La réunion

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La séance est ouverte à treize heures trente.

Présidence de M. Patrick Hetzel, président.

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. Depuis notre réunion constitutive le 24 mai dernier, nous aurons siégé à quarante-et-une reprises pour un total de plus de cinquante-deux heures d'auditions, auxquelles s'ajoutent les déplacements effectués en Gironde et dans les Deux-Sèvres.

Ce travail a été à la fois dense, sérieux et respectueux de chacun. J'ai veillé à ce que toutes les opinions puissent s'exprimer, aussi bien parmi les membres de la commission que parmi les personnes auditionnées.

Nous avons pu discuter et débattre. Les comptes rendus attestent de la vigueur de certains échanges, mais c'est aussi tout le sens de la démocratie. Je remercie les membres des différents groupes d'avoir fait en sorte que les échanges soient fructueux. Je remercie également les personnes que nous avons auditionnées d'avoir exposé leurs points de vue. Je déplore, évidemment, que les Soulèvements de la Terre, et eux seuls, se soient soustraits à cet exercice démocratique. Cela m'a conduit à écrire au procureur de la République de Paris.

Je vous indique avoir reçu du président de la Ligue des droits de l'homme un courrier contestant certains éléments avancés par le ministre de l'intérieur lorsque nous l'avons auditionné. Ce courrier a été rendu public par la Ligue – c'était sans doute là son objectif premier –, de sorte que chacun a pu en prendre connaissance. Le rapporteur y fait d'ailleurs référence dans le projet de rapport que vous avez pu consulter.

Les contributions que les membres ont souhaité rédiger seront annexées au rapport au moment de sa publication. Puisqu'elles engagent leurs signataires uniquement, elles ne sont pas soumises au débat d'aujourd'hui.

La résolution portant création de la commission d'enquête ayant été adoptée dans l'hémicycle le 10 mai dernier, nous aurons respecté le délai de six mois qui nous était imparti pour mener à bien nos travaux.

À l'issue de notre discussion, je mettrai aux voix l'adoption du projet de rapport. Conformément à l'ordonnance du 17 novembre 1958, c'est à l'expiration d'un délai de cinq jours francs, soit après la journée de lundi, qu'aura lieu la publication. Dans l'intervalle, je vous demanderai de ne pas communiquer les documents en votre possession.

Monsieur le rapporteur, je vous cède la parole, non sans vous remercier de la bonne entente et de la confiance mutuelle qui ont caractérisé nos travaux.

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Je vous remercie chaleureusement, monsieur le président, pour votre efficacité et votre bienveillance dans la conduite de nos débats. Je remercie également les membres de la commission d'enquête pour leur implication au cours des trente-neuf auditions, auxquelles se sont ajoutés nos déplacements à Bordeaux et à Sainte-Soline.

Tous les acteurs ont accepté d'être auditionnés, à l'exception des Soulèvements de la Terre. Ceci vous a amené, de manière inédite me semble-t-il, à faire application de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958. Nous aurons ainsi démontré notre volonté d'écoute mais aussi notre intransigeance face au non-respect de notre institution.

La complémentarité des approches, qu'elles soient opérationnelles, juridiques – tant sur le plan administratif que judiciaire – ou sociologiques, et leur caractère parfois discordant, sinon contradictoire, nous ont permis d'entendre tous les points de vue, y compris ceux qui étaient très éloignés des nôtres. En tant que rapporteur, je me suis efforcé de restituer, aussi fidèlement que possible, les constats et analyses qui nous ont été présentés par l'ensemble des personnes auditionnées. Les éventuelles conclusions personnelles que j'en ai tirées sont expressément soulignées comme telles dans le rapport.

Les débats préalables à la création de la commission d'enquête ont fait ressortir les trois objectifs principaux qui lui étaient assignés. En premier lieu, cerner le profil des groupes et individus présents sur le théâtre de rassemblements en marge desquels ont éclaté des violences, afin de dissiper certains dénis et fantasmes. Il est une donnée objective et presque incontestée : l'extrême violence à laquelle les forces de l'ordre ont été confrontées, mettant parfois leur vie en danger. Je tiens à leur rendre hommage. Le rassemblement de Sainte-Soline marque le franchissement d'un cap dans la violence. La stratégie de confrontation est assumée, organisée, préméditée et ne peut avoir pour seule issue qu'un déferlement de violence.

Deuxième objectif, comprendre et rendre compte de l'organisation des structures impliquées, de leurs ressources matérielles et humaines, de leurs motivations, de leurs soutiens ainsi que de leurs modes opératoires.

Troisième objectif, déterminer les moyens nécessaires pour mieux prévenir et mieux réprimer les actions violentes, en évaluant la pertinence du cadre légal et règlementaire ainsi que l'efficacité des dispositifs de maintien de l'ordre. À cet égard, j'ai souhaité que nous nous intéressions non pas à la conduite des opérations de maintien de l'ordre – terme par trop ambigu – mais à leur déroulement et aux comportements de l'ensemble des acteurs.

Le rapport comprend trois parties. La première dresse le bilan humain, matériel et économique des violences commises en marge des manifestations, en exposant la mobilisation des forces de l'ordre et la réponse judiciaire qu'elles ont suscitées. Bien que la commission d'enquête ait été créée à la demande de deux groupes de la majorité, à aucun moment nous n'avons éludé le point de basculement que constitue le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution sur la réforme des retraites le 16 mars 2023.

La deuxième partie s'intéresse à la notion de continuum de la violence en décrivant les modes opératoires des activistes radicaux mais aussi leur profil, leurs motivations et l'organisation des groupuscules auxquels ils se rattachent. Il existe en effet, en marge des mouvements de revendication traditionnels, de nouveaux rapports à la violence, des formes de légitimation explicite ou implicite de son usage, corroborant une montée en puissance des éléments activistes radicaux qui n'est pas propre à notre pays. La formation d'un bloc radical au sein des précortèges et le développement des rassemblements spontanés, notamment dans la protestation contre la réforme des retraites, mais aussi l'affirmation de radicalités nouvelles au nom de la défense de causes environnementales me poussent à un constat alarmant : les frontières entre violence et non-violence, entre conflictualité et extrémisme, entre contestation et volonté insurrectionnelle sont aujourd'hui particulièrement perméables. J'emploie dans le rapport le terme de « brume » pour qualifier cette nébuleuse de la pensée très inquiétante qui nous a tous frappés. J'évoque également un glissement vers la violence dont témoignent les mutations de la désobéissance civile. Certains estiment que celle-ci peut désormais s'affranchir du principe de non-violence qui est pourtant sa caractéristique fondatrice.

Le rapport clarifie un point qui a pu faire naître des craintes ou des fantasmes : les violences n'ont pas été planifiées et orchestrées par des organisations activistes et radicales qui, sur le territoire national ou à l'étranger, en auraient assuré le pilotage centralisé. De même, il n'existe pas de lien organique entre activistes ou groupuscules violents et organisations plus traditionnelles telles que des partis politiques ou des syndicats. En revanche, il existe des passerelles. C'est le cas avec une partie du milieu étudiant ; nous l'avons vu à Bordeaux. C'est même le cas avec le milieu syndical – je pense à certains militants de la CGT Mines-Énergie. Si Sophie Binet, lors de son audition, s'est étonnée de mes remarques sur l'attitude de cette fédération de la CGT, consistant à couper l'électricité du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, elle ne l'a pas dénoncée. Nous sommes là dans la brume que j'évoquais précédemment.

La troisième partie du rapport analyse les enjeux opérationnels du maintien de l'ordre et le cadre juridique afin de sanctionner plus efficacement les auteurs de violences – ceux qui sont venus casser, en découdre avec les forces de l'ordre et s'en prendre aux symboles de l'État, au risque parfois de menacer la vie des policiers et des gendarmes. Les individus violents n'ont manifestement pas fait la distinction que certains ont voulu mettre en évidence entre violences contre les biens et violences contre les personnes.

Le rapport formule trente-six recommandations de niveau juridique variable. Permettez-moi de vous en présenter quelques-unes.

Elles concernent, en premier lieu, la modernisation des instruments du maintien de l'ordre et le contrôle de l'activité des forces de sécurité intérieure – l'un ne pouvant à mon sens aller sans l'autre.

Il s'agit d'abord de stabiliser la doctrine d'emploi des forces et de tirer les leçons de l'expérience des manifestations du printemps 2023. La France dispose depuis septembre 2020 d'un schéma national du maintien de l'ordre (SNMO), qui a fait l'objet de plusieurs ajustements à la suite d'un arrêt du Conseil d'État du 10 juin 2021.

Nos travaux confirment une tension, quasi inévitable, que connaissent bien les acteurs de la sécurité publique, entre deux principes fondamentaux : d'une part, le maintien à distance et la désescalade, qui est l'objectif des forces de l'ordre, n'en déplaise à certains ; d'autre part, l'intervention rapide et la mobilité des forces en cas d'exaction. La très grande mobilité des éléments du bloc radical, leur sens de l'organisation et leur violence contraignent les forces de l'ordre à des opérations dans un environnement toujours plus complexe. C'est la raison pour laquelle le rapport recommande d'« évaluer la pertinence opérationnelle de l'articulation et du format des unités de maintien de l'ordre affectées à l'encadrement des rassemblements et des manifestations au regard des exigences du SNMO ».

Le rapport souligne également l'impératif que constitue une coopération renforcée avec les organisateurs et les participants des manifestations. L'exemple de Sainte-Soline – le refus total des organisateurs de dialoguer avec les autorités administratives, y compris s'agissant de l'architecture des secours – est à cet égard remarquable, si j'ose dire. Sans coordination entre organisateurs et forces de l'ordre, il est inévitable que les choses se passent mal. Dans les manifestations intersyndicales, le plus souvent, la coordination est plutôt satisfaisante.

Les forces de l'ordre doivent être capables de distinguer le manifestant de bonne foi de l'individu violent, notamment lors de la dispersion de la manifestation. Il faut améliorer la communication en direction des premiers. La France doit ainsi revoir profondément son approche en « dotant les forces de l'ordre de moyens techniques – tels que panneaux indicateurs, dispositifs – permettant d'assurer l'information des participants aux cortèges et rassemblements sur le lieu des manifestations et de communiquer efficacement à leur destination ». C'est la recommandation n° 3.

Il me paraît également indispensable d'améliorer les rapports fonctionnels entre les forces de sécurité intérieure et les services d'ordre des syndicats. Nous constatons un affaiblissement des moyens déployés par les structures syndicales pour la protection des manifestations et rassemblements organisés à leur initiative, mais aussi des difficultés pratiques dans la gestion de l'accès aux cortèges. En particulier, un meilleur filtrage des individus violents est nécessaire en fin de manifestation, sur les lieux de dispersion : autant il est difficile pour eux d'accéder au point de départ du cortège, autant il leur est souvent facile de se rendre à son point d'arrivée et de s'y livrer à des exactions. Il apparaît donc nécessaire de renforcer les effectifs des équipes de liaison et d'information, de sorte que les services d'ordre des syndicats disposent en permanence d'un interlocuteur identifié.

Le rapport invite également à mieux définir la place des journalistes et des observateurs. C'est là un sujet qui peut faire débat entre nous. Les journalistes que nous avons reçus – qu'ils soient street reporters ou qu'ils appartiennent à des chaînes d'information en continu – nous indiquent que les premières violences qu'ils constatent s'exercent contre eux. Ils notent en second lieu des difficultés dans leurs relations avec les forces de l'ordre. J'appelle donc à une meilleure coordination, dans le cadre du SNMO, même si des progrès ont déjà été accomplis après l'arrêt du Conseil d'État que je mentionnais précédemment. Un comité de liaison mensuel est prévu : il doit aborder ces questions pour lever les ambiguïtés sur la mission des journalistes, surtout dans le cadre chaotique des manifestations.

Je propose ensuite la nomination d'observateurs indépendants. J'ai beaucoup hésité avant de formuler cette proposition, et je sais qu'elle fera débat, mais j'ai constaté que des gens se présentent déjà comme observateurs. Ils le sont, sans doute, mais ils sont aussi parfois membres des structures qui appellent à manifester. La question de leur impartialité se pose. Ceux que nous avons entendus considéraient qu'ils n'étaient là que pour observer le comportement des forces de l'ordre : pourquoi pas, mais il me semble qu'il faut tout observer. Si nous voulons objectiver les questions des violences et du maintien de l'ordre, et apaiser le débat public, la présence d'observateurs indépendants, qui ne seraient pas là pour regarder l'une ou l'autre seulement des parties en présence, pourrait être une solution. Le débat en noir et blanc auquel nous assistons n'est pas toujours à la hauteur de la complexité des situations et, j'y insiste, de la violence qu'affrontent nos forces de l'ordre.

Le contrôle externe du maintien de l'ordre revient au Défenseur des droits. C'est un modèle qui est plutôt un standard européen. Mais ses moyens, matériels et humains, sont limités. Dans ce débat sur le maintien de l'ordre, et parce que je ne crois pas que le problème vienne des forces de l'ordre, j'estime que nous devons assurer la transparence : je propose donc de donner au Défenseur des droits la possibilité de saisir directement les inspections générales à des fins d'enquête administrative.

Meilleure reconnaissance des journalistes, statut d'observateur, contrôle externe confié à une autorité publique indépendante : voilà, je crois, des solutions pour apaiser le débat sur le comportement des forces de l'ordre.

Nous devons également nous poser la question des moyens du maintien de l'ordre. Il faut conforter les ressources humaines et matérielles à disposition pour conduire des opérations de police très spécifiques. La disponibilité des forces de l'ordre est essentielle : nous serons tous d'accord, ou presque, pour estimer indispensable de respecter la trajectoire de reconstitution de nos forces inscrite dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). En tant que parlementaires, il nous revient d'être vigilants sur ce point. Cela concerne aussi le renseignement, qui est au cœur de la lutte contre les individus violents.

Nous devons doter nos forces de l'ordre d'armes adaptées à des missions de plus en plus exigeantes. Il faut renouveler les armes de force intermédiaire ; je plaide notamment pour le déploiement de canons à eau, mais aussi de quads, car la mobilité est indispensable. J'assume également de considérer que l'usage de drones, dans le cadre du décret du 19 avril 2023, constitue une solution intéressante ; j'estime même que nous pourrions élargir les conditions de leur emploi.

Je m'arrêterai enfin sur les recommandations de niveau législatif. Je suis resté prudent car je ne suis pas un chaud partisan des lois de circonstance, même si c'est le jeu de la politique et que nous nous y sommes tous laissé prendre.

Je propose d'inscrire dans le code pénal le caractère obligatoire de la peine complémentaire d'interdiction de manifester pour les délits les plus graves, comme le port d'armes : la procureure de la République de Paris a évoqué à ce sujet un oubli législatif. Je précise que le juge peut, de façon motivée, écarter cette peine complémentaire : l'autorité judiciaire reste indépendante.

L'obligation de pointage a fait ses preuves dans le cas des interdictions de stade : elle pourrait être étendue aux interdictions de manifester. Nous pourrions également intégrer la violation de l'interdiction de manifester – interdiction prononcée par un tribunal, je le rappelle – parmi les critères permettant une rétention qui peut durer jusqu'à vingt-quatre heures. Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, a affirmé devant nous la nécessité d'outils pénaux préventifs – toujours dans le respect des libertés publiques et de l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Je propose enfin d'élargir le champ des infractions punies d'une interdiction de manifester. Je pense en particulier à la participation à un attroupement, levier pénal très important.

Voilà les pistes de réflexion que je vous propose pour consolider notre dispositif de maintien de l'ordre et jouer la carte de la transparence. Il faut sortir du débat parfois absurde dans lequel nous tombons tous, quelles que soient nos sensibilités politiques. Notre exigence républicaine nous impose de réprimer avec la plus grande efficacité, dans le cadre de l'État de droit, des violences qui fragilisent tout autant l'ordre public que la liberté fondamentale de manifester.

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Je représente mon collègue Benjamin Lucas, qui a participé aux travaux de la commission d'enquête. Je voterai contre la publication de ce rapport. Cette commission d'enquête très politique visait à masquer l'impopularité du Gouvernement au moment de la réforme des retraites, et pour cela à mettre en accusation et à disqualifier le mouvement syndical, qui a réussi à réunir des manifestations massives et tout à fait pacifiques, mais aussi le mouvement écologiste.

Présente moi-même à une manifestation le 1er mai, à Nantes, j'ai subi une charge des forces de l'ordre, après la manifestation, sur une terrasse de café bondée. Les forces de l'ordre se sont massées de manière menaçante ; j'ai avancé avec mon écharpe de députée et les mains en l'air : cela n'a rien empêché. J'ai aussi parlé à de nombreuses familles choquées des méthodes de maintien de l'ordre employées ce jour-là. Ce sont des débordements qui ne s'observent pas d'habitude.

Le droit de manifester n'est pas garanti : les gens ont peur, ce qui pose problème dans une démocratie. Or, je n'ai pas l'impression que ce rapport cherche à y remédier.

La non-violence est un principe fondamental des écologistes ; nous avons toujours condamné les violences, d'où qu'elles viennent. Or, le rapport emploie le terme « écoterroriste ».

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Vous n'avez pas lu le rapport : je dénonce ce terme, au contraire !

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Ce terme a été utilisé et le rapport le reprend, tout en indiquant qu'il n'y a pas d'actes terroristes menés par des militants écologistes. Vous opérez un rapprochement sémantique ; vous parlez de répression, d'interdiction de manifester, alors qu'il n'y a aucune preuve d'écoterrorisme. La violence des méthodes policières utilisées contre des militants des causes écologiques, les mêmes que pour des terroristes, nous inquiète et montre une dérive.

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Non. J'ai aussi combattu la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et manifesté à cette occasion, de manière pacifique et avec Mounir Belhamiti qui est assis à mes côtés. En démocratie, nous avons le droit de manifester pour exprimer un désaccord. Or, le rapport s'efforce de disqualifier des mouvements et des revendications. Il propose de restreindre le droit de manifester de certains. Il n'apporte donc pas grand-chose, dans un moment grave pour notre démocratie et pour la liberté de manifester – droit qui, je le redis, n'est pas garanti aujourd'hui.

Enfin, vous ne vous arrêtez pas sur les groupes d'extrême droite. Pourtant, l'attaque terroriste contre la maison du maire de Saint-Brevin-les-Pins a eu lieu pendant la période couverte par la commission d'enquête.

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Merci pour ce travail, monsieur le rapporteur. J'ai entendu ce qui vient d'être dit avec un peu de dépit. Pour avoir participé à la plupart des auditions, je n'ai pas entendu ce que vous dénoncez, madame Laernoes – bien sûr, vous avez le droit de donner votre opinion. Pour ma part, je suis très attachée au développement durable, mais je n'appartiens pas à Europe Écologie-Les Verts et je suis fière de défendre ces sujets au sein du groupe Renaissance. Je ne me promène pas avec une écharpe croyant qu'elle va me protéger : je ne vais pas à ces manifestations et je respecte la loi.

Ce rapport me semble équilibré. Les réponses proposées, en ce qui concerne tant le droit pénal que le statut d'observateur et la liberté de la presse, sont fortes.

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À mon tour de remercier le président et le rapporteur pour la façon dont ils ont mené les travaux de cette commission d'enquête. Elle a été difficile à mettre en place. Ce que dit notre collègue écologiste n'est pas faux : la politique est bien présente. Mais ce n'est pas nous qui avons fait ce choix. Ce sont les personnes auditionnées qui ont choisi de nous parler des partis politiques, qui ont donné des noms de responsables politiques qui ont participé à certaines manifestations et qui ont agi de façon violente. Nous n'avons fait que dresser un état des lieux.

Je souligne l'intérêt de l'étude comparative européenne présente en fin de rapport.

Je me réjouis aussi du fait que le rapport évoque l'ensemble des difficultés rencontrées : il ne cherche pas à défendre seulement la police ou la gendarmerie, mais aussi les manifestants et les syndicats. Il démontre que nous avons besoin d'observateurs et de permettre aux journalistes de mieux exercer leur métier – une partie que vous avez peut-être ratée, madame Laernoes. Certaines recommandations du rapport vont à l'encontre de propos tenus par des membres du Gouvernement que nous soutenons.

Ce rapport est factuel, consciencieux, responsable. Il ne dit qu'une seule chose : la réalité de ce qui s'est passé, reconstituée grâce à un grand nombre d'auditions. Oui, il y a parfois une dérive ; oui, il faut respecter la Ve République et la Constitution, dont le droit de manifester. Les violences dans les manifestations sont dues à des gens qui veulent tout détruire : nous formulons des recommandations pour protéger les manifestants, les biens et les membres des forces de l'ordre qui sont sur le terrain et qui en prennent plein la figure parfois tous les week-ends – ce que vous oubliez de dire.

Ce rapport est juste, neutre et répond à toutes les attentes. La seule cabale politique que nous avons vécue est venue de certains de nos collègues députés.

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Je voterai pour la publication du rapport, que je trouve équilibré. Trois recommandations ont retenu mon attention : la recommandation n° 9, car une meilleure préparation des forces de l'ordre aux nouvelles formes de violence permettrait de limiter les blessures de part et d'autre, la n° 10 et la n° 11.

Contrairement à ce que disait notre collègue du groupe Écologiste au sujet des syndicats, le rapport fait état de leur bonne communication entre les forces de l'ordre. À Sainte-Soline, en revanche, les organisateurs n'ont pas voulu entrer en relation avec les autorités administratives ; nous devons nous interroger sur la manière de sortir de cette ornière dans l'hypothèse d'autres manifestations de ce genre, afin d'assurer la sécurité et des manifestants et des forces de l'ordre.

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Au nom de mon groupe, je salue l'attitude du président comme du rapporteur de la commission d'enquête. Ils ont permis des débats dénués de sectarisme, ce que nous avons beaucoup apprécié.

Comme je l'ai indiqué dans la contribution que je vous ai envoyée, cette commission d'enquête nous laisse un sentiment d'inachevé, notamment en raison de la non-réponse à notre convocation des Soulèvements de la Terre, objet clef du champ d'étude de la commission.

Il est exact que celle-ci a été très politique. Nous ne sommes pas dupes de la manière dont la majorité a tenté de minimiser son rôle dans l'incendie social qui a enflammé notre pays. En revanche, le rapport souligne bien les liens évidents entre l'extrême gauche et la recrudescence des violences, qui alimente une atmosphère très dégradée. Nous pointons cette double responsabilité dans notre contribution.

Nous vous remercions également de nous avoir permis de nous exprimer et de dire notre gratitude aux forces de l'ordre pour leur travail.

Nous voterons en faveur de la publication du rapport, même s'il n'atteint pas son objectif pour les raisons que je viens d'exposer, et même si nous doutons de sa portée en l'absence d'une remise en question globale de notre politique judiciaire. Il n'en est pas moins riche ; de nombreuses personnes ont fait l'effort de se déplacer et nous avons appris beaucoup de choses qui nous seront très utiles pour anticiper la suite.

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L'intervention que nous venons d'entendre confirme ce que je vais rappeler. Sur l'extrême droite, il n'y a qu'une page et demie dans le rapport. Le reste est consacré à la radicalisation des mouvements pour le climat et des écologistes. Ce n'est pas proportionnel à ce qui se passe. Notre préoccupation majeure est de lutter contre toutes les formes de violence. De ce point de vue, c'est raté. En revanche, vous avez bien réussi votre communication politique, mais cela ne change rien au fait que mon groupe votera résolument contre cette action politicienne.

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Madame, en ce qui vous concerne, vous avez manifestement raté plusieurs auditions. Toutes ont montré que, pendant la période considérée, ce sont des mouvements d'ultragauche qui étaient à la manœuvre. C'est un fait.

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Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié la manière dont le rapporteur a tenu à signaler ce qui relève de ses prises de position personnelles – tous ne le font pas. Il y a dans le rapport une volonté d'objectiver ce qui est ressorti des auditions. Il faut aussi garder à l'esprit le périmètre déterminé de la commission d'enquête, du 16 mars au 3 mai 2023.

Par ailleurs, j'ai plusieurs fois insisté sur la possibilité offerte à nos groupes parlementaires respectifs d'apporter leur propre contribution pour donner un éclairage différent. En ce qui me concerne, j'approuve en grande partie le diagnostic et les recommandations, mais je peux avoir, sur l'une ou l'autre, un avis qui s'écarte de celui du rapporteur. C'est aussi le rôle d'un rapport d'enquête de montrer, par les contributions de ses membres, que tous les points abordés ne font pas l'unanimité. Notre travail est une œuvre collective, le fruit de six mois d'échanges, et le rapport reflète bien ces débats. Il est riche de nuances – au point qu'il contient parfois peut-être un peu trop de « en même temps » à mon goût !

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Madame Laernoes, je comprends qu'il ne soit pas simple de prendre connaissance d'un rapport qui n'a été consultable que mardi, mercredi matin et jeudi. Mais, manifestement, il va falloir pousser la lecture un peu plus loin.

Concernant l'ultradroite, aux pages 45 à 47, je ne fais que reprendre les seuls éléments qui nous ont été communiqués. Ce n'est pas faute d'avoir investigué, non seulement lors des auditions mais aussi par nos questions écrites, qui ont suscité des centaines de pages de réponses. Il s'agit bien des seuls actes commis par l'ultradroite en France durant les manifestations de la séquence considérée. Il n'y en a ni plus, ni moins. Des procédures judiciaires ont été engagées lorsque cela était possible. Je n'édulcore pas, je ne gomme pas ; je suis simplement objectif.

Concernant l'« écoterrorisme », je l'ai dit au ministre : ce n'est absolument pas une réalité matérialisée ; cela n'existe pas. Il en a parlé ; je dis le contraire. C'est écrit dans le rapport. En revanche, la définition du périmètre de la non-violence est un enjeu. Peut-on ne qualifier de violences que celles qui visent les personnes ? Peut-on accepter l'explication des violences matérielles, parfois leur légitimation – qui n'est pas le propre d'un mouvement politique en particulier – ou leur minimisation ? C'est un problème que cette acceptation, parfois, d'une forme de glissement. C'est en tout cas mon point de vue, présenté comme tel dans le rapport. Les causes de ce phénomène sont multiples et je n'incrimine personne en particulier ; il m'arrive dans le rapport de pointer quelques responsabilités, toujours en précisant qu'il s'agit de mon point de vue.

En revanche, l'« écoterrorisme » est un risque pour l'avenir aux yeux de la direction générale de la sécurité intérieure et du service central du renseignement territorial, à l'image de ce que nous avons connu avec des mouvements d'ultragauche ou autonomistes des années 1970 et 1980. Vous lirez l'introduction : j'y cite Monica Sabolo, qui rappelle comment ces groupes venus de l'après-Mai 68, et appartenant à des organisations tout à fait structurées, se sont petit à petit détachés de ce cadre pour entrer dans la vie clandestine et assumer un glissement vers des actes violents envers les individus. Cela a abouti en 1986 à l'assassinat de Georges Besse, PDG de Renault.

Je ne dis pas que c'est ce qui va se passer demain. Je n'en sais rien. Mais il existe des analyses en ce sens qui ne sont pas les miennes, mais celles de spécialistes appartenant au service public et dont nous avons bien besoin. Et puis il y a des responsables politiques de votre sensibilité, madame Laernoes, qui, quand ils en discutent avec moi, considèrent aussi qu'il y a là un risque ; c'est pourquoi ils ne sont pas allés à Sainte-Soline.

Je prends d'ailleurs la responsabilité de dire qu'un élu local ou national peut participer à une manifestation interdite. Je ne suis pas sûr qu'Edwige Diaz sera d'accord, ni même certains membres de mon groupe comme Sandra Marsaud. Je partage à ce sujet le point de vue que l'ancien ministre de l'intérieur Christophe Castaner a exprimé devant la commission d'enquête : mon problème n'est pas qu'un élu aille à une manifestation interdite, mais qu'il y aille en connaissant les risques. À Sainte-Soline, les risques étaient là, tout le monde le savait. Cela, c'est un problème.

J'essaie de faire des constats et d'émettre des propositions. J'espère que certaines d'entre elles seront entendues. Nous aurons très rapidement l'occasion d'en parler avec le ministre de l'intérieur.

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Puisque plus personne ne souhaite s'exprimer, je soumets le rapport au vote des membres de la commission d'enquête.

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Comme je l'ai indiqué, mon vote est défavorable.

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J'en prends acte. Je ne note par ailleurs aucune abstention, et je constate donc le vote favorable des autres commissaires présents.

La commission adopte le rapport.

La réunion se termine à quatorze heures vingt-cinq.

Présences en réunion

Présents. - M. Mounir Belhamiti, M. Florent Boudié, M. Aymeric Caron, Mme Clara Chassaniol, Mme Edwige Diaz, Mme Marina Ferrari, Mme Félicie Gérard, M. Philippe Guillemard, M. Patrick Hetzel, Mme Julie Laernoes, Mme Patricia Lemoine, Mme Sandra Marsaud, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, M. Julien Odoul, M. Éric Poulliat, M. Michaël Taverne

Excusés. - M. Romain Daubié, M. Pierre Morel-À-L'Huissier