Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • IVG
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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 10 avril 2024

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,

La séance est ouverte à 15 heures 04.

I. Garantir le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : examen de la proposition de résolution européenne de Mme Mathilde PANOT et plusieurs de ses collègues (Mme Mathilde PANOT, rapporteure) (n° 2257)

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Chers collègues, je vous propose de débuter la réunion de ce jour avec l'examen d'une proposition de résolution européenne de Mme Mathilde Panot et plusieurs de ses collègues, visant à garantir le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

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Chers Collègues, cette proposition de résolution européenne visant à garantir le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, est dédiée à Izabela, une femme polonaise morte en septembre 2021 à la suite d'un choc septique après le refus des médecins de pratiquer un avortement qui aurait pu lui éviter cette infection et donc la mort. Elle avait 30 ans, une fille de 9 ans, et avait tenté trois fois d'avoir un second enfant. On lui a refusé l'avortement, alors qu'il y avait un problème au milieu de sa grossesse et que sa vie était en danger.

Cette proposition de résolution européenne, nous la dédions à Agnieszka, femme polonaise morte en janvier 2022, contrainte d'attendre l'arrêt des battements du cœur du second fœtus qu'elle portait avant de pouvoir obtenir un avortement.

Nous la dédions aussi à Savita, femme indienne morte en Irlande en 2012 après une fausse couche, à la suite du refus des médecins de pratiquer un avortement.

Enfin, cette proposition de résolution européenne, nous la dédions à toutes ces femmes, en Europe et ailleurs, dont les noms sont restés anonymes, mortes dans des conditions inhumaines faute d'avoir pu accéder à un avortement sûr et légal.

Le lundi 4 mars 2024, la France a acté un tournant historique décisif pour les droits des femmes en inscrivant dans sa Constitution la liberté garantie aux femmes d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Ce droit a été obtenu de haute lutte en France, grâce au long et courageux combat de militantes féministes. C'est un message d'espoir pour toutes les femmes qui vivent encore dans des États interdisant ou ne protégeant pas l'avortement

En effet, cette consécration constitutionnelle en France ne doit pas nous faire oublier que dans de nombreux pays du monde, les femmes sont toujours contraintes d'avorter clandestinement au péril de leur vie. Selon le Centre pour les droits reproductifs, 41 % des femmes dans le monde vivent dans des pays où la législation sur l'avortement est restrictive. En Europe, vingt millions de femmes n'ont pas un accès effectif à l'avortement. Selon l'Organisation mondiale de la santé, entre 39 000 et 47 000 femmes décèdent chaque année des suites d'un avortement non médicalisé, soit une toutes les neuf minutes.

C'est pourquoi l'avancée historique que constitue l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution nous engage. Fidèle à sa vision universaliste des droits humains, la France doit désormais aider à garantir ce droit à des millions de femmes en Europe. Ainsi, cette victoire doit être prolongée par l'inscription de ce droit dans la Charte des droits fondamentaux, pour que les droits des femmes partout en Europe soient respectés et garantis.

Bien que 25 des 27 États membres de l'Union européenne reconnaissent le droit à l'avortement, il existe en pratique de très fortes disparités dans l'accès à l'avortement. Plus inquiétant encore, les régressions constatées dans la protection de ce droit dans certains États membres. Même dans les pays dans lesquels il est reconnu depuis plus de 50 ans, il a pu être restreint à la faveur de l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite, comme en Pologne ou en Hongrie. Ce fut aussi le cas au Portugal, où, alors que l'avortement était gratuit depuis 2007, le pays a mis fin aux remboursements des soins liés à l'avortement en 2021. En Italie également, il demeure extrêmement difficile d'avoir accès en pratique à l'avortement en raison de la très forte proportion de médecins qui invoquent leur clause de conscience. Le gouvernement de Giorgia Meloni, sans attaquer frontalement ce droit, multiplie les initiatives pernicieuses qui visent à dissuader les femmes qui souhaitent avorter. L'objectif est bien, in fine, d'interdire l'avortement.

Ces multiples revirements de législation démontrent que les droits des femmes sont remis en cause au gré des alternances politiques et manquent d'une véritable protection juridique. Les mouvements féministes alertent pourtant de longue date sur l'activisme des réseaux anti-choix qui cherchent à restreindre et à faire interdire l'accès à l'avortement, qui sont très largement financés. L'inscription de ce droit dans la Charte transmettra un message ferme à ces réseaux anti-choix : nous ne céderons pas, nous ne reculerons pas.

La France doit peser de tout son poids pour que l'Union européenne en fasse de même. Il est indispensable d'ouvrir ce droit à toutes les femmes en Europe. Ces régressions des droits des femmes au sein de l'Union européenne démontrent la fragilité du droit à l'avortement et sa réversibilité. J'espère, chers collègues, pouvoir compter sur votre soutien unanime à cette invitation adressée au gouvernement pour qu'il se mobilise diplomatiquement auprès des États membres de l'Union européenne et de la Commission européenne afin que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantisse le droit à l'avortement.

Enfin, je veux conclure ces propos, en ce 10 avril, en saluant les initiatives prises partout en Europe en solidarité avec les femmes polonaises, alors que le Parlement polonais commencera à examiner demain un projet de loi déposé par l'extrême droite qui pourrait durcir encore plus l'accès à l'avortement. Dans le même temps, la loi qui réautorise la pilule du lendemain sans ordonnance est toujours bloquée par le veto du président polonais.

Je souhaite également saluer la campagne citoyenne « Ma voix, mon choix », qui vise à lancer une initiative citoyenne européenne, pour que l'Union européenne assure, partout en Europe, à toutes les femmes, un accès sûr et gratuit à l'avortement.

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Simone de Beauvoir nous avait prévenus : « il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question ». Pour protéger un droit, il ne faut pas attendre qu'il soit menacé. Toutes les 9 minutes dans le monde, une femme meurt car elle a été contrainte de subir un avortement clandestin. Aujourd'hui, plus de 40 % des femmes en âge d'avoir des enfants vivent dans des États dont la législation empêche, ou limite, le droit à interrompre une grossesse.

Face au recul du droit d'accès à un avortement sûr et légal dans le monde, la France a pris une décision historique : le 4 mars 2024, notre pays a inscrit dans sa Constitution la liberté garantie aux femmes d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. Cette décision est une victoire pour les droits des femmes, pour l'égalité des genres et pour les droits fondamentaux. Elle envoie un message clair : la France est un pays où les droits des femmes sont respectés, où l'autonomie corporelle est garantie, et où la liberté individuelle est protégée.

Je tiens à souligner les avancées significatives mises en place par la majorité présidentielle dans ce domaine. Au Parlement européen, le groupe Renew a proposé le pacte Simone Veil afin d'harmoniser les droits des femmes dans l'Union européenne, et porte une résolution qui sera votée cette semaine, afin d'intégrer le droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

À l'échelle nationale, nous avons permis l'accès gratuit à la contraception d'urgence, en la rendant accessible sans ordonnance pour les mineurs et majeurs, et nous allons allonger le délai légal de 12 à 14 semaines. Nous avons enfin constitutionnalisé l'IVG.

Mais notre combat ne s'arrête pas là. La proposition de résolution européenne déposée par le groupe La France insoumise vise désormais à inscrire ce droit dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Notre Union ne s'est jamais construite dans le statut quo. Elle a toujours été un projet dynamique, en constante évolution, guidé par les principes d'égalité, de justice et de respect des droits humains. Aujourd'hui, il est temps pour nous de franchir une nouvelle étape. Alors, en cohérence avec la volonté exprimée par le Président de la République, dès le 19 janvier 2022 devant le Parlement européen, et réitérée le 8 mars dernier, le groupe Renaissance soutiendra cette proposition de résolution européenne. Nous croyons fermement que le droit à l'avortement est un droit humain essentiel, et nous sommes déterminés à le défendre et le promouvoir à l'échelle européenne.

Le 4 mars dernier nous avons montré la voie au monde entier. Nous sommes la France des Simone Veil et des Gisèle Halimi. Soyons des exemples à suivre : faisons de l'Union européenne une pionnière en matière de droit des femmes à disposer de leur corps. Ensemble, faisons du droit à l'IVG une réalité pour toutes.

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Le projet de rapport sur la proposition de résolution européenne visant à garantir le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'inscrit dans la continuité du vote du 4 mars dernier qui a fait de la France le premier pays à ériger explicitement l'avortement en droit constitutionnel.

Dans cette proposition, il est demandé au Conseil de lancer une convention pour la révision des traités afin d'intégrer les soins de santé sexuelle et reproductive, ainsi que le droit à l'avortement sûr et légal dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose de la même valeur juridique qu'un traité international et s'impose donc au droit national de chaque État membre.

Il importe, tout d'abord, de préciser qu'en matière de santé, l'Union européenne n'a pas de compétence directe, mais dispose, depuis le traité de Maastricht, d'une compétence de soutien aux États membres. En effet, la santé publique relevant par principe de leurs compétences internes, les États membres sont libres d'organiser et de fournir leurs services de soin comme ils le souhaitent.

L'ajout de cette proposition de résolution européenne à l'ordre du jour n'est pas un doux hasard. Il s'agit au contraire d'alimenter la campagne de Renaissance pour les élections européennes. Cette proposition avait d'ailleurs été portée sans succès par Emmanuel Macron à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne.

Au Rassemblement national, nous sommes opposés à toute nouvelle prise de compétence de l'Union européenne sur les États membres. Pour cette raison, nous ne prendrons pas part au vote.

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Le 4 mars 2024, la France devenait le premier pays au monde à inscrire l'avortement dans la Constitution. Après ce vote historique, la France insoumise s'est engagée, par la voix de Mathilde Panot, à poursuivre le combat pour les droits des femmes en demandant à inscrire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Ailbhe Smyth, militante irlandaise, qui a mené une campagne victorieuse pour abroger l'article de la Constitution de son pays qui interdisait l'avortement, a dit qu'elle rêvait d'un jour où « il ne sera plus nécessaire d'inscrire le droit à l'avortement, ni dans une Constitution, ni dans la loi ». Nous sommes nombreux en Europe à formuler le même vœu qu'elle.

Malheureusement depuis plusieurs années, la réalité nous rattrape dans plusieurs États de l'Union européenne. Des législations très restrictives subsistent, voire prolifèrent, souvent du fait de l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir. Malte a autorisé l'IVG en juin 2023, uniquement en cas de danger mortel pour la personne enceinte et de non-viabilité du fœtus. La loi hongroise oblige depuis 2022 les femmes souhaitant avorter à écouter les bâtiments de cœur du fœtus. En Pologne, l'IVG n'est autorisée qu'en cas de viol, d'inceste, ou de danger mortel pour la mère. La loi interdit l'aide à l'avortement. Ma collègue Mathilde Panot avait reçu au sein de notre Assemblée, la première militante condamnée à ce titre, dont je salue le courage et l'abnégation dans sa lutte pour la vie des femmes polonaises.

Nous constatons partout que si tous les conservateurs ne modifient pas la loi, ils s'arrangent pour compliquer l'accès à l'IVG aux femmes. En Italie, 70 % des médecins sont objecteurs de conscience. En Slovaquie, onze propositions de loi pour restreindre le droit à l'IVG ont été déposées au Parlement sous l'influence de groupes religieux conservateurs. En Espagne, en 2013 et 2014, des projets de loi prévoyant de restreindre l'accès à l'avortement et d'interdire l'avortement aux mineurs sans autorisation parentale avaient été approuvés en Conseil des Ministres, ou adoptés par le Sénat. Ils ont heureusement été contrés par le gouvernement suivant. Depuis 2015 au Portugal, les femmes doivent passer un examen psychologique avant d'avorter, et l'ensemble des frais est à leur charge. En Croatie, une étude de 2019 a montré que 59 % des médecins refusaient de pratiquer des IVG sous l'influence croissante des conservateurs religieux.

On connaît désormais bien la citation de Simone de Beauvoir : « n'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne seront jamais acquis, vous devrez rester vigilantes votre vie durant ». C'est grâce aux mobilisations des associations féministes, et au travail parlementaire que nous avons mené que nous avons réussi à faire inscrire l'avortement dans la Constitution française.

En attendant que le vœu d'Ailbhe Smyth se réalise, la France doit jouer son rôle d'éclaireuse humaniste, et utiliser sa diplomatie pour que le droit d'interrompre sa grossesse soit inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

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Une des précédentes oratrices a mentionné une avancée historique s'agissant de l'introduction du droit à l'avortement dans notre Constitution. La vérité, c'est que rien n'a changé depuis ce vote, et rien ne changera.

Premièrement, parce que dans tout le champ politique, et dans tous les groupes de notre Assemblée, personne ne remet en cause ce droit. La deuxième chose est que sur le plan de l'accès au droit à l'IVG, il n'y aura pas plus d'avancée.

Ainsi, on assiste à des combats sociétaux idéologiques, à l'instar de cette proposition de résolution européenne, qui sont symboliques, ne changent rien, et servent uniquement à détourner l'attention des enjeux immédiats pour le déclassement de la France : les enjeux économiques, diplomatiques, de sécurité migratoire, mais aussi des enjeux de santé.

Je vois dans cette proposition de résolution de la France insoumise une double hypocrisie. La première : vous vous plaignez souvent du fait que l'Union européenne cherche à nous imposer de l'extérieur des standards normatifs qui ne sont pas les nôtres. Là, vous essayez de faire exactement la même chose, mais dans le sens inverse.

La deuxième des hypocrisies est, que derrière cette volonté d'inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne le droit à l'avortement, il y a surtout un combat, pas forcément assumé, mais qui vise plutôt à augmenter les délais d'accès à l'IVG et à attaquer la double clause de conscience de nos médecins. De cette façon, par une méthode dialectique, vous faites croire qu'il y a une menace sur ces droits pour les pousser encore plus loin.

Quand on lit la rédaction de cette proposition de résolution européenne, on voit bien que le quinzième alinéa mentionne la nécessité pour la France de pousser la garantie du droit à l'avortement, selon une rédaction juridique qui n'a rien à voir avec le simple accès à l'IVG dans tous les pays d'Europe, mais qui joue sur les mots, comme on l'a fait lors de la dernière réforme constitutionnelle dans notre pays, pour ouvrir la voie à une extension toujours plus large de ce droit.

Quand on parle d'avortement, ce sont des choses extrêmement traumatisantes pour les mères, les parents et toutes les personnes qui ont à le vivre : il est mal venu de parler d'espoir, cela reste toujours un drame.

Pour toutes ces raisons, et face aux combats cachés de la majorité présidentielle sur l'extension de votre conception de l'avortement, nous ne soutiendrons pas cette proposition de résolution européenne qui n'a rien à voir avec les droits des femmes.

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Nous pouvons, comme Mme la rapporteure, regretter le contexte qui amène cette initiative d'inscription du droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux. Nous pouvons également nous réjouir de ce mouvement visant à garantir un droit qui est inscrit dans la loi française depuis 1975 et désormais dans la Constitution. La loi doit encore améliorer son égal accès à toutes. Mon groupe est bien entendu favorable à cette initiative.

Nous constatons qu'il existe des volontés au sein de plusieurs États membres de l'Union européenne, comme cela a été rappelé, de restreindre l'accès à un avortement sûr et légal. Par le passé, plusieurs États avaient obtenu que les traités européens ne remettent pas en cause le droit national et notamment le droit à l'avortement. Je pense à l'Irlande par exemple. Ici deux éléments doivent être pris en compte. L'Union européenne n'a pas de compétence exclusive dans ce domaine. Elle dispose cependant d'une compétence d'appui et de coordination, ce qui lui donne un rôle de soutien et de coordination en appui des États membres. Si l'Union européenne ne peut pas imposer d'harmonisation dans le domaine de la santé, elle peut néanmoins proposer et soutenir une initiative d'inscription du droit à l'IVG dans la Charte. D'autre part, le texte de la proposition de résolution européenne pourrait être amélioré, ce qui justifie, Mme la rapporteure, plusieurs amendements déposés par mon groupe pour lesquels nous souhaitons votre appui. Aujourd'hui dans l'Union européenne, des femmes renoncent à avorter en dépit de leur volonté et elles n'accèdent pas toutes à des moyens de contraception. Des disparités géographiques existent entre les États membres et en leur sein dans des zones rurales et reculées. La situation économique et financière peut être une entrave à l'accès aux moyens de contraception.

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Le droit des femmes à disposer de leur corps est et reste une variable d'ajustement politique. Nos corps sont des enjeux de pouvoir et nos dirigeants discutent, le plus souvent sans nous et parfois contre nous, de ce qu'ils souhaiteraient en faire. À travers l'histoire, les féministes continuent, sous les insultes et les moqueries, à défendre nos droits à disposer de nos corps. Ce combat passe par les droits contraceptifs et par l'avortement. Nos aînées ont tracé la voie et les insultes qu'elles recevaient n'ont rien à envier à celles que nous recevons aujourd'hui. Toutes ces stratégies de délégitimation du combat en font partie. D'ailleurs, je vous le rappelle, aucune de nous ne serait là si nos aînées n'avaient pas tracé la voie. Comme toujours, nos droits peuvent être mis en danger quand ils ne sont pas protégés.

La proposition de résolution européenne de notre collègue Mathilde Panot est la suite logique de la proposition de loi qu'elle avait présentée l'an dernier, ainsi que de celle de ma collègue Mélanie Vogel au Sénat. Ces initiatives se sont traduites par une victoire transpartisane entreprise également avec Renaissance. Malgré les expressions de certains collègues de droite, ce combat nécessaire est entravé par les conservateurs, par les réactionnaires. En premier lieu, par l'extrême droite. Si en France ce qui a été consacrée n'est pas un droit mais une liberté de recourir à l'avortement, à travers l'Europe, ce droit est en danger. Nous songeons à la Pologne, à la Hongrie, ou à l'Italie. Nous pouvons être fiers qu'en France un pas ait été franchi, mais ce pas a été entravé par la formulation choisie de « liberté » qui n'est pas assez protectrice. Merci donc à Mathilde Panot de remettre l'Église au milieu du village malgré les nombreux amendements déposés qui rappelaient que la formulation choisie par la France n'est pas la bonne. Pour que le droit à l'avortement ne soit plus une variable d'ajustement politique, nous devons inscrire ce droit dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union. C'est ce que vous proposez mes chers collègues, c'est ce que propose également Marie Toussaint dans son programme. Ainsi plus aucune force politique réactionnaire ne sera en mesure de mener une fronde contre le droit des femmes à disposer de leur corps. Mettons enfin en place un véritable bouclier juridique pour toutes les femmes de l'Union européenne. Mes chers collègues, si vous êtes en faveur du droit à l'IVG, rien ne vous empêche de voter ce texte.

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Cette proposition de résolution européenne s'inscrit dans la lignée de la loi constitutionnelle du 8 mars 2024 qui a acté un droit historique et un tournant pour le droit des femmes. Cette proposition de résolution européenne rappelle que le droit à l'avortement est menacé dans plusieurs pays. C'est le cas en Pologne, en Hongrie, en Italie puisque, dans les faits, il n'est pas possible de le réaliser. Et cela a bien à voir avec le droit des femmes, cher collègue des Républicains. La proposition de résolution européenne insiste sur la nécessité d'ouvrir ce droit à toutes les femmes en Europe. Elle souligne le fait que les textes européens ne mentionnent actuellement pas ce droit à l'avortement. C'est notamment le cas de la Charte des droits fondamentaux. Si elle mentionne le droit à la dignité humaine (article 1er), l'intégrité physique et morale (article 3), le respect de la vie privée et familiale (article 7), qu'elle garantit un niveau élevé de protection humaine dans la définition et la mise en œuvres des politiques de l'Union (article 35), elle ne protège pas spécifiquement le droit à l'avortement. Or, comme le souligne la proposition de résolution européenne, tous les droits énoncés par la Charte des droits fondamentaux ne peuvent être garantis sans droit à l'avortement. La France étant devenue le premier pays au monde à constitutionnaliser l'avortement, nous soutenons pleinement l'initiative d'inscription du droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux. Au-delà du symbole, nous pensons nécessaire de garantir ce droit de manière effective et de supprimer toutes les entraves à l'avortement dans certains États membres. Notons que le Parlement européen a voté une résolution allant dans le même sens que l'initiative de ce jour. Le président de la République ayant annoncé un souhait similaire, nous ne doutons pas que notre commission votera très largement cette proposition de résolution européenne.

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Je remercie l'ensemble des groupes qui soutiennent cette proposition de résolution européenne. Mme Annick Cousin, vous affirmez que l'Union n'a pas de compétences en matière de santé. C'est faux, c'est indiqué dans le TFUE et notamment son article 4 qui prévoit une compétence d'appui en matière de santé publique. L'article 168 prévoit d'encourager la coordination en matière de santé publique ainsi qu'en matière d'égalité hommes femmes. Quant à votre absence de participation au vote, nous ne sommes pas surpris puisque cela permet au RN, et à l'extrême droite de façon générale, de masquer son mépris pour les droits des femmes. C'est d'autant plus vrai quand vous vous prévalez de Viktor Orban en Hongrie, obligeant les femmes souhaitant avorter à écouter les battements de cœur du fœtus. C'est également vrai quand vous avez comme alliée Georgia Meloni qui effectivement ne change pas la loi mais agit sur la clause de conscience au point que 70 à 80 % des médecins refusent de pratiquer l'avortement en Italie.

Quant au collègue Fabien Di Filippo qui affirmait qu'il n'y avait plus d'opposition à l'avortement sur nos bancs et que la constitutionnalisation ne servait donc à rien, je vais lui lire certaines déclarations de nos collègues. Je passe sur Marine Le Pen qui voulait dérembourser les avortements dits « de confort ». Je peux aussi vous parler de Caroline Parmentier, députée du Pas-de-Calais qui regrettait qu'après avoir « génocidé » les enfants français à raison de 200 000 par an – soit le nombre d'avortements – ceux-ci étaient remplacés par des migrants. Je peux vous parler de Hervé de Lépinau, député RN du Vaucluse, qui compare l'avortement au génocide arménien, rwandais et à la Shoah et aux crimes de Daesh. Je peux vous parler de Christophe Bentz, député de Haute-Marne, qui compare l'avortement à un « génocide de masse » ou encore de Philippe Ballard, ou même de Laure Lavalette qui proposaient tout simplement en 2014 de supprimer l'avortement. Il reste donc des adversaires farouches à l'avortement, l'extrême droite en étant l'une des pointes les plus avancées.

Vous me permettrez M. Di Filippo de dire que j'ai moi-même avorté et que je ne considère pas cela comme un « drame ». Si pour certaines femmes c'est une douleur, et je le respecte, pour beaucoup d'autres c'est un soulagement de pouvoir avorter et choisir quand une grossesse doit être menée à son terme.

Lorsque vous dites que ce que nous faisons n'a aucun sens, je vous rappelle que j'ai commencé mon propos en expliquant à quel point le droit à l'avortement était une question de vie ou de mort dans le monde, et notamment de la mort de six femmes polonaises depuis la quasi-interdiction du droit à l'avortement dans ce pays. Je pense que vous pourriez respecter le fait que ce n'est pas une question ni d'hypocrisie ni de symbole mais une question fondamentale des droits des femmes.

Amendement n° 1

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Notre premier amendement vise à rappeler les droits consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, en particulier les articles 12 et 13.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 2

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Nous souhaiterions rappeler les éléments suivants issus de résolutions européennes portant sur ce sujet.

Le point 24 de la résolution du 9 juin 2022 sur les menaces contre le droit à l'avortement dans le monde : l'éventuelle remise en cause du droit à l'avortement aux États-Unis par la Cour suprême invite l'Union européenne et ses États membres à inscrire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

En son point 2, la résolution du 7 juillet 2022 sur la décision de la Cour suprême des États-Unis de remettre en cause le droit à l'avortement aux États-Unis et la nécessité de protéger ce droit ainsi que la santé des femmes dans l'Union européenne propose également d'introduire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux.

La résolution du 18 janvier 2024 sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne revient sur le recul orchestré des droits des femmes et des filles notamment dans certains États membres de l'Union européenne. Elle précise que le refus de donner accès à un avortement sûr et légal dans certains États membres, a entraîné la mort de plusieurs femmes ces dernières années. Elle souligne enfin que la Cour européenne des droits de l'Homme a considéré que les lois restrictives sur l'avortement, ou l'absence de mise en œuvre des lois autorisant l'avortement, enfreignent les droits des femmes à l'autonomie et à l'intégrité corporelle.

Dans sa résolution du 28 février 2024 sur le rapport 2023 de la Commission sur l'état de droit, le Parlement européen réaffirme que rien ne saurait justifier une régression des droits et de l'autonomie des femmes, condamne les atteintes commises dans plusieurs États membres à la santé et aux droits sexuels et reproductifs des femmes et des jeunes filles, et estime que le droit à un avortement sans risque et légal devrait être ancré dans la Charte européenne des droits fondamentaux.

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Avis favorable. Je pense qu'il est important de rappeler le rôle moteur du Parlement européen dans l'inscription du droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 3

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L'amendement rappelle la proposition de résolution européenne, portée par le groupe Renew au Parlement européen, qui devrait être débattue et votée le 11 avril prochain. Elle s'inscrit dans la lignée d'autres initiatives engagées par ce groupe, dont le « Pacte Simone Veil ». Celui-ci a pour objectif d'harmoniser par le haut les droits des femmes dans l'Union européenne dans cinq domaines prioritaires : vie de famille, lutte contre les violences faites aux femmes, égalité au travail, représentation politique, et droits sexuels et reproductifs, notamment l'accès à la contraception et à l'avortement. La Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne ainsi que le Conseil européen sont désormais invités à s'emparer du texte et à le traduire sur le plan législatif.

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Avis favorable. J'ajouterai également que cette résolution a été négociée par plusieurs groupes et notamment, par celui de la gauche européenne coprésidé par Manon Aubry.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 4

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Les lignes directrices de l'Organisation mondiale de la santé recommandent la dépénalisation complète de l'avortement et la révision des approches par motifs qui restreignent l'accès à l'avortement.

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Avis favorable. L'OMS définit effectivement l'avortement comme un élément indispensable d'un système complet de soins.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 5

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La stratégie internationale de la France en matière de droits et santé sexuels et reproductifs pour 2023-2027 identifie plusieurs défis aux droits sexuels et reproductifs, dont la montée des conservatismes et des mouvements anti-choix. Cette stratégie a fait de l'accès à l'avortement sécurisé et de la promotion d'un écosystème favorable ses priorités.

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Avis favorable. Je relèverai deux points. Premièrement, les études sur les financements des mouvements anti-choix montrent que des financements importants viennent de la France. Deuxièmement, dans le cadre de cette stratégie, il est incohérent de parler de réarmement démographique. Ce terme est celui utilisé par Viktor Orban pour forcer les femmes à écouter le cœur du fœtus avant de pouvoir avorter.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 7

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Le présent amendement vise à revenir sur le point 18 de la recommandation n° 35 de l'Organisation des Nations unies publiée le 26 juillet 2017, qui précise que « les atteintes à la santé et aux droits des femmes en matière de sexualité et de procréation, telles que les stérilisations forcées, l'avortement forcé, la grossesse forcée, la criminalisation de l'avortement, le refus ou le report d'un avortement sans risque et des soins après avortement, la continuation forcée d'une grossesse, les sévices et mauvais traitements subis par les femmes et les filles qui cherchent des informations, des biens et des services en matière de santé sexuelle et procréative, sont des formes de violence fondée sur le genre qui, suivant les circonstances, peuvent être assimilées à de la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. »

L'amendement est adopté.

Amendement n° 6 et n° 8

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L'amendement n° 8 concerne l'arrêt Dobbs v. Jackson du 24 juin 2022, lors duquel la Cour suprême américaine a procédé à un revirement important en mettant un terme à la jurisprudence Roe v. Wade du 22 janvier 1973 qui faisait de l'IVG un droit garanti à l'échelle fédérale sous le contrôle de la Cour suprême comme vous le savez tous. Par l'amendement n° 6, nous demandons la suppression de l'alinéa 10 en cohérence avec le dépôt d'amendements mieux-disants, qui développent le recul de l'accès à l'avortement, notamment dans certains États membres de l'Union européenne.

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J'aurai un avis favorable pour l'amendement n° 8 et un avis défavorable concernant l'amendement n° 6. En effet, nous sommes contre la suppression de l'alinéa 10, prévu par l'amendement n° 6. L'alinéa 10 conserve toute sa pertinence puisqu'il fait plus largement le constat du manque de protection et de mise en œuvre du droit à l'avortement dans certains pays européens.

L'amendement n° 6 est rejeté.

L'amendement n° 8 est adopté.

Amendement n° 9

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Le présent amendement vise à rappeler que plusieurs propositions de loi visant à constitutionnaliser l'IVG – dont celle du groupe Renaissance – ont été déposées sur le bureau de chacune des deux assemblées.

Le 8 mars 2023, à l'occasion de l'hommage national à Gisèle Halimi et de la journée internationale des droits des femmes, le Président de la République a exprimé son attachement à la constitutionnalisation de l'IVG et a annoncé un projet de loi constitutionnelle.

Le 4 mars 2024, le Parlement réuni en Congrès à Versailles a voté l'inscription dans la Constitution de la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une IVG, faisant de la France un précurseur. C'est d'ailleurs à l'occasion de l'apposition du sceau de la République sur la loi inscrivant la liberté de recourir à l'IVG dans la Constitution que le président de la République a annoncé, le 8 mars dernier sa volonté d'inscrire « cette liberté garantie de recourir à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne », réitérant ainsi le souhait émis en janvier 2022 devant les eurodéputés.

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Avis favorable. Cependant, il aurait été important de préciser que l'Assemblée nationale a voté pour la constitutionnalisation de l'IVG pour la première fois dans le cadre de la niche de la France insoumise le 24 novembre 2022 et que le premier vote du Sénat s'est fait à l'initiative du groupe des écologistes, et notamment de Mélanie Vogel, le 1er février 2023.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 10

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Nous souhaiterions préciser que la France est le premier pays au monde à inscrire cette liberté dans sa Constitution. Conformément à sa diplomatie féministe, elle a ainsi envoyé un message de soutien à celles et ceux qui luttent pour la protection des droits des femmes en Europe et à travers le monde.

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Avis favorable. Je vous ferai juste remarquer que nous disons par commodité de langage que nous sommes le premier pays au monde à constitutionnaliser l'IVG mais c'est la Yougoslavie qui a inscrit en premier ce droit dans sa Constitution.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 11

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Nous souhaiterions rappeler que comme indiqué dans le préambule de la Charte des droits fondamentaux, l'Union européenne « se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l'État de droit. Elle place la personne au cœur de son action en instituant la citoyenneté de l'Union et en créant un espace de liberté, de sécurité et de justice ».

Le préambule précise qu'« il est nécessaire, en les rendant plus visibles dans une Charte, de renforcer la protection des droits fondamentaux à la lumière de l'évolution de la société, du progrès social et des développements scientifiques et technologiques. ».

En outre, dénier l'accès des femmes à un avortement sûr et légal a un impact direct sur les autres droits fondamentaux consacrés dans la Charte. Pour rappel, dans l'affaire M.L. c. Pologne, la Cour européenne des droits de l'homme a par exemple conclu à la violation du droit au respect de la vie privée et familiale, consacré par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et à l'article 7 de la Charte.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 12

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En cohérence avec l'exposé des motifs de l'amendement n° 8 qui décrit le recul orchestré des droits sexuels et reproductifs des femmes observés dans le monde, y compris aux États-Unis et dans certains membres de l'Union européenne, cet amendement vise à dénoncer la fragilité de cette liberté et sa réversibilité.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 13

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Le présent amendement vise à réaffirmer l'engagement fondamental de l'Union européenne en faveur de la protection et de la promotion des droits de chaque individu, tant au sein de ses frontières qu'à l'échelle internationale. En effet, l'Union européenne s'est construite sur des valeurs communes, telles que la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit et le respect des droits de l'homme, qui sont consacrées dans les traités et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ces valeurs guident l'action de l'Union européenne et de ses États membres dans tous ses domaines de compétence.

Cependant, il est essentiel de rappeler explicitement cet engagement dans le contexte actuel, marqué par des défis importants en matière de droits humains. L'ajout de l'alinéa proposé après l'alinéa 13 permettra de souligner l'importance que l'Union européenne accorde à la protection et à la promotion des droits de chaque individu, en cohérence avec les valeurs qui fondent son action et son identité.

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Avis défavorable. Nous sommes dans le cadre d'une demande d'engagement de la France pour inscrire le droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Or l'avortement n'est à ce jour pas protégé par l'Union européenne. Dans de nombreux domaines, l'action de l'Union européenne reste insuffisante.

L'amendement est rejeté.

Amendement n° 14

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L'amendement 14 du groupe Renaissance vise à remplacer les termes de droit à l'avortement par la liberté garantie de recourir à une interruption volontaire de grossesse. L'objectif est de mettre en cohérence la formulation utilisée avec celle retenue lors de la révision constitutionnelle du 4 mars dernier et avec la volonté du président de la République exprimée dans son allocution devant les députés européens le 19 janvier 2022. À cette occasion, le président de la République s'est exprimé en tant que président du Conseil de l'Union européenne, ce qui donnait une force européenne à son propos.

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Avis défavorable. D'une part, cela n'aurait aucun sens d'utiliser le terme d'IVG dans une proposition de résolution européenne car ce terme n'existe qu'en France. D'autre part, une fois inscrit dans la Charte de l'Union européenne, chaque pays pourrait formuler ce droit de la manière qu'il souhaite pour le garantir en droit interne.

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Je tenais à rappeler que l'expression « la loi garantit à la femme la liberté d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » relève d'un compromis vers le plus petit dénominateur commun. Aujourd'hui, nous avons la possibilité d'avancer vers la reconnaissance de ce droit. Cet amendement nous ferait régresser collectivement : pour moi ce serait incompréhensible qu'il soit voté.

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En solidarité avec les interventions de mes deux collègues, je souligne qu'il y a une forme d'incohérence dans l'argumentation relative à cet amendement. Nous avons voté tous les amendements précédents parce qu'il y avait une différence d'interprétation selon les États membres : le terme de liberté n'engageait pas juridiquement les États membres à la faire respecter, qu'il s'agisse de l'Italie ou de la Hongrie. À la différence d'une liberté, inscrire un droit a pour conséquence qu'aucun État membre ne peut y déroger. Ne pas l'inscrire sous cette forme-là mettrait en péril l'argumentation que vous avez développée sur les amendements précédents. Nous vous demandons dès lors de retirer cet amendement pour rester en cohérence avec l'argumentation soutenue sur les amendements précédents.

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L'expression « que la loi garantit la liberté à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse » figure déjà, dans l'alinéa 12 de la proposition de résolution européenne que vous soumettez à nos suffrages. Certes, l'expression est évoquée en référence à loi constitutionnelle portée par la France, mais cet objet politique qu'est une résolution européenne votée par la commission des Affaires européennes, voire l'Assemblée nationale, ne peut qu'être en cohérence avec le vote sur la loi constitutionnelle. Nous ne sommes pas des législateurs européens, en train d'écrire l'article qui devra figurer dans la Charte des droits fondamentaux, encore moins des constituants européens. Aussi nous écrivons en tant que représentants de la Nation française avec nos propres mots, dans un exercice relativement cadré, celui d'une proposition de résolution européenne. Aussi est-il normal de retrouver l'esprit et la lettre des termes figurant dans le projet de loi constitutionnelle que nous avons voté récemment. Je tenais à apporter en toute humilité ces précisions à ce débat.

L'amendement est rejeté.

Amendement n° 15

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Cet amendement vise à modifier l'alinéa 15 en cohérence avec la formulation retenue par la révision constitutionnelle.

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Avis défavorable. Pour rappel, la référence à la liberté garantie à la femme qui figure dans notre résolution ne l'est que lorsque nous évoquons le vote constitutionnel de la journée du 4 mars 2024. En revanche, dans l'alinéa 14, il s'agit d'appeler de nos vœux l'inscription du droit à l'avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, pour faire écho justement à un terme européen et non pas strictement franco-français.

L'amendement est rejeté.

Amendement n° 16

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Cet amendement a pour objet d'exhorter les États membres de l'Union européenne à dépénaliser totalement l'avortement et à garantir un accès effectif aux droits et à la santé sexuelle et reproductive des femmes, conformément aux lignes directrices de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour 2022. L'avortement sûr et légal est un élément essentiel des droits humains et de la santé publique. Si ce droit est reconnu dans la majorité des États membres de l'Union européenne, certains le restreignent fortement comme la Pologne ou la Hongrie, ce qui entrave l'accès des femmes à des services d'avortement sûrs et les expose à des risques pour leur santé et leur vie.

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Avis défavorable. Cet amendement affaiblit la portée de la proposition de résolution européenne car il ne s'agit pas uniquement de dépénaliser mais de garantir un accès libre et effectif à l'avortement. Dans l'amendement précédent vous proposiez d'utiliser le terme « « encourager » » au lieu de celui de « demander », ce qui affaiblit également l'objet de la proposition de résolution européenne.

L'amendement est rejeté.

Amendement n° 17

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Cet amendement invite le Gouvernement à poursuivre ses efforts au niveau européen pour encourager les États membres en faveur de l'accès à des soins d'avortement sûrs, légaux et gratuits pour toutes les femmes dans l'Union européenne. L'accès à l'avortement doit être garanti pour les femmes. Il est une condition essentielle pour garantir leur santé, leur autonomie et leur égalité. Pourtant, dans certains États membres de l'Union européenne, l'accès à l'avortement reste limité en raison de restrictions légales, de barrières administratives ou de stigmates sociaux. Le président de la République s'est engagé à promouvoir et à défendre le droit des femmes à disposer de leur corps, tant au niveau national qu'international. Dans ce contexte, il est important que le Gouvernement poursuive ses efforts au niveau européen pour encourager les États membres à garantir l'accès à des soins d'avortement sûrs, légaux et gratuits. Cet amendement vise à réaffirmer l'engagement de la France en faveur des droits des femmes de disposer de leur corps, ainsi qu'à renforcer la coopération et la solidarité entre les États membres de l'Union européenne dans ce domaine.

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Retrait ou à défaut avis défavorable, car cet amendement fait doublon avec l'alinéa 15 qui « demande au Gouvernement de se mobiliser diplomatiquement auprès des États membres afin que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantisse le droit à l'avortement ».

L'amendement est rejeté.

Amendement n° 18

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Le présent amendement a pour objet de demander à l'Union européenne de faire de la défense du droit à l'avortement sûr et légal une priorité essentielle dans les négociations au sein des institutions internationales et dans d'autres forums multilatéraux, tels que le Conseil de l'Europe et les Nations unies. L'accès à l'avortement doit être garanti pour les femmes. Il est une condition préalable à la réalisation de l'égalité des genres et de l'autonomie corporelle. Pourtant, dans de nombreux pays du monde, l'accès à l'avortement reste sévèrement restreint mettant en danger la santé et la vie des femmes. L'Union européenne, en tant qu'acteur majeur de la scène internationale, a un rôle important à jouer dans la promotion et la protection des droits sexuels et reproductifs des femmes, y compris le droit à l'avortement sûr et légal. En faisant de la défense de ce droit une priorité essentielle dans les négociations au sein des institutions internationales et dans d'autres forums multilatéraux, l'Union européenne peut contribuer à renforcer la coopération internationale et à promouvoir des normes communes en matière de droits humains.

Cet amendement vise à réaffirmer l'engagement de l'Union européenne en faveur des droits sexuels et reproductifs des femmes et à encourager une action concertée et cohérente au niveau international pour garantir l'accès à des soins d'avortement sûrs et légaux pour toutes les femmes.

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Avis défavorable. Il faut au préalable que l'Union européenne garantisse en son sein un droit d'accès libre et effectif à l'avortement, ce qui est l'objet de la présente résolution. Cet amendement est très loin de la réalité dans une Union européenne où ce droit n'est pas garanti dans l'ensemble des États membres.

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Pour la bonne tenue de nos débats, je souhaite préciser, que dans l'ensemble des amendements qui nous ont été soumis, il y a une confusion entre liberté et droit. Dans l'exposé des motifs, vous faites référence à un droit, et dans le dispositif à une liberté. Sans aspect polémique de ma part, soit l'on défend une liberté et cela n'engage pas les États membres, soit on préconise un droit qui a une force juridique contraignante.

L'amendement est rejeté.

Amendement n° 20

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Ce premier amendement présenté par notre groupe vise à la mobilisation des pouvoirs publics en France et dans l'Union européenne afin d'assurer l'accès à l'IVG ainsi qu'à la santé et aux droits sexuels et reproductifs des femmes. En effet, les pouvoirs publics doivent accorder une priorité élevée à la protection de la santé et aux droits sexuels et reproductifs des femmes. Les pouvoirs publics doivent également soutenir des politiques actives d'accès effectif à la contraception et garantir l'exercice effectif du droit des femmes à l'accès à un avortement sans risque. L'inscription dans la loi, comme l'a rappelé Mme la rapporteure, ne suffit pas si l'accès à des praticiens, à des centres hospitaliers, par exemple n'est pas assuré et que des disparités régionales perdurent. Cet accès, comme cela a été relevé à de nombreuses reprises, n'est pas garanti dans tous les États membres, ni dans notre pays, raison pour laquelle nous proposons cet amendement.

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Avis favorable. Un accès libre et effectif à la contraception est complémentaire du droit à l'avortement et participe à la libération du corps des femmes.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 21

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Ce deuxième amendement a pour objet de demander des financements européens pour accéder à des centres de santé dédiés. Cet amendement s'inspire de l'initiative européenne « My Voice, my choice », c'est-à-dire, « ma voix, mon choix » qui souligne de manière fort appropriée le manque d'accès à l'avortement dans un certain nombre d'États membres de l'Union européenne.

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Avis très favorable. Pour que le droit à l'avortement soit garanti dans toute l'Union européenne, la Commission européenne doit absolument utiliser toutes ses compétences notamment financières pour favoriser la coordination entre États membres. Je vous invite à soutenir l'initiative européenne « Ma voix, mon choix », qui nécessite un million de signatures pour aboutir.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 22

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Je vous remercie Mme la rapporteure pour votre engagement et votre soutien « très favorable ». Ce troisième amendement demande à la Commission européenne de formuler une recommandation faisant état des meilleures pratiques en matière de cadre juridique et de recours effectif au droit à l'avortement au sein des États membres de l'Union européenne. Le Conseil de l'Union européenne travaille sur les meilleures pratiques : il faut inciter la Commission européenne à en faire autant.

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Avis favorable. Les associations auditionnées dans le cadre de la présentation de ce rapport nous ont rappelé qu'il existait déjà des échanges de bonnes pratiques en matière de droits sexuels et reproductifs, et qu'il fallait les encourager et leur donner une portée plus grande via l'action de la Commission.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 23

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Ce dernier amendement présenté par notre groupe porte sur l'amélioration à apporter à la protection et à la santé des femmes victimes de viols lors des conflits armés. Nous pensons en particulier aux femmes qui trouvent refuge sur les territoires des États membres. Nous comptons sur votre soutien.

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Avis favorable. Les situations de guerre mènent à un recul des droits sexuels et reproductifs, et à une emprise plus affirmée des États sur le corps des femmes. Ces reculs sont intolérables et l'Union européenne doit dans la mesure de ces compétences participer à la protection des victimes de violences sexuelles. La révision de la directive sur les droits des victimes a été présentée par la Commission européenne en juillet 2023. Toutefois, les discussions n'évoluent pas, il est essentiel d'inclure le droit d'accès aux services de santé sexuelle dans les dispositifs de soutien aux victimes de violence sexuelle.

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Le groupe Renaissance soutient évidemment cet amendement. L'utilisation du viol comme arme de guerre doit être impérativement combattue, comme le gouvernement français vient récemment de le faire au sein de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Toutefois, il ne faut pas prendre en compte uniquement les situations de guerre. L'attaque terroriste du 7 octobre dernier, perpétrée par le Hamas, à l'encontre des populations civiles israélienne a également été l'occasion d'une utilisation massive de viols et de mutilations à l'encontre des femmes à une très grande échelle. Un engagement de nous tous et de nous toutes pour le condamner est nécessaire. Les dénoncer en utilisant les mots justes s'avère une première réponse à la douleur.

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Dans tous les conflits et quelle que soit l'époque de l'humanité, le viol a été une arme de guerre. Cette arme a, d'ailleurs, été dénoncée dans de nombreux traités de l'époque moderne mais aussi dans le passé. Je tiens aussi à rappeler devant cette Assemblée, qu'il ne faut pas rater le moment historique que vit notre pays. Affirmer les droits des femmes ne se négocie pas. La France a redoré son blason. Pardonnez-moi de ce tropisme au-delà de l'océan mais, en Amérique du Sud, les associations féministes en faveur du droit des femmes ont été choquées de voir le Président de la République arborer un maillot de l'équipe de « Boca Junior » offert par le Président Milei en sachant qu'il préparait une offensive massive contre le droit des femmes. Nous nous honorons tous, dans cette Assemblée, d'affirmer que ce droit est inaliénable et que nous souhaitons le porter sur notre continent. La France a donc un rôle à jouer, y compris auprès de certains pays faisant obédience à M. Milei ou à travers les propos du Rassemblement National qui s'abstient malheureusement sur cette proposition. Celle-ci aurait dû nous rassembler à travers l'énumération des atteintes auxquelles ce droit fait face, pays par pays, au sein de l'Union. Il ne s'agit pas, pour nous, de donner des leçons à l'échelle mondiale mais de prendre notre entière responsabilité. Peut-être que le message présidentiel devrait incarner cette cohérence que nous portons aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Nous savons que ce vote aura une résonance au-delà de cet hémicycle.

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Mme Le Grip, je vous remercie d'évoquer cet événement organisé par le gouvernement français aux Nations Unies. Plusieurs parlementaires étaient sur place. J'ose donc espérer que vous dénoncez, au même titre que les violences sexuelles et les viols commis par le Hamas lors des attaques du 7 octobre 2023 sur les femmes israéliennes, les violences sexuelles et les viols qui ont été dénoncés dans un rapport de l'ONU sur les femmes palestiniennes. Ces violences ont été commises, notamment par l'armée israélienne du gouvernement d'extrême droite de M. Netanyahou. Je vous pose cette question car il y a souvent un principe de double standard sur ces questions des violences sexuelles. Comme vous l'avez rappelé, le viol est souvent utilisé comme une arme de guerre : il me semble donc essentiel de ne pas avoir des indignations à géométrie variable. Ainsi, il faudrait faire de même avec les femmes en République Démocratique du Congo, les femmes au Yémen et dans beaucoup de conflits. Je le dis d'autant plus que nous avons été assez scandalisés de voir qu'en France, la Ministre des droits des femmes, avait menacé de retirer des subventions aux associations féministes qui auraient été ambiguës sur les violences sexuelles commises par le Hamas. Personne n'est ambiguë et d'ailleurs aucune subvention n'a été retirée. C'est la conclusion du rapport qui en a été fait. Je trouve qu'il ne faut pas instrumentaliser la question des violences sexuelles faites aux femmes en temps de guerre et qu'il faut les combattre, toutes, sans exception. Aucune n'est plus acceptable que d'autres.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 19

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Cet amendement vise à modifier le titre en cohérence avec la formulation retenue par la révision constitutionnelle et avec les autres amendements déposés à ce sujet.

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Avis défavorable. Le terme IVG est un terme français et j'en reviens aux arguments évoqués par mon collègue Rodrigo Arenas sur la question de la « liberté » plutôt que du « droit » à l'avortement.

L'amendement est rejeté.

L'article unique de la proposition de résolution européenne ainsi modifié est adopté

La proposition de résolution européenne est donc adoptée.

II. Évolution des négociations d'adhésion entre les pays des Balkans occidentaux et l'Union : examen du rapport d'information (M. Pierre-Henri DUMONT et Mme Liliana TANGUY, rapporteurs d'information)

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L'autre point de notre ordre du jour est l'examen du rapport d'information sur les négociations d'adhésion avec les pays des Balkans occidentaux.

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Le processus d'adhésion des pays des Balkans a commencé il y a plus de vingt ans, lors du Conseil européen de Santa Maria da Feira en juin 2000. Ces pays sont alors désignés comme candidats potentiels à l'adhésion. Lors du Conseil de Thessalonique, en juin 2003, leur perspective européenne est affirmée et le processus est mis en route. Plus de vingt ans après, les résultats se font attendre. Deux États sont devenus membre : la Slovénie en 2004 et la Croatie en 2013. La Serbie et le Monténégro négocient depuis plus de 10 ans. L'Albanie et la Macédoine du Nord n'ont entamé leur négociation qu'en juillet 2022. Les 21 et 22 mars derniers, le Conseil européen a donné son feu vert pour ouvrir les procédures de négociation avec la Bosnie-Herzégovine. Toutefois, lors de son audition par la Commission, la semaine dernière, le Ministre Jean-Noël Barrot nous a expliqué que la France ne partageait pas entièrement l'analyse positive de la Commission qui avait recommandé l'ouverture des négociations d'adhésion. Notre pays avait veillé à ce que les conclusions du Conseil européen spécifient explicitement que le vote à l'unanimité pour l'ouverture des négociations était conditionné à l'atteinte, par la Bosnie de certains objectifs. Enfin, le Kosovo, reconnu par 22 des 27 États membres de l'Union européenne, n'a pas encore obtenu le statut de candidat.

On ne peut imputer à la seule Union européenne cet étiolement des perspectives d'adhésion. Les pays candidats en sont aussi responsables, par leurs difficultés à atteindre les résultats demandés, par leurs difficultés à maintenir l'État de droit et par leur incapacité à régler leurs litiges bilatéraux. Quoi qu'il en soit du partage des responsabilités, un fait demeure : les difficultés actuelles créent, au sein des opinions de ces pays, un effet de lassitude et de découragement qui nuit au processus. Un fait nouveau est toutefois survenu et pose des questions sur la politique d'élargissement en des termes nouveaux : le conflit ukrainien, qui a conduit à ouvrir, des négociations d'adhésion avec l'Ukraine, ainsi qu'avec la Moldavie. Ainsi, l'élargissement vers ces deux pays européens comme vers les Balkans occidentaux est aujourd'hui considéré comme un impératif par nos dirigeants européens.

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La première partie de ce rapport a consisté à réaliser un état des lieux. Les pays des Balkans représentent un ensemble de 15 millions d'habitants soit moins que les Pays-Bas. Les économies de ces pays représentent environ 136 milliards d'euros, soit moins d'un pour cent du PIB de l'Union européenne. L'économie de cette région est, par ailleurs, fortement intégrée à celle de l'Union européenne puisqu'elle assure près de 70 % de leurs échanges de biens. En outre, l'Union européenne affiche un excédent commercial structurel avec les Balkans de l'ordre de neuf milliards d'euros par an. Il est en revanche regrettable que l'établissement de cette zone de libre-échange ne soit pas accompagné d'un flux plus important d'investissements.

Les objectifs de convergence économique n'ont pas encore été atteints. Les PIB par habitant des pays candidats représentent entre 35 et 50 % du PIB moyen par habitant de l'Union européenne. Il est important de rappeler que certains pays des Balkans occidentaux disposent d'un salaire moyen supérieur à certains de l'Union européenne. Des problèmes structurels existent, comme le développement insuffisant des infrastructures de transports, tandis que l'appareil productif aussi est vieillissant.

Certains de ces pays sont confrontés à une réelle hémorragie démographique. Entre 2012 et 2019, environ 155 000 personnes ont émigré vers un pays de l'OCDE chaque année. Cette fuite des cerveaux est préoccupante car elle limite le développement économique des pays candidats et affaiblit les espoirs de réformes politiques ainsi que le renforcement de l'État de droit. Le constat est clair : les jeunes des pays candidats sont attirés par les démocraties libérales qui leur offrent des perspectives.

Enfin, le rapport attache une importance particulière à l'influence des pays extérieurs dans cette région. La Russie, la Chine et la Turquie cherchent à renforcer leur influence et leur emprise en raison du vide laissé par l'Union européenne. Ce constat est dur et sévère, mais il est essentiel de prendre conscience des réalités régionales.

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Il nous semble donc impératif de revoir le processus d'adhésion afin de lui donner une nouvelle dynamique. Cette révision doit s'effectuer dans le respect des critères de Copenhague afin d'offrir un nouvel élan à l'élargissement. L'Union européenne doit se réformer au préalable afin d'éviter le risque d'engorgement des institutions européennes et de paralysie du processus décisionnel européen. Des sujets inflammables et difficiles à trancher doivent être abordés, comme la taille de la Commission européenne ou le domaine d'application du vote à l'unanimité du Conseil de l'Union européenne. Ces questions dépassent le cadre de ce rapport mais nous estimons indispensables qu'elles soient traitées. L'adhésion de nouveaux États doit être corrélée à une réforme des institutions de l'Union européenne.

Il convient également de réfléchir aux mesures prises en amont, dans le but de limiter le surcoût budgétaire d'un nouvel élargissement. Si les règles restaient inchangées, les six pays des Balkans seraient éligibles à une somme globale estimée à 3,6 milliards d'euros par an. Ces fonds proviendraient, en majorité, de la politique agricole commune et de la politique de cohésion économique et sociale. La mise en place de longues périodes de transition pour la PAC ainsi que le plafonnement des aides de la politique de cohésion sont nécessaires afin d'éviter une redistribution trop brutale des financements européens. Ceci se ferait au détriment des pays bénéficiaires nets.

Afin que ces pays se préparent au choc concurrentiel de l'intégration au sein du marché unique, la relance de l'intégration économique régionale nous semble aussi une nécessité. Nous suggérons également de mieux utiliser la Coopération politique européenne, pour que celle-ci ne soit pas seulement un forum d'échanges mais aussi le cadre de lancement de projets ambitieux dans des domaines comme la sécurité, l'énergie, l'environnement, l'enseignement ou encore les transports.

Enfin, il nous semble indispensable de revoir la méthode du processus d'adhésion. En premier lieu, la logique du mérite nous a conduits à écarter toute perspective d'un élargissement groupé, d'un « big bang », à une grande partie des pays des Balkans. L'acceptation d'un nouveau membre doit rester conditionnée au strict respect, par ce dernier, des critères d'adhésion. Nous recommandons, à ce titre, que l'alignement des pays candidats sur les mesures et les positions adoptées dans le cadre de la PESC constitue un impératif dont le non-respect entraînerait un ralentissement voir une suspension de la procédure d'adhésion. La résolution des contentieux régionaux et la disparition des foyers de tensions nous semblent également une condition indispensable pour éviter que ces conflits soient importés au sein de l'Union européenne. Ainsi, les relations entre Serbie et Kosovo doivent être stabilisées, la Bosnie Herzégovine n'a toujours pas de Constitution, son système politique demeurant régi par l'annexe 4 de l'Accord de Dayton, tandis que son unité reste menacée comme le prouve l'actualité récente. Le contentieux entre la Macédoine du Nord et la Bulgarie doit être résolu par la réforme attendue de la Constitution en Macédoine du Nord.

De même, nous avons écarté l'idée de fixer une date cible pour de nouvelles adhésions. En effet, cela reviendrait à mettre sur le même plan les pays ayant avancé sur le chemin de la démocratie et les réformes, et ceux qui sont en retard. En outre; la fixation d'une date cible serait mal comprise des opinions publiques des États membres qui pourraient craindre un nouvel élargissement à marche forcée et au détriment de l'efficacité des politiques européennes.

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En revanche, nous estimons nécessaire de sortir de la séparation stricte existant actuellement entre la situation du pays candidat auquel sont demandés des efforts considérables en contrepartie d'aides européennes qui, pour importantes soient-elles, ne sont pas toujours à la mesure des efforts demandés, et celle du candidat devenu Etat membre qui se trouve d'un coup autorisé à participer aux institutions européennes et à bénéficier d'aides européennes dont le montant est sans commune mesure avec ce qui lui était précédemment alloué. Nous sommes favorables à un processus d'adhésion graduelle par lequel le pays candidat pourrait, s'il est bien avancé dans le processus d'adhésion, participer à certaines réunions des institutions européennes sans possibilité de prendre part au vote, participer à certaines politiques communes (recherche, énergie et infrastructures de transport, asile et migrations, éducation et culture) et bénéficier selon une quotité à déterminer des aides de la politique de cohésion. Ce dernier point est évidemment essentiel : dès lors que les pays candidats pourraient avoir accès à une part des fonds structurels, l'Union disposerait de moyens accrus pour soutenir la mise en œuvre des réformes et lier cette mise en œuvre à des conditionnalités renforcées.

Nous avons également souhaité ouvrir des pistes pour approfondir la coopération avec les pays des Balkans. Le rapport recommande de s'appuyer sur l'Observatoire sur l'enseignement de l'histoire en Europe, lancé par la France en 2019 dans le cadre du Conseil de l'Europe, pour œuvrer à la réconciliation par l'histoire des peuples de Bosnie-Herzégovine et des autres pays des Balkans occidentaux.

L'élargissement du dispositif du Service civique européen, actuellement expérimenté dans plusieurs États membres, aux jeunes des pays des Balkans occidentaux, est un autre moyen par lequel les peuples peuvent être aidés à imaginer un avenir commun.

La France doit développer son engagement dans la stabilisation des Balkans en renforçant sa coopération administrative, technique et institutionnelle grâce à des instruments tels que le TAIEX ou le Twinning, ainsi qu'en renforçant la présence d'Expertise France et de l'Agence France Développement, et plus généralement en renforçant sa diplomatie d'influence dans la région.

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Pour conclure, nous estimons que l'élargissement de l'Union aux pays des Balkans est une perspective inéluctable. La guerre en Ukraine crée en effet une situation nouvelle en Europe qui interdit à l'Union de rester confinée dans son périmètre actuel. Par ailleurs, il est peu envisageable de ne pas faire adhérer des pays avec lesquels l'Union négocie pour certains, comme la Serbie et le Monténégro, depuis plus de dix ans. En leur fermant la porte, l'Union perdrait sa crédibilité et créerait un risque grave de déstabilisation dans une région située à sa périphérie immédiate.

L'Union européenne et les États membres n'ont pas d'autre choix que de mobiliser tous les instruments dont ils disposent, au niveau multilatéral comme bilatéral, pour accompagner ces pays dans les réformes indispensables à leur future adhésion.

Mais les pays candidats doivent aussi sortir d'une certaine forme d'ambivalence. Il n'y a pas d'alternative pour ces pays que de continuer sur la voie des réformes. Des progrès qu'ils seront capables d'accomplir dépendront l'effectivité, le rythme et la date de leur entrée dans l'Union. Je considère donc que si l'Union doit se préparer à leur adhésion, ce sont d'abord les pays des Balkans occidentaux qui détiennent la clé de leur entrée dans l'Union. Il est dès lors inenvisageable de brader l'élargissement, quelles que soient les évolutions géopolitiques de la région.

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Pour ma part, je considère que l'élargissement de l'Union aux pays des Balkans est nécessaire. Pour consolider l'état de droit dans les pays de la région. Pour leur permettre de poursuivre leur développement économique et social. Pour ouvrir à la jeunesse des perspectives d'avenir nouvelles. Pour favoriser la réconciliation des peuples. Pour stabiliser la région des Balkans occidentaux et satisfaire ainsi à un impératif stratégique de sécurité.

Une Union à 33 ou 35 pays n'aura évidemment pas tout à fait les mêmes contours que notre Union d'aujourd'hui. Et c'est la raison pour laquelle des réformes doivent être en parallèle menées afin de rendre notre Union plus efficace. Mais cet élargissement lui permettra aussi de poursuivre le projet qu'elle s'est aujourd'hui assigné : celui d'être une puissance politique au service d'une Europe souveraine capable de faire face aux menaces extérieures pesant sur sa sécurité.

Cet élargissement ne saurait se dérouler sans l'assentiment des opinions publiques et un accord large des forces politiques. Par ses recommandations visant à accélérer le processus d'adhésion, à ouvrir aux pays candidats des possibilités nouvelles d'accès aux fonds européens tout en soulignant la nécessité d'un respect strict des exigences européennes et d'un élargissement échelonné au mérite, notre rapport a pour ambition de créer les bases d'une approche susceptible de recueillir un assentiment le plus large possible.

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La question de l'élargissement aux Balkans est posée depuis longtemps. Vous formulez quinze recommandations, particulièrement intéressantes et pertinentes. Je voudrais souligner les recommandations 2, 5 et 8, avec le principe d'adhésion graduelle, qui permet de lisser dans le temps l'éligibilité aux subventions européennes.

Il y a un impératif de sécurité et de stabilité pour cette région : il s'agit d'une priorité stratégique de l'Union européenne, qui doit redynamiser le processus d'adhésion. Ce processus doit être rendu à la fois plus attractif et plus exigeant : il faut l'améliorer, rester ferme sur les standards à atteindre, et accompagner les États.

Concernant le plan de croissance de 6 milliards d'euros pour la période 2024-2027, pourriez-vous nous préciser le contenu de ce plan ?

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Après l'échec de la conférence de Rambouillet en 1999, l'OTAN, outrepassant les articles 4 et 5 de la Charte et sans mandat du Conseil de Sécurité de l'ONU, a commencé une campagne de bombardement sur la Serbie, pays souverain. La Serbie a ensuite accepté que le Kosovo soit placé sous le contrôle politique des Nations unies et sous la protection militaire de l'OTAN. Les détails des causes et des responsabilités tragiques de ces évènements ne font pas l'unanimité. Le cadre des négociations d'adhésion des pays des Balkans occidentaux à l'Union européenne n'échappe pas à cette complexité.

Depuis le référendum de 2005, l'Union européenne vit une dérive totalitaire, fédéraliste et ruineuse pour ses membres, menaçant leur souveraineté. Cette dérive se traduit par une volonté féroce d'accueillir de nouveaux pays souverains. Le cas du Kosovo, dont le statut légal et la reconnaissance internationale sont contestés, justifie l'opposition du groupe Rassemblement national à toute adhésion supplémentaire à l'Union européenne.

Il n'est pas impossible que, dans le cadre d'une Union européenne respectueuse de la souveraineté des nations que nous appelons de nos vœux, il soit envisageable de reconsidérer l'adhésion de nouveaux Etats.

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Nous pouvons nous retrouver dans certaines des recommandations du rapport, comme celle d'éviter de fixer toute date cible pour l'adhésion de nouveaux États à l'Union européenne.

La première recommandation, à laquelle je souscris, conditionne toute nouvelle adhésion à une réforme institutionnelle de l'Union. Néanmoins, je suis sceptique sur la proposition que vous reprenez à votre compte du groupe d'experts franco-allemand à propos de l'extension du champ du vote à la majorité qualifiée, notamment en matière de politique étrangère. C'est pour nous inacceptable : la politique étrangère est en effet un domaine relevant de la souveraineté des États et le passage à la majorité qualifiée impliquerait la fin de l'indépendance française.

Ensuite, je déplore le fait que le rapport ne s'intéresse qu'à la dimension institutionnelle des réformes préalables. Il faudrait insister sur le besoin d'une harmonisation fiscale, sociale et écologique, sans quoi nous ne ferons que reproduire les erreurs des précédents élargissements, qui ont notamment conduit à une désindustrialisation massive de l'Union européenne.

Vous recommandez également de faire de la Communauté politique européenne un cadre renforcé de coopération. Je mets en garde sur un risque d'empilement des cadres de coopération entre les États : Union européenne, processus de Berlin, processus de coopération régionale et ainsi de suite.

Vous appelez fort justement à une action diplomatique en faveur du règlement des contentieux territoriaux. Nous gagnerions à ne pas limiter cet appel aux seuls Balkans occidentaux et à appeler à la constitution d'une conférence paneuropéenne sur les frontières.

Votre recommandation visant à faire de l'alignement sur les positions adoptées dans le cadre de la politique européenne de sécurité commune une condition préalable à l'adhésion me semble relever d'un vœu pieux, voire être contreproductive. Avec le poids de l'histoire et l'intervention de l'OTAN, une telle mesure serait de nature à déchirer la Serbie. D'autre part, l'alignement sur la politique étrangère de sécurité commune n'apporte pas de plus-value démocratique.

Enfin, vous appelez à renforcer la diplomatie d'influence de la France. Il faudrait pour cela une constance et une cohérence du discours diplomatique.

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Vous reprenez à votre compte dans ce rapport le principe d'une nouvelle méthode d'élargissement plus progressive et flexible. Plusieurs études ont développé cette idée d'une intégration graduelle aux institutions et aux politiques européennes. Est-ce une position partagée par les autres États membres et quels seraient les domaines concernés ?

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Le processus d'adhésion de nombreux pays est à un stade très avancé, comme l'a démontré l'ouverture des négociations avec la Bosnie-Herzégovine, le 21 mars 2024. Cependant, la criminalité en Albanie et la corruption en Macédoine du Nord et en Bosnie-Herzégovine posent de nombreuses questions quant à leur adhésion à l'Union.

Les élus du Rassemblement national sont les seuls qui se sont opposés avec constance et justesse à l'adhésion de ces États à l'Union, tandis que la majorité présidentielle a voté en faveur de l'ensemble des rapports liés à l'adhésion. Dans votre rapport, vous avez indiqué que cet élargissement, voulu par Bruxelles avec le soutien d'Emmanuel Macron, nécessiterait une réforme conséquente du fonctionnement de l'Union européenne. De plus, l'entrée de nouveaux États dans l'Union entraînerait une dilution de la voix de la France au sein des institutions européennes et une perte de souveraineté pour les États membres.

Vous indiquez également que la stratégie économique de la Chine pourrait augmenter son influence dans les Balkans et pourrait éloigner la région de la sphère d'influence de l'Union. Alors que le ministre des affaires étrangères a récemment effectué un déplacement en Chine pour louer les échanges diplomatiques entre nos deux pays, pourriez-vous nous expliquer les politiques que l'Union européenne met en place pour limiter cette influence et prévenir ces menaces ?

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Le plan de croissance pour les Balkans occidentaux de 6 milliards d'euros est un véritable instrument d'accompagnement de ces pays vers l'adhésion. Ce plan apportera à la région certains avantages liés à l'adhésion avant leur adhésion formelle. L'objet de ce plan est de stimuler la croissance économique et d'améliorer la convergence socio-économique dans la région. Ce plan est indispensable pour permettre à ces États d'atteindre les critères de Copenhague. Le but de ce plan est d'accélérer le processus d'élargissement ainsi que la croissance économique de la région.

Tout d'abord, ce plan a pour objet de favoriser l'intégration économique de la région au sein du marché unique. Le second pilier repose sur l'intégration économique des Balkans occidentaux par un marché commun régional. L'objectif est de normaliser les relations économiques régionales afin de faciliter l'intégration de la région au sein du marché unique. La Commission européenne a voulu ce plan afin d'accélérer les réformes qui doivent être menées par ces pays, notamment en matière d'état de droit, de démocratie, de liberté de la presse, ou encore de protection des droits fondamentaux. Enfin, ce plan permet d'augmenter l'aide financière nécessaire à ces réformes. Chaque pays sera invité à établir un programme de réformes et s'engagera à les mettre en œuvre.

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Les pays des Balkans occidentaux détiennent la clé de leur adhésion à l'Union. Certains pays ne font pas les efforts nécessaires à l'adhésion, mais font seulement semblant de se réformer.

En Serbie, le pouvoir politique ne fait pas les réformes nécessaires et diverge du reste des Balkans. Cela pose un véritable problème, car la Serbie, en tant qu'État le plus peuplé, le plus développé, et le mieux doté en matière d'infrastructure, est le centre de la région. Or, il serait difficile d'intégrer des pays périphériques sans intégrer le pays central.

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Je ne partage pas l'opinion de M. Dumont sur la Serbie. La Serbie a fait de nombreuses réformes économiques et d'importants progrès en matière d'emploi. Certes, la Serbie doit encore faire des efforts sur la restructuration de son administration publique. Mais c'est aussi le cas de nombreux État membres de l'Union comme la France.

La Serbie doit poursuivre ses efforts. En matière de PESC, nous avons en effet des attentes pour une meilleure convergence. Néanmoins, si l'on considère que dénoncer l'agression de l‘Ukraine par la Russie permet d'être en conformité avec la PESC, alors la Serbie est en conformité. D'autre part, la Serbie fournit des armements à l'Ukraine par l'intermédiaire de pays tiers. La Serbie n'est pas asservie à la Russie : elle n'est pas un satellite de la Russie. Elle poursuit simplement des intérêts différents des intérêts européens, notamment en raison de son importante dépendance énergétique à Moscou. Lorsque la Serbie diversifiera son mix énergétique, elle sera beaucoup plus encline à s'émanciper de la Russie.

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Le cas de la Bosnie-Herzégovine est central pour illustrer la nécessité de réformes internes. Il n'est pas souhaitable d'intégrer dans l'Union un État comportant autant de systèmes internes de veto. La fédération de Bosnie est elle-même subdivisée en dix cantons dotés individuellement d'un droit de veto sur tout texte examiné au parlement national. Ce système n'est pas agile et rend toute réforme institutionnelle extrêmement complexe.

Nous n'avons pas précisément évoqué le Kosovo dans notre rapport. Ce pays n'étant pas reconnu par l'intégralité des États membres de l'Union européenne, il semble difficile d'imaginer son adhésion à court ou moyen terme.

Ce rapport ne se positionne pas non plus sur les réformes institutionnelles à mener au sein de l'Union. Simplement, un élargissement compliquerait un processus décisionnel déjà complexe à vingt-sept. La réforme des institutions européennes est ainsi un préalable à toute nouvelle adhésion. Je suis cependant défavorable à une dilution de la voix de France au sein des institutions européennes.

En matière de corruption et de criminalité, un système de vetting visant à surveiller les magistrats a été mis en place en Albanie. Ainsi, 60 % des magistrats albanais ont été exclus de la profession avec une impossibilité de pouvoir exercer à nouveau. Cela donne une idée de l'ampleur de ce qu'est la lutte contre la corruption.

Enfin, le nombre de réadmissions d'étrangers en situation irrégulière via l'Albanie a augmenté ces dernières années. La coopération est ainsi une mesure efficace pour lutter contre l'immigration illégale.

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Je poursuivrai en abordant la question de l'intégration graduelle et celle de l'influence de la Chine mais avant cela, je veux répondre au commentaire de Manuel Bompard sur la Communauté Politique Européenne (CPE). Les pays des Balkans occidentaux étaient initialement sceptiques au sujet de la CPE car ils voyaient en elle une antichambre de l'adhésion. Ces pays ont toutefois progressivement compris que la CPE représentait non pas une menace à leur adhésion mais une opportunité pour la faire avancer. La CPE constitue en effet, pour ces pays, une plateforme de discussion avec des chefs d'État et de gouvernement influents en Europe auprès desquels ils peuvent faire valoir leurs points de vue et discuter de leurs projets.

Vous indiquiez aussi, M. Bompard, qu'il était important, avant toute adhésion, de mener au sein des pays candidats des réformes préalables en matière sociale, fiscale ou encore économique : c'est l'objet de ce plan de croissance et de la CPE qui se veut une incitation aux pays candidats à s'engager dans des projets de coopération structurants (liés à la recherche, à la jeunesse ou aux infrastructures par exemple) pour leur économie et le développement social de leur pays. Le plan de croissance est donc plutôt de nature à tracer un chemin plus sûr vers l'adhésion.

En ce qui concerne l'influence de la Chine, celle-ci s'est surtout développée dans la sphère économique : on a assisté à une captation par ce pays de la dette extérieure d'une partie des pays de la région, notamment le Monténégro. Ces pays ont été attirés par la Chine car cette dernière ne leur impose pas de conditions politiques en contrepartie d'un prêt. Les pays qui ont souscrit des emprunts ont été confrontés à une perte de souveraineté par la voie de l'endettement. Il faut donc rester vigilants sur l'ingérence politique au sein de ces pays et le meilleur moyen de lutter contre celle-ci est de leur offrir une perspective européenne concrète. Des politiques intégrées, des choix politiques partagés et l'unité de l'Union européenne constituent la meilleure façon de faire rempart à ces ingérences.

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La question de l'adhésion des Balkans occidentaux à l'Union européenne constitue un sujet important sur lequel nous travaillons aussi au sein du Conseil de l'Europe. Les Balkans occidentaux doivent être non seulement écoutés mais entendus par l'Union européenne. La place et le rôle du droit dans la construction politique sont essentiels. L'Union européenne doit avoir une vision stratégique de l'intégration de ces États. Les programmes d'investissements communs en faveur des infrastructures (routières fluviales, ferroviaires), qui rassemblent et permettent de désenclaver les territoires, et donc, de faciliter les échanges, doivent être encouragés. Cette région pourrait être un atout pour l'Union et le reste du monde.

La création d'une Union à 30 ou 37 membres, qui ne peut avoir lieu qu'en parallèle d'une évolution de son fonctionnement, doit être considérée comme une hypothèse sérieuse. Le Conseil de l'Europe joue un rôle important dans ce processus, au côté de l'Union européenne : la convergence de l'instance qui porte la démocratie, le Conseil de l'Europe, et de l'Union, qui porte, elle, la prospérité économique, est essentielle pour l'avenir.

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Pour faciliter l'intégration des pays à l'Union européenne, il faut réformer la méthode selon laquelle sont conduites les négociations, méthode déjà actualisée sous l'action de la France, pour la rendre plus efficiente. Nous encourageons, par exemple, une participation accrue des pays candidats aux réunions des différentes institutions européennes pour qu'ils développent une forme de sociabilisation à nos méthodes de travail et à nos standards européens. C'est la raison pour laquelle nous demandons que la Commission européenne expertise les modalités de mise en œuvre d'un tel processus d'adhésion par étapes.

Je tiens aussi à souligner qu'il existe un groupe de sept pays, appelé groupe des amis des Balkans occidentaux, comprenant l'Autriche, la Croatie, l'Italie, la Slovénie, la Slovaquie, la République Tchèque et la Grèce, qui préconise aussi cette méthode graduelle d'adhésion à l'Europe.

Enfin, je veux conclure sur le fait que l'élargissement de l'Union européenne aux pays des Balkans est une perspective inéluctable. La question n'est plus : « Devons-nous intégrer ces pays ? » mais : « Quand et comment le fait-on ? ». Il suffit de regarder une carte pour le comprendre : par leur géographie et en raison de l'Histoire, ces pays sont au centre du continent européen. Il est évident que cette zone doit entrer dans la famille européenne. Cela constituerait un gage de sécurité et de stabilité pour l'Europe. Nous devons opter pour une stratégie d'accompagnement exigeante, par laquelle nous rappellerions notre attachement aux critères de Copenhague et à l'alignement sur la PESC.

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Mme Karamanli, vous rappelez l'importance du soutien aux projets d'infrastructures. Cet enjeu soulève aussi la question de la place de la Chine dans la région. C'est le vide laissé par l'Union qui a permis à d'autres puissances d'y prospérer. La Serbie est, par exemple, sous l'influence énergétique de la Russie, à la fois pour des raisons historiques et parce que l'Union n'a pas su créer de partenariat privilégié dans ce domaine avec ce pays. Nous devons veiller à toujours accompagner ces pays au plus près de leurs besoins : les responsables locaux de l'Agence française de développement avaient identifié des besoins en Serbie sur la question de l'approvisionnement en eau par exemple. Pour autant, les projets d'accompagnement français se sont concentrés sur le développement de pistes cyclables.

Il faut aussi penser à la place de la France au sein du Conseil : si l'Union européenne accueille de nouveaux membres, alors se posera la question de l'influence de la France au sein de celui-ci, d'autant plus que la France accuse un certain retard auprès de ces pays, en termes d'influence, par rapport à d'autres États membres. En Bosnie, la représentation permanente de l'Union européenne se situe par exemple dans les locaux de l'ambassade d'Allemagne. Cela fait vingt à trente ans que l'Allemagne ou l'Autriche investissent massivement dans ces pays. Demain, en cas d'adhésion de ces pays à l'Union européenne, lors d'un vote à la majorité qualifiée au Conseil pour lequel la France et l'Allemagne pourraient avoir des vues opposées, ces États pourraient être enclins à soutenir notre voisin plutôt que nous.

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Je vous remercie pour ce travail très riche et approfondi qui concourt à la réflexion de la commission sur ce sujet important.

La Commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport en vue de sa publication.

La séance est levée à 17 heures 40.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Rodrigo Arenas, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Manuel Bompard, Mme Émilie Chandler, M. André Chassaigne, Mme Annick Cousin, M. Sébastien Delogu, M. Fabien Di Filippo, M. Pierre-Henri Dumont, M. Thibaut François, Mme Marietta Karamanli, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Constance Le Grip, Mme Joëlle Mélin, Mme Yaël Menache, Mme Lysiane Métayer, Mme Danièle Obono, Mme Nathalie Oziol, Mme Mathilde Panot, Mme Sandra Regol, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Liliana Tanguy

Excusé. – M. Charles Sitzenstuhl