 18 mois pour recevoir un 4X4 de type véhicule sanitaire d'assistance aux victimes (VSAV) ou un camion. Même avec les moyens financiers, il n'est pas toujours facile de s'équiper.

L'Armée intervient avec ses moyens de prévention antipollution en mer, par exemple, par la dépose de filets. Nous avons été quand même très satisfaits des moyens de l'État en fin d'année dernière. Quand nos pompiers étaient fatigués par la multiplication des feux, la réserve nationale est venue nous aider.

Dans la mesure où nous n'avons pas de schéma des risques en Nouvelle-Calédonie, il ne faudrait pas que plusieurs catastrophes surviennent simultanément. Nous avons la chance que la population soit résiliente face aux cyclones. Les tribus sont organisées. Nous constatons donc peu de décès après de graves cyclones ou inondations, mais nous devons rester vigilants et continuer à résoudre les difficultés les unes après les autres.

Les grandes communes comme Nouméa, Dumbéa ou Païta sont équipées, mais certaines communes n'ont même ni service incendie, ni matériel, ni pompiers.

Permalien
Pascal Vittori

Par rapport aux difficultés de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires, les personnes recherchent un véritable emploi. Nous tentons donc de les recruter à mi-temps à la mairie pour constituer un quasi plein-temps. J'ai ainsi recruté deux personnes sur un emploi de garde champêtre à mi-temps, afin de leur assurer un revenu avec la mairie et quelques indemnités en tant que pompiers volontaires.

Par rapport aux difficultés des communes à recruter et à former leur personnel, nous mettons en place des collaborations, des formations et des exercices communs avec le syndicat intercommunal, le service incendie et les communes ayant leur propre service incendie.

En cas de cyclone, certaines tribus sont coupées du reste de la commune par les inondations et il est alors difficile d'évacuer les blessés, d'autant que les hélicoptères du SAMU ne volent pas de nuit en Nouvelle-Calédonie. Nous avons donc souvent des problèmes la nuit et le week-end. En outre, nous ne parvenons pas toujours à obtenir une ambulance. Soit les ambulances de garde ne répondent pas, soit elles sont mobilisées ailleurs. Au syndicat intercommunal, particulièrement sur ma commune, nous envisageons donc l'acquisition d'une ambulance de pompiers tout terrain pour évacuer directement les personnes sur le Médipôle.

Par ailleurs, nous n'avons pas de centre médico-social dans ma commune de 3 700 habitants. Nous devons donc évacuer les personnes soit vers La Foa à environ trente minutes ou vers le Grand Nouméa à quarante-cinq minutes, ce qui pose problème pour des urgences cardiaques ou cardiovasculaires.

Permalien
la commandante Géraldine Bourgoin, directrice du Service départemental d'incendie et de secours

Depuis la crise Covid, nous rencontrons également des difficultés pour recruter des sapeurs-pompiers volontaires, mais aussi professionnels. L'année dernière, nous avons organisé un concours de sapeurs-pompiers professionnels et nous n'avions jamais reçu aussi peu de candidatures au cours des dix dernières années. Avant, un afflux assez régulier de personnes arrivait de métropole pour chercher du travail, ce qui constituait un vivier assez important. Depuis 2020, ce vivier est de plus en plus restreint, ce qui pose des soucis au quotidien.

Je rejoins le directeur de la sécurité civile sur les difficultés d'organisation au quotidien sur l'ensemble du territoire. Comme Madame le Maire le dit souvent en réunion, nous arrivons au bout du système communal, même pour une ville comme Nouméa, pour des raisons organisationnelles, statutaires, de formation, budgétaires et matérielles. Nous sommes très en retard sur nos statuts par rapport à la métropole. Face à la crise du volontariat, la métropole a mis en œuvre, depuis vingt ans, plusieurs démarches de valorisation et la fidélisation des volontaires. Ces mesures, comme la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR), c'est-à-dire la fidélisation du volontariat par une retraite versée pour toutes les années d'engagement, ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie, qui a un statut propre de pompier professionnel ou volontaire.

Je précise qu'une convention intercommunale nous permet d'intervenir, souvent en complément de la sécurité civile, en prompt secours sur les risques courants pour renforcer les quatre grandes communes de Nouméa, sauf pour les feux de forêt, par des ambulances en milieux d'intervention périlleux et en sauvetage aquatique.

Je rejoins la remarque sur la résilience de la population par rapport au risque cyclonique. Le nombre d'appels est très faible, grâce au système de préalerte et d'alerte, qui est connu par l'ensemble de la population et qui permet à chacun de se préparer. Les personnes peuvent ainsi mettre leur habitation en sécurité. Tout le monde rentre chez soi, les écoles sont fermées et en cas d'alerte 2, la vie s'arrête, puisque les entreprises ferment également. Nous ne déplorons ainsi aucun mort et très peu de victimes et de dégâts. Seuls les habitats précaires, souvent situés en bord de mer, restent très exposés, malgré des dispositifs d'ouverture de gymnases et de bus pour mettre les personnes en sécurité.

La ville de Nouméa a un plan communal de sauvegarde, comme d'autres communes en Nouvelle-Calédonie. Nous le mettons actuellement à jour. Nous abordons les tsunamis en collaboration avec la sécurité civile. Nous avons une cellule de crise, que nous activons régulièrement. Le décret ne date que de 2019, mais nous avons encore besoin d'informer et d'éduquer la population sur le risque de tsunami, que nous pensions totalement écarté à Nouméa, et les risques industriels. Au-delà du risque courant, nous ne sommes pas capables d'organiser les secours sur la commune.

Permalien
Tristan Derycke, adjoint au maire de Nouméa en charge de la sécurité

Nous avons une compétence de sécurité civile transférée dans le cadre de l'accord de Nouméa du 1er janvier 2014 et paradoxalement, nos services de secours à l'échelle communale datent du siècle dernier. Nous avons un centre de traitement des appels à l'échelle de la ville de Nouméa et de Païta, mais pas pour la totalité du territoire de la Nouvelle-Calédonie.

Lors des épidémies que nous avons vécues pendant la période Covid, l'insularité a entraîné des difficultés, comme l'a précisé monsieur le maire de Koumac.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour vos réponses précises et efficaces.

Messieurs les représentants des associations des maires, avez-vous le sentiment d'un système communal à bout de course ? Je retiens que le statut des sapeurs-pompiers volontaires, qui ne bénéficient pas du même droit à la retraite que dans l'hexagone, n'est pas très attractif.

Je crois que vous êtes les premiers à aborder la question du cumul des risques, dans la mesure où les aléas peuvent avoir des effets directs sur la population et les bâtiments, mais aussi provoquer d'autres risques, industriels, économiques ou sanitaires. Pouvez-vous détailler la méthode, qui a permis d'éradiquer ce risque à Nouméa et sur l'ensemble du territoire ?

Comment assurez-vous la résilience sur le plan économique et social ?

La culture du risque est revenue très régulièrement dans l'ensemble de nos auditions. Il est nécessaire de la promouvoir, à la fois pour préserver la résilience des territoires, mais aussi parfois de s'inspirer des méthodes dites traditionnelles, qui sont inscrites dans la réalité historique des territoires, pour mieux gérer les aléas.

Enfin, Ouvéa est une île qui semble devoir être traitée spécifiquement au regard de la montée des eaux. Madame Sophie Panonacle pourra revenir sur ce sujet, qu'elle connaît bien mieux que moi.

Permalien
Wilfried Weiss, deuxième vice-président de l'association des maires de Nouvelle-Calédonie (AMNC)

Suite à une demande du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, il a été demandé à toutes les communes de mettre en place des plans de sauvegarde, mais toutes ne l'ont pas fait. Nous pourrions mutualiser l'organisation et certains moyens, par exemple, dans les trois communes qui sont sous le SIVM Nord. Les cellules de crise, mises en place par certaines communes, ont très bien fonctionné avec les tribus pendant la Covid pour éviter les épidémies.

La DSCGR attendait que toutes les communes aient établi leur plan de sauvegarde de façon à faire un package. Nous devons le promouvoir pour aboutir à un système plus harmonieux au niveau de la Nouvelle-Calédonie.

L'association des maires de Nouvelle-Calédonie a interpellé le haut-commissaire et le ministre en juin 2022 par rapport au problème d'érosion côtière très importante d'Ouvéa, qui nous obligera certainement à déplacer des populations de bord de mer vers l'intérieur des terres. Nous connaissons ce même phénomène sur la côte est. Cela posera des problèmes pour reconstruire des habitations, recréer des tribus, etc., ce qui ne sera pas facile au regard de nos problèmes fonciers. Je suis même intervenu auprès du ministre de la mer de l'époque. J'ai contacté le Cerema en métropole pour voir quelles études étaient possibles, comme sur la côte atlantique et la côte méditerranéenne, car il nous manque des données bathymétriques, avec le système Lidar, pour les transmettre au Cerema.

Permalien
Pascal Vittori

Pour revenir sur les solutions que nous tentons d'apporter à nos problèmes de recrutement, nous avons récemment lancé, dans nos communes du syndicat intercommunal Sud, une organisation pour former de jeunes sapeurs-pompiers. Nous espérons qu'ils deviendront sapeurs-pompiers volontaires dans nos casernes.

Pour lutter contre les phénomènes climatiques, nous tentons de monter une réserve communale de sécurité civile. Nous pourrions ainsi compter sur les pompiers, mais aussi sur les gardes champêtres et les gendarmes. Nous avons aussi une station de secours en mer.

Nous avons connu deux années de très fortes inondations. Or des constructions ont été bâties, par le passé, en bord de rivière. Dans notre nouveau plan d'urbanisme directeur, nous avons classé toutes ces zones présentant des risques importants d'inondation, et pour les personnes, en zones inconstructibles.

Nous avons aussi un souci avec l'entretien de nos cours d'eau, à cause des mines de nickel anciennes, dont les gravats sont tombés dans les rivières et ne sont pas encore évacués. Nous aurions besoin de moyens pour curer ces cours d'eau. Il s'agit d'une compétence de la Nouvelle-Calédonie, mais celle-ci n'a pas toujours les moyens de venir en aide aux communes. Nous nous organisons donc comme nous le pouvons, parfois même sans l'autorisation de la Nouvelle-Calédonie. En cas de risques pour la population, les communes prennent en charge le désengravement des rivières ou d'enlèvement des bois morts, accumulés suite à de fortes pluies ou des cyclones, qui font déborder les rivières.

S'agissant des secours communaux, il serait impossible, pour une petite commune, de construire seule une caserne et un centre de secours. Dans ma commune, la caserne des pompiers a été financée à près de 90 % par l'État.

C'est donc bien le système intercommunal qui est le plus efficace et supportable financièrement.

Permalien
Tristan Derycke, adjoint au maire de Nouméa en charge de la sécurité

Pour répondre à la question de monsieur le rapporteur sur la méthode Wolbachia, celle-ci consiste à implanter dans le moustique vecteur de la dengue, une bactérie, la Wolbachia, qui est inoffensive pour l'homme. Cette bactérie, qui est présente chez 65 % des insectes, empêche la transmission du virus de la dengue. Cette méthode écologique évite l'emploi des insecticides, auxquels les moustiques sont de toute façon devenus résistants. Cette bactérie se transmet au fur et à mesure des générations de moustiques. L'idée a donc été de cultiver des moustiques en laboratoire avec la bactérie Wolbachia et de les répandre initialement dans les rues de Nouméa sous forme d'œufs ou d'insectes adultes. Ils ont progressivement pris la place des moustiques sauvages. Actuellement, 90 % des moustiques de Nouméa sont porteurs de cette bactérie et ils ne peuvent donc plus transmettre la dengue. Il reste quelques cas sporadiques, mais nous n'avons plus d'épidémie de dengue depuis 2021. Nouméa a été la première à appliquer cette méthode entre 2019 et 2021. D'autres communes de l'agglomération, que sont Dumbéa, Mont-Dore et depuis cette année Païta, ont déployé cette méthode, qui fonctionne très bien.

Je n'ai peut-être pas assez de temps pour parler des effets du Covid sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie.

Permalien
Tristan Derycke, adjoint au maire de Nouméa en charge de la sécurité

C'est noté.

Permalien
le général Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la Direction de la Sécurité Civile et de la Gestion des Risques

Les plans communaux de sauvegarde finalisés sont au nombre de onze et neuf sont en cours de réalisation, ce qui nous fait presque deux tiers des 33 communes de la Nouvelle-Calédonie. Le problème est qu'ils sont souvent très disparates, les uns étant essentiellement consacrés au risque cyclonique et les autres, notamment celui de Nouméa, couvrent l'ensemble des sept risques naturels identifiés en Nouvelle-Calédonie (nous échappons au risque d'avalanche).

Les plans communaux de sauvegarde devraient effectivement constituer le maillage qui permettrait de sortir un schéma territorial d'analyse et de couverture des risques. Néanmoins, sur la base de la politique publique de gestion des risques qui a été initiée par le Président en 2021 et qui commence à se mettre en œuvre sur le territoire, les informations du terrain alimenteront une analyse plus territoriale.

Au sujet de l'érosion côtière, les 6 000 kilomètres de côte de Nouvelle-Calédonie sont soumis à un forçage intense, soit de phénomènes cycloniques ou de houle. Les communes de l'est, comme Touho ou Nouméa, sont touchées. Nouméa s'est lancée dans des travaux pharaoniques pour protéger son trait de côte au niveau de l'anse Vata. Des travaux similaires sont envisagés du côté de Mouli sur l'île d'Ouvéa, qui est soumise à un risque d'érosion considérable.

Je ne saurais pas répondre à la question de la résilience économique, car ce qui est perçu comme un risque d'un côté ne l'est pas forcément de l'autre. Nous avons mis à contribution des tribus pour identifier leurs propres enjeux au regard des aléas des risques cycloniques et d'incendie. Les microactivités en brousse constituent souvent la source de revenus, d'où une inquiétude prépondérante pour les populations. La résilience économique fait appel à énormément de situations. Il est donc difficile d'en tirer des généralités sur l'ensemble du territoire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En tant que présidente du comité national du trait de côte, j'ai récemment participé à une réunion plénière avec le ministre et une mission de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) et de l'Inspection Générale de l'Administration (IGA). Cette mission est, à ce jour, limitée à l'hexagone et j'ai souhaité l'étendre aux territoires ultramarins. La Direction générale des outre-mer (DGOM), qui était présente à cette réunion, a validé l'extension de cette mission aux territoires ultramarins. Elle est limitée aux départements et régions d'outre-mer, mais nous essaierons de l'étendre à l'ensemble des territoires ultramarins. Même si la Nouvelle-Calédonie a un statut particulier, je pense qu'il serait intéressant d'aller jusque-là.

L'idée est d'adapter les recommandations de ces inspecteurs par rapport à la rareté du foncier et à l'habitat informel et illégal, auquel nous faisons face sur de nombreux territoires. Nous peinons aujourd'hui à dissocier la submersion marine et l'élévation du niveau de la mer, qui sont liées. Il sera intéressant de pouvoir recueillir des données et d'évaluer les enjeux sur les territoires ultramarins face à ces risques.

Le Cerema nous accompagne également en ingénierie et en moyens financiers utiles.

Je vous tiendrai informés du fait que ces inspecteurs pourront également travailler sur la Nouvelle-Calédonie, en tout cas, je l'espère.

Merci pour toutes ces informations extrêmement intéressantes et utiles. N'hésitez pas à nous envoyer vos contributions écrites pour compléter l'ensemble de vos propos. À très bientôt.

La Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer procède à l'audition, ouverte à la presse, de la table ronde « Nouvelle-Calédonie – Volet État » réunissant : Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie, M. Louis Le Franc ; État-major interministériel de zone de défense et de sécurité (EMIZ), Lieutenant-colonel Alexandre Carrat, chef de bureau ; Direction du service de l'État de l'agriculture, de la forêt et de l'environnement (DAFE), M. Pragash Eganadane, directeur ; Météo-France, direction interrégionale, Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna, M. Frédéric Atger, directeur.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, pour cette seconde table ronde consacrée à la Nouvelle-Calédonie, nous sommes connectés avec monsieur Louis Lefranc, haut-commissaire de la République, le lieutenant-colonel Alexandre Carrat, chef de bureau de l'État-major interministériel de zone de défense et de sécurité (EMIZ), monsieur Pragash Eganadane, directeur du service de l'État de l'agriculture, de la forêt et de l'environnement, et monsieur Frédéric Atger, directeur interrégional de Météo-France.

Cette audition est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et l'enregistrement vidéo sera disponible à la demande.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Louis Le Franc, M. le lieutenant-colonel Alexandre Carrat, M. Pragash Eganadane et M. Frédéric Atger prêtent serment.)

Permalien
Louis Le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

Je suis accompagné du lieutenant-colonel Alexandre Carrat, chef de bureau de l'État-major interministériel de zone de défense et de sécurité (EMIZ), de M. Pragash Eganadane, directeur de la Direction du service de l'État de l'agriculture, de la forêt et de l'environnement (DAFE) et de M. Frédéric Atger, directeur de la Direction interrégionale, Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna de Météo-France. À quatre, nous pensons être en mesure de traiter l'ensemble des questions qui nous ont été communiquées sur le thème des événements naturels majeurs.

Premièrement, vous devez avoir conscience que les événements naturels majeurs sont traités prioritairement, non par l'État, mais par la Nouvelle-Calédonie, puisqu'ils relèvent de sa compétence.

Deuxièmement, au-delà de l'archipel calédonien, pour la zone maritime qui l'entoure, il n'y a pas de préfet maritime en Nouvelle-Calédonie. Le haut-commissaire assure cette fonction. Là aussi, le partage des compétences avec le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est très important. Ce territoire se situe aux confins de l'autonomie et beaucoup de compétences ont été transférées. J'y reviendrai si vous le souhaitez.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je salue les personnes présentes, d'autant que la période est dense. Nous en voyons les effets législatifs dans notre assemblée.

Les représentants des autorités locales viennent de nous décrire des compétences entre les mains des collectivités locales et des communes, mais aussi un système qui s'essouffle et qui peine à assurer une couverture satisfaisante sur l'ensemble du territoire, tant en moyens humains et matériels que pour la planification et la gestion des risques.

Chacun se réjouissait de la présence et de l'efficacité de l'action de la sécurité civile dans ce contexte, mais puisque la Nouvelle-Calédonie doit voir son statut évoluer, ressentez-vous que cet équilibre est difficile à trouver entre un niveau hyperlocal et une gestion efficace des risques ?

Il nous a également été remonté avec beaucoup d'insistance les difficultés de recueillir de la donnée sur les aléas et sur les zones qui en seraient impactées, ce qui pèse fortement sur la rédaction des documents de prévention, d'organisation des secours ou de planification à long terme. Comment ces données seront-elles complétées ? Comment améliorer le système de recueil de ces données ou est-ce un concept que vous ne partagez pas ?

Permalien
Louis Le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

Un canevas de questions nous a été communiqué, auquel nous répondrons par écrit, comme vous nous l'avez demandé.

En Nouvelle-Calédonie, la compétence de la sécurité civile a été transférée par l'État à la collectivité. Le président de Nouvelle-Calédonie assure donc cette compétence. Nos prédécesseurs ont dû trouver la bonne adéquation pour faire face à toutes les situations auxquelles nous confrontent les événements naturels majeurs, qui génèrent des risques majeurs. En Nouvelle-Calédonie, nous connaissons des cyclones, des épisodes de vents violents et de pluies, des orages, des inondations, de petits tsunamis, de fortes houles, des séismes, des glissements de terrain et des feux de brousse, qui sont l'équivalent des feux de forêt en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Comme nous nous situons à 20 000 kilomètres de la métropole, nous faisons en sorte, avec nos partenaires, les exécutifs des collectivités calédoniennes, le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie et les présidents des provinces, de trouver les bonnes formules pour faire face à tous ces événements.

Les facteurs de vulnérabilité, que sont l'insularité et l'éloignement, impliquent à moyens constants, d'articuler intelligemment ces moyens et de les renforcer si nécessaire. Il faut donc anticiper intelligemment les problèmes auxquels nous pouvons être confrontés.

Entre 2020 et 2023, la Nouvelle-Calédonie a subi neuf cyclones et dépressions tropicales majeures, deux événements pluvieux de très forte intensité pendant 48 heures au mois de janvier et février 2022. Même si la gestion des risques majeurs est une compétence du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, l'État demeure un point d'appui très important, car la Nouvelle-Calédonie ne peut absolument pas faire face seule.

Je peux vous parler de nos structures, des effets du changement climatique en matière de risques éventuels, du cadre légal et réglementaire, des mesures d'adaptation pour éviter l'érosion du trait de côte, des risques de submersion, mais aussi des points d'amélioration depuis que cette compétence a été transférée. Je ne pense pas que nous puissions parler d'un essoufflement. Nous sommes dans la recherche constante de solutions d'amélioration.

Les forces armées du gouvernement de Nouvelle-Calédonie sont essentielles, tout comme l'État-major interministériel de zone, la police nationale sur la zone de compétence de la police d'État pour la ville de Nouméa et la gendarmerie nationale pour le reste du territoire.

Dans le domaine sanitaire et social, la santé n'est pas une compétence de l'État. Elle a été transférée. Les hôpitaux, spécialisés ou non, relèvent de la compétence du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

La politique de prévention des risques climatiques majeurs est encore en phase embryonnaire en Nouvelle-Calédonie. Comme sur le plan opérationnel, nous sommes dans une posture d'appui, notamment financier, pour aider ceux qui ont la charge de développer cette politique de prévention. Les plans de sauvegarde des communes et les documents d'information communaux sur les risques majeurs (DICRIM) n'existent pas. La chambre territoriale des comptes a rédigé un rapport très précis, qui indique ce qu'il convient de faire.

L'urbanisme ne relève pas de la compétence communale. Les plans d'occupation des sols ou plans d'urbanisme directeurs (PUD) relèvent de la compétence provinciale. Ils définissent les conditions de construction auxquelles les maires doivent se conformer.

La Nouvelle-Calédonie est un territoire immense, avec la Grande Terre, de 450 kilomètres sur 50 ou 75 kilomètres de large et au milieu, l'épine dorsale d'une chaîne de montagnes très hautes. Sur ce territoire, il n'y a que 33 communes, de 30 à 60 kilomètres, depuis le bord de mer jusqu'au pied des montagnes, à l'ouest comme à l'est.

L'autre spécificité de la Nouvelle-Calédonie est qu'au-delà des terres de droit commun, il y a aussi des terres coutumières, sur lesquelles l'État, la province ou la commune n'ont pas la compétence, puisqu'elles sont régies par les autorités coutumières. Elles sont concernées par la règle dite « des 4 i », car elles sont inaliénables, incommutables, incessibles et insaisissables.

Lorsque le président de la République est venu le 10 juillet 2023, nous nous sommes rendus sur une commune de la côte est de la Grande Terre, où les événements des années 1984-1988 ont été les plus durs et où il y a eu une centaine de morts. Ces communes comptent de nombreuses tribus, à la tête desquelles tous les maires sont indépendantistes. Les terres coutumières y sont très nombreuses. Nous avons amené le président de la République sur une commune souffrant des problèmes d'érosion des côtes et de relogement des populations. Le maire, le président de la province Nord et l'État n'étant pas compétents, ces problèmes relevaient de l'autorité du chef de clan. Il a fallu reloger les populations dans des constructions nouvelles à l'écart du littoral en collaboration entre le maire et les autorités coutumières, mais l'État et le président de la province ne pouvaient pas s'en mêler. Or le plan d'urbanisme relève de la compétence de la province.

En tant que représentants de l'État, nous ne pouvons pas empiéter sur les compétences locales. Nous accompagnons les maires, les présidents de province et le président du gouvernement par des moyens financiers, humains ou techniques qui nous sont propres. Nous n'avons pas de centre régional, mais un commandement des opérations de secours (COS), une structure territoriale armée par des militaires, qui constitue un moyen de gestion opérationnelle, en appui des compétences locales pour ce qui relève des eaux intérieures du lagon, sur lesquelles le directeur des opérations de secours est le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Les eaux extérieures du lagon relèvent des compétences de l'État, que le haut-commissaire doit assumer. Le lagon s'étend, à partir du bord de mer, sur une vingtaine de kilomètres, jusqu'à la barrière récifale qui encercle la Grande Terre.

Vous voyez que, même sur le plan opérationnel, nous sommes dans une logique de compétences partagées dans le domaine maritime. Nous formons les personnels calédoniens de la fonction publique territoriale de Nouvelle-Calédonie à faire le même travail que les militaires qui travaillent au COS, comme dans les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) de Méditerranée ou du cap Gris-Nez au nord de la métropole. Nous sommes obligés de nous coordonner avec le gouvernement de Nouvelle-Calédonie pour ne pas mettre les populations à risque dans le domaine maritime et en matière d'évacuation des personnes.

La gestion opérationnelle des événements n'est pas possible sans cette structure de l'État qui est armée par les militaires. Pour les évacuations, nous avons besoin de la gendarmerie nationale. Pour les observations aériennes et les moyens de surveillance, nous n'avons ni hélicoptère ni avion et tout repose sur les moyens aériens des forces armées en Nouvelle-Calédonie. Pour les prévisions, les moyens sont placés sous la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie, mais ils sont financés par l'État. Le directeur Pragash Eganadane est de Météo-France, même s'il est ici sous le contrôle opérationnel du président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Dans le domaine de l'environnement, un service de l'État assume une compétence partagée concernant l'agriculture, la forêt et l'environnement. L'environnement est une compétence provinciale, tandis que l'agriculture et la forêt sont des compétences territoriales, selon la loi. Pour les mesures de protection de l'environnement en cas d'événements majeurs, Pragash Eganadane est sollicité sous l'autorité du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou du maire, selon l'importance de l'événement, mais il agit en liaison avec l'État.

En bref, l'État n'a pas la compétence, sauf pour le domaine maritime à l'extérieur du lagon. Le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie assume la responsabilité directe, sachant que la quasi-totalité des atteintes à l'environnement résultant des bâtiments de commerce qui viennent mouiller au port de Nouméa se situe dans les eaux intérieures du lagon.

La posture de l'État est d'apporter un accompagnement financier lorsque des événements naturels abîment l'environnement, mais la gestion directe revient aux collectivités calédoniennes. Sur le plan strictement opérationnel en mer, l'État vient en appui. Le centre opérationnel de secours et de sauvegarde est un organe pivot, dans lequel des militaires de l'armée de terre ou de la marine agissent en liaison étroite avec les structures chargées de faire de la prévention ou comme Météo-France, des prévisions et des annonces précises, par exemple, sur la puissance des cyclones.

Cet ensemble doit parfaitement fonctionner, parce que nous sommes seuls, sur une île à 20 000 kilomètres de la métropole. Il nous est arrivé de venir en appui de cyclones successifs et d'un séisme en mars dernier au Vanuatu, au moment où Gérald Darmanin venait en Nouvelle-Calédonie. En liaison avec Sébastien Lecornu, le ministre des armées, nous avons fourni des moyens pour réduire les effets de ces événements sur l'une des îles les plus importantes du Vanuatu. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a également apporté des moyens.

Les sapeurs-pompiers sont fondus dans une organisation communale, selon la loi de départementalisation des SDIS de 1987. Il n'y a pas d'organisation ni de gestion coordonnée et optimisée des sapeurs-pompiers. Il y a un peu de pompiers professionnels et un peu plus de volontaires, mais tous ces moyens sont à la main des maires. Même si le président du gouvernement a la responsabilité de la sécurité civile, il doit engager les sapeurs-pompiers en liaison étroite avec les maires.

J'ai à mes côtés un lieutenant-colonel des sapeurs-pompiers professionnels, qui a beaucoup de connaissances. Il sait comment fonctionnent les centres des structures opérationnelles, car il les a pratiqués. Il est en appui des structures locales, en donnant des conseils, il lui arrive de prendre la main pour éviter les catastrophes, mais la protection des biens et des personnes ne relève pas de l'État.

Il y a quelques mois, j'ai découvert, dans un rapport de la Cour des comptes, que si le président du gouvernement était défaillant, il fallait que je me substitue à lui, dans un temps relativement réduit, pour les événements de portée cyclonique ou autre, à l'origine de drames humains et de destructions d'habitations ou de structures portuaires importantes. Aussi, même si les compétences ont été transférées, le haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie peut voir sa responsabilité pénale engagée si les exécutifs, les maires, les présidents de province ou le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sont défaillants, ce qui m'impose d'être bien informé de l'importance des sinistres et de leurs effets sur les populations et les infrastructures locales. C'est pourquoi j'ai à mes côtés ceux qui ont ce savoir et cette capacité de conseil auprès des élus locaux.

Comme vous pouvez le voir, nous fonctionnons de manière très imbriquée. Je n'ai pas noté, depuis que je suis en poste, de problèmes majeurs, mais il y en a certainement. Il est toujours possible de s'améliorer.

Le point faible est l'absence d'organisation intégrée de sécurité civile, de centre de traitement des appels, de centre coordonné de gestion et d'emploi des moyens de sapeurs-pompiers, qui relèvent essentiellement de l'autorité des maires. Il faut donc mettre toutes ces personnes en contact pour obtenir l'effet recherché. Voilà pour le contexte dans lequel nous sommes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci. La commandante Bourgoin et des élus nous ont effectivement expliqué cette organisation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour ces éléments, qui montrent que le recours aux moyens de l'État est une donnée importante.

L'un des éléments fondamentaux, y compris dans votre mise en cause éventuelle, est la connaissance des aléas et de leurs répercussions sur le terrain. J'ai cru comprendre que toutes les communes ne sont pas couvertes par un plan de sauvegarde.

À la base de la résilience des territoires, il y a l'idée qu'une part importante de la prévention passe par la sectorisation, qui constitue une difficulté institutionnelle compte tenu de la répartition des compétences. Derrière cette cartographie, il y a la collecte et la répartition des données. Or, il n'y a pas de données locales ou elles sont parcellaires.

Comment l'État accompagne-t-il les collectivités locales compétentes en la matière, via Météo-France ou d'autres services comme le BRGM, qui sont pris en charge par l'État, mais affectés aux autorités locales, pour collecter les données en vue de bâtir des cartes ? Quelle est la perspective en la matière ?

Permalien
Louis Le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

En Nouvelle-Calédonie, il n'y a pas de schéma départemental d'analyse et de couverture des risques. Un tel schéma permettrait de connaître ces risques, de savoir comment les couvrir et de mesurer les délais d'intervention. Nous ne pouvons donc que dire au gouvernement qu'il serait souhaitable d'élaborer cet outil.

Je laisse la parole au directeur de Météo-France de Nouvelle-Calédonie.

Permalien
Frédéric Atger, directeur interrégional de Météo-France

Le service de la météorologie de Nouvelle-Calédonie, qui est aussi la Direction Interrégionale en Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna, est un service météorologique comme partout en métropole. La collecte de données est réalisée selon les mêmes conditions, selon le même protocole, avec le même niveau d'exigence, de formalisme et de conservation.

Pour les données climatiques, le territoire de la Nouvelle-Calédonie est couvert comme n'importe quel territoire, au bémol près que des équipements météorologiques d'observation ne sont pas installés partout où nous le souhaiterions, car les accès sont compliqués, tout comme la mise en œuvre des moyens de maintenance. Pour autant, nous avons des radars météorologiques, des fonds climatologiques remarquables. S'agissant de l'évolution du climat, nous avons des séries qui n'ont rien à envier à celles que nous avons en métropole ou dans d'autres territoires d'outre-mer. La connaissance de l'évolution du climat et de la sensibilité particulière de tel ou tel territoire nous permet de savoir que la fréquence et la force des oscillations sont plus importantes à l'est de la Nouvelle-Calédonie et que le nord est plus exposé aux vents forts et à l'activité cyclonique, etc.

Pour les prévisions, le service de météorologie utilise les mêmes critères opérationnels et de technicité. Tous les agents techniques sont formés par Météo-France à l'École nationale de la Météorologie. Leur formation continue est assurée par Météo-France. Ils opèrent au sein de structures similaires à celles de la métropole. La Nouvell--Calédonie est une région particulière, mais la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est aussi une région particulière.

En tout cas, nous nous donnons les moyens de disposer de données de prévision et d'observation, dans le contexte d'une zone soumise au risque cyclonique, pour connaître l'évolution des phénomènes en temps réel, qu'il s'agisse de cyclones ou de fortes pluies, qui peuvent être plus dévastatrices que certains cyclones. Sur tous ces sujets, nous sommes à un niveau très évolué. En comparaison avec d'autres territoires du Pacifique à proximité, Météo-France a un système de prévision au point, de très haut niveau. Ces données sont à la disposition de la DSCGR et du COS en temps réel. Elles leur permettent d'exercer leurs compétences de prévention des conséquences des risques naturels.

Météo-France, par convention, exerce la compétence de production de ces données pour le COS. Météo-France, en tant que service de l'État, vient en appui à la Nouvelle-Calédonie, mais il est aussi, par convention avec la Nouvelle-Calédonie, fournisseur de ces données, puisque les observations sont financées par la Nouvelle-Calédonie sur la base de contrats de développement.

Je n'irai pas plus loin. J'ai tenté de vous dresser le panorama le plus sincère possible. Je suis ici depuis quelques mois, mais j'ai le sentiment d'assurer la continuité d'un service qui fournit un niveau de compétences tel que je viens de le décrire.

Permalien
Louis Le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

Nous voyons venir les cyclones, mais les messages d'alerte et les mesures de précaution relèvent de la compétence locale. La sécurité civile s'est dotée d'une direction de la sécurité civile et de la gestion des risques, avec à sa tête un sapeur-pompier professionnel de métropole, mais le risque courant reste géré par les sapeurs-pompiers communaux.

Nous faisons en sorte que des professionnels qui viennent de métropole soient à la tête de structure, dont la compétence est transférée ou relève de l'État. Entre professionnels du même métier, ils se comprennent. En l'absence de leur appui, les professionnels locaux ne pourraient, selon moi, pas s'en sortir. Ces professionnels ne relèvent pas de la compétence de l'État, mais de compétences locales, mais ils sont dans des services dont la compétence est assurée par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Cet ensemble de fonctionnaires métropolitains, spécialisés dans leur domaine, permet à la Nouvelle-Calédonie de fonctionner. Il convient d'avoir conscience de cette donnée importante.

Le concept d'autonomie est très poussé, mais sans ces fonctionnaires, la ressource locale ne suffirait pas à gérer les trois radars, qui seront d'ailleurs remplacés dans le cadre des contrats de développement (qui correspondent aux contrats de plans interrégionaux). La Nouvelle-Calédonie intègre, parmi les besoins qu'elle exprime auprès de l'État, le remplacement de ces radars dans le cadre de la politique d'accompagnement des collectivités calédoniennes par l'État dans le domaine courant.

Je laisse la parole au représentant de la DAFE, qui est à la tête d'un service à compétences partagées complexe.

Permalien
Pragash Eganadane, directeur de la DAFE

Je précise que le niveau de finesse est encore plus compliqué, puisque la DAFE recouvre l'agriculture, qui est complètement transférée à la Nouvelle-Calédonie. En revanche, pour l'enseignement agricole, je représente un directeur calédonien. Autrement dit, sur l'enseignement agricole, nous avons des données, mais pas forcément sur l'agriculture. Les données agricoles datent de 2012. Il y a donc certainement une grosse lacune, du côté de la Nouvelle-Calédonie, pour assembler ces données. Nous faisons face à cette dure réalité dans mon domaine qu'est l'agriculture.

En matière d'environnement, le sujet est encore plus vaste. Cependant, la Nouvelle-Calédonie est dotée d'une agence locale. Nous venons plutôt en appui via le Haut-commissariat ou en coordination avec différents comités, avec qui nous partageons une position commune.

Depuis un an et quelques mois que j'ai pris mon poste, il n'y a eu aucune initiative territoriale au niveau des services de la DAFE. Par rapport au risque d'érosion côtière, il est très important de développer la mangrove, mais ce n'est clairement pas fait. Notre idée, en tant que service de l'État, est d'apporter des initiatives nationales.

Par exemple, la DAFE délivre des diplômes, des certiphyto-NC, à l'issue d'examens que nous faisons passer à des professionnels pour savoir s'ils peuvent utiliser les produits phytosanitaires dans leurs champs. Concrètement, nous le faisons avec le ministère de l'agriculture, alors que cette compétence est totalement transférée à la DAFE, la direction de l'agriculture pour la Nouvelle-Calédonie.

En fait, nous complétons ce qui n'est pas fait. Je rejoins donc les propos du haut-commissaire : si nous n'étions pas là, il serait très compliqué, voire impossible, pour la Nouvelle-Calédonie de fonctionner toute seule.

Permalien
Louis Le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

L'État vient effectivement en appui. Des schémas directeurs intercommunaux de défense extérieure contre l'incendie existent. Pour les appuyer, nous faisons appel aux fonds verts.

Le renouvellement du réseau des radars d'observation de Météo-France relève de contrats de développement. Là aussi, nous venons en appui, par des sommes de 5 à 10 millions d'euros, pour conforter des baies touchées par l'érosion du trait de côte et la puissance des dépressions tropicales et leur fréquence plus élevée, qui font que les habitations à proximité du littoral sont fragilisées et que les populations doivent être relogées.

Nous avons créé un service technique d'assistance aux communes, composées de cinq ou six jeunes contractuels, essentiellement des ingénieurs, qui viennent en appui des maires et des chefs de clan, car les autorités coutumières ne sont pas en mesure de traiter ces problèmes. Nous sommes vraiment dans une posture d'accompagnement, tout en respectant leurs compétences, puisque le niveau de décision leur appartient.

Les plans de prévention des risques naturels et les plans de prévention des risques littoraux n'existent pas en Nouvelle-Calédonie. Ils sont normalement associés à des recommandations, voire de contraintes, qui ne sont pas toujours bien vécues en métropole. Comme ils n'existent pas, les populations locales ne s'inquiètent pas, alors que les dégâts peuvent être lourds de conséquences.

À Ouvéa, par exemple, la construction d'un pont présentant une circulation alternée et une circulation pour les cyclistes et les piétons pour un coût total de 10 millions d'euros a semblé nécessaire pour éviter qu'une partie d'Ouvéa soit totalement isolée du centre et du sud. L'érosion du trait de côte fait, qu'en quelques mois, la route en sortie de pont est menacée. Le maire d'Ouvéa est complètement démuni face à cette problématique. Nous le conseillons, nous faisons appel à des techniques particulières de pieux enfoncés dans le littoral pour réduire la puissance des vagues. Des chercheurs de l'université de Montpellier sont en contact étroit avec nous et les maires pour mener à bien cette expérimentation.

Nous avons également constaté qu'une rangée de tombes à proximité immédiate de la mer, dans un cimetière d'une île de Nouvelle-Calédonie, devrait être relocalisée, ce qui est totalement impossible pour l'inconscient collectif kanak.

Là encore, nous développons un partenariat étroit pour trouver les solutions les plus appropriées pour protéger les cimetières, les ouvrages d'art et les habitations. Les maires, même si ces sujets relèvent de leurs compétences ou de celles du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, sont très friands de nos conseils et évidemment, des finances que nous pouvons leur apporter.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons eu l'occasion d'interroger les chercheurs de l'université de Montpellier qui travaillent sur le pont que vous avez évoqué. Je comprends que vous intervenez pour réparer un dégât qui était prévisible. Les autorités locales doivent être respectées, mais un accompagnement en amont de la construction du pont n'est-il pas possible, sachant que l'érosion du trait de côte n'est pas un phénomène nouveau que nous découvrons ? Cet exemple me paraît emblématique des difficultés existantes.

Permalien
Louis Le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

Ce n'est pas si prévisible. Je ne suis pas un spécialiste de l'érosion du trait de côte, mais deux exemples nous ont marqués. Au moment de la construction du pont, la conception était gérée par un bureau d'études spécialisé, très pointu, en métropole. Même pour ce cabinet, il est très difficile de prévoir la récurrence et la puissance des dépressions tropicales. Il nous appartient d'aider les élus à prendre des mesures de consolidation pour limiter l'érosion du trait de côte. Pour ce qui est des prévisions, nous avons ici un spécialiste.

Permalien
Pragash Eganadane, directeur

Je vous précise que la loi de Finances prévoit, par un amendement, la cartographie de l'érosion côtière. Nous connaissons deux phénomènes en Nouvelle-Calédonie : la submersion et l'érosion du trait de côte, qui sont aggravées par les phénomènes naturels, ce qui complique encore plus la prévision. Nous avons toutefois l'opportunité du soutien financier de l'État en 2024.

Permalien
Louis Le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

Sur les terres coutumières, les populations sont exposées aux phénomènes d'érosion du trait de côte, des dépressions tropicales, des effets dévastateurs des épisodes cycloniques. Je ne sais même pas si un plan de prévention est envisageable avec des autorités coutumières, car les terres coutumières ne sont pas cadastrées. J'ai passé quatre ans de ma vie en Nouvelle-Calédonie il y a vingt ans et c'était déjà une idée, qui était irréalisable, car elle ne correspond absolument pas à la culture locale. Avec l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF), que connaît bien le directeur de la DAFE, j'ai récemment imaginé un cadastre du domaine coutumier et les locaux m'ont ri au nez.

L'ADRAF a concédé 168 000 hectares de terres, qui étaient exploitées par des descendants de colons. Ces terres sont concernées par la règle des « 4 i ». Nous ne pouvons donc pas anticiper sur ces espaces fonciers de la côte est de la Grande Terre et tous les îlots qui sont des terres coutumières. Aussi, des plans de prévention tels qu'ils existent en métropole relèvent de la mission impossible sur ces espaces coutumiers.

Sur les espaces publics, communaux, territoriaux, provinciaux, un cadastre est possible, mais cela nécessitera beaucoup de pédagogie, pour ne pas donner le sentiment aux autorités locales que nous sommes les sachants parce que nous sommes confrontés à ces problématiques en métropole. Nous pouvons leur apporter notre appui, un accompagnement financier pour remplacer un radar ou conforter une baie, dans le cadre de contrats de développement, mais le contexte est délicat, car ils veillent attentivement à ce que nous n'empiétions pas sur leurs compétences en matière de problématiques locales spécifiques.

Quand le président de la République s'est rendu sur la côte est, il a été confronté aux populations qui n'étaient pas satisfaites de leur sort, non pris en compte par les autorités coutumières locales. Il s'est rendu compte que le maire et le président de la province n'étaient pas compétents et l'État encore moins, et que, par conséquent, d'autres approches étaient nécessaires. C'est pourquoi nous avons demandé à l'ADRAF, qui porte la politique d'aménagement foncier de l'État, de trouver le bon chemin pour mettre à l'abri les populations exposées sur ces espaces côtiers.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je préside le comité national du trait de côte et lors de notre dernière plénière, nous avons acté que les inspecteurs généraux qui nous accompagnent et le Cerema étendraient leur mission d'évaluation des enjeux à la Nouvelle-Calédonie. J'y tiens, même si celle-ci est une collectivité à statut particulier.

L'érosion côtière n'est pas un risque naturel, mais bien un phénomène prévisible et inéluctable, que nous pouvons anticiper. Nous pouvons consolider des ouvrages de protection.

J'ai bien noté qu'en Nouvelle-Calédonie, nous sommes face à un problème de droit de la propriété et de foncier difficile à identifier. Commençons par évaluer le littoral, puis nous pourrons peut-être apporter des solutions et émettre des recommandations aux élus, et vous apporter davantage de connaissances sur ce phénomène totalement lié à la submersion et à l'élévation du niveau de la mer.

Permalien
Louis Le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie

Je compte demander au ministre compétent de nous envoyer une personne du Cerema pour nous aider. Sur le territoire calédonien, nous avons un ingénieur du BRGM. Pour la construction d'une nouvelle prison, l'objectif est de trouver un espace foncier adéquat pour éviter que cette infrastructure sensible et majeure soit exposée aux risques naturels. Le BRGM a modélisé l'élévation du niveau de la mer et les effets provoqués par les cyclones les plus puissants des trois dernières années sur l'agglomération de Nouméa. Il faudrait modéliser tous ces risques et leurs effets sur l'ensemble du littoral calédonien. Je souhaite que quelqu'un y travaille. J'adresse cette demande au ministre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est la demande que j'ai formulée en plénière au ministre Béchu, qui était présent en plénière. Le Cerema a déjà démarré ce travail d'identification sur les territoires ultramarins.

Nous vous remercions pour votre présence et pour l'ensemble de ces informations. N'hésitez pas à nous en transmettre davantage par écrit.

La séance est levée à dix heures quinze.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Réunion du lundi 18 mars 2024 à 8 heures

Présents. – Mme Sophie Panonacle, M. Guillaume Vuilletet.

Excusés. – M. Mansour Kamardine.