La réunion

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La réunion commence à seize heures.

La commission spéciale examine le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie.

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Après l'audition de la ministre Catherine Vautrin et la discussion générale, suivies de près de trente-cinq heures d'auditions, nous entamons l'examen des articles du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie.

Avant de commencer, il me revient de faire le point sur les près de deux mille amendements déposés. Trente-cinq ont été retirés par leurs auteurs. Quatorze ont été déposés en double. Douze se sont révélés inopérants car ils adressaient au Gouvernement des injonctions prohibées par l'article 20 de la Constitution, ou intervenaient hors du domaine législatif ce qui les faisait tomber dans l'irrecevabilité que prévoit l'article 41 de la Constitution.

S'agissant de l'application de l'article 40 de la Constitution, j'ai intégralement suivi les avis du président de la commission des finances, qui a considéré irrecevables cinquante-trois amendements au titre Ier du projet de loi.

Par ailleurs, l'article 45 de la Constitution me commandait de vérifier l'existence d'un lien, même indirect, entre les amendements et le projet de loi, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je me suis efforcée de respecter au maximum l'initiative parlementaire.

Il m'a semblé que les amendements relatifs à la formation aux soins d'accompagnement ou palliatifs, à la publication de données et d'indicateurs relatifs à ces soins, à leur gouvernance et à leur financement présentaient un lien avec le texte, à la différence des amendements relatifs à des soins, activités ou professionnels dont le dispositif ne prévoyait aucun rattachement explicite aux soins d'accompagnement, comme l'activité physique adaptée, les prestataires de santé à domicile ou les aides-soignants travaillant au sein de cabinets d'infirmiers libéraux.

Dans la même logique, les amendements prévoyant l'intégration des soins d'accompagnement ou palliatifs dans d'autres types de structures que ce qui est prévu par le texte et ceux visant à développer d'autres structures liées à la fin de vie m'ont paru recevables. Il en va de même des amendements concernant les bénévoles, qui participent à ces soins dans le territoire. En revanche, j'ai considéré qu'il n'était pas possible de créer un chapitre dédié aux proches aidants dans le code de l'action sociale et des familles.

Les amendements portant sur les directives anticipées, la personne de confiance, l'expression de la volonté des malades, notamment en cas d'arrêt de traitement, et la sédation profonde et continue m'ont paru avoir un lien avec l'article 4 et plus globalement le titre Ier.

Il m'a semblé que des amendements créant des consultations d'éthique clinique relatives à l'aide à mourir avaient un lien avec le texte. De même, les amendements élargissant les missions de la commission de contrôle et d'évaluation des procédures d'aide à mourir, ou créant d'autres instances d'évaluation de l'aide à mourir ou de la fin de vie, m'ont paru recevables.

Enfin, comme les articles 17 et 18 portent sur le contrôle et l'évaluation, j'ai estimé que les dispositions et sanctions pénales attachées à la fin de vie et à la mise en œuvre de l'aide à mourir avaient un lien avec le projet de loi.

Je ne doute pas que nos débats se hisseront à la hauteur de l'enjeu. Quand nous le voulons, nous savons montrer à nos concitoyens que, sur des sujets difficiles, nous savons faire preuve d'écoute et de respect. Nous disposons du temps nécessaire, soit environ cinquante heures jusqu'à vendredi soir, pour un travail de fond en toute sérénité.

Après la présentation des amendements, le rapporteur concerné donnera son avis puis, s'ils le souhaitent, le rapporteur général et la ministre. Les députés auront ensuite la parole en réponse.

Enfin, je rappelle que l'examen du texte en séance publique débutera le lundi 27 mai à seize heures. Le délai de dépôt des amendements est fixé au jeudi 23 mai à dix-sept heures ; la commission spéciale se réunira un peu avant la séance publique au titre de l'article 88 du Règlement de l'Assemblée nationale.

TITRE IER

RENFORCER LES SOINS D'ACCOMPAGNEMENT ET LES DROITS DES MALADES

Avant l'article 1er

Amendements CS1955 de M. Didier Martin, CS1362 de M. Pierre Dharrréville et CS1360 de Mme Emeline K/Bidi (discussion commune)

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Certaines personnes ont fait part de leur inquiétude quant au caractère incomplet ou imprécis du titre Ier. J'appelle votre attention sur la stratégie décennale des soins d'accompagnement publiée par le Gouvernement en complément du projet de loi, dont Mme la ministre pourra parler plus avant.

Certains amendements se font l'écho d'inquiétudes et de doutes liés à la notion de soins d'accompagnement. Je partage l'attachement de leurs auteurs à celle de soins palliatifs, connue de tous et dont le Conseil d'État a souligné l'intérêt. Néanmoins, cette notion recouvre une approche très médicalisée et centrée sur l'hôpital, qui exclut une prise en charge plus adaptée et globale des patients en fin de vie.

En créant la notion de soins d'accompagnement, l'intitulé du titre Ier procède à un changement de paradigme destiné à dépasser le strict cadre médical. Les soins d'accompagnement couvrent d'autres soins que palliatifs. Ils obéissent à une approche globale et holistique définie au plus près des besoins des personnes, celles-ci n'étant pas réduites à leur maladie. Il me semble nécessaire de retenir cette notion préconisée par le rapport du professeur Franck Chauvin.

L'intitulé actuel du titre Ier recouvre les soins d'accompagnement et les droits des malades. Je souhaite y introduire les soins palliatifs afin de rappeler que le changement de paradigme auquel le texte procède ne vise pas à les remplacer par les soins d'accompagnement, mais à renforcer ces deux pôles. Je demande aux auteurs des deux autres amendements de la discussion commune de les retirer au profit du mien.

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Au lieu de « renforcer » les droits des malades, il convient de les « garantir » afin d'assurer leur meilleure protection. Nous souhaitons remplacer dans le titre les soins d'accompagnement par les soins palliatifs. Le projet de loi doit avoir pour ambition d'assurer les droits des malades et l'accès de tous aux soins palliatifs. La création des soins d'accompagnement renvoie à une définition des soins palliatifs que nous devrions consacrer, comme l'a notamment fait l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et dont nous devrions surtout déployer le contenu sur l'ensemble du territoire.

Monsieur le rapporteur, je pense pour ma part que les soins palliatifs permettent une prise en charge globale du patient. Nous devons nous garder d'introduire de la confusion. Nous connaissons les soins palliatifs, dont la définition n'est pas propre à notre pays. Vous souhaitez d'ailleurs les réintroduire dans l'intitulé du titre Ier, mais en créant une dualité étrange avec les soins d'accompagnement. Nous voulons donner des moyens aux soins palliatifs et les valoriser, à rebours de l'orientation des dernières années.

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Dans la même ligne, je souhaite aborder dès maintenant la question des moyens pour garantir l'accès aux soins palliatifs et d'accompagnement. Je salue votre proposition de réintroduire la notion de soins palliatifs. Mais, au lieu d'entrer dans une querelle sémantique entre « garantir » et « renforcer », je souhaite que nos débats et le texte intègrent la dimension relative aux moyens.

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Vous et moi attachons une importance particulière aux soins palliatifs, dont notre pays est l'un des pionniers. En insérant cette notion dans l'intitulé du titre Ier, je souhaite rendre hommage aux soignants et aux bénévoles qui œuvrent dans ce domaine. La notion de soins d'accompagnement est néanmoins plus globale et elle recouvre notamment le souci du confort et du bien-être des patients. C'est la véritable nouveauté du texte : je défends sa présence dans ce titre et je vous demande de retirer vos amendements au profit de celui que j'ai déposé.

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Je partage le point de vue de Didier Martin. La notion de soins d'accompagnement ne remplace pas celle de soins palliatifs. Elle l'élargit. Cette évolution s'inscrit dans la réflexion du professeur Chauvin, que nous avons auditionné il y a quelques jours. Elle vise, non à remplacer les soins palliatifs, mais à les conforter et à assurer une prise en charge globale. Les besoins excèdent parfois le strict cadre médical pour porter sur le confort et l'accompagnement physique, psychique ou social. Il ne s'agit pas d'opposer soins palliatifs et d'accompagnement, mais d'englober les premiers dans les seconds. D'ailleurs, le financement des soins palliatifs sera augmenté au profit des unités de soins palliatifs (USP), des lits identifiés de soins palliatifs et des équipes médicales de soins palliatifs.

La précision apportée par le rapporteur semble judicieuse car elle souligne que le titre Ier renforce les soins d'accompagnement, les soins palliatifs et le traitement de la douleur.

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Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Le Gouvernement a présenté un plan décennal dédié aux soins palliatifs, dont le déploiement débutera dès cette année. Dans ce domaine, notre pays est classé à une médiocre quinzième place des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques : un patient sur deux et un enfant sur trois n'ont actuellement pas accès aux soins palliatifs, preuve de la nécessité d'une forte mobilisation.

L'engagement du Gouvernement est essentiellement budgétaire. Le plan prévoit un effort annuel de 100 millions d'euros en moyenne pendant dix ans. Cette enveloppe servira à développer les équipements et à garantir la présence d'au moins une USP par département, mais également à répondre aux grands besoins d'hospitalisation à domicile, d'unités mobiles et de formation des personnes assurant les soins palliatifs. En effet les places ne suffisent pas. Ma collègue Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a accepté la création d'un diplôme d'études spécialisées en soins palliatifs. Des formations de chef de clinique et d'assistant seront déployées. Les enseignements en soins palliatifs seront plus nombreux dans l'ensemble des études médicales, pour les médecins comme pour les infirmiers et les autres professions paramédicales. Vous avez tous pu entendre, lors de vos visites, les équipes vanter la cohésion liant les aides-soignants, les infirmiers et les médecins. Cet engagement commun bénéficie aux patients. Je les salue, dans leur diversité, eux qui se trouvent tous les jours aux côtés des malades.

Le Gouvernement soutient l'amendement du rapporteur, qui fait figurer les soins palliatifs dans l'intitulé du titre Ier. De nombreux spécialistes, pas uniquement de soins palliatifs, se sont penchés, dans le cadre de la mission du professeur Chauvin, sur l'évolution de l'accompagnement des patients. Cette notion comprend les soins palliatifs mais également l'accompagnement des personnes atteintes d'une maladie grave ou incurable. Les soins d'accompagnement sont globaux. Il s'agit de prendre en charge les besoins de chaque patient pour assurer son bien-être et favoriser, autant que possible, ses chances de rémission. Le projet de loi précise que les soins d'accompagnement incluent les soins palliatifs, centrés sur la fin de vie et que nous ne souhaitons pas remettre en cause. L'important est de les valoriser en tant que composante des soins d'accompagnement, d'où mon soutien à l'amendement du rapporteur et mon opposition aux deux autres.

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L'adoption du CS1955 ferait tomber tous les autres amendements avant l'article 1er. Je tiens donc à prendre la parole maintenant. Cet amendement a le mérite de reconnaître l'existence d'un problème sémantique dans l'intitulé du titre Ier. Mais son contenu ne me convainc pas. Son exposé sommaire évoque un changement de paradigme, or les équipes des USP déploient déjà une approche multidimensionnelle. Ces équipes pluridisciplinaires, qui ne comptent pas seulement des soignants, défendent la notion de soins palliatifs, qui a mis du temps à s'installer et qui comprend une dimension d'accompagnement inséparable de tout acte de soin. Dans ce cadre, la notion de soins d'accompagnement crée une confusion.

Insérer les soins palliatifs dans l'intitulé du titre Ier est possible. Mais il y a lieu de garantir ces soins et pas simplement de les renforcer. Il s'agit d'un préalable éthique, indispensable pour prévenir toute dérive. Vous évoquez un renforcement des moyens, mais votre plan ne comprend aucun engagement pluriannuel. Pourquoi ne pas élaborer un projet de loi de programmation comme pour la défense ou la justice ? Nous n'avons pas besoin de confusion, mais de moyens pour assurer des soins palliatifs partout dans notre pays.

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Il existe une différence sensible entre le renforcement des soins palliatifs, dont la présence dans l'intitulé du titre Ier est positive, et leur garantie, qui implique la reconnaissance d'un droit opposable, que nous défendons mais dont nous sommes loin. Comme l'a dit madame la ministre, moins d'un patient sur deux a accès à ces soins : cette situation est insupportable et injustifiable. Le groupe Gauche démocrate et républicaine pose la question des moyens alloués aux soins palliatifs depuis 1999. Aucun gouvernement n'y a répondu.

Je crains que votre plan ne soit pas à la hauteur car vous faites figurer dans les soins d'accompagnement des éléments liés aux soins palliatifs, auxquels vous ajoutez des soins de confort que la sécurité sociale ne rembourse pas. Votre plan prévoit une augmentation de 66 % des crédits en dix ans. Ce rythme ne suit pas la progression des besoins et ne représente aucune accélération. En effet, les dépenses publiques pour les soins palliatifs ont crû de 6,5 % par an entre 2017 et 2021, quand votre plan repose sur une hausse annuelle de 6,6 %. Où est l'effort exceptionnel que vous promettez ?

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Madame la ministre, vous venez d'affirmer que les maisons d'accompagnement dispenseront des soins palliatifs.

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Catherine Vautrin, ministre

Je n'ai pas évoqué les maisons d'accompagnement. J'ai simplement parlé de l'accompagnement.

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Je vous ai peut-être mal comprise. Quoi qu'il en soit, quelle sera la plus-value des maisons d'accompagnement par rapport aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dans lesquels des soins de confort sont déjà prodigués ? M. Dharréville pose la bonne question : avec quels moyens financer le renforcement des soins palliatifs et les soins d'accompagnement dans des structures distinctes ?

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La sémantique s'invite dans ce débat. J'avoue avoir été heurtée pour les praticiens et les soignants des services de soins palliatifs en lisant que les soins palliatifs ne constituaient qu'une partie de l'accompagnement des patients, comme s'ils n'étaient que des traitements de la douleur. Or, les équipes des USP accompagnent les patients et les familles, prodiguent des soins de confort et apportent une aide psychologique. J'ai l'impression que l'utilisation de la notion de soins d'accompagnement vise à masquer notre retard dans les soins palliatifs.

Je soutiens l'insertion de la notion de soins palliatifs dans l'intitulé du titre Ier parce que les professionnels se sentent, à juste titre, dévalorisés par son absence. Mais je récuse la formule de soins d'accompagnement, qui ne renvoie à aucune réalité. L'accompagnement est une manière d'exercer des pratiques. Mais ce terme ne dit rien de ce qu'elles recouvrent. Il y a d'ailleurs de l'accompagnement dans toutes les disciplines médicales, mais aussi à l'école, dans le monde judiciaire et dans bien d'autres domaines. Il serait préférable de choisir le titre suivant : « Renforcer l'accompagnement, les soins palliatifs et les droits des malades ».

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Que l'on entame notre débat par une discussion sémantique n'est pas le fruit du hasard. Les mots sont importants dans ce projet de loi et d'autres échanges le montreront. Au-delà de l'adhésion aux objectifs du titre Ier, il y a un paradoxe à consacrer deux piliers – le renforcement des soins palliatifs, rebaptisés soins d'accompagnement, et l'aide à mourir – tout en faisant disparaître le terme de soins palliatifs. Ce choix n'a rien d'anecdotique.

Je peux entendre l'argument principal justifiant l'élargissement de la notion de soins palliatifs à celle de soins d'accompagnement, à savoir la nécessité de prendre en charge le patient le plus tôt possible, dès le diagnostic. Mais pourquoi ne pas employer les termes déjà consacrés ? Il existe des soins palliatifs précoces ; dans une recommandation de 2016, la Haute Autorité de santé (HAS) incite à leur développement. Il faut préserver notre attachement à la centralité des soins palliatifs – un point important pour les équipes qui les dispensent – tout en reconnaissant leur enrichissement par d'autres dispositifs, mais sans remettre en cause les différentes étapes des soins palliatifs, des plus précoces à ceux de la fin de vie.

L'amendement du rapporteur va dans le bon sens. Mais je redoute que son adoption ne mine notre volonté de placer le terme et la notion de soins palliatifs au-dessus des autres, ainsi que toute la culture de la médecine palliative.

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Si les soins d'accompagnement recouvrent des pratiques plus larges que les soins palliatifs, je crains que la suppression du terme de soins palliatifs ne soit qu'un artifice destiné à masquer leur absence dans tous les territoires alors que les Français réclament d'y avoir accès près de leur lieu de vie. Comme la sémantique est importante, j'ai déposé un amendement faisant figurer, dès le début du texte, la notion fondamentale de soins palliatifs.

Pour rebondir sur les propos de Thibault Bazin, il me paraît essentiel de consacrer davantage de moyens à l'accompagnement de la perte d'autonomie des personnes âgées ou en situation de handicap. Une loi de programmation et une réflexion sur le financement, au sens large du terme, sont indispensables.

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Vous nous perdez, plus ou moins volontairement, par des choix sémantiques inadaptés et impropres. Cette faille est évidente pour l'aide à mourir, dont le titre II refuse de dire le nom, mais elle apparaît dès le titre Ier dans lequel vous semez la confusion, donc la méfiance, par les termes retenus. La notion de soins d'accompagnement qui recouvre, en plus des soins palliatifs, les soins précoces mais aussi ceux de support et de confort, n'englobe-t-elle pas d'autres dimensions, comme l'aide à mourir que vous qualifiez de soin ?

Le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, Frédéric Valletoux, avait demandé d'examiner les deux parties du projet de loi de manière distincte, afin de ne pas mélanger des aspects différents. Les personnes auditionnées et presque tous les groupes d'opposition ont formulé la même requête : écoutez-nous !

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L'amendement du rapporteur présente un paradoxe. L'approche holistique dont il se prévaut pour justifier la notion de soins d'accompagnement fait peu de cas de la nature même des soins palliatifs : dénier à ces derniers toute dimension holistique est tout à fait discutable. Souhaiteriez-vous ménager un continuum entre les soins palliatifs et le suicide assisté ou l'euthanasie ? Voilà la question fondamentale ! Vous présentez le choix du terme de soins d'accompagnement comme un changement de paradigme, mais n'a-t-il pas pour objectif de construire ce continuum ?

Des trois amendements, le plus intéressant me semble celui de notre collègue Dharréville. Il remplace le renforcement des soins par leur garantie. Pour le reste, nous sommes plusieurs à ne pas être convaincus par la notion de soins d'accompagnement. Celle de soins palliatifs, déjà consacrée, comporte déjà une dimension holistique.

Enfin, madame la ministre pourrait traduire ces annonces budgétaires dans un amendement. C'est une pratique dont le Gouvernement est friand. Pourquoi ne le faites-vous pas ?

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Ces amendements soulèvent deux débats évidemment liés : sur les notions de soins d'accompagnement et de soins palliatifs, sur le choix à opérer entre les verbes « renforcer » et « garantir ». Les soins d'accompagnement ont une acception plus globale et peuvent intervenir plus précocement que les soins palliatifs. Mais il importe de faire figurer les deux termes dans le texte, comme le souhaite la profession médicale.

Après tant d'années de casse de l'hôpital public, le développement des soins d'accompagnement et le financement des soins palliatifs accusent un tel retard qu'il est urgent de les renforcer. Néanmoins, l'objectif est de garantir l'égal accès à ces soins. L'amendement du rapporteur présente l'avantage de faire figurer les soins d'accompagnement, les soins palliatifs et les droits des malades dans l'intitulé du titre Ier. Mais il faudra déposer en séance publique des amendements visant, non pas seulement à renforcer, mais à garantir l'égalité des droits des malades sur l'ensemble du territoire et à assurer l'accès de tous aux soins palliatifs et d'accompagnement.

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La question sémantique est fondamentale en effet : les lois mal écrites sont forcément mal appliquées. Il faut choisir les bons mots. L'amendement du rapporteur laisse entendre que les soins palliatifs ne sont qu'une démarche médicalisée. Pas du tout : c'est une démarche globale, cela a été dit.

Un Français sur deux qui aurait besoin de soins palliatifs n'en bénéficie pas. Comment leur garantir cet accès ? Voilà la seule question. Je préfère l'amendement de M. Dharréville, qui prévoit une garantie d'accès aux soins palliatifs. Il est plus clair que celui du rapporteur, qui se contente du verbe « renforcer ».

Ma crainte est que, parce qu'il sera difficile de garantir à tous des soins palliatifs, les « maisons d'accompagnement », éventuellement non médicalisées et éventuellement avec beaucoup de bénévoles, serviront à prétendre le contrat respecté puisque chacun aura accès à quelque chose. Voilà la manœuvre : on ne peut garantir les soins palliatifs à tout le monde, on peut au moins garantir les soins d'accompagnement. Attention à cette dérive !

Nous ne soutenons donc pas l'amendement du rapporteur. En revanche, les deux autres nous paraissent intéressants.

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Si nous avons opté pour les termes de « soins d'accompagnement », c'est sur les conseils du corps médical. La notion de soins palliatifs leur paraissait restrictive par rapport à l'ensemble des soins d'accompagnement dont ont besoin les malades, durant toute leur maladie comme au moment de la fin.

Il paraît nécessaire de prévoir une garantie d'accès aux soins palliatifs. Sinon, l'aide active à mourir pourrait être perçue comme une sorte de substitut à l'absence de ces soins. Nous avons proposé des amendements en ce sens. On ne peut pas se contenter d'annonces du Gouvernement pour les années à venir. Il faut inscrire l'accès à ce droit dans le texte.

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L'objectif doit être de garantir, pas seulement de renforcer. La différence est notable. Il importe aussi de réintroduire la notion de soins palliatifs à côté de celle de soins d'accompagnement afin d'éviter toute confusion. Le diplôme d'université s'appelle d'ailleurs « soins palliatifs et d'accompagnement ». Nous proposerons de modifier en ce sens l'article 1er.

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Ne perdons pas de vue, dans ce débat sémantique, ce qui nous rassemble : l'objectif de proposer des soins palliatifs à tous ceux qui en ont besoin. J'ai le triste privilège d'être élu dans un département qui ne compte aucune équipe de soins palliatifs. Les soignants me le disent : il est important de dégager les moyens nécessaires. Puisque Patrick Hetzel demande une loi de programmation, je suis sûr qu'il votera le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale si les sommes qu'il attend y sont inscrites !

Je soutiens l'amendement du rapporteur, qui mentionne les soins d'accompagnement et les soins palliatifs, ainsi que les droits des malades dont il n'a pas été question jusqu'ici alors que c'est une question essentielle.

Aujourd'hui, les soins d'accompagnement ne sont bien souvent pas là, même lorsqu'il y a des soins palliatifs. Qu'ils soient présents partout est très important.

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La loi du 9 juin 1999 garantit l'accès aux soins palliatifs, y compris dans son titre. Nous faisons pourtant le constat que cette garantie n'est pas effective. Il est donc urgent de renforcer les soins palliatifs et de leur donner leurs lettres de noblesse grâce à une véritable spécialité médicale. C'est l'engagement, pris en lien avec sa collègue de l'enseignement supérieur, que la ministre vient d'exposer.

Les soins palliatifs se pratiquent bien sûr aussi au dehors des unités : il y a des équipes mobiles, l'hospitalisation à domicile, les Ehpad. Mais les soins d'accompagnement interviennent dès le diagnostic d'une maladie grave, c'est-à-dire bien en amont d'une entrée en soins palliatifs où un séjour dure en moyenne une à trois semaines. À l'hôpital de Beaune, un médecin m'a dit avoir suivi une patiente en soins palliatifs dix ans : voilà qui ne correspond pas à l'idée que nous nous en faisons généralement. Je lui ai dit qu'il faisait déjà des soins d'accompagnement, qu'il pourrait bientôt souscrire à l'appel à projets du ministère et ouvrir une maison d'accompagnement. Tout ce que fait ce médecin pour le bien-être, le confort et le moral de ses patients en fin de vie, comme pour améliorer leur situation sociale et familiale, fait partie des soins d'accompagnement.

Cette notion n'est donc pas réductrice, bien au contraire. Elle ne remet absolument pas en cause la qualité du travail des unités et des équipes mobiles de soins palliatifs.

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Catherine Vautrin, ministre

Nous nous appuyons sur un rapport rédigé par des médecins, réunis par le professeur Chauvin dont je n'ai pas besoin de rappeler qu'il est médecin lui-même. L'élargissement aux soins d'accompagnement qu'il préconise correspond aussi à la demande de certains experts des soins palliatifs – trois anciens présidents de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) participaient d'ailleurs à la commission Chauvin.

Il y a un continuum : la prise en charge de la douleur. Les soins d'accompagnement commencent précocement, dès le diagnostic, lorsque le pronostic vital du patient n'est pas forcément engagé. Prenons l'exemple d'une femme de 35 ans à qui l'on diagnostique un cancer du sein : elle bénéficie d'une prise en charge médicale, d'une prise en charge de la douleur, d'un accompagnement psychologique et nutritionnel, d'une aide au maintien dans l'emploi si elle le souhaite. On est loin des soins palliatifs, ce qui reste à faire au bout de la démarche thérapeutique. Les deux termes ont donc leur importance. Nous ne faisons donc pas du tout disparaître la notion de soins palliatifs, nous l'élargissons.

La maison d'accompagnement est un autre sujet. Madame Genevard parlait d'Ehpad, mais j'ai pris l'exemple d'une femme de 35 ans. Fin de vie ne veut pas dire grand âge.

Quant à la garantie d'accès, ceux parmi vous qui sont parlementaires depuis longtemps se rappelleront nombre de textes qui avaient prévu des garanties qui ne se sont pas concrétisées ! Je ne dirai pas que les promesses n'engagent que ceux qui y croient, mais le principe d'annualité budgétaire passe avant les garanties inscrites dans la loi.

Nous avons prévu une évaluation, un bilan tous les six mois et un référent par agence régionale de santé (ARS) afin de progresser vers cette garantie. Il n'y a pas de manœuvre pour cacher le manque d'équipes de soins palliatifs par la création d'un autre type d'organisation. La maison d'accompagnement est une proposition du rapport Chauvin, née du constat que certains patients en fin de vie, qui ne relèvent plus d'un service hospitalier, ne peuvent pas rentrer chez eux parce qu'ils y seraient seuls ou parce que leur domicile ne s'y prête pas. La maison d'accompagnement est là pour les accueillir. C'est un complément : ces structures n'ont en aucun cas vocation à remplacer quelque service de soins palliatifs que ce soit.

La commission adopte l'amendement CS1955. L'intitulé du titre Ier est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CS1362 et CS1360 tombent, ainsi que les autres amendements CS24 de M. Thibault Bazin, CS633 de M. Jérôme Guedj, CS850 de M. Julien Odoul et CS594 de Mme Justine Gruet portant sur l'intitulé du titre Ier.

Article 1er : Définition des soins d'accompagnement

Amendement de suppression CS341 de M. Patrick Hetzel

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La question centrale est celle de la place réelle des soins palliatifs. Une tribune récente, signée de membres de la Sfap, du Collège national des enseignants pour la formation universitaire en soins palliatifs et de la section de médecine palliative du Conseil national des universités pour les disciplines de santé, indique clairement que cet article 1er crée de la confusion. Il rend illisibles le cadre et les fondements constitutifs de la médecine palliative. Cela risque de poser problème en France, mais aussi ailleurs. En revanche, le terme de médecine palliative est, lui, pleinement consacré et figure dans notre droit. On peut s'interroger sur votre volonté réelle : pourquoi vouloir changer de dénomination alors que les professionnels concernés demandent le contraire ?

Vous parlez de continuum, madame la ministre. Faut-il imaginer, dans la continuité des soins palliatifs, le suicide assisté et l'euthanasie ? Vous modifieriez par là le projet même des soins palliatifs, créés précisément pour éviter l'acharnement thérapeutique en prenant en charge la douleur. Il y a des inquiétudes et aucun des arguments apportés jusqu'à présent n'a permis de les lever.

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Avis défavorable.

L'offre de soins palliatifs est insuffisante, c'est vrai. Mais le Comité consultatif national d'éthique indique lui-même que l'approche palliative est parfois inadaptée. Il faut construire un modèle français de soins d'accompagnement pour les patients en fin de vie.

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Catherine Vautrin, ministre

Avis d'autant plus défavorable que le continuum dont je parle est celui de la prise en charge de la douleur, depuis les soins d'accompagnement jusqu'aux soins palliatifs. Rien d'autre.

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Vous entretenez une confusion malhonnête, voire malsaine. D'un côté, il y a quelque chose de flou, vague, indéfinissable : l'accompagnement, que vous plébiscitez. De l'autre, il y a quelque chose de concret et qui a fait ses preuves dans l'esprit de nombreuses familles : les soins palliatifs. On a l'impression que vous ne croyez pas aux soins palliatifs. C'est choquant. Ce débat sémantique vous paraît peut-être dérisoire, mais il est essentiel. Vous avez échoué dans le domaine des soins palliatifs comme dans bien d'autres, mais ce n'est pas parce que tous n'y ont pas accès aujourd'hui qu'il faut les abandonner ! La loi garantit l'accès aux soins palliatifs comme la sécurité ou l'éducation. Elle n'est pas appliquée, mais les uns et les autres sont pourtant bien des objectifs louables.

Le risque, c'est que le débat sémantique cache une dégradation des moyens accordés à un dispositif qui accompagne véritablement la souffrance des patients. Je le vois dans la ruralité, comme vous tous : à la faveur d'un débat sémantique, les bureaux de poste sont devenus des agences postales, les boulangeries des dépôts de pain, et partout le service a été dégradé. Je ne le souhaite pas pour la fin de vie de millions de Français.

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La notion de soins d'accompagnement n'a rien d'inédit : le supportive care est présent dans tous les dictionnaires de médecine. C'est une spécialité en cours de constitution dans de nombreux pays. Elle intègre le sport, l'esthétique, l'éducation thérapeutique, le suivi nutritionnel... L'objectif est le bien-être des patients. Il me semble qu'on ne peut qu'y être favorable, et donc défavorable à l'amendement.

Cette nouvelle formulation offre un appui à des soignants qui, en France, tentent de constituer un pôle de soins d'accompagnement. Il existe un projet de diplôme d'études spécialisées (DES) en soins d'accompagnement. C'est le DES qui crée l'attractivité, pas l'inverse : c'est en reconnaissant une qualification à des gens pour un travail qu'ils exercent que l'on facilite la formation, l'élévation des connaissances et la constitution des équipes.

Enfin, en matière de santé, les mots ont un impact propre. Du côté des usagers comme des soignants, certains sont plus à l'aise avec l'idée d'accompagnement, notamment pour des gens qui ne sont qu'au seuil des soins palliatifs. Elle peut permettre d'entamer un parcours d'accompagnement et de bien-être même pour des patients réticents vis-à-vis des soins palliatifs.

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M. Odoul a raison : l'inscription sur un même plan des soins d'accompagnement et des soins palliatifs risque d'amoindrir, de diluer l'importance des seconds. Le supportive care existe et il est nécessaire. Mais cette loi prend acte du fait que l'accès aux soins palliatifs n'est pas assuré à tous. On peut craindre qu'en mettant en avant des soins d'accompagnement, vous ne prépariez l'idée que les soins de support sont suffisants, satisfaisants. C'est pourquoi l'amendement de M. Hetzel me paraît intéressant.

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Cet amendement n'est pas raisonnable à l'heure où une personne sur deux qui a besoin de soins palliatifs n'y a pas accès. Nous n'arriverons peut-être pas à les proposer à tous ceux qui en auraient besoin, mais cet article améliorera considérablement la situation.

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Tout le monde est d'accord sur le développement des soins palliatifs. Mais il y a aussi des gens qui ne souhaitent pas y avoir recours. Par ailleurs, les soins d'accompagnement peuvent se faire dans des services d'hôpital ordinaires ou à domicile. Beaucoup de gens veulent mourir à domicile et il est nécessaire de renforcer les équipes qui le permettent. On peut être accompagné de multiples façons.

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Il y a un brouillard. Tel qu'est rédigé l'alinéa 4 de l'article 1er, les soins palliatifs constituent un sous-ensemble des soins d'accompagnement. Mais si on se réfère aux alinéas 7 à 10, qui définissent les soins d'accompagnement, c'est moins clair. En particulier, l'alinéa 8 mentionne « le traitement de la douleur », dont j'avais cru comprendre qu'il relevait des soins palliatifs, et l'alinéa 9 évoque « des soins palliatifs ». Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous éclairer sur ce problème de rédaction ?

La réunion, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq.

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Je ne suis pas sûre que les citoyens qui s'intéressent à nos débats aient compris ce que certains défendent. Les soins d'accompagnement commencent tôt, dès le diagnostic. L'idée est de considérer la personne comme une personne, pas seulement comme une maladie. Voilà une définition simple sans être simpliste.

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Ce projet de loi ne peut pas être dissocié des annonces du Gouvernement par ailleurs. Les sceptiques diront que les objectifs ne seront pas atteints, les budgets pas accordés. Je sais qu'en France, on a tendance à s'autoflageller. Mais on doit constater les investissements consentis depuis dix à quinze ans. Il y a une volonté, insuffisante sans doute, mais bien réelle. Des objectifs concrets – une unité de soins palliatifs au moins par département en 2025 par exemple – ont été fixés. Nous ne pouvons pas raisonner sur des mots sans prendre en considération ces engagements précis.

On ne peut pas laisser penser que les soins d'accompagnement seraient amenés à remplacer les soins palliatifs ou à cacher une incurie. C'est totalement faux.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CS1381 de M. Pierre Dharréville, CS545 de Mme Annie Genevard, CS635 de M. Jérôme Guedj et CS1297 de M. Jocelyn Dessigny (discussion commune)

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Si le rapport du professeur Chauvin a souligné, avec justesse, que « les soins palliatifs sont encore trop souvent réduits aux soins strictement médicaux destinés à traiter la douleur ou aux soins dispensés aux patients en fin de vie », il semble que les soins d'accompagnement, tels que les définit l'article 1er, désignent précisément ce que sont les soins palliatifs.

Aux termes de l'article L. 1110-10 du code de la santé publique, « les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. » L'instruction ministérielle du 21 juin 2023 précise que les soins palliatifs sont « une approche pour améliorer la qualité de vie des personnes malades, adultes et enfants, et de leurs proches, notamment confrontés aux conséquences d'une maladie potentiellement mortelle. Ils visent à prévenir et à soulager les souffrances, identifiées précocement et évaluées avec précision, ainsi qu'à traiter la douleur et les autres dimensions – physiques, psychologiques, sociales, etc. – qui leur sont liées », conformément à la définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Or, ce sont là précisément, selon les alinéas 8 à 11 de l'article 1er, les objectifs fixés aux soins d'accompagnement. Dès lors, soit les spécificités propres aux soins d'accompagnement ne sont pas clairement définies et il convient d'y remédier, soit les soins d'accompagnement sont le nouveau nom des soins palliatifs et c'est aussi un problème.

Nous proposons, là encore, de remplacer le terme « offrir » par le terme « garantir ». Nous écrivons la loi : je suis le premier à constater amèrement que la garantie inscrite dans la loi de 1999 n'a pas été suivie d'effet, mais ne pas employer ce terme de garantie aujourd'hui donnerait le sentiment que nous baissons les bras. Symboliquement, il me semble au contraire essentiel de réaffirmer cette garantie, et donc ce droit opposable.

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Mon amendement restaure l'expression « soins palliatifs » en lieu et place des soins d'accompagnement. Cela correspond à la définition de l'Organisation mondiale de la santé, qui inclut dans les soins palliatifs des notions qui relèvent de ce que vous appelez les soins d'accompagnement. De plus, le Conseil national professionnel infirmier s'est opposé à cette substitution. Dans l'exposé des motifs, vous écrivez : « Le principe d'un accompagnement pluridisciplinaire, qui figure déjà à l'article L. 1110-11 du code de la santé publique, est ainsi réaffirmé. » Tout est déjà dans le code de la santé publique ! Il est logique d'inclure dans les soins palliatifs les soins d'accompagnement.

En outre, le milieu associatif est à bien des endroits très actif pour proposer des soins d'accompagnement. Je présenterai plus tard un amendement à ce sujet. Bien des unités de soins palliatifs proposent une approche globale du malade. Plutôt que les distinguer, pourquoi ne pas enrichir les soins palliatifs des soins d'accompagnement, dans la mesure où la frontière entre les deux n'est pas claire ?

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La volonté de donner davantage de contenu aux soins palliatifs est éminemment louable. Cependant, nous ne comprenons pas pourquoi il faudrait changer leur dénomination. Cette démarche se heurte à plusieurs obstacles.

Premièrement, contrairement aux soins palliatifs, les soins d'accompagnement ne renvoient à aucune définition scientifique, à aucun référentiel de méthode. L'accompagnement n'est pas une compétence : c'est une présence auprès de l'autre, une attention, une écoute sans jugement ni intention spécifique. C'est la posture qu'adoptent souvent les bénévoles. Les soins palliatifs vont plus loin : pratique clinique nécessitant des connaissances et des compétences techniques, thérapeutiques, relationnelles et éthiques. Nous nous inquiétons donc de l'introduction des termes « soins d'accompagnement » qui pourraient diluer l'exigence et la technicité des soins palliatifs.

Deuxièmement, la stratégie décennale indique que « le passage du concept des soins palliatifs aux soins d'accompagnement permettra d'anticiper la prise en charge des patients dès le diagnostic de la maladie, de l'élargir à tous les besoins médicaux et non médicaux, ainsi qu'à l'accompagnement de l'entourage ». Or, je l'ai déjà dit, il s'agit de la définition des soins palliatifs précoces. Je préférerais donc que nous parlions de soins palliatifs, ce qui inclurait les soins palliatifs précoces, plutôt que de soins d'accompagnement, dont la définition est si large que nous ne savons pas exactement ce qu'ils embrassent.

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Nous avons la chance d'avoir une langue précise. Les soins palliatifs sont différents des soins d'accompagnement. Comme l'a dit Julien Odoul, la confusion dans ce domaine est malhonnête et malsaine. Il faut appeler un chat un chat, raison pour laquelle nous proposons de remplacer les mots « d'accompagnement » par le mot « palliatifs » afin de nous assurer que nos compatriotes auront bien droit à des soins palliatifs et non à des soins d'accompagnement sans unité médicalisée.

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Nous sommes d'accord : « soins palliatifs » et « soins d'accompagnement » ne sont pas synonymes. Vous avez souligné des éléments importants sur la précocité des soins d'accompagnement, ainsi que sur la technicité et l'expertise des unités de soins palliatifs confiées à des équipes médicales. Les deux se complètent et doivent être associés.

Mon avis est donc défavorable sur ces amendements.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis pour la même raison. Les soins d'accompagnement sont dispensés dans une prise en charge précoce, avec les soins palliatifs en continuum. Il y a entre les deux une complémentarité, en aucun cas une substitution.

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Madame la ministre a évoqué la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. Contrairement à ce qu'indique son titre, elle ne garantit pas le droit à l'accès aux soins palliatifs. Certes, elle dispose à son article 1er que « toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». Mais ce droit n'est pas assorti d'obligations pour l'État. Seriez-vous prête à rendre les ARS responsables de l'effectivité de ce droit ? Ne faudrait-il pas introduire la possibilité d'un recours juridictionnel afin que puisse être ordonnée la prise en charge en soins palliatifs d'une personne qui en aurait besoin, mais qui ne l'aurait pas obtenue dans un délai fixé par décret ? Il s'agirait de donner du contenu au titre Ier du projet de loi où, au-delà du débat sémantique, peu de moyens sont prévus pour l'effectivité de l'accès aux droits palliatifs.

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Aux termes de l'alinéa 4, les soins palliatifs constituent un sous-élément des soins d'accompagnement. Mais, aux alinéas 8, 9 et 10, ces deux types de soins sont confondus. Vous ne pouvez donc pas dire, monsieur le rapporteur, que soins palliatifs et d'accompagnement sont complémentaires. Si les premiers constituent un sous-élément des seconds, il faut dire ce que sont les soins d'accompagnement qui ne sont pas palliatifs. C'est parce que le texte ne le fait pas que personne ne comprend nos débats.

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L'introduction des termes « soins d'accompagnement » entraîne une confusion déplorable. Cette dénomination ne résulte d'aucune donnée scientifique et n'est utilisée dans aucun pays. Les soins d'accompagnement sont dépourvus de qualification internationale validée, de modèles étudiés et évalués, de normes. Ils n'existent pas dans la littérature internationale. Si vous n'en êtes pas persuadés, lisez la remarquable tribune parue le 25 avril dans Le Monde où des personnalités du monde des soins palliatifs rappellent ces évidences.

Nous sommes en train de requalifier à la française et pour des raisons d'opportunité politique une discipline reconnue au niveau national et international. Nous jouons avec les mots, ce qui n'a aucun intérêt scientifique et qui crée de la confusion.

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J'entends le débat sémantique mais, à l'instar du rapporteur général, nous avons tous déploré que les moyens consacrés aux soins palliatifs n'aient pas été suffisants ces vingt dernières années, même si beaucoup d'efforts ont été faits. Chacun devrait balayer devant sa porte car il y a eu des alternances : pour avoir le privilège de siéger ici depuis vingt ans, ce qui a été fait par tous les bords devrait ramener chacun à une plus juste mesure.

Monsieur de Courson, vous qui savez si bien lire les textes législatifs, les mots « dont les soins palliatifs », à l'alinéa 4, signifient que ceux-ci sont inclus dans les soins d'accompagnement. La réponse est donc dans votre question. Nous élargissons le spectre : les soins d'accompagnement, ce sont les soins palliatifs et tout le reste.

Monsieur Guedj, je reconnais votre sens aigu de la sémantique. Mais les soins palliatifs précoces, c'est pour ainsi dire un gros mot dans mon département où il n'existe pas de soins palliatifs tout court. L'engagement le plus important consiste à couvrir tous les territoires d'ici à 2025. Personne ne l'a fait jusqu'à présent et cela mérite d'être considéré.

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Sans dénigrer le débat sémantique, permettez-moi de revenir aux patients. Prenons une personne souffrant d'un cancer du sein métastatique : avant d'envisager un protocole de soins palliatifs, elle sera heureuse qu'il existe une possibilité de coordination et d'accompagnement pluridisciplinaire. Dès l'annonce du diagnostic, il faut que nous soyons en mesure d'accompagner le patient et qu'il demeure au cœur de notre démarche.

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Catherine Vautrin, ministre

Il ne faut pas confondre « maisons d'accompagnement » et « soins d'accompagnement ». Au sein de ces maisons seront accueillis des patients en extrême fin de vie qui ne peuvent rentrer chez eux, parce qu'ils résident seuls ou que leur logement ne s'y prête pas. Ils pourront recevoir des soins palliatifs mais, j'y insiste, les soins d'accompagnement ne se confondent pas avec les maisons d'accompagnement.

Les soins d'accompagnement peuvent être nutritionnels ou encore destinés à maintenir le patient dans l'emploi si tel est son choix. Ils sont dispensés très en amont, dès le diagnostic. Les soins d'accompagnement interviennent d'abord, puis les soins palliatifs si l'état du patient le demande.

S'agissant de la stratégie décennale, elle prévoit sa propre évaluation à son article 30. Je crois l'avoir dit : il y aura un référent par ARS et un bilan tous les six mois. La nécessité absolue est d'équiper le pays et, pour ce faire, chaque politique publique doit être mesurée.

Enfin, si j'ai bien noté, moi aussi, la tribune du 25 avril, je rappelle que le rapport du professeur Chauvin et de nombreux autres professionnels de santé est le fruit d'un an de travaux. La notion de soins d'accompagnement n'est pas une invention du Gouvernement et le terme n'a pas été retenu pour faire joli. Nous avons travaillé sur la base de recommandations de professionnels.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS290 de M. Fabien Di Filippo

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La loi du 9 juin 1999 reconnaît à toute personne dont l'état le requiert le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Or, à ce jour, les inégalités d'accès persistent. Il n'existe même aucune offre dans vingt départements. D'après la présidente de la Sfap, chaque jour, entre 400 et 500 personnes n'ont pas accès aux soins palliatifs alors qu'elles le devraient. Cet amendement vise à réaffirmer l'importance d'une répartition plus égalitaire de cette offre sur l'ensemble du territoire.

Je rappelle qu'en décembre, à l'initiative du groupe LR, nous avons adopté à l'unanimité une résolution visant à rendre effectifs les soins palliatifs sur tout le territoire national. C'est sur cette résolution que se fonde cet amendement. Il s'agit du point le plus sensible car nous ne sommes pas assurés que vos annonces, madame la ministre, seront suivies d'effet.

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Vous souhaitez qu'il soit fait référence à l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, qui prévoit « le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire ». Cependant, cette disposition figure déjà dans la stratégie décennale des soins d'accompagnement – et de renforcement des soins palliatifs, si vous tenez à le préciser – ainsi que dans le rapport Chauvin, effectivement appuyé sur un comité scientifique de haut niveau.

Avis défavorable.

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Catherine Vautrin, ministre

Dès 2024, quinze nouvelles unités de soins palliatifs seront financées, dont onze dans des départements qui n'en comptent aucune. Je précise à cet égard qu'il existe des équipes mobiles de soins palliatifs sur tout le territoire. Je reconnais volontiers que ce n'est pas suffisant, mais on ne peut pas dire que certains départements sont totalement dépourvus.

Avis défavorable.

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Je ne comprends pas ces avis défavorables. Nous avons évoqué la nécessité de renforcer les soins palliatifs et, grâce à la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti, nous savons que leur déploiement sur l'ensemble du territoire constitue un enjeu prégnant. Or, aucun des quatre articles du titre Ier n'apporte de garantie d'amélioration. On nous renvoie à la stratégie décennale. Ce ne sont que des paroles, qui ne valent pas engagement.

Les équipes mobiles accomplissent, c'est vrai, un travail remarquable. Mais il y a des trous dans la raquette ! Certains territoires ne bénéficient pas d'équipes mobiles formées aux moyens suffisants. Là où il n'y aura pas d'hospitalisation à domicile ni d'équipes mobiles, quelle sera la solution ? Ne risquons-nous pas d'assister à une dérive éthique où il ne s'agira pas de proposer un choix de fin de vie, mais d'imposer une fin de vie subie faute de moyens ? C'est une véritable question et je crois que vous faites l'impasse sur le défi territorial.

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Je persiste à penser qu'il y a une très grande confusion entre maisons d'accompagnement, qui ne dispensent pas de soins palliatifs, et soins d'accompagnement, qui incluent ces soins. C'est bien ce que dit le texte, qui rédige de la façon suivante l'article L. 1110-9 du code de la santé publique : « Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins d'accompagnement, dont des soins palliatifs. » Ce qui me fait revenir à l'intervention de Charles de Courson : les soins palliatifs sont inclus dans les soins d'accompagnement, mais ne seront pas dispensés dans les maisons d'accompagnement.

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Catherine Vautrin, ministre

Mais si !

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Vous avez dit le contraire, madame la ministre ! C'est bien qu'il y a une confusion sémantique. Vous avez dit que les maisons d'accompagnement ne seront pas le lieu des soins palliatifs, soins que le texte inclut pourtant dans les soins d'accompagnement. Je souhaite donc que vous répondiez à l'objection de Charles de Courson et que vous clarifiiez les choses.

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Madame la ministre, vous avez dit qu'il y a des équipes mobiles de soins palliatifs dans tous les départements. Le Jura en compte une, c'est vrai : ce sont trois personnes qui accomplissent un travail formidable, qui s'engagent dans le domaine de la formation, proposent des conseils aux professionnels, accompagnent les familles dans ces moments difficiles. Mais trois personnes, cela reste trop peu pour assister les patients comme il le faudrait.

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Catherine Vautrin, ministre

Je le répète avec plaisir, madame Genevard, car il importe d'être clair : les maisons d'accompagnement accueillent des personnes en extrême fin de vie, qui ne relèvent plus d'un service hospitalier et qui ne peuvent pas rentrer chez elles parce qu'elles vivent seules ou que leur logement ne s'y prête pas. Ces personnes peuvent y recevoir des soins palliatifs et des soins d'accompagnement si elles en ont besoin.

S'agissant des départements qui ne disposent que d'équipes mobiles, ils feront partie des premiers où nous déploierons les nouvelles unités de soins palliatifs. Vingt départements sont dans cette situation et nous serons à même d'apporter une réponse à onze d'entre eux dès cette année. Autre élément important : nous allons avancer en matière de dispense de soins palliatifs dans le cadre des hospitalisations à domicile, en passant de 70 000 à 120 000 places.

Je précise enfin notre ambition de rattraper une partie de notre retard dès cette année, raison pour laquelle des crédits ont été fléchés pour 2024 bien avant que le texte n'ait terminé son parcours parlementaire.

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Je rappelle que les soins palliatifs font l'objet d'une gradation. Il y a ce que l'on appelle les lits identifiés en soins palliatifs – il y en a dans tous les départements – puis, pour les cas plus complexes, l'accueil en unité de soins palliatifs. Si l'objectif est l'établissement d'au moins une USP dans chaque département, il est tout aussi important d'accroître le nombre de lits identifiés dans les structures hospitalières pour assurer la prise en charge de tous les patients, et pas seulement de ceux dont l'état est le plus dégradé. Il s'agit bien d'un continuum. Il ne faut pas se focaliser sur l'un de ses éléments.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CS738 de M. Laurent Panifous et CS1767 de Mme Geneviève Darrieussecq (discussion commune)

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Les termes « soins palliatifs » et « soins d'accompagnement » suscitent une confusion. Cet amendement donne une définition englobante, de nature à satisfaire tout le monde ou du moins à répondre aux différentes craintes. Le rapporteur l'a dit : ces deux types de soins sont différents mais complémentaires. Afin de ne pas réduire les soins palliatifs à une sous-entité des soins d'accompagnement ou au soulagement de la douleur, nous proposons de systématiquement allier les termes « palliatifs » et « d'accompagnement » au sein de l'article 1er.

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Sans revenir sur le débat sémantique, changer de dénomination sans arrêt complique l'appropriation par la société et les patients de ce que sont les soins palliatifs. Ces derniers sont peu connus et pâtissent de leur connotation. Enlever le mot « palliatifs » ne serait pas une bonne solution car la médecine palliative existe, ce qui n'est pas le cas de la médecine d'accompagnement. Il importe aussi de demeurer dans les standards internationaux de l'OMS, repris par la HAS, étant entendu que nous avons besoin de recherche, de statistiques, de connaître les pratiques des pays voisins. Mon amendement retient la formulation « soins palliatifs et d'accompagnement » dans le projet de loi.

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Je suis d'accord sur le fond. Les soins palliatifs sont un domaine de pointe devant faire l'objet de recherches et d'enseignements pluridisciplinaires. C'est pour cette raison que la stratégie décennale prévoit de créer une véritable hyperspécialisation de médecine palliative. Les services de soins palliatifs auront vocation à diffuser les bonnes pratiques, à encadrer en cas de besoin les équipes mobiles et à conseiller les unités médico-chirurgicales où il existe des lits identifiés de soins palliatifs ainsi que les intervenants du suivi à domicile.

Ces amendements nous éloigneraient de l'esprit de l'article 1er, soins palliatifs et d'accompagnement n'ayant pas vocation à être mis sur un pied d'égalité.

Avis défavorable.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

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Je ne comprends pas pourquoi vous n'acceptez pas l'amendement de Mme Darrieussecq car la prise en charge proposée par les maisons d'accompagnement va au-delà des seuls soins palliatifs. Plutôt que de débattre des termes, pourriez-vous préciser quel sera le degré de médicalisation de ces maisons ? Y aura-t-il des professionnels de santé médicaux ou paramédicaux ? Seront-ils présents en permanence ou à distance ? Seront-ils soumis à un système d'astreintes ? Les réponses permettront de mieux définir la structure.

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La suggestion de Mme Darrieussecq est intéressante. Dans la mesure où nos débats tournent autour des périmètres respectifs des soins palliatifs et d'accompagnement, une manière de concilier les points de vue serait de renforcer les premiers en y intégrant les seconds. Le malade est une personne globale, qui mérite que l'on prenne en charge la dimension corporelle de sa pathologie comme sa dimension psychique. Or, c'est précisément la définition des soins palliatifs : la prise en charge holistique de la personne ; c'est explicitement dit. Cela permettrait de lever la confusion ambiante, y compris chez les parlementaires. Nous ne comprenons pas tout à fait ce que l'exécutif a voulu exprimer.

Par ailleurs, si j'ai bien compris, les maisons d'accompagnement dispenseront à la fois des soins palliatifs et des soins de support, tandis que les unités de soins palliatifs en milieu hospitalier ne proposeront pas les seconds. La réponse sera donc à deux vitesses. Mais comment les malades seront-ils orientés ? Le rapporteur général a évoqué la complexité des cas, mais qui sera chargé de l'apprécier ? Tout cela demeure bien nébuleux.

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Les termes définis, et compris par la terre entière, sont ceux de soins palliatifs, de soins palliatifs précoces et de soins de support. Les mots « soins d'accompagnement » n'existent nulle part. Nous voyons bien que tout le monde a sa définition à proposer. En médecine, sur des sujets très spécialisés, il faut s'intégrer à des référentiels internationaux. Nous sommes en train de nous faire plaisir, d'introduire un concept français créé de toutes pièces, ce qui est une grande erreur.

L'amendement de Mme Darrieussecq aurait le mérite de réintroduire les soins palliatifs dans le texte tout en conservant la mention des soins d'accompagnement. Ne vous bercez pas de mots, chers collègues : ces termes ne sont pas définis dans la littérature. Restons-en à ce qui est certain car sinon, nous légiférons sur rien.

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Les soins palliatifs pallient un symptôme, tout le reste étant de l'accompagnement. Il est possible de se trouver très proche de la mort sans avoir besoin de soins palliatifs. On a alors besoin de soins d'accompagnement. Les choses semblent claires.

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La loi doit être intelligible. Comme l'indique l'exposé sommaire de l'amendement de Mme Darrieussecq, les soins palliatifs sont reconnus internationalement et enseignés, contrairement aux soins d'accompagnement. Nous instillons du flou au lieu de nous montrer précis.

S'il y a autre chose, si l'usage des mots « soins d'accompagnement » vise à légitimer le suicide assisté et l'euthanasie, il faut le dire. Si le dessein est de créer un continuum entre le titre Ier et le titre II, assumez-le, sans quoi nous verserions dans la tromperie, ce qui ne serait pas acceptable sur un sujet comme celui de la fin de vie.

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L'expression « soins palliatifs » figure déjà dans le projet de loi. Il n'est pas question de l'en gommer ni d'empêcher l'accès à ces soins. Quant au fait de créer une catégorie qui n'existe pas encore dans la nomenclature internationale, j'imagine que la médecine générale, avant d'être définie, n'y figurait pas non plus. L'enjeu est l'existence de soins palliatifs, la garantie de pouvoir y accéder et l'organisation d'une formation spécifique. À ces trois questions, la loi répond par l'affirmative.

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Les uns veulent élargir le champ des soins palliatifs et parlent de soins d'accompagnement ; les autres croient de bonne foi que l'on veut substituer les seconds aux premiers, ce qui n'est pas le cas. Tant que les termes du débat n'auront pas été éclaircis, on tournera en rond. Disons-le clairement : les soins d'accompagnement englobent les soins palliatifs. Quand on ne parle pas de soins palliatifs, on parle de tout le reste. Le texte est un projet de loi humain, qui appréhende l'humain dans sa globalité. Les soins palliatifs ne sont pas la totalité des soins. Il existe une multitude de soins que le texte qualifie de « soins d'accompagnement » et qui incluent les soins palliatifs.

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Je voudrais rassurer les collègues qui pensent que les centres de soins d'accompagnement n'existent pas : les premiers centres de soins et d'accompagnement en addictologie ont été créés en 2011 sous la présidence Sarkozy. Par la droite donc...

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Je suis médecin en soins d'accompagnement et je trouve ces soins formidables. Je les ai connus au Québec dans les années 2000. Il s'agit de tous les soins qui permettent d'accompagner un patient à partir du diagnostic : de support, nutritionnels, psychologiques, d'assistance sociale, de traitement de la douleur, de confort. Ainsi le patient n'est-il pas traité comme un organe ou comme une maladie, mais comme une personne à part entière. Les soins d'accompagnement existent même s'il est peut-être novateur de les mentionner dans la loi. Il s'agit d'une prise en charge globale et multidisciplinaire qui place la personne en son cœur. Ce que défendent certains à ce sujet me choque : cela nous ferait régresser.

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Catherine Vautrin, ministre

En effet, la notion de soins d'accompagnement n'a pas été inventée par le Gouvernement. Elle résulte du rapport Chauvin, auquel de très nombreux médecins ont contribué. Monsieur Hetzel, l'idée est une prise en charge dès le diagnostic selon une logique de continuum comprenant deux volets : les soins de confort et l'accompagnement de la personne, d'une part ; d'autre part, potentiellement, la médecine palliative, dans laquelle les soins sont liés à la pathologie du patient.

Comment l'orientation vers les maisons d'accompagnement se fera-t-elle ? Une personne dans une phase stabilisée, très grave, de fin de vie, qui ne relève plus des soins prodigués dans un service hospitalier et ne veut ou ne peut être hospitalisée à domicile, pourra y être dirigée et y trouvera une réponse palliative si elle en a besoin ainsi qu'un accompagnement, au sens des soins de confort. Quant au niveau de médicalisation, nous y viendrons à l'article 3.

La commission rejette l'amendement CS738.

Puis elle adopte l'amendement CS1767.

En conséquence, les amendements CS313 de Mme Emmanuelle Ménard, CS1596 de M. Christophe Bentz, CS1269 de M. Benoit Mournet, CS1333 de M. Jocelyn Dessigny et CS1593 de M. Christophe Bentz tombent, ainsi que les amendements CS1370 de Mme Emeline K/Bidi, CS928 de Mme Cécile Rilhac, CS1356, CS1352 et CS1354 de M. Stéphane Mazars, CS1914 de M. Didier Martin, CS1353 de M. Stéphane Mazars, CS1377 de Mme Elsa Faucillon, CS742 de M. Laurent Panifous, CS1688 de Mme Sophie Errante, CS1226 de Mme Lise Magnier, CS1751 de Mme Anne Brugnera, et CS506, CS507 et CS508 de Mme Emmanuelle Ménard.

Amendement CS25 de M. Thibault Bazin

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Dans ce qui est dit, je ne retrouve pas ce que m'ont décrit les équipes de soins palliatifs que j'ai rencontrées. Vous affirmez, madame la ministre, que les soins palliatifs interviennent quand l'approche thérapeutique prend fin. On m'a pourtant expliqué, en cancérologie, que les soins palliatifs commençaient idéalement dès le diagnostic pour traiter l'anxiété, la dépression, l'inconfort. Ils interviennent dans trois phases : la phase initiale où ils s'accompagnent de soins spécifiques ; la deuxième phase qui traite uniquement les symptômes, quand les soins spécifiques s'arrêtent ; la phase terminale enfin, qui correspond peut-être à celle qui serait concernée par vos maisons d'accompagnement.

Votre distinction entre soins palliatifs et d'accompagnement crée de la confusion et va à l'encontre de ce qui est préconisé : disposer de soins palliatifs dès le diagnostic et diffuser la culture palliative. Il convient de conserver la terminologie actuelle, d'où mon amendement.

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Autant demander directement la suppression de l'article 1er : votre amendement le vide de son contenu.

En ce qui concerne la couverture territoriale qui vous préoccupait tout à l'heure, l'alinéa 11 indique que les soins d'accompagnement « sont pratiqués par une équipe pluridisciplinaire [et] prodigués quel que soit le lieu de résidence ou de soins de la personne malade », l'alinéa 12 précisant « la possibilité de recevoir, lorsque [l']état de santé le permet, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile ». Il serait dommage de les supprimer !

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS576 de Mme Christine Loir

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La mesure que nous proposons contribuerait à une réelle culture du soin palliatif et à une approche humaine en reconnaissant la dignité de toute personne en souffrance, en lui assurant un accompagnement adapté à ses besoins.

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Vous proposez de permettre aux personnes n'ayant pas reçu les soins d'accompagnement demandés de former un recours amiable et, le cas échéant, contentieux. Vous vous trompez de méthode si vous voulez renforcer les soins palliatifs. Le délai moyen qui sépare le dépôt d'une requête de son jugement étant compris entre sept mois et deux ans et demi, vous ne pouvez souhaiter engager une personne malade dans de telles procédures.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS1056 de Mme Sandrine Rousseau

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En remplaçant les mots « mettent en œuvre » par « garantissent », nous ferons de l'accès aux soins palliatifs un droit et non une simple possibilité de bénéficier d'une politique publique susceptible d'être appliquée dans tel département et non dans tel autre. Cela rassurerait les personnes quant au fait que, si elles le décident, c'est bien ainsi que se déroulera leur fin de vie. Le verbe « garantir » est essentiel pour l'équilibre entre aide active à mourir et accès à une autre solution.

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Je doute que le remplacement de « mettent en œuvre » par « garantissent » améliore profondément l'offre de soins. Je me fie davantage aux mesures réglementaires et à l'ambitieuse stratégie décennale annoncée.

Avis défavorable.

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Catherine Vautrin, ministre

Même avis.

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Cet excellent amendement nous ramène au débat sur l'intitulé du titre Ier. Il s'agit de montrer aux citoyens que nous avons conscience du retard pris depuis des années dans les moyens alloués aux soins palliatifs. Le texte renforce les soins palliatifs et les étend grâce à la notion de soins d'accompagnement. Mais il faut garantir l'égal accès à ces soins sur l'ensemble du territoire.

Par ailleurs, mais les deux sont disjoints, la loi crée avec l'aide à mourir un nouveau droit, une ultime liberté.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CS1598 de M. Christophe Bentz

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La définition des soins d'accompagnement reste floue. Vous nous perdez, et vous vous perdez, madame la ministre : les maisons d'accompagnement ne sont pas la même chose que les soins d'accompagnement ; elles dispenseront des soins palliatifs, enfin peut-être... C'est à n'y rien comprendre et les Français qui nous regardent doivent trouver le débat lunaire. Vous n'osez pas dire les termes. Vous réinventez l'eau chaude car ce que vous voulez couvrir par la terminologie nouvelle existe déjà : les soins palliatifs sont déjà un accompagnement global de la personne.

Mon amendement contient une définition plus précise. Il garantit que, dans ces maisons d'accompagnement, parmi les soins d'accompagnement, il n'y aura jamais l'accès au suicide assisté ou à l'euthanasie. On ne peut pas faire comme si, dans le texte, il n'y avait pas le titre Ier et le titre II. La confiance n'empêche pas le contrôle. Si vous avez l'intention de ne jamais introduire dans les maisons d'accompagnement le système que vous appelez l'aide à mourir, inscrivons-le dans la loi !

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Votre intervention ajoute de la confusion. L'alinéa 6, sur lequel porte votre amendement, prévoit « une prise en charge globale de la personne malade afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien-être ». On est loin des termes que vous venez d'employer.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS739 de M. Laurent Panifous

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L'amendement précise que les soins d'accompagnement sont mis en œuvre à l'initiative et sous la conduite des médecins et des professionnels de l'équipe de soins, mais aussi à la demande de la personne. Il s'agit de rappeler l'autonomie des patients.

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Aux termes de l'alinéa 4, l'article L. 1110-9 du code de la santé publique dispose que toute personne malade dont l'état le requiert a le droit à des soins d'accompagnement, dont des soins palliatifs, et à un accompagnement véritable. L'amendement est donc parfaitement satisfait.

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Catherine Vautrin, ministre

J'ajoute qu'à l'alinéa 7, il est précisé que ces soins interviennent « dans le respect de la volonté de la personne ».

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS1115 de M. Cyrille Isaac-Sibille

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L'amendement crée un continuum entre le diagnostic, les soins curatifs et les soins palliatifs jusqu'à la sédation. Lorsqu'une maladie grave est diagnostiquée, une réunion de concertation pluridisciplinaire est organisée. Il serait intéressant que l'équipe de soignants qui se réunit pour des soins curatifs le fasse également pour les soins palliatifs et d'accompagnement, et jusqu'à la sédation – bref, du diagnostic jusqu'à la fin.

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L'alinéa 11 dispose que les soins d'accompagnement sont pratiqués par une équipe pluridisciplinaire. L'amendement est donc satisfait. Pour le reste, l'établissement d'un lien avec la sédation profonde ne me paraît pas approprié.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CS1363 de Mme Elsa Faucillon

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Il s'agit de « garantir », et non simplement « offrir », la prise en charge décrite à la seconde phrase de l'alinéa 6, afin de créer une obligation juridique. C'est une question de cohérence avec l'amendement CS1056, que nous avons adopté et qui introduit le même verbe dans la première phrase.

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La commission a adopté l'amendement CS1056. Mais, à titre personnel, j'estime que le mot « garantir » n'apporte pas une sécurité supplémentaire.

Je vous invite à retirer votre amendement, désormais satisfait.

La commission rejette l'amendement.

Amendements identiques CS446 de M. Yannick Neuder et CS1112 de M. Jean-Pierre Taite

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Il s'agit de garantir le maillage territorial pour que les soins palliatifs et d'accompagnement soient accessibles à tous et partout. Les solutions actuellement proposées permettent-elles de traiter l'ensemble des problèmes ou faut-il légiférer à nouveau ? Doit-on faire ce saut législatif et éthique alors que, quand les patients passent par les soins palliatifs ou d'accompagnement, les demandes de mort décroissent considérablement ? En vingt-cinq ans de carrière, j'ai dû en recevoir trois ou quatre alors que j'ai malheureusement accompagné des dizaines de patients jusqu'au décès.

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L'offre de soins palliatifs est insuffisante. On l'a dit, une vingtaine de départements en restent privés. Il a été démontré que les patients souhaitant mourir se détournent de cette idée quand leur douleur et leur isolement sont traités efficacement par des soins palliatifs. Le débat actuel sur le suicide assisté ne peut faire l'impasse sur la carence de soins palliatifs : le premier ne saurait être proposé à défaut des seconds.

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La stratégie décennale présentée par le Gouvernement permettra d'atteindre votre objectif, que nous partageons. Sa mesure n° 8 a pour objet de « sécuriser rapidement l'accès à une unité de soins palliatifs (USP) en tout point du territoire ». Dans ce cadre, « afin de faciliter la création d'unités supplémentaires sur l'ensemble du territoire, des crédits d'amorçage seront [...] mis en place pour les établissements de santé. Ces crédits garantiront l'ouverture des unités, que les investissements dans les USP viendront ensuite équiper en lits. »

Cette prise en charge est l'affaire de tous, au-delà de la seule médicalisation. La Conférence nationale de santé l'a souligné, il s'agit que les professionnels s'impliquent pour une fin de vie plus humaine.

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Catherine Vautrin, ministre

J'ajoute que, depuis 2023, différentes filières territoriales de soins palliatifs ont été organisées, permettant une prise en charge graduée, l'hospitalisation à domicile, l'accès aux lits identifiés de soins palliatifs, aux équipes mobiles et aux unités de soins palliatifs. Nous avons pour objectif d'ouvrir des USP dans onze départements en 2024 et de couvrir la totalité des départements en 2025. Nous sommes conscients de l'importance de l'accompagnement par ces unités.

Avis défavorable.

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Je ne comprends pas cet avis. Si vous partagez l'objectif, il serait cohérent de le préciser ici. Avoir une stratégie, c'est bien ; la mettre en œuvre, c'est mieux. Rien ne garantit qu'elle le sera. J'ai visité plusieurs établissements. Dans un centre hospitalier régional universitaire, depuis plusieurs années, pour quinze lits théoriques, seuls dix sont ouverts. Dans un autre, des lits sont restés fermés depuis la covid-19.

Vous distinguez soins palliatifs et d'accompagnement. Si vous ne concentrez pas les moyens sur les soins palliatifs, si vous les diffusez aussi sur les soins d'accompagnement, ne risque-t-on pas de manquer l'objectif de déploiement des soins palliatifs ?

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Nous suspendons notre réunion pour aller voter en séance publique.

La réunion est suspendue de dix-huit heures vingt à dix-huit heures quarante-cinq.

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Nous voterons les amendements en discussion. Nous partageons le constat d'une répartition inégale des soins palliatifs sur le territoire : en Ille-et-Vilaine, il y a deux fois plus de lits par habitant que dans le Loir-et-Cher, où il y en a deux fois plus qu'en Haute-Garonne. Le maillage territorial est une urgence.

L'amendement CS290, qui parlait de « droit aux soins palliatifs », était plus abstrait. Ici, il s'agit de l'accessibilité, donc d'une obligation d'effectivité. Nous approuvons ce que j'appellerais, si j'étais taquin, un tournant matérialiste.

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Madame la ministre, vous prévoyez de garantir une unité de soins palliatifs dans chacun des départements qui en sont dépourvus. Vous annoncez 1,1 milliard d'euros supplémentaires sur dix ans, ce qui représente une augmentation de 6 %, soit un simple rattrapage de l'inflation. C'est mieux que rien. Mais ce sont aussi les moyens humains qui manquent. La carence de soignants oblige à fermer des lits partout. La densité de médecins généralistes a diminué de 8 % entre 2012 et 2021, et seuls 20 % d'entre eux sont formés aux soins palliatifs. Un quart des médecins de soins palliatifs devraient quitter leurs fonctions d'ici cinq ans. Nous sommes inquiets. Dans un département, on parle de six lits identifiés, mais voilà dix ans que ce nombre n'a pas augmenté !

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Madame la ministre, vous annoncez que le territoire national serait couvert d'ici à 2025. Pourrait-on, d'ici à la séance publique ou dans les jours qui viennent, porter à la connaissance des députés le schéma de déploiement pour 2024 ? Ce serait un gage de confiance important. Deux ans, c'est très court. Au lieu d'inscrire dans la loi des objectifs que l'on n'atteint jamais, j'aimerais que le Gouvernement confirme au cours du débat les moyens prévus. Il serait également intéressant de savoir comment ces soins ont été installés dans les territoires au cours des vingt dernières années.

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L'expérience de la conduite des politiques publiques montre que l'enjeu est moins l'accessibilité que l'efficacité. En 2017, le candidat Macron avait promis le doublement du nombre de maisons de santé. Cet objectif a été atteint. Mais l'offre de soins dont bénéficient nos compatriotes a-t-elle pour autant été doublée ? Non ! Les élus, tant nationaux que locaux, entretiennent l'illusion au sujet de ces maisons de santé parfois vides, où manque le personnel soignant. Le bâtiment est beau, la plaque est vissée, le ruban a été coupé, mais l'offre nécessaire fait défaut.

Alors qu'il existe un déficit d'unités de soins palliatifs et de personnel, vous dites vouloir renforcer les premières et créer des moyens pour les maisons d'accompagnement. Commencez par renforcer réellement les USP par la formation et la répartition des moyens sur le territoire avant de faire naître des illusions chez les Français en prétendant créer une nouvelle catégorie d'établissements qui n'assureront pas la couverture annoncée et n'auront pas la dotation requise ! Concentrons-nous sur ce qui existe, fonctionne et offre un réel accompagnement aux patients.

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Catherine Vautrin, ministre

La stratégie du Gouvernement pour les soins palliatifs prévoit l'instauration d'une filière de formation. Vous savez que, du fait du numerus clausus, le nombre de départs à la retraite risque de dépasser un jour le nombre de nouveaux médecins. La formation des professionnels de santé est un sujet essentiel. Pour aller plus loin et renforcer la culture de la médecine palliative, nous souhaitons accroître le nombre d'heures de formation que suivent les étudiants dans ce domaine.

J'en viens à l'articulation entre médecine palliative et soins d'accompagnement. Le Gouvernement a annoncé lancer cette année un appel à manifestation d'intérêt pour la création d'une dizaine de maisons d'accompagnement en 2025. Les projets sont nombreux. À elle seule, la Sfap en a présenté plus de dix.

Les besoins ne sont pas tout à fait les mêmes pour les soins d'accompagnement et la médecine palliative. Dans les deux cas, il faut des psychologues, des assistantes sociales et des infirmières. Or, pour les soins d'accompagnement, il faut aussi des kinésithérapeutes et des nutritionnistes, tandis que pour la médecine palliative, il faut des médecins. C'est la raison pour laquelle les professionnels ne sont pas transférés d'une structure à l'autre : celles-ci sont complémentaires.

Enfin, monsieur Vigier, nous nous efforcerons de vous communiquer, lors de l'examen du texte en séance publique, la liste des onze départements sur laquelle nous travaillons.

La commission adopte les amendements.

Amendements CS292 de M. Fabien Di Filippo et CS740 de M. Laurent Panifous (discussion commune)

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Alors que le texte mentionne la préservation de la dignité, l'amendement CD292 soulève une question fondamentale : la dignité est-elle intrinsèque à la personne humaine ou peut-elle disparaître en cas de handicap lourd ou de perte d'autonomie ? Pour vous, madame la ministre, à quel moment une personne perd-elle sa dignité ? La réponse à cette question a des conséquences sur le regard que l'on porte sur les personnes vulnérables.

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Aux termes de l'alinéa 6, les soins d'accompagnement ont pour objet « une prise en charge globale de la personne malade afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien-être ». Je propose d'ajouter qu'ils ont aussi pour objet de préserver son autonomie. Différents textes ont renforcé cet impératif, notamment la loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « Kouchner ».

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Je considère la dignité intrinsèque à l'individu, quel que soit son état de dépendance ou de souffrance, ne serait-ce qu'en raison de ce qu'il a été et même s'il ne l'est plus. Il me paraît essentiel que le texte mentionne la dignité. Cela ne signifie pas, néanmoins, que celle-ci pourrait disparaître.

La remarque de M. Panifous est intéressante. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a d'ailleurs appelé notre attention sur la nécessité d'articuler le texte avec les politiques de préservation de l'autonomie. Pour moi, cela va de soi.

Je donne un avis défavorable aux deux amendements.

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Catherine Vautrin, ministre

Le droit de la personne au respect de sa dignité a une valeur constitutionnelle. L'article L. 1110-2 du code de la santé publique en fait un droit fondamental de la personne malade depuis 2002. Les soins d'accompagnement, qui incluent les soins palliatifs, ont bien pour objectif de respecter la dignité de la personne humaine en tenant compte de la volonté du patient. Nous tenons donc à ce que la dignité soit conservée dans le texte.

S'agissant de l'amendement CS740, la définition des soins d'accompagnement est déjà riche. Ils consistent à accompagner la perte d'autonomie d'une personne traversant une période de vulnérabilité particulière liée à son état de santé. Cette définition s'appuie sur le respect de la volonté de la personne malade, essentiel pour garantir ses droits.

J'émets de ce fait un avis défavorable aux deux amendements.

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Notre groupe soutient l'amendement de M. Panifous, mais pas celui de M. Di Filippo.

La dignité implique le refus, en droit, de tout ce qui conduit à traiter un être humain comme chose ou marchandise. Ce principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement ou de dégradation a été reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 1994. Il est également protégé au niveau européen : la Convention européenne des droits de l'homme prohibe tout traitement inhumain ou dégradant et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne souligne son caractère inviolable. Le maintien de la notion de dignité dans ce texte est donc fondamental. Le droit à la dignité est supérieur en ce qu'il ne peut être limité par aucun autre droit.

Quant à la notion d'autonomie, elle garantit que la personne s'engage librement et souverainement vis-à-vis des structures de soins. Nous sommes favorables à son ajout.

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Le groupe Les Républicains soutient les deux amendements. Je voudrais expliciter celui de M. Di Filippo. L'idée de préservation de la dignité, présente dans le texte, laisse paradoxalement entendre que, dans certains cas, celle-ci pourrait disparaître. La crainte d'être un fardeau a été évoquée par 46 % des personnes ayant eu recours au suicide assisté dans l'Oregon en 2022. Or, la dignité est inhérente à la condition humaine. Ni la maladie ni la vieillesse ne peuvent l'effacer.

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Je ne partage pas votre analyse de la notion de dignité, monsieur Juvin. N'oublions pas qu'en plus d'être un droit fondamental, elle a une dimension intime et personnelle. Elle est aussi vécue au travers du regard des autres. On peut estimer que, sans être un fardeau, on perd de sa dignité à cause d'une maladie ou d'une perte d'autonomie. Il semble donc essentiel de maintenir cette mention à l'alinéa 6.

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C'est justement le point qui nous inquiète : une perte d'autonomie n'entraîne absolument pas une perte de dignité. Nous devons partager cette idée fondamentale : la dignité est intrinsèque à la personne. Le risque, si nous abandonnons cette idée, est que le regard porté sur les personnes en perte d'autonomie évolue. Doivent-elles être considérées comme dépourvue de dignité ?

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La perte d'autonomie due au handicap n'enlève en rien la dignité de la personne, à condition qu'il y ait une compensation matérielle. En l'absence d'un logement adapté, par exemple, la dignité peut être altérée. Il est essentiel de conserver la préservation de la dignité dans le texte car elle souligne l'importance des enjeux matériels dans la préservation de l'autonomie – notion qu'il est intéressant de mentionner également. Demander à une personne dépendante par quelle partie du corps elle souhaite que l'on commence sa toilette est aussi une façon de s'intéresser à sa volonté.

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La dignité est consubstantielle à l'humanité. Tout être humain est digne de respect. Il s'agit d'un principe cardinal. M. Peytavie a parlé des conditions indignes dans lesquelles vivaient certaines personnes. Or, le rôle de la solidarité nationale est précisément de faire en sorte que le déroulement de la vie soit digne. Nous nous accordons tous sur la nécessité de lutter contre le logement indigne. Mais la vie, elle, est riche de dignité, du début à la fin. Sinon, que dirons-nous demain aux personnes souffrant d'un handicap lourd ? Certains ont essayé, par le passé, de mettre de côté ceux qui étaient progressivement considérés comme indignes ; cela s'est très mal fini.

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Le droit à la préservation de sa dignité est fondamental, protégé par la Constitution. Nous convenons tous que, quel que soit l'état d'une personne, sa dignité doit être reconnue. Mais le débat n'est pas là. Ce que nous devons déterminer, c'est la façon de préserver la personne de traitements dégradants, humiliants ou déshumanisants portant atteinte à sa dignité. C'est ce que recouvre le principe de dignité. Le fait de revenir sur la préservation de la dignité au détour d'un amendement constituerait un immense retour en arrière alors qu'il a fallu du temps pour que ce droit fondamental soit garanti par la Constitution.

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Catherine Vautrin, ministre

Je suis en plein accord avec ce qui vient d'être énoncé. L'alinéa 6 dispose que chacun doit être traité et accompagné dans le respect de sa dignité. Il se réfère ainsi à une notion ayant valeur constitutionnelle. Le terme « autonomie » a lui aussi plusieurs sens : il peut désigner la liberté d'agir, mais aussi la capacité à effectuer seul les actes de la vie quotidienne, qui s'oppose à la dépendance. Il est important de conserver la rédaction actuelle du texte. Notre objectif est le maintien de la qualité de vie la meilleure possible.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS1209 de Mme Monique Iborra et sous-amendement CS1964 de M. Didier Martin

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Revenons à la situation du malade, qui est une personne. Les citoyens attendent beaucoup de ce projet de loi : des soins palliatifs, mais aussi pouvoir s'exprimer, être entendus et respectés. De ce point de vue, le texte n'est pas équilibré : les directives anticipées n'y sont évoquées qu'à la marge, ce qui est dommage. Elles pourraient être introduites à l'alinéa 6, qui porte sur les soins d'accompagnement. Ceux-ci peuvent constituer, pour les patients qui ne l'auraient pas encore fait, une occasion de rédiger leurs directives.

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Je partage cet avis quoiqu'il me semble préférable d'introduire cette mention à l'alinéa 11 plutôt qu'à l'alinéa 6. Tel est l'objet de mon sous-amendement.

Très peu de nos concitoyens ont rédigé leurs directives anticipées. Un journaliste me demandait encore tout à l'heure de quoi il s'agissait. Ce serait une bonne chose que de rappeler aux patients, au moment de la mise en place des soins d'accompagnement, qu'ils ont la possibilité de les préparer.

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Catherine Vautrin, ministre

J'émets également un avis favorable au sous-amendement ainsi qu'à l'amendement ainsi modifié.

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Je partage le point de vue de Mme Iborra : les directives anticipées ne sont pas suffisamment évoquées dans le texte. J'aimerais savoir, à ce sujet, ce qu'il adviendrait dans le cas où, après avoir mentionné son souhait de recourir au suicide assisté, une personne voyait ensuite sa conscience s'altérer. Certains estiment peut-être que ce n'est pas maintenant qu'il faut évoquer cette question. Je crois préférable d'acquérir une vision globale du sujet avant de voter l'amendement proposé.

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Je suis tout à fait favorable à l'introduction des directives anticipées à l'article 1er. Mais il sera nécessaire de revoir la rédaction de cette disposition en séance publique. Le mot « ils » renvoie aux soins d'accompagnement ; or ce n'est pas le rôle d'un soin que de rédiger ces directives ! Il conviendrait en outre de mentionner la désignation d'une personne de confiance.

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Je suis favorable à cet amendement. Nombre des personnes auditionnées ont regretté que les directives anticipées soient si peu évoquées dans le texte. Alors que leur existence est peu connue, il semble important qu'elles soient mentionnées dès l'article 1er – pourquoi pas à l'alinéa 11 plutôt qu'à l'alinéa 6... Cela montrerait que l'ensemble du texte est adossé à la volonté de la personne malade. Il faudra aussi, en séance publique, ajouter la notion de la personne de confiance.

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Catherine Vautrin, ministre

Nous reviendrons ultérieurement à la question des directives anticipées. Mais je puis déjà réaffirmer que le texte proposé au Parlement prévoit bien que la personne souhaitant bénéficier de l'aide à mourir réitère sa demande. En d'autres termes, les directives anticipées ne suffiront pas.

La commission adopte le sous-amendement puis l'amendement sous-amendé.

Amendement CS636 de M. Jérôme Guedj

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Il s'agit de préciser que la répartition des soins palliatifs sur le territoire national « garantit un accès équitable aux personnes malades ». Le Conseil d'État a confirmé, dans le prolongement de la Cour des comptes, que l'offre de soins palliatifs demeure hétérogène et globalement insuffisante dans notre pays. Peut-être allez-vous me répondre, madame la ministre, que le fait que la loi garantisse quelque chose ne se traduit pas forcément dans les faits. Néanmoins, cela va mieux en l'écrivant.

J'aimerais à cet égard que vous nous apportiez quelques éclaircissements sur la stratégie décennale, dont certains aspects échappent à ma compréhension. La mesure n° 10 prévoit le recrutement de 6 000 équivalents temps plein (ETP) dans les Ehpad. S'agit-il d'emplois spécifiquement dédiés aux soins palliatifs, créés sur la durée de la stratégie décennale, ou plutôt, comme je le crains, des 6 000 postes prévus pour l'ensemble des soins assurés dans les Ehpad dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'an prochain ? Ces recrutements représentent quelque 300 millions d'euros, que je ne vois pas dans l'annexe financière.

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Je ne peux que renvoyer une nouvelle fois à la mesure n° 8 de la stratégie décennale. Je laisserai la ministre répondre sur l'aspect quantitatif. Tout en partageant l'objectif recherché, je suis défavorable à l'amendement.

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Catherine Vautrin, ministre

Le renforcement de la qualité de la prise en charge dans les Ehpad fait déjà l'objet d'un programme. Quant aux recrutements prévus à partir de 2030, ils seront au nombre de 1 000 en 2031 et 2032 respectivement, puis 2 000 en 2033 et 2034. Cela fait donc 6 000 au total.

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Ces emplois seront-ils spécifiquement dédiés aux soins palliatifs ?

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Catherine Vautrin, ministre

Absolument.

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Monsieur le rapporteur, je suis étonné de votre avis défavorable. Si nous considérons l'équité territoriale une nécessité, il est de notre devoir, en tant que législateurs, d'inscrire dans la loi les déclarations de Mme la ministre afin de garantir leur effectivité. Les ministres passent, les lois demeurent ! Si vous partagez l'objectif recherché, pourquoi appeler à voter contre cet amendement clair et précis ?

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Vous faites souvent référence, madame la ministre, à la stratégie décennale, et vous évoquez une montée en puissance des soins palliatifs dès cette année. Or, ces efforts ne figurent pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Envisagez-vous un budget rectificatif pour traduire les annonces faites début avril lors de la présentation de la stratégie décennale ? À enveloppe constante, on risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul...

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Le groupe Les Républicains votera l'amendement, qui soulève une question clef : l'accès aux soins palliatifs au sein de structures qui fonctionnent. En Île-de-France, un tiers des lits en unités de soins palliatifs sont actuellement fermés ! À Bourges, une unité vient d'ouvrir grâce au recrutement du médecin de l'équipe mobile. Alors que le nombre de professionnels formés n'augmente pas significativement, je ne vois pas quel miracle permettrait le recrutement de 6 000 ETP dans les Ehpad. On sait que l'augmentation du nombre de médecins n'est que de 15 %, là où les Anglais ont décidé de doubler le numerus clausus jusqu'en 2030. Non seulement on ne forme pas d'aides-soignants, d'infirmiers et de médecins, mais ces professionnels consacrent moins d'heures à leur activité que leurs prédécesseurs il y a dix ans. Les chiffres annoncés relèvent du pur affichage. L'amendement de M. Guedj a le mérite de poser le sujet.

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Je voterai moi aussi cet amendement. Les inégalités d'accès aux soins, criantes, s'accompagnent d'une nécessité d'augmenter les capacités d'accueil globales en soins palliatifs dans notre territoire. Il faut plus d'unités, plus de lits, plus d'équipes mobiles hospitalières et à domicile. Il y a un travail considérable à accomplir. Toute mesure garantissant un accès effectif aux soins palliatifs semble essentielle : il est insupportable que plus d'une personne sur deux en soit privée.

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Nous ne comprenons pas non plus l'avis défavorable opposé à cet amendement de bon sens, qui répond en grande partie au problème de l'accès aux soins palliatifs dans nos territoires et s'appuie sur un rapport publié en juillet 2023 par la Cour des comptes. Si vous refusez cet amendement, vous passez totalement à côté de l'objectif principal du titre Ier ! Vous ne mesurez pas à quel point les carences sont graves. En Haute-Marne, l'un des vingt et un départements dépourvus d'USP, nous avons trois équipes mobiles de soins palliatifs dans la préfecture et les deux sous-préfectures, mais plus de médecin spécialisé dans ce type de soins. Au-delà d'une carence, nous subissons une absence totale d'accès aux soins palliatifs dans un département de 175 000 habitants.

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L'amendement de M. Guedj permet d'évoquer le problème de la formation des médecins et du croisement que vous redoutez, madame la ministre, entre la courbe des départs à la retraite et celle des arrivées de nouveaux praticiens.

Nous formons actuellement le même nombre de médecins qu'en 1970 alors que la population a augmenté de 15 millions d'habitants, que notre pays compte de nombreux patients vieillissants ayant besoin de soins palliatifs et que le rapport au travail a changé au fil des générations. Et encore, nous ne parlons que de formation initiale… Les étudiants qui s'inscrivent en faculté de médecine visent rarement d'emblée les soins palliatifs. En général, les nouveaux praticiens exercent d'abord en médecine générale, en médecine de spécialité ou en chirurgie. C'est au cours de leur parcours professionnel, médical ou paramédical, qu'ils se décident pour les soins palliatifs. Si vous voulez favoriser les passerelles, je vous invite à vous saisir de ma proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation, adoptée en première lecture en décembre dernier. Il faudra renforcer la formation initiale pour permettre la formation continue car, je le répète, les soins palliatifs sont rarement un premier choix de carrière.

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Comme je le constate en Eure-et-Loir, les départements dépourvus d'unités de soins palliatifs cumulent les inégalités car l'offre médicale générale y est aussi très faible. Adopter cet amendement reviendrait à prendre l'engagement de cibler en priorité ces départements, à qui l'on enverrait un signal fort.

Monsieur Neuder, permettez-moi de rappeler que certains membres de votre famille politique ont, dans les années 1970, pris des décisions folles visant à réduire le nombre de médecins. D'autres ont été poussés à la retraite par le biais du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité, en 1999, quand Mme Aubry était ministre de l'emploi et de la solidarité. Ne l'oubliez pas, chers collègues ! Alors que nous sommes loin du compte dans la lutte contre les déserts médicaux, ne commettons pas l'erreur de négliger d'apporter une réponse à ces départements en ce qui concerne les soins palliatifs.

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J'aimerais recentrer le débat sur les soins palliatifs, une discipline assez récente. Des erreurs ont sûrement été commises par le passé mais, il y a vingt ans, on ne parlait pas de la mort dans les hôpitaux. Nous avons beaucoup progressé grâce aux lois Leonetti et Claeys-Leonetti, ainsi qu'aux débats organisés par la Convention citoyenne sur la fin de vie.

Ces spécialités, tout à fait respectables, ne sont pas forcément les plus prisées des internes en médecine. La gériatrie, ma discipline, se situe à l'avant-dernière place du classement. Cependant, nous assistons à un changement de société qu'il faut accompagner en enrichissant ce texte. Pour la clarté de nos débats et par respect pour tous les soignants investis dans les soins palliatifs au cours des dernières années, prenons garde de ne pas tout mélanger. Nous n'allons pas, du jour au lendemain, gommer les effets négatifs de politiques menées depuis quarante ans. Mais grâce à ce texte, nous pouvons soutenir le développement des soins palliatifs au cours des prochaines années.

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Catherine Vautrin, ministre

Nous devons assumer un certain nombre de choix faits depuis plus de quarante ans. Nous respectons toutes les spécialités et ceux qui les exercent, notamment les aides-soignants, les infirmiers et les médecins qui s'engagent dans les soins palliatifs.

Je n'ai pas caché la difficulté, que nous connaissons tous, d'accéder à ce type de soins. J'ai cité les chiffres de la Cour des comptes en la matière. Chacun peut souhaiter faire plus et mieux, mais il est une réalité qui nous rattrape : nous avons besoin de professionnels. La nécessité de la formation peut faire l'objet d'un consensus. Au-delà de la formation initiale, la formation continue sera d'autant plus efficace que nous aurons favorisé le développement d'une culture des soins palliatifs, qui attirera des professionnels vers cette spécialité dont je conviens qu'elle n'est pas forcément le premier choix des étudiants.

Ce serait mentir aux Français que de prétendre que nous allons régler le problème en six mois. Les besoins étant immédiats, nous actionnons tous les leviers dont nous disposons, à commencer par celui de la formation. Lors de ma prise de fonction, il y a trois mois et demi, j'ai pris un décret concernant les professionnels à diplôme hors Union européenne. S'ils ne sont pas l'alpha et l'oméga, ils ont permis d'apporter des réponses, dans un esprit de compagnonnage avec des praticiens formés. Ceux qui ont accepté de prendre un poste ont été prioritairement orientés dans les territoires où la vacance était importante.

Il est vrai que le vieillissement de la population suscitera un besoin d'accompagnement croissant et durable. Certains médecins acceptent de travailler plus longtemps, mais cette pratique a des limites, ce qui nous a conduits à ouvrir des formations. Peut-être ne sommes-nous pas allés assez loin. Mais nous avons au moins eu le mérite d'engager cette politique et d'augmenter le nombre de médecins en formation depuis 2017. L'arrivée de ces jeunes docteurs, à partir de 2026, va contribuer à résoudre le problème.

L'amendement CS636 part du principe que ce qui va sans dire va mieux en l'écrivant. Nous devons cependant dire la vérité : ce n'est pas en l'adoptant que nous ferons arriver des médecins, du jour au lendemain, dans tous les départements. Cette question dépasse les gouvernements et les majorités – celles d'hier peuvent aussi regarder ce qui n'a pas été fait. Elle nous engage vis-à-vis de nos concitoyens, notamment des plus âgés, qui nous ont permis de devenir ce que nous sommes.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CS929 de Mme Cécile Rilhac

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J'aborde un sujet difficile : celui des cancers pédiatriques, dont le taux de mortalité est d'environ 15 % malgré les efforts déployés, notamment, dans le quatrième plan Cancer. Lors des auditions, le professeur Chauvin m'a indiqué qu'il existait des soins palliatifs spécifiques pour les enfants. Je propose donc de compléter l'alinéa 6 afin qu'une attention particulière soit portée aux mineurs, enfants et adolescents, et aux personnes en situation de handicap, qui nécessitent une prise en charge adaptée.

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La mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti a porté une attention particulière à la situation des enfants, de la période néonatale à l'adolescence. Il existe une Société française de soins palliatifs pédiatriques, qui nous a donné des indications sur son fonctionnement, ses travaux de recherche, la prise en charge de la douleur, et aussi sur les demandes de certains mineurs qui expriment leur volonté de mourir. Il y a quelques cas – moins de dix par an – de sédation profonde continue d'enfants. Si nous devons envisager cet aspect dans le développement des soins palliatifs, il ne me paraît pas indispensable de l'ajouter dans le texte. C'est mener une vraie politique de santé publique que de s'occuper des enfants en fin de vie.

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Catherine Vautrin, ministre

Merci, madame la députée, de nous permettre de nous arrêter sur cette situation. Les personnes présentant une vulnérabilité particulière doivent bénéficier d'une attention spécifique. La prise en charge des mineurs en soins palliatifs fait l'objet de mesures ambitieuses dans la stratégie décennale par le biais d'un renforcement des équipes ressources régionales en soins palliatifs pédiatriques (ERRSPP) et la création d'une unité de soins palliatifs pédiatriques dans chaque région. Les vingt-trois ERRSPP existantes prennent en charge quelque 2 500 mineurs. Multidisciplinaires, elles partagent leur expertise palliative avec l'ensemble des soignants qui travaillent avec des enfants. L'objectif est de passer à vingt-huit équipes et d'accroître le nombre de médecins capables de répondre aux besoins.

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Merci, madame Rilhac, d'évoquer ce douloureux sujet de la fin de vie d'enfants atteints d'affections pédiatriques. L'adoption de votre amendement reviendrait cependant à s'immiscer dans les bonnes pratiques professionnelles qu'élaborent la HAS, la Société française de pédiatrie (SFP) et la Sfap. Quelles que soient nos convictions, nous ne devons pas franchir le pas consistant à légiférer sur les modalités de prise en charge. Ces dernières doivent rester encadrées par la HAS et établies par les sociétés savantes qui pratiquent ces disciplines difficiles.

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Les soins adaptés aux enfants et aux personnes en situation de handicap, auxquels nous sommes tous favorables, existent déjà dans les USP, qui fonctionnent selon un modèle de suivi individualisé adapté en fonction du profil et de la pathologie des patients. Avec mes collègues Christophe Bentz et Thomas Ménagé, j'ai visité l'USP de Sens. Lors des échanges avec le personnel, nous avons constaté ce suivi individualisé, déconnecté d'un système de santé français trop souvent soumis à la standardisation et à des objectifs de rentabilité – des caractéristiques que l'on peut aussi observer dans les Ehpad. Ce souci de l'humain et des spécificités de chaque patient fait la richesse des USP. Nul besoin de réinventer l'eau chaude et d'avancer de grands principes déjà mis en pratique par les personnels des USP ! Parfois décriées ou entachées d'une image morbide, ces unités sont de fantastiques lieux de fin de vie où l'on s'adapte aux besoins, pathologies et spécificités des patients.

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Merci, madame Rilhac, d'avoir évoqué dans cet amendement les besoins spécifiques des mineurs et des personnes en situation de handicap. Il est important d'aborder ces vulnérabilités croisées. Nous avons auditionné des représentants de l'Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, qui ont expliqué que beaucoup de personnes atteintes de la maladie de Charcot étaient refusées en soins palliatifs. Ces patients, qui ont souvent subi une trachéotomie, suscitent une inquiétude dans les services où les soignants ne sont pas formés à ce genre de situation. Nous sommes très loin du compte en matière de formation !

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Comme l'indique Mme Rilhac, la difficulté d'accès aux soins palliatifs est accentuée quand il s'agit d'enfants.

J'aimerais citer un extrait de l'avis du Conseil d'État : « L'expression d'une demande d'aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d'un accès insuffisant à des soins palliatifs. L'accès à des soins palliatifs de qualité constitue ainsi une condition indispensable à l'expression d'une volonté libre et éclairée du patient dans les derniers moments de la vie et, plus largement, un préalable nécessaire à toute réflexion éthique aboutie sur la question de la fin de vie. »

Voilà le cœur du problème : nous allons légiférer et débattre du suicide assisté et de l'euthanasie alors que nous savons l'accès aux soins palliatifs non garanti pour l'ensemble de nos concitoyens, ce qui résulte d'une responsabilité collective. C'est incroyable, et il faut savoir le dire comme l'a fait aujourd'hui Jean-Marc Sauvé dans Le Figaro. Nous ne pouvons passer à côté de ce débat éthique fondamental. Sommes-nous conscients que nous allons provoquer un effet Werther ?

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Nous avons déjà évoqué le formidable travail d'accompagnement effectué par les équipes hospitalières qui dispensent des soins palliatifs à des enfants en fin de vie, souvent atteints de cancers pédiatriques.

Lors de votre audition, madame la ministre, vous avez expliqué que les dispositions de ce projet de loi n'étaient pas liées à l'âge ou au handicap. En matière de soins palliatifs, le handicap présente pourtant une spécificité, notamment lorsque le patient n'est pas capable d'exprimer sa souffrance. Ce serait l'honneur de notre pays que de développer une filière d'excellence de soins palliatifs pour les personnes en situation de handicap. Il y a quelque temps, madame la ministre, les majorités auxquelles vous apparteniez défendaient de grandes lois sur le handicap.

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Je soutiens l'amendement de Mme Rilhac, qui porte une attention particulière à des individus vulnérables au sein des services de soins palliatifs. Contrairement à ce que j'ai pu entendre, nous ne légiférons pas sur les modalités de prise en charge : nous imposons l'obligation d'en prévoir à l'égard de personnes vulnérables.

Les enfants ne sont pas des adultes en miniature même s'ils peuvent recevoir des traitements similaires à ceux des adultes. Leur vécu a fait l'objet de nombreux mythes dont on est désormais revenu : on a longtemps cru que leur expérience de la douleur était différente. Ils ont besoin d'une prise en charge spécifique, qui aborde certains sujets tels que la compréhension de ce qu'est la mort, la distinction entre cette dernière et la séparation d'avec les proches, ou encore le caractère irréversible et universel du décès. Il s'agit tout simplement de reconnaître la nécessité anthropologique de prendre en charge un être humain de manière différente lorsqu'il est petit.

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Quitte à surprendre, j'avoue ne pas comprendre ces échanges. D'abord, toutes les situations n'ont pas à être mentionnées dans la loi, au risque de la rendre illisible. Ensuite, tel qu'il est rédigé, l'article 1er concerne tout le monde, y compris les enfants et les personnes en situation de handicap atteintes de maladies incurables. Si le handicap n'est pas une maladie mais la conséquence d'un état, les personnes en situation de handicap peuvent développer des maladies incurables nécessitant des soins palliatifs. Nous devons travailler à améliorer leur accueil dans les hôpitaux et les USP. Je sais que Mme la ministre connaît le sujet. Mais je ne vois pas du tout l'intérêt de mentionner leur situation spécifique dans cet article qui s'adresse à tous.

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Ce type d'amendement témoigne de carences exprimées par des proches de malades. Tout au long de nos discussions, ces ressentis subjectifs vont alimenter notre réflexion.

J'aimerais rebondir sur la remarque de M. Hetzel. Je serai délibérément provocateur en formulant une observation juridique. Le titre Ier du projet de loi est évidemment consensuel. Pour preuve, nous avons tous applaudi l'amendement CS636 de M. Guedj, qui a eu le mérite de mettre le doigt sur une question juridique, celle de la faute lourde de l'État. Or, si nous sommes obligés de prévoir un titre II consacré à l'aide à mourir, c'est à cause d'une carence de moyens dans le champ du titre Ier : la mission des soins palliatifs n'est pas assurée. L'amendement de M. Guedj permet justement de préciser les manquements de l'État dans la mise en œuvre d'une véritable politique de santé publique en matière de soins palliatifs. Reprenons l'avis du Conseil d'État : « L'expression d'une demande d'aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d'un accès insuffisant à des soins palliatifs. » Or, les amendements dont nous débattons illustrent ces fameuses insuffisances.

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Nul ne conteste que les populations vulnérables font déjà l'objet d'attentions particulières. Nul ne conteste que la stratégie décennale proposée en annexe de ce texte tient compte de cette préoccupation. Nul ne conteste l'idée que la loi que nous construisons ne doit pas être inutilement bavarde. Néanmoins, le titre Ier consiste en une remise à plat exhaustive des conditions d'administration des soins palliatifs, afin de les renforcer et de les améliorer autant que possible. Pour que ce texte soit accepté par l'ensemble de la population, il ne faut négliger aucun aspect. Ce qui va sans dire va mieux en le disant : je voterai donc l'amendement de Mme Rilhac car nous devons penser à ces populations.

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Le fondement profond de mon engagement politique étant la modération, j'ai été choqué par l'intervention de M. de Lépinau. Sur un tel sujet, nous pouvons avoir des convictions mais pas des certitudes, pour reprendre les mots de notre rapporteur. Aussi devons-nous faire preuve de pondération dans notre expression. Dire que le titre II témoigne d'une faute grave de l'État en matière d'accès aux soins palliatifs, c'est une provocation que je ne saurais supporter et que je condamne. Ce n'est pas à la hauteur de ce que les Français attendent de nous.

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L'amendement CS929 nous invite à porter une attention particulière aux mineurs et aux personnes en situation de handicap. C'est évidemment intéressant, mais d'autres catégories de personnes nécessitent aussi des soins spécifiques, notamment les patients âgés. Sur le plan médical et même holistique, ceux-ci appellent une prise en charge particulière, d'où l'invention de la gériatrie. Si nous commençons à créer des sous-catégories, aussi légitimes soient-elles, nous en oublierons. C'est pourquoi je voterai contre cet amendement.

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Le centre hospitalier universitaire de ma ville comporte une unité de soins palliatifs efficace, qui travaille en bonne harmonie avec l'ensemble des services médicaux et chirurgicaux. Pourtant, deux personnes sont allées en Suisse obtenir une aide active à mourir, et elles ont d'ailleurs fait l'objet de reportages dans la presse. Il est donc faux de dire que c'est la carence en soins palliatifs qui conduit à l'aide active à mourir.

Pour en revenir à l'amendement de Mme Rilhac, la stratégie décennale contient des objectifs spécifiques concernant les enfants, les migrants, les détenus et toutes les personnes en situation de vulnérabilité. Nous pourrions les inclure dans la loi mais, comme l'a expliqué Mme Darrieussecq, il vaut mieux adopter un texte général qui englobe tous nos concitoyens.

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Catherine Vautrin, ministre

Depuis le début l'après-midi, nous faisons un constat : les soins palliatifs doivent être améliorés dans tout le pays. En adoptant l'amendement CS636, vous avez d'ailleurs affirmé la nécessité d'équiper le pays en USP, ce qui concerne les adultes comme les enfants. Si nous devons équiper tout le pays rapidement, je ne suis pas sûre que nous ayons les moyens de bâtir en même temps des filières d'excellence. Prenons les choses dans l'ordre pour répondre correctement aux besoins !

J'ai été interpellée sur la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Dans un souci de modération, je répondrai par cette question : qu'avons-nous fait collectivement de cette loi ?

Pour ce qui est des mineurs, je souligne qu'ils sont exclus de l'aide à mourir prévue par ce texte. Il est important de le préciser car il ne faut pas laisser entendre des choses qui n'existent pas.

Le Conseil d'État indique en effet que « l'expression d'une demande d'aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d'un accès insuffisant à des soins palliatifs ». Cela étant, il faut entendre et respecter certaines demandes spécifiques de nos concitoyens. Que prévoit le texte ? Quand une personne demande à bénéficier de l'aide à mourir, on lui propose d'abord des soins palliatifs, qu'elle n'est pas obligée d'accepter. Comme vous, j'ai fait des immersions dans des USP, où l'on m'a expliqué que de nombreuses personnes changeaient d'avis lorsqu'elles y étaient prises en charge. Nous aurons l'occasion d'y revenir quand nous parlerons des directives anticipées. Nous devons néanmoins entendre celles qui persistent à souhaiter une aide à mourir. Tel est le sens de ce texte.

S'agissant enfin de l'amendement CS929, je le considère satisfait par l'évolution des soins palliatifs pédiatriques dans chaque région.

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Notre travail de législateur sur ce texte repose sur le respect de la volonté libre et éclairée du malade. Faut-il rappeler qu'en 2002, nos prédécesseurs dans cette fonction, soucieux de donner à nos concitoyens le droit de ne pas souffrir et de ne pas subir d'acharnement thérapeutique, ont permis à un malade de refuser tout traitement, au risque de sa propre vie ?

Je m'inscris en faux contre les propos de M. de Lépinau. Il est vrai que les soins palliatifs doivent être la réponse primordiale et l'aide à mourir un recours, mais l'une de ces options ne dépend pas de l'autre et le respect de la volonté du malade interdit de rendre obligatoire l'orientation vers les soins palliatifs, dont certains malades ne voudront pas. Militant des soins palliatifs et partisan de l'aide à mourir, je pense les deux foncièrement complémentaires.

La commission rejette l'amendement.

La réunion s'achève à vingt heures.

Présences en réunion

Présents. – Mme Farida Amrani, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Bérangère Couillard, M. Charles de Courson, Mme Laurence Cristol, Mme Geneviève Darrieussecq, Mme Christine Decodts, M. Jocelyn Dessigny, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, Mme Elsa Faucillon, M. Emmanuel Fernandes, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, Mme Annie Genevard, M. François Gernigon, M. Joël Giraud, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Marine Hamelet, M. Patrick Hetzel, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, Mme Emeline K/Bidi, M. Gilles Le Gendre, Mme Élise Leboucher, M. Hervé de Lépinau, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Marie-France Lorho, Mme Lise Magnier, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Christophe Marion, M. Didier Martin, M. Thomas Ménagé, Mme Frédérique Meunier, M. Yannick Neuder, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pires Beaune, Mme Lisette Pollet, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Cécile Rilhac, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, M. David Valence, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Léo Walter

Assistaient également à la réunion. – M. Mickaël Bouloux, Mme Mireille Clapot, M. Bruno Fuchs, M. Dominique Potier, M. Jean-Pierre Taite