Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie

Réunion du mercredi 24 avril 2024 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion commence à neuf heures trente cinq.

La commission spéciale auditionne Mmes Sarah Dauchy, présidente et Giovanna Marsico, directrice du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.

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Nous commençons nos travaux de ce matin avec l'audition des représentantes du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, auxquelles je souhaite la bienvenue devant la commission spéciale.

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Sarah Dauchy, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

Nous sommes particulièrement heureuses d'être associées au processus démocratique et d'exercer ainsi notre fonction d'information. Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie a été créé en 2016, dans le contexte de la loi Claeys-Leonetti, afin d'informer les Français et de faciliter leur appropriation des dispositifs de fin de vie. Il a pour mission essentielle de contribuer à la bonne connaissance du grand public à propos des soins palliatifs et des conditions de la fin de vie et, plus précisément, des directives anticipées, des personnes de confiance, de la démarche palliative et des soins d'accompagnement. Ces missions d'information et d'appropriation sont nécessaires puisque seul un Français sur sept est correctement informé sur la fin de vie. Le Centre diffuse des ressources statistiques, épidémiologiques et documentaires. Il remplit un rôle d'observatoire et de production d'expertise indépendante étayée par des données scientifiques. Il est enfin un pôle de référence national, neutre et non militant, qui appuie l'intégration des soins palliatifs dans les parcours de santé et de la fin de vie dans les parcours de vie.

Le Centre est piloté par sa présidente et par une commission d'expertise, qui garantit sa capacité à prendre en compte la pluralité des convictions et des positionnements. Elle est composée de sept représentants d'associations d'usagers, d'aidants ou de bénévoles, de douze membres issus de sociétés savantes et de cinq personnes venant de structures transversales.

Notre premier point d'attention concerne l'égalité d'accès et le respect de l'autonomie, et plus particulièrement la traçabilité de l'ensemble du processus. La traçabilité des données sur l'aide active à mourir vise à répondre, par la suite, à des questions de recherche.

Ce projet permettra de garantir que tous les éléments d'information et de choix ont bien été donnés afin que le cheminement psychique puisse s'effectuer et tous les moyens d'y répondre être mobilisés. Il comporte une part d'anticipation et une part de soin. Il devra recevoir un code clair et identifiable dans la nomenclature. Nous rencontrons d'importantes lacunes en matière d'anticipation et de ressources, qui entraînent du retard dans les parcours de santé des patients.

Le dispositif nécessitera un haut niveau de formation à toutes les étapes pour répondre à la demande d'aide à mourir et accompagner psychologiquement le patient comme ses proches. La montée en puissance de la dimension universitaire de la formation en soins palliatifs est fondamentale pour augmenter le volume de nos données de recherche, ainsi que pour l'acquisition de compétences particulières telles que la capacité à parler de la mort, à l'anticiper et à mobiliser les ressources disponibles.

Je souhaite enfin aborder le sujet des soins psychiques, qui font partie du soutien à l'autonomie des patients dans cette période d'immense vulnérabilité qu'est la fin de vie. De 20 % à 50 % des patients présentent des pathologies psychiatriques associées. Cette question de la vulnérabilité, qui peut faire naître la peur d'une limitation de l'autonomie des patients ou d'une critique de leurs capacités de discernement, doit être prise en considération. Elle colore l'évaluation de leur situation par des facteurs émotionnels, cognitifs ou relationnels, pour s'assurer que le patient demande ce qu'il souhaite réellement. Le travail du réseau français de psychiatrie de liaison a ainsi abouti à la proposition de systématiser l'entretien avec un psychologue ou un psychiatre dans l'analyse de la demande d'aide à mourir, afin d'accorder plus d'autonomie aux personnes.

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Giovanna Marsico, directrice du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

Avec dix salariés, le Centre national est une petite structure qui a néanmoins acquis une forte légitimité dans ses missions d'information, de production d'expertise et d'accompagnement du débat public. Dans la mesure où 59 % des Français ne se sentent pas concernés ou intéressés par les enjeux de fin de vie, nous rencontrons des difficultés dans cette fonction d'information. Elle devient en revanche essentielle pour les personnes vulnérables et pour les proches qui accompagnent une situation de fin de vie. Afin de répondre à cet enjeu, le Centre produit des documents largement diffusés dans les établissements de santé et utilisés dans des contextes propres à la fin de vie. En revanche, le sujet est peu présent dans des milieux tels que l'éducation nationale, la jeunesse ou les territoires. Il est fondamental, afin que l'intérêt et la compétence du public augmentent, qu'il soit abordé comme un enjeu de débat citoyen et non réservé aux seules personnes concernées.

Au titre de sa mission d'expertise, le Centre produit des ouvrages destinés à la fois aux décideurs et à la société civile. Le premier est l' Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France, qui recense et analyse les enjeux démographiques et épidémiologiques. Il a été l'un des piliers des discussions de la Convention citoyenne et des groupes de travail diligentés par le ministère. Le Centre procède également au parangonnage des législations liées à la fin de vie. Il mène, enfin, des enquêtes thématiques qui aident à adapter les politiques publiques aux besoins réels.

La troisième grande mission du Centre est l'accompagnement du débat public. À ce titre, nous avons participé au comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Nous avons notamment élaboré à destination de ses membres un document de formation pour une parfaite compréhension des enjeux, qui a permis à chacun d'exprimer un avis éclairé. Nous avons également accompagné le ministère de la santé dans l'animation des groupes de travail mixtes dont les travaux ont alimenté la production de la stratégie décennale et l'élaboration du projet de loi.

En matière de démocratie en santé, la fin de vie diffère des autres domaines. Le sujet n'est pas uniquement clinique ou médical. Il implique également un enjeu de citoyenneté. Les patients doivent être écoutés et entendus dans l'expression de leur expérience.

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À l'issue de votre travail d'étude des législations étrangères, avez-vous observé, dans les pays qui ont légiféré sur l'aide à mourir, une baisse consécutive des moyens et du nombre de lits en soins palliatifs ?

Concernant le sujet de la traçabilité, il est possible d'observer, malgré l'absence de codification, un très faible recours à la sédation profonde et continue. Comment l'expliquez-vous ?

Vous avez insisté sur deux notions essentielles, l'égalité d'accès et la liberté de choix. Quelle approche avez-vous des conditions d'éligibilité et d'accès à l'aide à mourir telles qu'elles figurent à l'article 6 du projet de loi ? Formulez-vous des remarques ou des propositions ?

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La notion de psychiatrie de liaison concerne directement l'élaboration du plan personnel de soins d'accompagnement et détermine le libre choix du patient. Une évaluation serait rendue au patient lui-même grâce à un entretien dont la conduite nécessite une formation, du temps et une maîtrise. Nous devons en avoir conscience au moment de l'élaboration de ce projet de loi.

Une anonymisation des directives anticipées pour un traitement scientifique de recherche paraît-elle imaginable ? Comment concevez-vous l'articulation de vos missions avec la plateforme nationale de recherche ? Avez-vous des idées pour garantir l'aspect rationnel de l'approche et éventuellement les conditions, pour l'avenir, d'un libre choix de l'aide à mourir ?

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Ma question concerne l'alinéa 5 de l'article 6 relatif aux conditions d'accès à l'aide à mourir qui exige d'être « apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Existe-t-il, en France ou à l'étranger, des référentiels ou des bonnes pratiques pour l'application de ce critère de façon égalitaire et juste ?

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À propos de l'évaluation psychiatrique, êtes-vous d'accord pour considérer qu'il ne s'agit pas de détecter une pathologie mais la non-altération du discernement, et que cette évaluation devra recueillir l'accord du patient ?

Disposez-vous d'un comparatif des législations étrangères sur les questions de la personne volontaire appelée à administrer la substance létale et de la procédure collégiale décrite à l'article 8 ?

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Le sujet de la société, et notamment de l'éducation des enfants, est très peu évoqué. Dans la mesure où des décès d'enfants peuvent malheureusement survenir, quelles avancées pourraient être envisagées pour aider l'éducation nationale ? Comment ce texte pourrait-il contribuer à l'évolution des mentalités et de la façon d'évoquer la mort dans notre pays ?

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Sarah Dauchy, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

Concernant la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès, les enjeux de formation et d'anticipation sont essentiels. Il est nécessaire de définir en amont les souhaits et la demande du patient sans attendre l'aggravation des symptômes.

À propos du discernement, du libre choix et de l'autonomie, les points fondamentaux sont la formation de l'intervenant et la durée du processus de choix. Il est nécessaire de construire un dispositif assez souple pour s'adapter au cheminement. Il doit être réactif et ouvrir l'accès à un espace de réflexion afin que le patient exprime une volonté qui corresponde à son souhait et ne soit pas uniquement une réaction à une situation de crise. Cela rejoint l'idée d'une proposition d'entretien avec un psychologue ou un psychiatre, qui enrichit la réflexion en mobilisant le plus de compétence possible.

En ce qui concerne l'anonymisation des directives anticipées à des fins de recherche, le processus en cours est une formidable occasion d'accroître la connaissance. Les pays qui ont tenté de légiférer se sont tous heurtés au manque de données, notamment sur l'évolution du choix des patients. La production de données standardisées directement utilisables pour la recherche est une excellente piste.

Il existe une évidente complémentarité entre la plateforme et le Centre national. L'objectif d'informer au mieux les citoyens nécessite des données fiables produites par ls chercheurs. S'il est possible que le processus que nous construisons actuellement produise des données en routine, cela représentera un gain de temps et de qualité.

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Giovanna Marsico, directrice du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

Un rapprochement avec la plateforme de recherche pourrait effectivement être fructueux. Une attention particulière devra être portée au système d'information pour permettre la traçabilité et faciliter l'identification des données tout en assurant un lien fort avec la recherche internationale, où existent depuis longtemps des réflexions sur l'aide à mourir, l'organisation de l'accompagnement palliatif et l'anticipation.

Le sujet de la sédation profonde et continue témoigne d'un déficit flagrant de formation sur les pratiques. Dans la prise en compte de la volonté et des besoins du patient, le professionnel de santé doit savoir distinguer entre ses valeurs et sa culture, d'une part, et l'avis du patient, d'autre part. Ils peuvent être différents. Il existe donc un enjeu de formation, à la fois technique et liée aux référentiels. La sédation profonde et continue reste présente dans les pays qui ont dépénalisé l'aide à mourir.

Aucun pays n'a réduit l'investissement sur les soins palliatifs en présence d'une aide à mourir. On observe à l'inverse que l'entrée en vigueur d'une législation sur l'aide à mourir a souvent été accompagnée d'importants plans d'investissement sur les soins palliatifs.

Sur la volonté libre et éclairée, la loi française, qui place l'autonomie du patient et le respect de sa dignité au premier plan, admet depuis vingt ans que le patient refuse des soins et, par conséquent, précipite la fin de sa vie. Ce refus de soins n'implique pas d'examen de la volonté libre et éclairée du patient. Il faut capitaliser sur les expériences françaises et étrangères de situations sensibles dans lesquelles les patients sont apparus aptes et capables d'exprimer leur choix, avec l'appui de leurs proches. Les personnes malades souhaitent en effet davantage discuter de leurs options avec des proches qu'avec un professionnel de santé.

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Existe-t-il un référentiel scientifique pour objectiver cette approche inscrite dans la loi ?

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Sarah Dauchy, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

La question n'est pas tant d'évaluer le discernement que de soutenir l'autonomie. Il n'existe aucun pays dans lequel les psychiatres disposent d'un droit de veto, même en cas de doute sur le discernement. Nous ne devons en aucun cas prendre cette direction. Si des référentiels de bonnes pratiques existent, aucun algorithme ne remplacera jamais l'ouverture d'un espace de pensée. L'idée d'un arbre décisionnel vérifiant la volonté libre et éclairée du patient me semble à la fois peu pertinente et techniquement complexe. Les critères de non-discernement existent mais ils concernent un champ différent.

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Giovanna Marsico, directrice du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

Il existe une plateforme qui permet aux professionnels de santé et aux proches d'acquérir des compétences pour aider les mineurs face à des situations de fin de vie. Mais il faut aller plus loin, notamment à travers la formation des enseignants ou en imaginant la création d'une journée nationale de la fin de vie dans les écoles.

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Ma première question concerne la formation continue à la douleur pour mieux accompagner les patients en fin de vie. La deuxième porte sur les possibilités d'accueil dans les unités et la réalité du terrain. La troisième regarde votre avis sur les directives anticipées et sur le fait de ne pas pouvoir les réitérer en cas de perte de discernement.

Sur le discernement justement, il me semble nécessaire de distinguer volonté de recevoir une aide à mourir et réalisation de l'acte proprement dit. Je me questionne enfin sur l'accès des équipes mobiles aux maisons d'accompagnement.

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Dans le rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie, il est indiqué que « l'accès aux soins palliatifs est encore perfectible en France ». Si le Gouvernement souhaite que, d'ici 2025, tous les départements disposent d'une unité de soins palliatifs, l'offre reste profondément inégale selon les territoires. L'ambition gouvernementale vous semble-telle crédible et confirmez-vous l'essoufflement du développement des unités de soins palliatifs ?

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La sédation profonde et continue fait-elle partie des actions d'aide à mourir ?

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La Cour des comptes estime que les besoins en soins palliatifs ne seraient couverts qu'à hauteur de 50 %. En 2023, une proposition de loi de programmation pour le développement des soins palliatifs sur l'ensemble du territoire a été déposée. Avez-vous insisté, lors de vos échanges avec le Gouvernement, sur l'importance de cette notion dans cette loi ?

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Avez-vous pu, en dépit de l'absence d'évaluation statistique de la loi Claeys-Leonetti, agréger des chiffres sur la pratique de la sédation longue et continue en France ? Quel est votre point de vue sur l'articulation entre le projet personnalisé et les directives anticipées dans le texte présenté ? L'avis issu d'un entretien systématique avec un psychiatre ou un psychologue pourrait-il être un élément important dans la décision collégiale d'aide active à mourir ?

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Le médecin peut recueillir la demande du patient sans recourir systématiquement à une expertise psychologique. Estimez-vous pertinent qu'un professionnel de santé puisse, en cas de doute, solliciter cet avis, et qu'il soit possible de considérer qu'il est habilité à établir seul le discernement éclairé ?

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Les professionnels de santé sont régulièrement confrontés à la question du discernement sans recourir à un psychiatre. En revanche, un accompagnement psychologique me semble indispensable pour toute personne en fin de vie. Ma crainte, derrière cette proposition, est celle d'une psychiatrisation de la volonté d'en finir. Comment éviter cela ?

Il semble que l'acceptabilité de l'aide active à mourir soit supérieure en cas de fin de vie après une longue maladie ou à un âge avancé. Mais que se passe-t-il lorsque la personne est jeune ? Avez-vous constaté des différences dans l'approche en soins palliatifs ou dans l'attitude des soignants en fonction de l'âge des personnes concernées ?

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Quelle est la différence entre le dispositif actuel de sédation profonde et continue qui permet au patient de partir en 12 heures environ grâce à l'administration de doses croissantes de morphine, et le dispositif du projet de loi qui, par l'administration d'une substance létale à action rapide, évite la morphine et donc une expérience difficile pour le patient ?

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Selon les définitions communément admises, l'euthanasie est un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d'une personne atteinte d'une maladie grave et incurable à sa demande afin de faire cesser une situation jugée insupportable. Pourquoi déguiser, derrière l'expression « aide à mourir », ce qui relève explicitement de l'euthanasie et du suicide assisté ?

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Dans la mesure où 30 à 40 % des patients en fin de vie souffrent de symptômes dépressifs, solliciter l'avis d'un psychiatre semble normal. Pouvez-vous commenter ce chiffre ?

Concernant la spécialité de médecine de soins palliatifs, pour laquelle cent postes de chefs de clinique doivent s'ouvrir dans les dix prochaines années, ne pensez-vous pas qu'il soit souhaitable d'exercer, avant de devenir médecin palliatologue, une spécialité différente ?

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Davantage que par les enjeux de fin de vie, les Français sont préoccupés par les questions d'accès aux soins et de déserts médicaux. Pensez-vous possible d'assurer aux patients qui rédigent des directives anticipées qu'elles seront exécutées et respectées ?

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L'ouverture de quatre-vingts à cent maisons d'accompagnement annoncée par le Gouvernement soulève la problématique du recrutement dans des secteurs déjà en difficulté. Estimez-vous techniquement possible, et dans quel délai, de mettre en place ce dispositif au regard des besoins de formation complémentaire ?

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Giovanna Marsico, directrice du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

Le Gouvernement a décidé de mettre la lumière, non plus simplement sur les soins palliatifs, mais sur les soins d'accompagnement qui prévoient une prise en charge précoce du patient dès le début de son parcours. La littérature scientifique démontre les bienfaits d'une prise en charge précoce, bien avant la phase palliative qui concerne aujourd'hui les deux dernières semaines de vie. Un plan personnalisé permettra d'évaluer systématiquement la volonté du patient et d'adapter la prise en charge à ses besoins.

L'absence d'unité de soins palliatifs dans vingt départements ne signifie pas l'absence totale d'offre palliative. Elle existe autrement avec des lits identifiés, des équipes mobiles et les compétences des professionnels de terrain.

La stratégie décennale suscitera une importante montée en compétences des professionnels concernés par l'accompagnement de la fin de vie. Elle investit non seulement sur la dimension universitaire de la médecine palliative, mais également sur la formation continue des personnels. Elle fera le lien avec les maisons d'accompagnement, qui représenteront le chaînon aujourd'hui manquant entre une unité de soins palliatifs, un lit équipé pour les soins palliatifs et le domicile. Ces maisons d'accompagnement sont destinées à des personnes qui, si elles ne nécessitent pas une prise en charge technique, ont besoin d'un lieu d'accompagnement. J'espère que le nombre de maisons d'accompagnement pourra croitre à la lumière des évaluations. Le coût des lits en unité de soins palliatifs étant supérieur à ceux des maisons d'accompagnement, ils devront être réservés aux cas particulièrement délicats.

Le rapport de la Convention citoyenne n'a pas été rédigé par le comité de gouvernance dont nous faisions partie, mais par les citoyens que nous assistions simplement dans leur réflexion. Les besoins d'accompagnement palliatifs sont aujourd'hui difficiles à définir, mais 50 % des personnes ne disposent pas du nécessaire. La stratégie décennale intervient pour répondre à ce besoin.

Quant à l'attitude vis-à-vis de l'âge, j'estime naturel que le parcours de fin de vie d'une personne jeune suscite davantage d'émotion, d'attention et d'implication de la part des professionnels de santé. Ils accompagnent toutes les personnes lorsque le pronostic l'impose, quel que soit leur âge. La même attention leur est portée, qu'elles soient jeunes ou âgées, dans l'évaluation de l'éligibilité et de la capacité de discernement.

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Sarah Dauchy, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie

La notion de soins d'accompagnement implique que les soins palliatifs ne soient pas uniquement ceux délivrés par des équipes spécifiquement formées. Il convient toutefois de conserver la racine de cet acte, qui est la capacité à anticiper le décès et à traiter correctement les symptômes. Le soin d'accompagnement est intéressant car il s'agit d'un soin palliatif effectué dans les situations les plus simples par des intervenants qui ne sont pas spécialisées. Il s'agit d'embarquer davantage d'acteurs de santé dans cette prise en charge qui prépare à une fin de vie proche des souhaits des patients dans le respect de sa dignité. L'enjeu d'une formation correcte est donc essentiel.

Sur le sujet des déserts médicaux et de l'accessibilité, la possibilité d'impliquer des non-professionnels de santé est une première solution. La valeur ajoutée attribuée aux soins palliatifs et à la fin de vie pourra susciter des vocations parmi les professionnels. La spécialité en soins palliatifs permettra aux jeunes médecins de s'orienter vers cette spécialité académique et aux personnels paramédicaux de voir leurs avis pris en compte dans la procédure collégiale. Par une réelle dynamique de développement et de reconnaissance, cela devrait améliorer la situation liée à la démographie médicale.

Nous ne disposons pas, sur la question de la sédation profonde et continue, de données extrapolables autorisant des généralisations. La loi à venir devra être construite en recueillant d'emblée des données pour, à l'avenir, éviter cette situation. L'augmentation progressive des doses, dans la logique de calmer les symptômes, s'appelle une sédation proportionnée et la loi accepte, avec le double effet, une augmentation qui entraîne le décès du patient. Dans le cas de la sédation profonde et continue, qui fait davantage appel à des tranquillisants qu'à des antalgiques, l'idée n'est pas d'augmenter les doses jusqu'au décès mais d'obtenir un patient qui ne soit plus vigile dans l'attente de la mort. Si les études démontrent que la sédation profonde et continue n'accélère pas le décès, la durée de vie est raccourcie lorsqu'elle est accompagnée d'un arrêt des traitements de suppléance vitale.

Sur les notions de risque de psychiatrisation et de droit au refus de soins, la proposition de rencontre avec un spécialiste ne concerne pas la question du discernement. Elle pare aux risques de troubles dépressifs et de suicides liés aux pathologies mentales chroniques. Un patient psychiatrique atteint d'une maladie somatique a moins de chance que les autres de s'en sortir, en partie à cause des refus de soins. Il s'agit de reconnaître que, dans ce processus de décision lié aux soins, plusieurs facteurs modifiant le discernement peuvent entrer en compte, sur le plan cognitif comme volitif. L'accès à une évaluation psychologique représente la possibilité d'une meilleure égalité des soins, et finalement d'une plus grande autonomie du patient. La position du groupe de travail est donc de créer une simple proposition et d'effectuer le rendu au patient lui-même, indépendamment de la question de sa prise en compte au sein d'une étude collégiale.

La réunion s'achève à onze heures.

Présences en réunion

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bentz, Mme Chantal Bouloux, M. Hadrien Clouet, Mme Laurence Cristol, Mme Christine Decodts, M. Stéphane Delautrette, M. Jocelyn Dessigny, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. François Gernigon, M. Jérôme Guedj, Mme Marine Hamelet, M. Philippe Juvin, M. Gilles Le Gendre, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso, Mme Marie-France Lorho, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Didier Martin, M. Laurent Panifous, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pires Beaune, Mme Lisette Pollet, M. Jean-Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Cécile Rilhac, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. Philippe Vigier

Excusée. – Mme Lise Magnier

Assistaient également à la réunion. – Mme Claire Colomb-Pitollat, M. Pierre Cordier, Mme Maud Gatel, M. Pascal Lecamp, Mme Sandrine Rousseau