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La commission entend une communication de M. Jean René Cazeneuve, rapporteur général, sur l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales

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Mes chers collègues, nous entendons ce matin le rapporteur général, M. Jean-René Cazeneuve, qui nous présente une communication sur l'autonomie financière et l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Il a fait parvenir dès lundi une version écrite de cette communication qui vous a été diffusée et qu'il va maintenant pouvoir nous exposer.

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À travers cette communication, j'ai essayé d'être le plus objectif possible, autour de deux concepts que nous utilisons beaucoup dans nos discussions budgétaires : l'autonomie financière et l'autonomie fiscale, sur lesquels je souhaite faire un état des lieux et vous proposer quelques recommandations. Il s'agit là d'une logique de clarification et d'objectivation de nos débats.

L'autonomie financière est à la fois définie et protégée par la constitution, qui indique dans son article 72-2 que les collectivités disposent librement de leurs ressources, dont une part déterminante doit être constituée de ressources propres. Ces dernières incluent l'ensemble des impôts locaux, mais également la fiscalité partagée avec l'État après une clarification du Conseil constitutionnel dans une décision de 2004. Il s'agit notamment de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) ou de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

En revanche, les concours de l'État, notamment la dotation globale de fonctionnement (DGF) et le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ne sont ni des impôts locaux, ni des impôts partagés. Évidemment les recettes tarifaires participent également à cette autonomie financière.

Chaque année, la direction générale des finances publiques (DGFIP) communique les niveaux d'autonomie financière, avec ce plancher qui date de sa constitutionnalisation en 2003. L'autonomie financière est en hausse tendancielle pour toutes les catégories de collectivités. Entre 2004 et 2021, l'autonomie financière a augmenté de plus de 10 points de pourcentage pour le bloc communal (de 61 % à 71 %), de 16 points pour les départements (de 58,6 % à presque 75 %) et de 36 points pour les régions (de 42 à 78 %).

Les principales causes de l'évolution favorable de l'autonomie financière sont à la fois positives et négatives. Les ressources propres augmentent avec le dynamisme des bases fiscales locales, mais aussi, paradoxalement, quand la DGF diminue. En effet, puisque l'autonomie financière est un ratio, lorsque la DGF diminue, elle augmente mécaniquement.

Les départements et les régions ont reçu des ressources propres importantes et dynamiques : la TSCA et l'accise sur l'essence et le gazole (l'ancienne TICPE) pour financer les transferts de compétences notamment. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), départements et régions ont en outre reçu des fractions dynamiques de TVA en compensation de la suppression de la DGF pour les régions et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). En résumé, l'autonomie financière augmente objectivement pour les collectivités territoriales année après année, quel que soit leur niveau.

Contrairement à l'autonomie financière, l'autonomie fiscale n'a pas de définition pratique et n'a jamais été consacrée au niveau constitutionnel. Je me suis appuyé sur les travaux effectués dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales par nos collègues Charles de Courson et Christophe Jerettie qui, il y a quelques années, avaient proposé trois niveaux possibles d'autonomie fiscale. Je suggère qu'un travail soit réalisé avec la direction générale des collectivités locales (DGCL), le comité des finances locales (CFL) et les associations d'élus, pour essayer d'établir une définition commune de l'autonomie fiscale.

S'agissant de l'autonomie fiscale, je propose de m'appuyer sur la définition qui me paraît aujourd'hui la plus simple à comprendre, c'est-à-dire le ratio entre l'ensemble des ressources locales et l'ensemble des recettes fiscales sur lesquelles les élus ont un pouvoir de taux.

Certains points de cette définition peuvent être discutés, dans la mesure où les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) rentrent dans cette dernière, puisque les départements ont le pouvoir de taux. Il en va de même pour la part majorée de la TICPE, même si, aujourd'hui, pour ces deux impositions, la très grande majorité des collectivités territoriales sont au taux plafond. Cependant, l'autonomie est aussi la faculté de faire baisser les taux.

Pour respecter la proposition que je formule, je mets l'accent volontairement sur des éléments qui peuvent faire l'objet de discussions après ma présentation. D'ailleurs, rien ne nous empêche d'augmenter ces plafonds, les départements le souhaitent toujours pour les DMTO, ce qui leur permettrait de moduler le taux en fonction de leurs besoins.

Ensuite, la notion de territorialité doit également être mentionnée. Dans cette optique, Pourquoi ne pas inclure des recettes territorialisées, qui emportent donc des incitations au niveau local, même sans pouvoir de taux ? Cela serait possible et concernerait essentiellement la CVAE. Cependant, la CVAE est en voie d'extinction et j'ai préféré établir une définition plus simple, celle d'une recette sur laquelle il existe un pouvoir de taux.

Dans le cadre de cette proposition de définition d'autonomie fiscale, j'ai recensé vingt-trois taxes locales qui sont assorties d'un pouvoir de taux. Elles concernent essentiellement les communes, tandis que l'autonomie fiscale du côté des départements (DMTO et taxe d'aménagement) et des régions (taxe sur les certificats d'immatriculation et majoration de TICPE) est très différente. De plus, le pouvoir de taux des élus sur le bloc communal ne se réduit pas à la taxe foncière : il existe au total seize taxes, auxquelles il faut rajouter trois taxes existantes dans des territoires spécifiques : la taxe sur les remontées mécaniques dans les territoires de montagne, et la taxe sur les carburants et l'octroi de mer en outre-mer.

Pour l'ensemble des collectivités territoriales, le produit des vingt-trois taxes avec pouvoir de taux est de plus de 80 milliards d'euros d'autonomie fiscale (sur 272 milliards de ressources totales hors emprunt). Le bloc communal dispose de 61 milliards d'euros d'autonomie fiscale, dont la moitié est représentée par la taxe foncière (34 milliards). Il convient néanmoins de mentionner également la taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères (7,5 milliards), la cotisation foncière des entreprises (7 milliards) et le versement mobilité (4,7 milliards).

L'autonomie financière est calculée chaque année par les services de l'État, mais ce n'est pas le cas de l'autonomie fiscale, en l'absence de définition. Cependant, la méthode proposée conduit à constater en 2021 des taux d'autonomie fiscale de 35,8 % pour le bloc communal, de 21,8 % pour les départements et de 9,8 % pour les régions. Sur une dizaine d'années, ce taux a diminué pour le bloc communal (de plus de 40 % à 35,8 %) et les départements (de 30,2 % à 21,8 %) et il est demeuré stable pour les régions, mais à un niveau faible. Nous sommes donc très loin des niveaux observés en matière d'autonomie financière.

Les ressources globales des collectivités s'élèvent à 272 milliards d'euros, là où leurs dépenses sont de l'ordre de 300 milliards. Le périmètre d'autonomie financière est de l'ordre de 200 milliards et celui de d'autonomie fiscale est de l'ordre de 80 milliards.

Ensuite, toujours dans un objectif d'objectivation, j'ai récapitulé l'ensemble des modifications qui ont été réalisées lors des différentes réformes fiscales ces huit dernières années, en commençant par le relèvement du plafond des DMTO. La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (THRP) des communes a été neutre sur leur autonomie financière et fiscale, car elle a été compensée par un autre impôt local avec pouvoir de taux, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

En revanche, la suppression de la THRP des EPCI a été neutre sur l'autonomie financière (compensation en TVA) mais négative sur l'autonomie fiscale, à travers la perte d'un pouvoir de taux. La division par deux des valeurs locatives des établissements industriels pour la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la taxe foncière sur le bâti des communes et EPCI et sa compensation par des prélèvements sur recettes (PSR) a entraîné un double effet négatif sur l'autonomie financière et l'autonomie fiscale. Le transfert de la TFPB des départements aux communes a été neutre sur l'autonomie financière des départements (compensation en TVA) mais négatif sur leur autonomie fiscale (perte d'un pouvoir de taux). Enfin, la suppression de la CVAE pour les régions, les départements et les EPCI a été neutre sur l'autonomie financière (compensation en TVA) mais aussi sur l'autonomie fiscale, car il n'y avait pas de pouvoir de taux sur cet impôt.

Ensuite, il faut souligner que les élus locaux ont le sentiment légitime d'être dépossédés d'une partie de la maîtrise de leurs recettes. En réalité, l'autonomie fiscale a baissé de 5 points pour le bloc communal, mais l'autonomie financière a augmenté. Fondamentalement, les élus constatent que le levier fiscal est éloigné : ils ont effectivement un pouvoir de taux sur la taxe foncière, mais ils considèrent que le poids des impôts sur leurs concitoyens est à un niveau maximum acceptable et ils ne l'utilisent pas, dans la mesure du possible.

Sur le long terme, les élus du bloc communal ont perdu des leviers d'action fiscaux avec la suppression de la taxe professionnelle (TP) et de la THRP. Le niveau d'autonomie fiscale du bloc communal porte sur environ 36 % des recettes, soit un niveau nettement inférieur à celui de l'autonomie financière. La baisse de la DGF de 11 milliards d'euros (25 %) entre 2014 et 2017 a certainement laissé des traces, puisqu'elle a dramatiquement réduit l'autofinancement, l'investissement et les marges de manœuvre financières des élus. Enfin, sur certaines recettes fiscales, les taux sont déjà au niveau du plafond légal.

Pour achever cette communication, je souhaite à présent vous faire part de quatre conclusions et de trois propositions. S'agissant des conclusions, la première souligne que l'autonomie financière, la seule définie et protégée par la constitution est en croissance continue depuis 2003 pour les trois niveaux de collectivités. Ensuite, l'autonomie fiscale n'a en revanche pas d'existence constitutionnelle ni de définition officielle. Je propose une définition fondée sur le pouvoir de taux. Selon cette définition, l'autonomie fiscale a tendance à baisser.

Troisièmement, les réformes de la fiscalité locale ont eu dans l'ensemble un impact plutôt négatif sur l'autonomie fiscale. En revanche, cet impact a été neutre sur l'autonomie financière, voire légèrement positif, et n'a pas affecté le dynamisme des recettes locales. Dernière conclusion : un sentiment global de perte de maîtrise de leurs recettes anime malgré tout les élus. Il importe d'en comprendre les raisons, qui peuvent pour certaines être indépendantes de la fiscalité locale. Je pense notamment à la baisse de la DGF.

Les recommandations sont au nombre de trois. La première vise à convenir d'une définition claire et précise de l'autonomie fiscale fondée sur le pouvoir de taux. Je propose de la définir comme le ratio entre, d'une part, les recettes fiscales sur lesquelles les collectivités disposent d'un pouvoir de taux et, d'autre part, l'ensemble de leurs ressources.

La deuxième recommandation vise à étudier la pertinence et les modalités de la constitutionnalisation d'un niveau minimal d'autonomie fiscale. La troisième et dernière recommandation a pour objet d'inscrire la réflexion sur l'autonomie financière et l'autonomie fiscale dans une réflexion globale sur le financement des collectivités, pour leur garantir plus de résilience et plus de visibilité, afin de leur permettre de déployer pleinement leurs politiques publiques.

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Je vous remercie pour cette communication, qui va nécessairement susciter des réactions.

Vous faites le constat que l'autonomie financière au sens constitutionnel est assurée et qu'elle augmente dans l'ensemble. Cependant, d'une part cela ne permet pas de dire que toutes les collectivités, dans le détail, vont bien financièrement, comme l'a d'ailleurs relevé André Laignel au dernier comité des finances locales. Par exemple, certains départements sont confrontés à une baisse des DMTO avec l'évolution du marché de l'immobilier, alors que les allocations individuelles de solidarité (AIS) restent une charge sur leurs budgets.

D'autre part, comme vous le rappelez d'ailleurs, l'autonomie financière ne prend pas en compte la ressource numéro un pour l'autofinancement des collectivités (la DGF) et pour l'investissement : le FCTVA. Or, la DGF a été d'abord rabotée par la contribution au redressement des finances publiques (CRFP), puis rongée par l'inflation pendant des années avant d'augmenter timidement l'année dernière.

Ensuite, cette autonomie financière n'est pas garantie dans le temps : elle repose sur le dynamisme des impôts d'État transférés : accise sur l'essence et le gazole et surtout TVA. Mais si la conjoncture se retourne, cette autonomie serait en péril. Pendant la crise Covid, lorsque la TVA a chuté de 15 milliards d'euros en 2020, seules les régions percevaient 4 milliards en remplacement de leur ancienne DGF. En 2023, avec le démembrement de la fiscalité locale (taxe d'habitation, CVAE) intervenu entretemps, toutes les catégories de collectivités perçoivent désormais plus de 50 milliards d'euros de TVA, laquelle représente aujourd'hui entre 15 et 20 % de leurs ressources globales.

C'est donc à mon sens une hypothèque que l'on fait peser sur les recettes des collectivités territoriales. L'État peut avoir recours à l'endettement pour faire face à une baisse brutale et imprévue de TVA. Mais l'endettement des collectivités est bien plus encadré et ne peut financer que l'investissement. Même si l'autonomie financière augmente, il existe donc un risque nouveau sur les recettes, que l'on réalisera seulement lors de la prochaine crise. Comment envisagez-vous de sécuriser les recettes des collectivités sur ce point ?

Ensuite, l'autonomie fiscale n'est autre que la maîtrise des élus sur leurs recettes. Les décideurs locaux élus démocratiquement veulent disposer de marges de manœuvre sur leurs recettes. Il en va de la réalité même de la démocratie locale qui est liée à l'impôt et au lien entre le contribuable et le territoire. Or le lien avec les habitants a été détruit avec la suppression de la taxe d'habitation, après la rupture avec les entreprises intervenue avec la suppression de la taxe professionnelle.

Mais quel sens aurait la constitutionnalisation d'une autonomie fiscale résiduelle lorsque l'on tend par ailleurs à limiter toujours davantage la liberté de choix des collectivités, avec la loi de programmation des finances publiques (LPFP), avec des contrats d'objectifs de dépenses, des sanctions en cas de dépassement ?

Enfin, vous relevez justement dans votre communication que les élus locaux ont un sentiment de perte de maîtrise sur leurs recettes. Mais c'est plus qu'un sentiment, c'est une réalité. Je rappelle que nos plus anciens impôts créés dans le sillage de la déclaration de 1789 qui proclamait le consentement à l'impôt et la nécessité d'une contribution publique, étaient des impôts locaux : contribution foncière, impôt sur les portes et fenêtres, contribution mobilière. Cet héritage fiscal a été détruit en quelques décennies, avec une accélération récente.

Quel est donc votre projet pour l'avenir ? Supprimer définitivement la fiscalité locale et partager une fiscalité nationale avec l'État sous le contrôle de ce dernier, ou recréer une fiscalité locale moderne et équitable ? Ce dernier élément recueille plutôt mes faveurs.

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L'autonomie financière n'a plus de lien direct avec la santé des différentes collectivités territoriales, qui se portent plus ou moins bien, en fonction des recettes, du potentiel économique de leur territoire, mais aussi de la gestion des élus. Cependant, l'autonomie financière et les recettes des collectivités territoriales continuent d'augmenter de manière significative, sur le temps long. Ainsi, en 2022, les recettes de fonctionnement s'établissent à 227 milliards, soit une augmentation de 4,7 % par rapport à 2021 et de 8 % par rapport à 2019.

Puisqu'une partie de leurs recettes sont maintenant des fractions d'impôts nationaux, il existe effectivement un risque. Cependant, si les recettes peuvent baisser, elles ne peuvent pas baisser en dessous du niveau auquel elles ont été transférées. L'effet cliquet est d'ordre constitutionnel. Je rappelle que la TVA est une recette dynamique sur le long terme.

Ensuite, la suppression de la fiscalité locale n'est pas à l'ordre du jour. Je n'y suis pas favorable, mais vous avez raison de soulever ce sujet. En Allemagne, il existe un transfert important de fiscalité et de dotation sans pouvoir local fiscal. Les régions sont extrêmement puissantes et autonomes ; elles tirent leur pouvoir de leur capacité de gestion et pas uniquement de leur capacité à lever l'impôt.

Aujourd'hui, près de 40 % des recettes du bloc communal sont des recettes sur lesquelles les élus conservent le pouvoir de taux.

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L'initiative de cette communication est la bienvenue. En effet, dans nos débats et ici même, il nous arrive de confondre l'autonomie financière et l'autonomie fiscale. Ce travail autour de ces deux concepts était donc nécessaire. Il apparaît bien que l'autonomie financière et non l'autonomie fiscale garantit la libre administration des collectivités territoriales. Cette dernière exclut d'ailleurs les concours financiers de l'État. Entre 2004 et 2021, elle a nettement progressé, de plus de 10 points de pourcentage pour le bloc communal, de 16 points pour les départements et de 36 points pour les régions. Elle se situe ainsi aujourd'hui autour de 70 %.

Vous appelez à une meilleure définition de l'autonomie fiscale, en proposant un concept autour de la liberté de taux. Je crois en effet que ce travail est nécessaire et nous devons le conduire collectivement. Vous démontrez que l'autonomie fiscale est en baisse dans le contexte de hausse de l'autonomie financière, démontrant que la question de l'autonomie fiscale n'empêche pas de garantir la libre administration des collectivités. Cela signifie que nous devons sanctuariser l'autonomie financière. L'autonomie fiscale répond à d'autres réflexions, comme le lien fiscal local.

Enfin, je tiens à insister sur deux points sur lesquels vous avez ouvert le débat et que nous devons continuer à travailler : la simplification du financement des collectivités locales et la pluriannualité des finances des collectivités, pour leur permettre d'investir durablement dans la transition écologique.

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Je vous remercie pour votre communication très argumentée. Nous pouvons souscrire à vos recommandations sur l'autonomie fiscale, car l'autonomie financière est un concept creux qui ne veut pas dire grand-chose. J'en veux pour preuve le fait qu'elle augmente quand les dotations baissent. Le véritable intérêt repose sur la définition, que nous partageons, et la mise en avant de l'autonomie fiscale, qui constitue l'indicateur concret et significatif pour nos collectivités, c'est-à-dire la part de recettes sur lesquelles nos élus ont un pouvoir de taux. Il serait d'ailleurs plus logique de constitutionnaliser ce concept plutôt que celui de l'autonomie financière.

En revanche, la perte de maîtrise de recettes par les élus locaux n'est pas un sentiment, mais bel et bien une réalité. Quelle est l'autonomie d'une région, qui décide de moins de 10 % de ses recettes, un taux qui dépasse à peine 35 % pour le bloc communal ? Ici se trouve le cœur du problème et nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une décentralisation où les collectivités ne décident que très partiellement de leurs recettes, d'un système où les budgets locaux sont équilibrés par des dotations qui sont fluctuantes voire incompréhensibles, d'un fonctionnement où les élus sont obligés de se transformer en chasseurs de subventions en répondant à des appels à projet de plus en plus nombreux de la part de l'État, avec des conditionnalités qui s'apparentent de plus en plus à une recentralisation larvée.

Parlons donc d'autonomie fiscale et en parallèle, réfléchissons globalement aux ressources de nos collectivités, dans un quadruple objectif : renforcer cette autonomie, améliorer la prévisibilité de leurs recettes pour les élus locaux, notamment des dotations, accroître la clarté et la visibilité pour le citoyen qui ne s'y retrouve plus et renouer le lien aujourd'hui distendu entre les habitants, les entreprises et leurs territoires. Mettons les choses à plat, M. le rapporteur général : quand et comment ?

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Il est toujours savoureux d'avoir un débat sur l'autonomie financière et l'autonomie fiscale des collectivités deux jours après les Assises de la fiscalité, où le ministre de l'économie a annoncé qu'il faudrait revoir les dépenses, notamment celles de collectivités locales.

Plusieurs éléments m'étonnent dans votre communication. Il est problématique que la TVA devienne le financeur officiel des collectivités locales, puisqu'elle représente quasiment 50 % de leurs produits de fonctionnement. Les impôts locaux que vous avez supprimés avaient une sorte de progressivité, ce qui n'est pas le cas de la TVA. La CVAE était ainsi établie en fonction du chiffre d'affaires : en dessous de 500 000 euros, elle n'était pas payée. De même, environ 50 % des gains de la suppression de la taxe d'habitation ont profité aux 20 % les plus riches.

Puisque l'essentiel des ressources est tiré d'un impôt sur la consommation, il est évident que dans les collectivités, les maires et les présidents de départements ne peuvent plus augmenter les impôts locaux. Les gens sont pauvres, car la politique est aujourd'hui centrée sur la compétitivité des entreprises. Je déplore la perte de 100 milliards d'euros de TVA, qui ne servent plus à la distribution mais à la compensation d'impôts plutôt redistributifs qui ont été supprimés. Aujourd'hui, les collectivités, notamment les départements et les communes, subissent une perte sèche sur les DMTO. Puisque le pouvoir d'achat a décru, les gens ne font plus de projets immobiliers. À Roubaix, cela représente 300 000 euros en moins.

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Il est intéressant de mettre en exergue les différences entre l'autonomie financière et l'autonomie fiscale. L'autonomie fiscale présente un véritable intérêt, puisqu'elle permet véritablement de mesurer la liberté d'administration des collectivités. En réalité, l'autonomie financière est surtout une figure de style, puisque les collectivités n'ont aucune possibilité d'agir ni d'intervenir.

S'agissant de la définition de l'autonomie fiscale que vous proposez, je reste dubitative quand je constate que vous placez les DMTO au titre des recettes sur lesquelles les collectivités ont un pouvoir d'intervention. En effet, ce pouvoir est très limité, à partir du moment où il existe un plafond, aujourd'hui situé à 5,8 %. De fait, les départements n'ont plus d'autonomie fiscale ; il faudrait donc véritablement libérer le plafond.

Il nous faut également mener une véritable réflexion sur les seize taxes assorties d'un pouvoir de taux au niveau du bloc communal, puisque certaines ne pèsent quasiment pas dans les recettes des collectivités. La perte de la taxe d'habitation peut être regrettée, dans la mesure où nous avons coupé le lien existant entre les habitants et les collectivités, alors même qu'il est essentiel et qu'il contribue à construire notre société et à lui donner confiance.

Avez-vous consulté les associations d'élus pour déterminer cette définition de l'autonomie fiscale ? Ceci est important quand on pense que ces élus ont appris par la presse les décisions retenues par le ministre Guerini pour l'augmentation du point d'indice. Ensuite, dans votre recommandation, vous soulevez la question de la constitutionnalisation de l'autonomie fiscale, en évoquant la mise en place d'une garantie d'un niveau minimal. Quel devrait être ce niveau minimal de modulation ?

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En 2017, une mission flash des députés Jerretie et de Courson pointait que le ratio d'autonomie financière n'était pas l'outil le plus pertinent pour rendre compte des marges de décision des collectivités locales. La Cour des comptes rendait des conclusions similaires en 2022.

Votre communication est donc nécessaire pour objectiver la situation, à un moment où de nombreux élus locaux ont le sentiment de perdre la maîtrise de leurs ressources. Cela étant dit, je vous rejoins, M. le rapporteur général, sur la nécessité d'inscrire l'autonomie financière et fiscale des collectivités dans une réflexion globale. Mais pour mener à bien cette réflexion, il serait important d'adresser plusieurs signaux positifs en amont, en corrigeant des petits « irritants ».

Il pourrait s'agir par exemple de réintégrer quelques éléments dans l'assiette du fonds de compensation sur la TVA ou de revenir sur les dispositions de septembre 2022 concernant la taxe d'aménagement, notamment sur la déclaration d'achèvement, ou sur la neutralisation des effets des variations d'attribution de compensation en cas de transferts entre intercommunalités et communes, qui semble aujourd'hui pénaliser certaines collectivités.

Sur le volet relatif à l'autonomie fiscale, si les dernières réformes, notamment la suppression de la taxe d'habitation (TH) et de la CVAE, ont pu inquiéter les élus locaux, les compensations apportées se sont révélées plus favorables et certains outils fiscaux sont de nature à redonner de l'autonomie, notamment pour le bloc communal. Je pense par exemple à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) ou à la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV).

En matière de logement et d'habitat il nous semble indispensable de développer une véritable boîte à outils, au service des collectivités et des maires. On parle également beaucoup d'une incitation aux maires bâtisseurs. Elle doit faire partie des réflexions que nous devons conduire dans le domaine du logement. En matière d'autonomie financière, il conviendrait de rassurer les collectivités quant à l'éventualité d'une nouvelle contractualisation avec l'État.

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Je remercie M. le rapporteur général pour avoir mis ce sujet à l'ordre du jour, même si je trouve paradoxal que nous ayons cette réflexion aujourd'hui, au moment où les impôts locaux sont moins élevés que par le passé. Tenter de définir l'autonomie fiscale peut éventuellement nous éviter de longs débats, mais il semble que la priorité pour les responsables des collectivités territoriales porte sur la visibilité. Un maire a besoin d'y voir clair et d'avoir confiance pour investir. En réalité, la question porte sur la pluriannualité sur la durée du mandat. Pensez-vous que nous allons enfin avancer sur ce sujet ?

Ensuite, le deuxième point que je souhaite aborder concerne la taxe d'habitation. À l'heure actuelle, un grand nombre de citoyens, c'est-à-dire les locataires, ne contribuent pas au financement des services publics locaux. Je trouve cela dommageable. En effet, le fonctionnement d'une école ou d'une cantine, l'entretien d'une voirie coûtent cher. Faire reposer le fonctionnement de ces services locaux uniquement sur les propriétaires ne constitue pas une bonne manière de faire, car ce n'est pas comme cela que l'on assure la cohésion d'une population au sein d'une commune. Seriez-vous favorable à une contribution universelle pour financer les services publics locaux ?

Vouloir inclure les DMTO dans le périmètre de l'autonomie fiscale alors que 97 % des départements sont au plafond paraît pour le moins curieux. Par ailleurs, dans le tableau de la page 23, la ligne DMTO des départements ne comporte pas d'information. Pourriez-vous nous transmettre la liste des produits des DMTO par département sur les années 2019 à 2022 ?

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Je vous remercie pour ce document et les propositions que vous formulez. Il est en effet important que nous puissions avoir une définition commune de ce que serait l'autonomie fiscale de nos collectivités territoriales.

Je souhaite m'arrêter sur la quatrième conclusion de votre communication et ce sentiment global de perte de maîtrise de leurs recettes par nos élus locaux. Ce sentiment progresse, en raison des grandes évolutions fiscales, mais aussi parce que nos élus éprouvent les plus grandes difficultés à comprendre la structuration même et le calcul des dotations, notamment celui de la DGF.

Vous proposez d'entamer une réflexion pour garantir aux collectivités territoriales plus de résilience et de visibilité. Pouvez-vous évoquer des pistes concrètes à ce sujet ? Nous avons rendu une certaine autonomie fiscale aux maires des communes situées en zone tendue en élargissant les communes éligibles à la THRS à la THLV. N'est-il pas temps de leur donner une marge de manœuvre supplémentaire, notamment par la décorrélation des taux d'impôts locaux ?

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Notre groupe s'interroge sur l'intérêt soudain de la majorité pour le sujet de l'autonomie fiscale des collectivités, qui est un vieux débat, déjà tranché par Conseil constitutionnel. En outre, le contexte est marqué par la demande du ministre de l'économie concernant la solidarité des collectivités au pacte de stabilité, qui suscite naturellement l'opposition des élus locaux.

Nous nous interrogeons donc sur cet intérêt soudain, à l'heure où toutes les décisions du gouvernement vont dans le sens d'un affaiblissement de cette autonomie : suppression de la CVAE et de la dernière tranche de la TH, qui était loin d'être utile dans le contexte financier actuel, sans parler de la suppression du lien qui unissait les communes et leurs habitants.

Il est possible de réfléchir au principe de la constitutionnalisation de l'autonomie fiscale, si tant est que nous puissions avoir un débat beaucoup plus large associant l'Assemblée nationale, le Sénat, mais aussi les collectivités locales à ce sujet. Les écologistes appellent depuis des années à un choc fédéraliste permettant d'extraire la France de son système de monarchie républicaine pour aller vers une démocratie mature où les collectivités locales auraient à la fois une autonomie financière et une autonomie fiscale.

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Nous assistons aujourd'hui à une réelle privation de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Cette autonomie reposait sur le principe selon lequel les collectivités locales devaient avoir le pouvoir de déterminer les taux d'imposition et de gérer librement les fonds dont elles disposent pour atteindre leurs objectifs.

Malheureusement, avec la suppression de la CVAE et d'autres impôts locaux, leur autonomie fiscale est gravement remise en question. Cette remise en question et cette perte de maîtrise ne relèvent pas d'un simple sentiment, elle est une réalité tangible. Nos collectivités se voient de plus en plus restreintes dans leurs capacités de décider de leur avenir financier, ce qui compromet leurs capacités à répondre aux besoins de nos concitoyens de manière adaptée et efficace.

La pensée dominante favorise aujourd'hui la suppression et l'exonération des impôts locaux, principalement en ce qui concerne les entreprises. Cette approche repose sur l'idée qu'une réduction de la fiscalité stimulerait automatiquement notre développement économique. Elle a en réalité abouti à une réduction significative de l'autonomie de nos collectivités. Si nous laissons cette tendance se poursuivre, nous risquons de perdre totalement le pouvoir local de décision. Pourtant, cette autonomie garantit une gouvernance efficace, démocratique et adaptée.

Nos collectivités font face à des difficultés croissantes. Entre l'inflation qui grignote leurs ressources financières et la perte de recettes fiscales, elles peinent à entrevoir des perspectives favorables. Malheureusement, le gouvernement a rejeté sans égards notre proposition visant à indexer la DGF sur l'inflation, qui aurait pu soulager la situation des collectivités locales.

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La communication du rapporteur général est intéressante, car il existe un vrai brouillage épistémologique entre le concept d'autonomie financière et celui d'autonomie fiscale. Deux conceptions de l'autonomie des collectivités locales se sont affrontées lors de la réforme de 2003. Les partisans de l'autonomie financière estimaient qu'il fallait financer les collectivités territoriales par des parts d'impôts nationaux, à l'allemande.

Les autres, auxquels j'appartenais, défendaient le concept d'autonomie fiscale, c'est-à-dire le maintien d'un lien entre le citoyen électeur et le citoyen contribuable, mais aussi un lien entre les élus locaux et les entreprises implantées sur leurs territoires. Mais personne n'a gagné lors de cette réforme constitutionnelle. En effet, l'autonomie financière ne figure pas dans la constitution. La loi organique a vidé ce concept d'autonomie des collectivités territoriales.

Plus l'autonomie financière progresse, plus l'autonomie fiscale diminue. En effet, les gouvernements successifs n'ont eu de cesse de supprimer les impôts locaux pour les remplacer par des impôts nationaux.

S'agissant de la première recommandation, je ne suis pas d'accord avec notre rapporteur général sur la définition de l'autonomie fiscale. Il faudrait plutôt dire que l'autonomie fiscale est une imposition de toute nature, dont l'assiette est territorialisée et dont le taux est fixé par une assemblée locale, qui peut éventuellement modifier son assiette.

La deuxième recommandation vise à étudier la pertinence et les modalités de la constitutionnalisation d'un niveau minimal d'autonomie fiscale. J'estime qu'il n'est pas nécessaire de constitutionnaliser, mais plutôt de réformer la loi organique.

Enfin, s'agissant de la troisième recommandation, il manque effectivement une réflexion aboutie sur la modernisation de la fiscalité locale, notamment à travers la piste de la CSG, au moins pour les départements et les régions.

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Mme Pires-Beaune, je suis, comme vous, favorable à une plus grande visibilité pour les collectivités territoriales, même si elle n'entre pas dans nos habitudes de finances publiques, puisqu'un budget est voté chaque année. Cependant, voulons-nous nous engager collectivement sur un niveau de DGF ou de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) pour les cinq prochaines années ? Voulons-nous nous engager sur un plancher, qui permettrait de dégager un minimum d'investissement sans pour autant sécuriser la dynamique cinq ans au préalable ?

M. Lottiaux, je suis d'accord avec vous pour estimer que les élus ne doivent pas se transformer en chasseurs de subventions. M. Guiraud, la taxe d'habitation et les CVAE ne sont pas plus progressives ou redistributives que la TVA. Je rappelle que la taxe d'habitation à Paris était inférieure à ce qu'elle est à Auch dans le Gers, en sachant en outre que le niveau de services n'était vraiment pas du même ordre.

Les DMTO vont probablement baisser en 2023, après avoir doublé lors des six dernières années. Je ne suis pas sûr qu'augmenter le taux des DTMO constituerait une bonne réponse pour maintenir les recettes des départements.

Mme Louwagie, 97 % des départements sont effectivement au taux maximum. Cependant, le plafond peut être modifié. En outre, je me suis efforcé de rester cohérent vis-à-vis de la définition que j'ai retenue, en prenant en compte toutes les recettes sur lesquelles les élus locaux disposent d'un pouvoir de taux. Vous avez par ailleurs raison de souligner que les seize taxes de l'échelon communal n'ont pas le même poids ; la taxe foncière constituant le principal sujet. J'ai consulté les associations d'élus, qui m'ont transmis des remarques, que j'ai intégrées. Cependant, mon travail n'avait pas vocation à se substituer à celui qui est réalisé dans le cadre du budget, ni aux travaux que pourrait mener la délégation aux collectivités territoriales.

Mme Ferrari, je suis d'accord sur les irritants que vous avez mentionnés, de même que sur la prévisibilité. S'agissant de la contribution universelle, je comprends que la taxe d'habitation puisse susciter une certaine nostalgie, mais nous verrons lors des prochaines élections si des candidats souhaitent recréer un impôt local. Par ailleurs, il est possible de rédiger un amendement pour introduire une contribution universelle dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Les DMTO concernent l'autonomie financière des départements au titre du pouvoir de taux, mais elles ne font pas partie de l'autonomie fiscale. Mme Magnier, je ne peux que partager votre point de vue sur la résilience et la visibilité. La liaison des taux a perdu de sa pertinence car il y a moins de fiscalité, mais l'objectif initial était protecteur, pour éviter que l'on n'augmente de manière excessive les impositions sur les entreprises ou les résidences secondaires dans certaines collectivités.

Mme Arrighi, je n'appartiens pas à un mouvement politique qui, lorsqu'il était au pouvoir en 2014, a diminué les dotations des collectivités territoriales de 25 %. Je trouve donc votre propos extrêmement désobligeant : je n'ai pas découvert l'autonomie fiscale et l'autonomie financière des collectivités territoriales aujourd'hui. Ma communication cherche à être objective, afin d'alimenter le débat dans le cadre de notre réflexion. J'y ai passé beaucoup de temps lors du précédent mandat : j'ai l'autonomie politique de faire quand je veux ce genre ce genre de communication.

M. Tellier, je comprends votre point de vue. À mon avis, il ne faut pas confondre la capacité des élus à répondre aux besoins de nos citoyens et leur capacité à lever l'impôt. L'autonomie financière concerne la capacité des collectivités territoriales et donc de leurs élus, à rendre un service. L'association des départements de France me faisait d'ailleurs remarquer à juste titre que l'autonomie financière se rapproche de l'autonomie de gestion, d'une certaine manière. Cependant, l'autonomie d'un élu ne résume pas à lever ou non l'impôt, elle implique aussi de décider de telle ou telle action.

M. de Courson, je vous remercie pour vos remarques pertinentes. J'ai retenu par simplicité comme définition de l'autonomie fiscale l'ensemble des taxes sur lesquelles il existe un pouvoir de taux. Par définition, l'assiette de ces taxes est territorialisée.

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M. le rapporteur, je salue votre travail, qui est utile pour nourrir nos réflexions. Selon votre méthode de calcul, vous avez indiqué que l'ensemble des collectivités disposaient d'un taux d'autonomie fiscale de 29,5 % en 2021, dont 35,8 % pour le bloc communal. Estimez-vous que ce montant est faible ? En cas de concrétisation de votre proposition de principe constitutionnel, à quel niveau ce seuil minimal d'autonomie financière devrait-il être fixé ? Enfin, je tiens à appuyer les remarques qui ont été effectuées au sujet de l'ouverture d'un débat relatif à une loi de programmation des finances locales, qui permettrait de garantir un seuil minimal de ressources financières pour les collectivités territoriales dans un cadre pluriannuel. Ceci est d'autant plus nécessaire que nous vivons un moment où des projets très structurants se mettent en place sur les territoires, notamment en matière de transition écologique ou de mobilités. Ils nécessitent d'adopter une vision sur plusieurs années.

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Votre communication sur l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales appelle plusieurs remarques. Tout d'abord, vous évoquez le bloc communal. Cependant, le niveau d'autonomie est-il homogène entre les communes et les intercommunalités ? J'en doute, compte tenu des évolutions imposées aux intercommunalités par la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe).

La perception de l'autonomie du bloc communal n'est-elle pas biaisée si l'on n'intègre pas les contributions indirectes appelées par les syndicats intercommunaux auxquels les intercommunalités appartiennent ? Par exemple, les syndicats intercommunaux scolaires représentent des dépenses obligatoires qui ont pu augmenter, notamment avec le développement du périscolaire, par ailleurs peu soutenu par la caisse d'allocations familiales. Cela peut générer en réalité une perte d'autonomie du bloc communal et cette question mériterait donc d'être approfondie.

Ensuite, vous estimez que la « suppression programmée de la CVAE n'aura pas d'impact sur l'autonomie financière des collectivités en raison de la compensation en TVA ». Cependant, les élus locaux se demandent si cette compensation sera bel et bien dynamique. Vous partez du postulat que la France ne connaîtra jamais de récession. Ce pari est risqué pour l'autonomie.

Par ailleurs, vous n'avez pas évoqué les externalités négatives de votre réforme de suppression de la taxe d'habitation, ni le phénomène d'éviction d'une partie de la taxe foncière, hier versée aux départements et aujourd'hui reversée au bloc communal. En réalité, ces impôts toujours payés par les habitants ne vont pas forcément à leurs territoires, mais peuvent être transférés ailleurs. Avec de tels transferts, l'autonomie n'est-elle pas en réalité rabotée ?

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On ne peut pas se satisfaire que l'autonomie financière soit préservée quand l'autonomie fiscale s'effondre année après année. En effet, dans un contexte d'inflation forte, la TVA est dynamique mais cela ne sera pas forcément toujours le cas. Par conséquent, les communes n'auront pas de levier pour agir, hormis de taxer encore plus les propriétaires.

Ensuite, quand vous vous parlez d'autonomie financière des collectivités locales, vous mettez sur le même plan, d'une part des strates de collectivités comme la commune et le département, qui éprouvent de grandes difficultés compte tenu de leurs ressources et de l'augmentation de leurs charges et qui n'arrivent plus à conduire le moindre projet d'investissement ; et d'autre part des strates comme les intercommunalités et les régions, qui disposent de ressources dynamiques. Il convient donc de faire la part des choses.

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Ce débat intervient au moment où le découragement gagne quelquefois les maires, notamment dans les petites communes. Je ne suis d'ailleurs pas certain que vos recommandations soient, à ce stade, de nature à apaiser le malaise des maires ruraux. Le système est jugé à bout de souffle par la Cour des comptes, qui est d'ailleurs ici plus dans son rôle que lorsqu'elle compte les vaches et les bouses. J'en profite d'ailleurs pour dire au Président Moscovici que j'attends toujours sa réponse à ma question sur l'élevage bovin.

Je m'interroge : où est le souffle ? Où est la confiance envers les élus locaux ? Où sont la lisibilité et la prévisibilité pour nos communes ? Autant de questions qui taraudent nos élus locaux, qui affirment avec nous : pas de décentralisation sans autonomie financière.

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Nous avons écouté attentivement votre communication, M. le rapporteur. Elle conforte ma profonde conviction que l'autonomie financière des collectivités locales ne peut se faire sans autonomie fiscale. Malheureusement, nous avons constaté que les collectivités locales l'ont en grande partie perdue.

Ensuite, je m'interroge sur les implications de l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales sur la démocratie locale. Comment pouvons-nous renforcer la transparence et la responsabilité des collectivités territoriales vis-à-vis de leurs administrés, dans le cadre de leur autonomie financière ?

Il est question d'une réforme de la fiscalité dans les outre-mer, notamment pour donner plus de libertés aux collectivités. Mais là encore, quelle sera l'étude d'impact pour garantir que l'autonomie fiscale soit effective pour les départements d'outre-mer ?

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Je suis en plein accord avec Jean-Marc Tellier : il existe un réel problème sur le pouvoir de taux. En l'absence d'autonomie fiscale, il n'y a pas de choix politique. Si nous voulons vraiment mener des politiques différentes, ce pouvoir de taux est incontournable. En son absence, la libre administration des collectivités territoriales n'existe pas réellement. Lorsqu'il faut supprimer un service pour en créer un autre, on ne peut pas véritablement parler de choix.

En matière d'autonomie fiscale, il existe également un autre problème. M. le rapporteur général, vous dites vous-même que si l'on baisse les dotations, cette autonomie fiscale augmente de facto. Il ne faudrait pas qu'à terme les dotations soient volontairement diminuées pour faire en sorte de conserver au taux d'autonomie fiscale suffisant.

Enfin, la loi de programmation des finances publiques a été évoquée. Pour ma part, je pense qu'il faudrait surtout un projet de loi de finances des collectivités territoriales, de la même manière qu'il existe un projet de loi de finances de la sécurité sociale.

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Je remercie M. le rapporteur pour son analyse, qui a le mérite de fonder un socle de réflexions permettant d'envisager des pistes de financement des collectivités territoriales. Ensuite, je souhaite revenir sur la deuxième recommandation, c'est-à-dire la constitutionnalisation d'un niveau minimal d'autonomie fiscale. Quels seraient selon vous, à la lumière de vos études et de vos rencontres avec les différentes collectivités, les « bons » taux d'autonomie fiscale ?

J'envisage la pluriannualité, comme une manière pour les élus d'améliorer leur visibilité sur les investissements qu'ils effectuent. Au moment où il existe de longs programmes comme Petites villes de demain ou Action Cœur de Ville, n'est-il pas temps d'avoir une loi de programmation des collectivités territoriales, à l'image de la loi de programmation militaire ?

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M. le rapporteur général, votre proposition intervient après des années d'attaques contre l'autonomie fiscale et donc la libre administration des collectivités. N'est-elle pas un simple piège pour enfermer les collectivités dans la situation actuelle ? La reconquête de l'autonomie fiscale pose en effet le problème majeur de ces effets négatifs pour l'équité territoriale. Une autre option ne porterait-elle pas sur la détente de la contrainte financière pour l'ensemble des collectivités, par la garantie des ressources par l'État et surtout par le renforcement de la solidarité territoriale ?

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Nous pensons nous aussi que les collectivités devraient avoir la maîtrise de leurs politiques, ce qui passe par l'autonomie fiscale et une redéfinition des compétences entre les collectivités et l'État central.

Nous menons actuellement avec le gouvernement des discussions dites « stratégiques ». On nous demande de bâtir les contours de l'autonomie fiscale de la Corse et de formuler des propositions. Pour ma part, je n'en ferai aucune, compte tenu du brouillard épais dans lequel nous évoluons. Je suis incapable de vous dire quel est le montant des sommes que l'État verse en Corse, ni le montant de TVA que payent les Corses, ni celui de l'IR ou des dépenses sociales. J'ai adressé une lettre au ministre Bruno Le Maire en juillet 2022 et suis revenu sans cesse sur le sujet avec Gabriel Attal. J'ai demandé à Gérald Darmanin, qui est le « Monsieur Corse », de me donner les comptes et ai évoqué la question avec M. Moscovici. M. le rapporteur, pouvez-vous essayer de dénouer cette question ? Nous demandons simplement que l'on délivre les comptes régionaux, afin que nous puissions travailler valablement sur cette question.

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Je souhaite revenir sur la question de l'autonomie financière et fiscale pour les communes et surtout les petites communes. En effet, elles sont tributaires des subventions pour pouvoir effecteur des projets d'investissement locaux. Très concrètement, les maires me font remonter les difficultés et les inégalités dont ils sont victimes dans cette véritable chasse aux subventions. Selon leurs propres termes, ils sont ainsi obligés de faire l'aumône, pour pouvoir conduire des projets. Quand ils font leur budget, ils n'ont pas de certitude sur le montant des subventions qu'ils obtiendront, ce qui contribue au découragement de nos élus locaux. De fait, lors des prochaines élections municipales, il sera difficile de trouver des candidats dans certaines communes.

Le pouvoir de taux constitue effectivement un outil intelligent, mais il comporte également des limites. Dans un contexte d'inflation, il est compliqué pour un maire d'expliquer à ses administrés qu'il doit augmenter les taux pour pouvoir mener à bien des projets. Enfin, la DGF pose également question. Dans ma circonscription, la commune de Sully-sur-Loire n'a rien obtenu au titre de cette DGF, mais personne n'est capable d'expliquer pourquoi. Il est donc essentiel de penser à la refonte de cette DGF.

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Je souhaite vous faire part d'un point de vue différent. Ce débat ne porte que sur la défense des collectivités locales. En tant qu'ancien maire et vice-président de communauté d'agglomération, je ne peux être que défenseur des collectivités. Cependant, la solidarité doit aller dans les deux sens.

Actuellement, l'État a 3 000 milliards d'euros de dettes et les taux d'intérêt ne cessent de monter. Si l'État est en mauvaise posture, ces taux ne vont cesser d'augmenter, y compris pour les collectivités locales. Nous devons, tous ensemble, administrer le pays. J'appelle à la solidarité, à la fois des collectivités locales et de l'État, mais cela ne doit pas aller dans un seul sens.

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On définit l'autonomie comme la capacité à choisir ses propres contraintes et à donner les raisons de ses choix. L'autonomie financière, si elle est définie dans la constitution, ressemble plutôt à une consécration des collectivités à dépenser et ne correspond pas vraiment à l'idée de l'autonomie kantienne.

Un étudiant le sait bien : ce n'est pas parce que les parents lui donnent un gros chèque qu'il est nécessairement autonome. On peut plutôt parler de dépendance. C'est bien ce qui fonde le sentiment des collectivités : l'autonomie financière est, d'une manière ou d'une autre, de plus en plus dépendante de l'État. En outre, d'autres contraintes pèsent, comme le fléchage des taxes et l'incapacité d'augmenter la fiscalité des résidences secondaires sans toucher les résidences principales. Ne faut-il pas aussi redéfinir l'autonomie financière en capacité financière, puisqu'elle ne caractérise pas une autonomie des collectivités ?

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Le nombre et la diversité des questions illustrent le fait que ce sujet est vital pour tous. Ma communication n'a pas la prétention de régler tous les problèmes en matière de fiscalité locale. Mon objectif consistait surtout à trouver une définition de l'autonomie financière et de l'autonomie fiscale. Une de mes recommandations porte justement sur l'élargissement.

Si nous devions définir un minimum sur l'autonomie fiscale, on ne pourrait que s'appuyer sur les niveaux actuels, comme cela avait été le cas pour l'autonomie financière en 2003. En effet, se donner une autonomie fiscale supérieure à celle qu'elle est aujourd'hui obligerait les collectivités à lever l'impôt, ce qui ne me semble pas pertinent.

Je suis également favorable à une loi de programmation, dont les modalités doivent être néanmoins clarifiées, de même qu'à une distinction entre les niveaux de collectivités au sein du bloc communal. Aujourd'hui, les communes disposent d'une autonomie supérieure. Si nous voulions approfondir la question, il faudrait également intégrer le niveau des dépenses contraintes, ce qui dépasse néanmoins le cadre strict de cette communication.

Si je puis me permettre, le débat entre TVA et CVAE est un faux débat. Il existe beaucoup plus d'incertitudes sur la CVAE qu'il n'y en a sur la TVA. Sur le long terme, la TVA augmente de manière plus importante que la CVAE, c'est un fait bien établi. Par conséquent, la bascule de l'un sur l'autre est plutôt une bonne nouvelle. À cet égard, je rappelle qu'il n'y avait rien de plus imprévisible que la CVAE.

S'agissant de la décentralisation liée à l'autonomie financière, je plaide pour l'alignement des compétences, des moyens financiers et de la capacité des élus à gérer ces compétences. Si tel n'est pas le cas, les élus se retrouvent invariablement dans une position schizophrénique.

Je comprends le cadre philosophique du lien entre le citoyen et l'impôt. Cependant, je ne suis pas certain que l'Allemagne se plaigne de ne pas avoir ce lien. Nos concitoyens sont aussi sensibles à la manière dont les services sont rendus : le pouvoir politique ne se réduit pas au pouvoir de taux. En fonction des recettes données, le pouvoir politique concerne la capacité à choisir telle ou telle politique publique, qu'il s'agisse du développement économique ou du logement social par exemple. Ce choix engage politiquement.

L'autonomie financière est un ratio. Comme je l'ai souligné, le paradoxe fait que lorsque la DGF baisse, le ratio augmente. Ensuite, je considère également que la solidarité territoriale doit se développer. La péréquation horizontale existe sur un certain nombre d'impôts, mais pas de manière suffisamment développée. Elle est assez exemplaire s'agissant des départements ; en particulier sur le sujet des DMTO. En revanche, elle est en deçà de ce qu'elle devrait être sur les régions, notamment pour la solidarité vis-à-vis des régions d'outre-mer. Lors des budgets précédents, j'ai ainsi plaidé pour l'augmentation de la péréquation des régions, pour aider en particulier nos collègues d'outre-mer. Je pense que nous pourrions aller plus loin sur le sujet.

S'agissant de la Corse, je veux bien relayer personnellement la demande de M. Castellani auprès du ministre, afin qu'il dispose d'une réponse à ses différentes questions.

Ensuite, il ne faut pas surestimer le poids des subventions dans les recettes des collectivités territoriales : elles sont assez marginales. En revanche, cela n'est pas le cas pour les investissements, où le poids des subventions est effectivement important. La santé financière des collectivités territoriales dépend des impôts locaux, du transfert de TVA et des recettes tarifaires. Par ailleurs, nous sommes tous convaincus de la nécessité de refonder la DGF.

Enfin, je milite effectivement pour que les synergies entre les collectivités territoriales et l'État soient encore plus importantes qu'elles ne le sont aujourd'hui. J'ai toujours été défavorable à cette opposition que certains alimentent entre les intérêts qu'auraient les collectivités territoriales et les intérêts qu'aurait l'État. Les citoyens ne font pas de distinction et les considèrent comme des services publics. L'État ne peut rien faire sans les collectivités territoriales et les collectivités territoriales ne peuvent pas faire grand-chose sans l'État. Les deux sont engagés collectivement, pour apporter le meilleur service à nos concitoyens et pour utiliser l'impôt de la manière la plus intelligente.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 21 juin 2023 à 9 heures

Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Kévin Mauvieux, M. Benoit Mournet, Mme Mathilde Paris, M. Sébastien Peytavie, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Michel Sala, M. Nicolas Sansu, M. Jean-Marc Tellier

Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Joël Giraud, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei

Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, M. Pierre Cordier, Mme Josiane Corneloup, M. François Ruffin