Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Réunion du jeudi 4 avril 2024 à 15h00

Résumé de la réunion

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  • adaptation
  • aléa
  • guadeloupe
  • outre-mer
  • trajectoire

La réunion

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Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Jeudi 4 avril 2024

La séance est ouverte à quinze heures

Présidence de Mme Sophie Panonacle, vice-présidente

La Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer procède à l'audition ouverte à la presse de Mme Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du Conseil régional de la Guadeloupe, accompagnée de Mmes Monique Apat, directrice générale adjointe des infrastructures et du cadre de vie et Maeva Govindin, cheffe du service biodiversité et risques majeurs.

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Mes chers collègues, nous poursuivons les travaux de notre commission d'enquête par une audition des représentants du conseil régional de la Guadeloupe. Nous avons précédemment auditionné les représentants de l'État de ce territoire, à savoir le préfet, la Deal et le Sdis.

Aujourd'hui, nous avons le plaisir de recevoir Mmes Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe, en présentiel ; Monique Apat, directrice générale adjointe des infrastructures et du cadre de vie ; Maeva Govindin, cheffe de service biodiversité et risques majeurs.

Je vous remercie sincèrement toutes d'avoir pu vous rendre disponibles pour cette table ronde.

Cette audition, je le précise, est transmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et l'enregistrement sera ensuite disponible à la demande.

Je vous laisserai la parole pour une courte intervention liminaire afin que nous puissions ensuite poursuivre nos échanges sous la forme de questions et réponses avec notre rapporteur, Guillaume Vuilletet, que je salue et qui va nous rejoindre dans quelques minutes, mais, qui nous entend.

Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Mesdames, si vous le voulez bien, à tour de rôle, je vous invite à lever la main droite et à dire « je le jure ».

Mmes Sylvie Gustave Dit Duflo et Maeva Govindin prêtent serment.

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Maeva Govindin, cheffe de service biodiversité et risques majeurs

Mme Apat se connecte. Mme Francine Arbau-Garnier est quant à elle en congé et sera absente aujourd'hui.

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Très bien. Nous pouvons attendre quelques instants Mme Apat afin qu'elle puisse prêter serment. Je donnerai ensuite la parole à Mme la vice-présidente du conseil régional.

Mme Monique Apat se connecte à la visioconférence.

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Si vous le voulez bien, je reprends juste la phrase du protocole qui dit que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite à lever la main droite et à dire « je le jure ».

Mme Monique Apat prête serment.

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Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe

De quelle manière devons-nous procéder ? Nous avons été destinataires d'un questionnaire. Répondons-nous aux questions ?

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Vous pouvez assurer une présentation plus synthétique. M. le rapporteur vous posera ensuite un certain nombre de questions afin que l'exercice soit moins fastidieux pour vous.

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Si vous m'y autorisez, Madame la présidente, le questionnaire constitue une base écrite qui nous permet de prendre connaissance d'informations plus fouillées et détaillées. Il s'agit aujourd'hui de discuter de la thématique qui nous anime, après une présentation sommaire et globale de votre part pendant une dizaine de minutes. Nous poursuivrons avec une séance de questions et de réponses pour réagir et aborder des détails qui, parfois, se trouvent un peu cachés dans les questionnaires.

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Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe

Très bien. L'archipel de la Guadeloupe, comme vous le savez, se trouve en milieu tropical et, de ce fait, les risques majeurs qui peuvent l'impacter sont multiples. Il y a bien évidemment les aléas climatiques qu'illustrent les cyclones et les phénomènes d'inondation. Le réchauffement climatique s'accompagne de périodes de sécheresse, sur plusieurs années.

L'archipel de la Guadeloupe se situe sur la plaque caraïbe, qui glisse et peut donner lieu à des risques sismiques d'origine tectonique.

Parmi les aléas majeurs, je cite aussi la Soufrière, un volcan toujours en activité, qui culmine à plus de 1 700 mètres de hauteur. Nous parlons d'un volcan de type péléen, c'est-à-dire composé d'un magma visqueux et explosif. Il est appelé ainsi en rapport avec la montagne Pelée et les dégâts occasionnés en 1902.

Heureusement, nous ne souffrons pas de phénomènes d'incendie, mais nous cumulons quand même un certain nombre de risques majeurs, qu'il convient de prendre en considération.

Je propose de structurer ma présentation entre une partie consacrée aux actions bénéfiques et une autre relative aux domaines pour lesquels il nous faut encore progresser.

Aujourd'hui, la population appréhende bien le risque d'inondation et les risques cycloniques, même si les petits cyclones ou tempêtes tropicales, de catégorie 1 ou 2, avec des forces de vent inférieures ou égales à 120 km/h, sont quand même susceptibles de générer des inondations, à l'instar de la tempête Fiona en 2022.

Il nous faut prendre en compte l'ensemble de ces éléments lorsque nous habitons un territoire comme celui de la Guadeloupe. La résilience doit être construite sur la base de moyens structuraux, comme les fonds Barnier et Feder. La région Guadeloupe, en maîtrise d'ouvrage, accompagne les collectivités, notamment les petites communes qui ne sont pas dotées d'une ingénierie nécessaire pour réhabiliter les écoles et les mettre aux normes sismiques et parasismiques. La région intervient également sur les axes routiers et les infrastructures.

Notre travail, qui vise à résister aux phénomènes climatiques, passe par un souci d'anticipation. À ce titre, nous finançons des études visant à mieux comprendre les phénomènes qui nous impactent. Par exemple, le projet C3AF a permis d'utiliser la modélisation de la houle née du passage du cyclone Maria pour anticiper l'évacuation de la population.

Nous finançons les études du BRGM et celles menées au sein de l'université des Antilles. Plus récemment, nous avons financé le groupe régional des experts du climat, notre petit Giec local, le Grec-Guadeloupe. Il nous apporte une visibilité sur les aléas susceptibles d'impacter notre territoire entre 2030 et 2050. Nous étudions la météorologie, la gestion de l'eau, les sécheresses, la pluviométrie, la survenue de phénomènes cycloniques plus intenses. Le souhait est aussi que ce groupe d'experts nous apporte une prospective sur l'agriculture, la santé ou encore la gestion de l'eau, c'est-à-dire tous ces enjeux à prendre en considération lors d'une gestion de crise.

Ces dernières années, nous nous sommes beaucoup attachés à la prévention. J'ai vécu deux ans à San Francisco, ville située sur la faille de San Andreas. Les habitants attendent tous le big one et ont su entretenir une vraie culture du risque. C'est fort de ces observations pendant mon séjour américain que nous avons voulu impulser, avec le président de la région, Ary Chalus, une politique de prévention qui ne soit pas que conceptuelle. Ainsi, nous participons à la formation des constructeurs de bâtiments et assistons à un certain nombre d'évènements. Surtout, nous avons voulu amplifier la sensibilisation opérationnelle. Voir une vidéoprojection d'un séisme ou le vivre en situation ne représente pas la même expérience. Sous la houlette de Monique Apart et de Maeva Govindin, nous faisons vivre des expériences immersives aux agents et élus régionaux, consistant à choisir un bâtiment public et à le transformer en immeuble sur le point de se dégrader à cause du risque sismique. Pendant la matinée, à l'aide d'acteurs, les élus et agents découvrent la réalité du risque, constatent la difficulté d'emprunter un escalier branlant sur le point de s'effondrer, apprennent à utiliser une trousse de secours et procèdent aux meilleurs choix dès lors qu'ils occupent des fonctions de responsabilité.

La collectivité régionale s'est résolument engagée sur la structuration en apportant son expertise aux petites communes, parfois privées des moyens nécessaires pour mettre aux normes leur parc scolaire. La région participe à la formation des professionnels. Nous avons à ce titre assisté à un congrès véritablement dédié aux normes sismiques et parasismiques. Notre rôle consiste aussi à assurer la prévention de la population. Nous avons lancé cette expérience immersive auprès des agents régionaux, que nous élargirons aux lycéens et, pourquoi pas, au grand public.

Nous avons complété le questionnaire que vous nous avez adressé. Il sera à votre disposition à l'issue de cette audition.

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Mesdames Apat et Govindin, souhaitez-vous intervenir à votre tour avant les questions du rapporteur ?

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Monique Apat, directrice générale adjointe

Le cadre a bien été posé par notre vice-présidente et n'appelle pas de commentaire particulier.

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J'ai été assez impressionné par la diversité et l'aspect assez complet des dispositifs qui ont été apportés par la région Guadeloupe dans la prévention des risques. La prévention des risques repose aussi sur un certain nombre de documents et de mesures que sont les plans Orsec, les PPRN, les plans communaux de sauvegarde.

Pensez-vous être à jour sur ces aspects ? Si tel n'est pas le cas, puisque tous les plans n'affichent pas le même niveau d'actualisation, de quelle manière accompagnez-vous les collectivités qui en ont la charge ou les services que vous déclenchez pour actualiser ces documents ?

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Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe

Ce sont des documents stratégiques, élaborés sous la houlette de l'État. Nous ne sommes pas dans un contexte géologique figé du fait des mouvements de terrain. Le PPRN évolue en fonction de l'érosion du littoral, des mouvements de terrain et de la géologie même de notre archipel.

Il revient aux maires de mettre en place les plans communaux de sauvegarde. À l'exception de deux ou trois communes, l'ensemble des municipalités est pourvu de tels plans, notamment celles impactées par les sargasses. Selon les plans nationaux Sargasse 1 et 2, les maires ou les EPCI ont l'obligation de collecter les algues en 48 heures, durée au-delà de laquelle elles se décomposent et libèrent plus d'une trentaine de gaz, dont deux éminemment toxiques et corrosifs, l'hydrogène sulfuré et l'ammoniac.

Nous surveillons la qualité de l'air à travers les réseaux de l'association agréée de surveillance de la qualité de l'air en Guadeloupe, Gwad'air, qui a disposé des capteurs dans toutes les communes touchées par les sargasses. Lorsque les alizés sont faibles, nous constatons des pics de H2S ou de NH3 qui dépassent les seuils préconisés par l'Anses. Dans une telle situation, l'Aasqa alerte l'ARS, qui se rapproche alors du maire. Ce dernier a l'obligation d'activer son plan communal de sauvegarde et de trouver un hébergement temporaire aux riverains susceptibles d'être touchés par ces pics de pollution.

L'État élabore ces documents, en concertation avec les partenaires, dont les maires, qui jouent un rôle majeur à ce titre. La région Guadeloupe est également concertée et peut apporter des amendements.

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Ces documents évoluent en fonction des ressources mises à la disposition des collectivités ou de l'État en vue de traiter les aléas. Nous sommes aussi dans une période de changement climatique qui contribue à la modification des aléas.

Vous dites que les plans de sauvegarde sont à peu près à jour, ce qu'il convient de saluer. Les PPRN sont des cartes qui permettent de prévoir, ou pas, des aménagements ou des constructions. En Guadeloupe, comme dans la plupart des territoires ultramarins, le foncier apparaît très contraint, par ailleurs occupé de longue date par des personnes qui n'ont pas toujours les moyens de trouver une solution alternative par rapport à un secteur qui se révélerait inconstructible.

Vos collègues n'ont pas pu venir et vous êtes un peu la dépositaire de la parole publique locale de l'ensemble des institutions de Guadeloupe. La pratique des collectivités locales conduit-elle à une forme de coordination et de coopération afin de gérer les effets de ces PPRN auprès des populations ?

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Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe

L'application des PPRN revient aux maires. Bien souvent, le maire fait face à un électeur potentiel. Même s'il sait qu'une personne a construit sa maison dans une zone qui ne s'y prêtait pas, il est peu probable qu'il demande la destruction du bâtiment. Néanmoins, si les maires ne sont pas responsables de ce qui a été fait avant leur élection, ils sont responsables de l'application du PPRN.

La région Guadeloupe n'est pas dépositaire de ces documents d'urbanisme. Simplement, au travers du schéma d'aménagement régional, un document opposable, nous pouvons donner des indications d'aménagement du territoire, mais sans être à l'échelon communal. Au final, il revient au maire de prendre ses décisions face à son administré et à son électeur. Je vous garantis que l'exercice n'est pas toujours évident. Je peux citer l'exemple de la petite commune de Basse-Terre, dans sa partie sud. Un administré a quand même construit sa maison, malgré le veto du maire, sur des berges inondables. Lors des épisodes pluvieux ou des cyclones, la petite ravine se transforme en torrent. La personne a déclaré qu'elle n'avait pas pu dormir de la nuit, dans la crainte de voir son habitation entraînée par le torrent.

Les habitants n'ont pas conscience du PPRN aussi longtemps qu'ils n'ont pas de projet de construction. Quand ce projet se concrétise, la situation leur devient difficile. Nous dépendons d'un espace contraint, qui oblige parfois à réviser son projet de construction et à trouver un autre endroit.

Dans les territoires ultramarins, les terrains sont souvent donnés par filiation. Il apparaît très difficile de chercher un terrain ailleurs. Un vrai travail de pédagogie mérite d'être mené, avec l'association des maires, pour sensibiliser la population sur les zones à risque et les enjeux. Lorsque le maire émet un avis négatif, il doit l'accompagner d'une explication, visant à dire par exemple qu'on ne construit pas sur le versant d'une colline susceptible d'être touché par des phénomènes de lave ou de boue. L'explication ne doit pas être apportée de manière trop administrative, mais selon la culture locale. En Polynésie française, les chefs coutumiers interdisent certaines zones au nom de la biodiversité et leur parole est respectée. Leur interdiction répond à des enjeux de préservation de la ressource abiotique par exemple. En Guadeloupe, il serait opportun de mener une initiative avec les maires afin de mieux informer les citoyens.

C'est peut-être dans ce sens que la région pourrait intervenir, en apportant son aide à la formation d'abord des élus, pour leur éviter toute promesse électorale, ensuite de la population.

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Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe

Nous avons un établissement public foncier, créer par la région Guadeloupe. Il nous permet de mieux aménager notre territoire. Vous l'avez dit, nous sommes dans un espace contraint, soumis à la pression immobilière. Une petite maison de trois pièces aux Saintes coûte 1,2 million d'euros, un niveau jamais vu. L'établissement public foncier appuie les collectivités, la région, le département, les communes, les EPCI pour encourager une meilleure répartition des constructions et tendre vers l'objectif de zéro artificialisation nette. Il peut s'agir de la réduction des dents creuses dans les communes ou de l'utilisation prioritaire de friches ou de zones dont la biodiversité est déjà dégradée. Ces démarches permettent de préserver les terrains vierges.

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Monique Apat, directrice générale adjointe

Il devient de plus en plus complexe d'aménager les territoires. Le contexte des aléas évolue. Même en tenant compte des PPRN, un Plu à un instant T exprime une réalité qui sera peut-être différente dans quelques années. C'est toute la difficulté. Lorsque nous prenons des décisions d'aménagement, elles s'entendent le plus souvent à long terme. Or, les aléas agissent selon des pas de temps différents. Il n'est pas toujours évident de prédire ce qui sera possible ou autorisé demain.

Je peux citer l'exemple de la gestion du trait de côte. Les premières cartographies en Guadeloupe ont été proposées en 2022. Avant cette date, le recul du trait de côte n'était pas intégré dans la réflexion des maires. Lorsqu'ils nourrissaient des projets de développement territorial, dès lors que la commune se situait sur le littoral, les zones aujourd'hui identifiées comme dangereuses, et donc non aménageables, pouvaient accueillir ce type de projet.

Les aléas évoluent dans le temps, parfois sur des périodes assez courtes. Cette réalité peut amener à remettre en question des projets d'aménagement, quand bien même, à un instant T, ils auraient été possibles.

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Anticiper se révèle parfois difficile. C'est aussi découvrir les effets des aléas plutôt que les aléas eux-mêmes.

Les adaptations des bâtiments et équipements régionaux aux aléas climatiques représentent un vrai coût. Que pensez-vous de vos équipements ? Vous montrez-vous assez sereins ?

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Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe

Je prends l'exemple de Basse-Terre, le chef-lieu qui accueille la préfecture, l'hôtel de région et l'hôtel du département. Nous parlons d'un centre administratif important. Si vous quittez Basse-Terre en cas de séisme, seuls deux ponts respectent les normes, à la différence de tous les autres. Il s'agit du pont de la Rivière noire, du côté de Saint-Claude, et du pont des Marsouins, rénové récemment. Les autres ponts risquent de s'effondrer en cas de séisme. Les enjeux concernent donc la construction d'ouvrages d'art ou la mise aux normes sismiques de ceux qui existent déjà. Si le centre névralgique est coupé du reste du monde, un vrai problème se posera.

Le plan séisme Antilles donne la priorité à la mise aux normes sismiques et parasismiques des bâtiments publics et de sécurité. Typiquement, la préfecture n'était pas aux normes. Des travaux ont été lancés en ce sens. Les centres de sécurité, le Sdis, n'étaient pas non plus aux normes. Le PSA vise à corriger ces situations.

La région accompagne un certain nombre de communes pour les aider à mettre les écoles primaires aux normes. Nous terminons un important chantier, ayant consisté à la mise aux normes du complexe Baimbridge Chevalier de Saint-Georges.

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Monique Apat, directrice générale adjointe

La partie Lycée Baimbridge a représenté un coût de 103 millions d'euros. Le chantier relatif à Chevalier de Saint-Georges, qui doit bientôt commencer, coûtera environ 80 millions d'euros. Ce sont des chantiers très importants.

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Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe

La région Guadeloupe prend sa part, par le fléchage des fonds Barnier et Feder. Le complément est apporté par l'institution régionale.

Nous avons contribué à la rénovation des mairies qui n'étaient pas aux normes et qui constituent aussi un centre névralgique.

La région agit selon sa compétence. Notre président étend cette compétence dès lors qu'une commune est en difficulté, même si la chambre régionale des comptes nous rappelle à l'ordre. Il nous semble quand même préférable qu'une commune soit opérationnelle.

Dans les îles du sud, nous avons déployé des téléphones satellitaires, qui peuvent se révéler très utiles en période de cyclone, lorsque les réseaux souffrent de ruptures. Ces téléphones permettent de maintenir le contact avec les maires et de prendre connaissance de leurs difficultés.

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Nous avons reçu de nombreux opérateurs de réseaux, qui nous ont expliqué de quelle manière ils pouvaient intervenir rapidement en cas d'aléa et garantir la résilience des territoires.

Pour avoir été membre de la commission d'enquête sur l'eau en Guadeloupe il y a quelques années, je sais que le sujet est majeur. Le SMGEAG a été reconstitué. Le réseau d'eau n'est pas en très bon état et nous pouvons douter de son opérationnalité en cas de risque sismique majeur.

Quel est votre regard sur cette situation ?

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Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe

Nous vivons aujourd'hui une crise de l'eau et de l'assainissement sans précédent. Avant la création du SMGEAG, nous avons investi 73 millions d'euros et le plan d'action d'urgence a permis de renouveler des canalisations âgées de 70 ans près du lycée agricole, à Baie-Mahault.

Le SMGEAG a été créé à la date du 1er septembre 2021. Depuis, un plan pluriannuel d'investissement, à hauteur de 300 millions d'euros, a été porté conjointement par le SMGEAG, l'État, la région et le département. Je rappelle que la région et le département ne sont pas compétents en matière d'eau et d'assainissement. En moyenne, nos enfants perdent un mois et demi d'école en raison du manque d'eau, qui ne permet pas le respect des conditions sanitaires.

Là encore, la région Guadeloupe s'est montrée très volontaire en portant le plan d'action prioritaire de 2018 à 2021, aux côtés du SMGEAG, en tant qu'administrateur, mais aussi en tant que soutien financier. Le SMGEAG a dû souscrire un emprunt de 50 millions d'euros, emprunt pour lequel la région et le département se sont portés caution à parts égales.

En cas de risque sismique, et j'espère que nous n'en rencontrerons pas ces cinq prochaines années, nos réseaux vieillissants sont susceptibles de subir de sévères dégâts. En 2022, la tempête Fiona a endommagé le feeder, cette conduite qui part du château d'eau de Capesterre, qui dessert Capesterre, les Saintes, qui remonte vers Goyave, Petit Bourg, qui alimente Baie-Mahault, Point-à-Pitre et qui continue vers le Gosier, Sainte-Anne, Saint-François et la Désirade. Nous avons bien caractérisé les enjeux liés au feeder, nous avons modélisé son fonctionnement en situation dégradée. Il nous reste à lancer des travaux corolaires pour donner naissance à des solutions alternatives, comme une usine de production d'eau ou des zones de stockage tampon.

Désormais, la mission consiste à réparer les fuites du réseau d'eau, qui amoindrissent la pression dans les tuyaux.

Hier, j'ai suivi l'actualité autour du séisme qui s'abat sur Taïwan et, même avec la meilleure canalisation du monde, nous ne pourrions pas y résister. Il faut quand même faire face.

Lors de la tempête Fiona, nous avons pu déployer des solutions alternatives. La région a développé un programme de financement des citernes d'eau de pluie, sous conditions de ressources. Un nombre croissant de foyers est équipé de telles citernes.

Dans les écoles et les établissements publics, à l'instar du CHBT, l'hôpital de Basse-Terre, nous avons mis en place avec nos partenaires des citernes d'eau potable, ce qui permet de profiter d'une réserve avant que la réalimentation soit effective. Dans les écoles, nous avons lancé une série de constructions de citernes d'eau potable, sous contrôle de l'ARS, pour pallier tous les manques d'eau.

Je ne dirais pas que nous pourrions survivre à une crise, mais une prise de conscience est en train de naître au regard de la crise de l'eau en Guadeloupe.

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Je mesure bien l'effort consenti par rapport à la situation qui prévalait il y a quelques années. Une prise de confiance et un effort considérable ont été opérés à travers la création du SMGEAG.

Vous dites espérer qu'aucun aléa de cette nature n'impactera la Guadeloupe. C'est un peu le principe de l'assurance. Nous souscrivons des assurances parce que nous ne savons jamais si les aléas surviendront ou pas.

Les territoires ultramarins laissent voir un déficit assurantiel, notamment chez les particuliers. Je pense aussi aux unités économiques et aux bâtiments publics.

En tant qu'acteur public, quelle est votre réflexion ? Le défaut d'assurance ne permet pas de financement Catnat et ne facilite pas l'accès au fonds Barnier. Les fonds de solidarité outre-mer ne sont pas très simples à manier. Quel regard portez-vous ?

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Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe

Le réchauffement climatique promet des temps très durs. Il nous faut faire preuve d'anticipation et de prospective.

S'agissant de l'aspect assurantiel, un travail important est mené. Nous comptons de très nombreux habitats informels, placés sur les zones littorales. Les assurances refusent de couvrir ces maisons si vous n'êtes pas titulaire d'un permis de construire ou lorsque vous résidez dans des zones à risque. Nous cherchons à régulariser ce qui peut l'être et à proposer, avec les maires, des solutions aux familles qui se retrouvent en difficulté. Je cite le cas de la ville de Petit-Bourg. La situation n'y est pas simple. En raison de l'érosion du littoral et du retrait du trait de côte, des maisons qui étaient bien en arrière des falaises sont aujourd'hui à leur bord. Une habitation est même à demi inclinée sur la falaise. Malgré cette réalité, il a fallu la patience du maire de Petit-Bourg et plus d'une dizaine d'années pour encourager les habitants à quitter cette maison.

Une action commune mérite probablement d'être menée avec les compagnies d'assurance envers les populations confrontées à ces situations. Il convient aussi de sensibiliser les habitants à l'importance de souscrire une assurance. La tâche n'est pas évidente, dès lors que leur niveau de vie est inférieur à celui constaté en métropole. Lorsqu'ils réussissent à construire une maison, l'assurance est un peu considérée comme la cerise sur le gâteau qu'ils ne peuvent pas se permettre.

Parfois, les compagnies d'assurance ne jouent pas le jeu. Je prends l'exemple des algues sargasses. Le Président de la République est venu en 2017 et a déclaré que le monde assurantiel devait prendre en charge les dégradations liées aux émanations des sargasses. Comme je l'ai indiqué, l'hydrogène sulfuré et l'ammoniac sont très corrosifs. Il faut vivre dans ces maisons pour comprendre la difficulté. La robinetterie est noircie et les fils électriques se retrouvent corrodés, ce qui oblige à changer de réfrigérateur tous les deux ans, de télévision tous les ans. Il faut même remplacer les tôles de votre maison tous les deux ou trois ans. Ces maisons sont assurées, mais les assureurs refusent de prendre en compte ces dégâts liés aux algues, au réchauffement climatique et à l'anthropisation des milieux.

L'un des rôles de la commission peut être d'installer un dialogue avec ces compagnies d'assurance pour leur expliquer que ces zones subissent le même phénomène depuis treize ans, qui ne diminuera pas. Il est vrai que les sargasses ne sont pas considérées comme une catastrophe naturelle puisque leur apparition est récurrente. Nous pouvons même prédire leurs périodes d'échouage.

Finalement, le réchauffement climatique ne nous interroge-t-il pas sur les innovations administratives à lancer pour faire face à ces situations inédites et répondre aux citoyens ? C'est toute la question.

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Je suis bien d'accord. Je dirais même que la pluie n'est pas une catastrophe naturelle puisqu'il pleut tout le temps. Les effets de la pluie le sont. La même réflexion vaut pour les sargasses. Nous devrions nous poser ce genre de question pour mieux sensibiliser les assurances ou provoquer le versement de fonds d'État.

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Je préside le comité national du trait de côte et nous assistions à notre réunion plénière ce matin, à laquelle participaient les sept porteurs de projet partenarial d'aménagement. Vous évoquiez la difficulté d'aménager le territoire face à l'érosion côtière, en rappelant que nous ne parlons pas d'un risque naturel majeur. Le financement est en cours de réflexion et nous espérons y apporter une réponse d'ici la fin de l'année.

Je vous invite, si vous n'en avez pas encore eu connaissance, à lire le rapport final des assureurs qui a pour titre : « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques ». Il évoque notamment les territoires ultramarins face aux risques cycloniques.

Ce soir, le ministre Béchu, avec qui je travaille dans le cadre du Comité national du trait de côte et l'érosion côtière, annoncera la publication dès demain du rapport du Cerema sur le phénomène d'érosion côtière, à la fois dans l'hexagone et dans les territoires ultramarins, dont la Guadeloupe. Vous parliez tout à l'heure de cartes datant de 2022. Vous profiterez dès demain matin des cartes mises à jour qui vous seront d'un grand secours par rapport à la mise en place de stratégies d'adaptation de votre territoire.

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Nous recevons le ministre Béchu à 17 heures et nous pourrons lui poser directement nos questions.

Peut-être souhaitez-vous conclure sur un point particulier ?

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Sylvie Gustave Dit Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe

Lors d'un groupe de travail consacré à l'outre-mer au comité national de l'eau, il a été souhaité que le fonds Barnier soit élargi à la compétence Gemapi, confiée aux EPCI en 2018. Dans notre territoire, à l'exception de l'EPCI Cap Excellence, qui a produit un Papi, les EPCI peinent à se saisir de cette compétence. Elle impose en effet de réaliser un diagnostic, qui permet ensuite d'élaborer un plan d'action et de prévention des inondations et donc de lever les fonds afin de lancer les travaux. Nous aimerions que le fonds Barnier puisse être élargi et intègre un volet Gemapi pour se consacrer aux ouvrages à mettre en œuvre.

Je reviens au volet assurantiel, qui apparaît très important pour les zones impactées par les sargasses. Les zones en question accusent une chute immobilière importante, puisque plus personne ne souhaite habiter dans ces maisons. Certains habitants se retrouvent en difficulté financière, du fait de devoir changer de réfrigérateur tous les deux ans. Au regard de cette situation, le volet assurantiel mérite d'être revu et travaillé puisque nous ne voyons pas la fin de ce phénomène.

Enfin, je suis convaincue que rien ne remplace une expérience immersive, s'agissant par exemple du risque sismique ou tsunamique. Les gens se voient confier un scénario, ils jouent et ils apprennent. Vous seriez étonnés de constater les retours d'expérience que nous enregistrons grâce à ces exercices. Ils permettent par exemple de constituer une trousse de secours en cas de panique. Un agent m'a dit qu'en cas de séisme ou de tsunami, il ajouterait une bouée à ses équipements. Nous devons donc multiplier ces expériences immersives.

En plus de ses efforts en termes de prévention et de construction, la région Guadeloupe amplifiera ce volet immersif à destination des scolaires et du grand public.

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Je vous remercie beaucoup pour cette audition riche et éclairante.

La Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer procède à l'audition ouverte à la presse de M. Joseph Hajjar, directeur de programme climat au Secrétariat général à la planification écologique (SGPE).

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Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux en auditionnant M. Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique.

La singularité du SGPE par rapport aux différentes directions d'administration centrale que nous avons déjà auditionnées réside dans son positionnement interministériel et surtout auprès du Premier ministre.

Je vous remercie de nous présenter rapidement le SGPE, Monsieur Hajjar, ainsi que les ressources consacrées à l'impact du réchauffement climatique sur les risques naturels majeurs, et plus spécifiquement à ceux très nombreux affectant nos territoires ultramarins.

Cette audition, je le précise, est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et l'enregistrement sera ensuite disponible à la demande.

Je vous laisserai prendre la parole dans quelques instants pour une courte intervention liminaire afin que nous poursuivions nos échanges sous forme de questions-réponses.

Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Monsieur Ajar, je vous invite à lever la main droite et à nous dire : « Je le jure ». Je vous remercie et nous vous laissons la parole.

M. Joseph Hajjar prête serment.

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

Mesdames et Messieurs les députés, bonjour à tous. Je suis le directeur du programme énergie et climat au SGPE, qui a été créé il y a un an et demi pour servir de cheville ouvrière à la planification écologique, désormais confiée au Premier ministre, avec l'idée de mettre en cohérence les politiques publiques environnementales sur nos cinq grands enjeux que sont l'atténuation, l'adaptation, dont il sera particulièrement question aujourd'hui, la protection de la biodiversité, la protection des ressources naturelles et les enjeux liés à la santé et à l'environnement.

Le SGPE se place en chapeau et en coordination des travaux interministériels pour créer un cadre collectif. Les enjeux d'interface sont bien sûr importants entre les différents ministères. Les différentes stratégies sectorielles qui préexistaient avant la création du SGPE, je cite par exemple le PNACC sur les enjeux d'adaptation, doivent être désormais endossées par l'ensemble du collectif ministériel et pas seulement par le ministère qui porte cette politique. C'est à cela que nous nous attelons.

Au SGPE, nous avons mené un travail essentiellement concentré sur les enjeux d'atténuation, d'eau et de biodiversité lors de la première année. Ils ont donné lieu à un certain nombre de publications, notamment l'été dernier, et ouvrent la voie aux publications des stratégies sectorielles sur la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) s'agissant des enjeux d'atténuation ou sur la Stratégie nationale biodiversité (SNB) pour ce qui concerne les enjeux de biodiversité.

Les sujets d'adaptation ont été entamés au SGPE en septembre dernier. Nous avons pris en route les travaux ministériels initiés de longue date en vue du PNACC-3. Des groupes de travail avaient déjà été organisés avec les parties prenantes.

Nous arrivons à ce moment où il faut cristalliser ces travaux et les confronter en interministériel afin qu'ils soient bien endossés. Nous restons attentifs à ce que nous appelons les conditions de bouclage afin de s'assurer de la disponibilité des financements face à nos objectifs et trajectoires. Il doit y avoir une attention portée à la territorialisation des stratégies et des objectifs ainsi qu'aux enjeux d'emplois et de compétences associés.

Dans le cadre de ces travaux, nous serons plutôt concernées par l'aspect climatique des risques naturels par rapport aux autres enjeux, plus éloignés de nos bases.

Historiquement, les enjeux d'adaptation et de gestion des risques naturels étaient un peu dissociés. On avait tendance à considérer que la gestion des risques répondait à une politique très régalienne et immédiate. Aujourd'hui, nous nous projetons à plus long terme, selon des attendus plus scientifiques.

Nous sommes rattrapés par l'actualité et par la connexité entre ces différents enjeux. Je pense que le PNACC-3 établira un lien plus fort entre ce que nous devons faire aujourd'hui pour répondre à des impacts qui se matérialisent déjà et au sujet desquels nous avons parfois accumulé un certain retard, et la préparation de l'avenir. Le souhait est de nous assurer que ce qui est attendu ces prochaines années soit conforme à la trajectoire de réchauffement que nous anticipons. Il s'agit de capter les flux en veillant qu'ils soient bien adaptés, mais aussi de se projeter à plus long terme dans un monde très incertain. C'est ici un sujet d'étude, qui revêt également une dimension majeure.

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Quelles méthodes employez-vous pour assurer une actualisation permanente ? Comment intégrez-vous le travail des collectivités locales, qui sont souvent à la manœuvre dans les territoires ?

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

S'agissant de l'atténuation, nous suivons des objectifs chiffrés de réduction des émissions. Il est facile d'installer une cible, de la découper en briques pour chacun des secteurs, puis en sous-briques pour chacun des leviers et des secteurs. Nous proposons ensuite les mesures de politique publique.

Les enjeux d'adaptation comme de biodiversité forment une matière plus diffuse et les enjeux territoriaux apparaissent beaucoup plus forts. Nous assistons donc à une forme de différenciation des enjeux à l'échelle territoriale. Le sujet ne peut pas être attrapé par un seul bout et nous sommes obligés de combiner plusieurs approches.

Je cite d'abord l'approche des risques. Nous pouvons prendre les risques les uns après les autres et vérifier où nous en sommes. Des travaux ont déjà été lancés, notamment sur le trait de côte, qui a fait l'objet d'un comité national et un décret qui liste un certain nombre de communes. Le travail de la mission menée sur les assurances vient de rendre ses conclusions. Nous trouvons divers sujets sectoriels.

J'ai commencé à évoquer l'approche selon les temporalités. La gestion des crises se matérialise aujourd'hui, nécessitant d'adapter les investissements en flux, en nous assurant de ne pas nous tromper ces prochaines années. Nous devons également préparer l'avenir en l'étudiant et embarquer les acteurs concernés.

L'État mettra en place un certain nombre d'actions, de normes et de financements, mais il nous faut savoir de quelle manière les acteurs s'approprient ces enjeux et dessinent leur propre stratégie d'adaptation à leur échelle. Cela vaut pour les collectivités et les entreprises.

Nous sommes obligés de jouer sur ces différents niveaux afin de mieux capter les sujets d'adaptation. La démarche de territorialisation a été engagée l'année dernière au travers des Cop territoriales. Trois ont été initiées pour les outre-mer. L'objectif est de confronter les trajectoires nationales aux trajectoires régionales et, surtout, d'engager une réflexion sur les actions à mettre en place, sans rester sur la seule logique d'objectifs et de trajectoires. Il est vrai que les sujets d'adaptation ne figuraient pas au menu, à titre principal, des Cop lancées l'année dernière, dans le sens où la stratégie nationale n'était pas prête. Il était plus facile de travailler sur la base d'une stratégie d'atténuation, conçue pour l'horizon 2030.

Le même constat vaut pour la biodiversité et le plan eau. Nous étions en attente d'avoir finalisé les travaux nationaux avant d'engager ces travaux dans le périmètre des Cop, à l'exception des outre-mer. Conformément à la demande du Ciom et des collectivités elles-mêmes, les enjeux d'adaptation ont été placés un peu plus haut à l'agenda des premières Cop. La difficulté est que nous sommes moins en capacité de fournir un cadrage national précis, comme nous avons pu le faire pour les autres enjeux. Il y a donc cette dimension un peu exploratoire.

Il faut aussi considérer que les copies qui seront rendues à l'issue des Cop intégreront des notions de trajectoires et d'objectifs et dévoileront quelques premières actions, mais ce ne sera pas la fin de l'histoire. Il existe cet aspect itératif entre la vision territoriale et la vision nationale, selon un enjeu de pilotage très fort, encore plus fort sur les enjeux d'adaptation compte tenu des incertitudes que j'évoquais. Nous devons nous adapter de façon souple en fonction des actions menées, du retour d'expérience, des études qui apporteront progressivement une source de connaissances et des orientations sur les choix opérés. Ce sont des enjeux de pilotage très forts et une articulation entre l'État et les collectivités territoriales, peut-être encore plus forte que pour les autres dimensions de la planification écologique.

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Combien de personnes sont impliquées dans ces travaux ?

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

J'évoquais ici la démarche d'adaptation en général et pas le travail du SGPE. Au SGPE, nous étions quinze personnes à temps plein lors de la première année. Aujourd'hui, nous sommes une petite trentaine de permanents. L'équipe apparaît assez resserrée, avec cette idée de coordination et cette volonté d'éviter les doublons par rapport aux travaux menés dans les ministères et par les directions d'administration centrale.

Je suis personnellement les sujets d'adaptation de façon transversale. Le but du PNACC est d'éviter une politique en silo. Elle doit surtout imprégner les politiques publiques et même l'action des collectivités et des entreprises privées, avec des filières économiques au sens large.

Mes collègues en charge de la biodiversité, de l'agriculture ou des bâtiments intègrent progressivement cette dimension dans leurs travaux quotidiens. L'administration et les acteurs nationaux doivent adopter la même démarche. C'est de cette manière que nous envisageons le PNACC-3.

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Vous avez parlé des acteurs économiques. Dans les outre-mer, nous constatons une granularité très fine. Comment assumez-vous ce besoin de granularité ?

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

Ce besoin apparaît pour les enjeux d'adaptation. Nous avons parlé des collectivités, mais c'est également vrai pour les acteurs économiques. L'État ne pourra pas dire à chaque acteur ce qu'il est supposé faire. Le rôle de l'État est de mettre des données à disposition afin d'être en mesure d'anticiper les impacts et les comprendre. Depuis le PNACC-2, tout un travail a été accompli sur les services climatiques. Un simple code postal permet de prendre connaissance des impacts climatiques à attendre en 2030, 2050 et même encore plus tard. La trajectoire de référence de réchauffement a été annoncée par le ministre Béchu et forme aujourd'hui un cadre pour le travail d'adaptation.

Dans les outre-mer, les données n'existent pas à un niveau aussi fin que pour l'Hexagone. Un travail est en cours avec Météo France pour constituer ces données. Nous nous appuyons sur les données du GIEC, mais selon des mailles territoriales qui ne permettent de capter que les territoires et un grand bout d'océan autour, ce qui ne s'avère pas très satisfaisant. Le sujet est connu et évoluera.

Il convient donc de mettre à disposition des données, des ressources méthodologiques, des instruments financiers comme le fonds vert ou le fonds Barnier. Il faut aussi proposer un cadre pour que les acteurs puissent s'approprier ces sujets et anticiper les éventuelles futures normes.

S'agissant des collectivités, je cite la stratégie de planification locale. En ce qui concerne les acteurs économiques, il existe un certain nombre de précédents, notamment relatifs à l'atténuation. Certaines entreprises doivent réaliser des bilans d'émission de gaz à effet de serre. Un travail a porté sur les filières économiques, toujours dans le cadre de l'atténuation. Il ressort que l'essentiel des filières économiques a produit des plans d'action visant à traduire les objectifs de l'État en matière de réduction d'émission. La démarche leur permet de connaître leurs propres trajectoires et actions et ce qu'elles attendent en contrepartie de l'État.

La mission se construit sur deux niveaux. Le premier s'entend avec les filières économiques afin qu'elles puissent identifier les impacts physiques immédiats et indirects liés aux chaînes de valeur mondiales, appelées à être désorganisées. Le second s'attache aux entreprises considérées individuellement. Il s'agit avant tout d'un sujet d'accompagnement, peut-être réglementaire, mais les discussions se poursuivent pour savoir à quel point on demande à certaines entreprises d'établir des plans d'adaptation. C'est le cas pour le volet de la réduction des émissions. Ces deux niveaux permettront d'embarquer les filières économiques dans ces démarches.

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Nous constatons, dans les territoires ultramarins, un déficit assurantiel conséquent. La mobilisation du régime Cat nat et des fonds de secours pour l'outre-mer apparaît en conséquence compliquée. Nous ne sommes pas sur la même échelle de prise en compte des aléas.

Comment favoriser le recours à l'assurance de façon plus systématique ?

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

Je n'aurais peut-être pas de réponse très détaillée dans le cas des outre-mer, mais le sujet assurantiel a été pris en compte il y a un certain temps, notamment au moment du lancement de cette mission. Je crois même qu'elle a été lancée par le ministre Le Maire lors de son déplacement dans les outre-mer.

L'enjeu de cette mission était de constater que le régime Cat nat, dans une situation tendancielle, se retrouvait en déséquilibre, nécessitant de sécuriser des ressources supplémentaires et de travailler davantage sur la prévention pour éviter d'être toujours à courir derrière la prise en charge. Il s'agit aussi de constater qu'il existe un risque à terme de moins bonne couverture de certains territoires face aux risques de crise qui se multiplient.

Le rapport a été publié récemment, et l'État doit se positionner sur les différentes recommandations. Les objectifs poursuivis sont bien ceux-là. Comment garantir l'équilibre dans la durée de ce régime Cat nat ? Il y a un enjeu de surprime, mais qui ne fera pas tout. Comment maximiser les actions de prévention qui sont généralement rentables ? Nous le voyons à travers le fonds Barnier, même si cela concerne moins l'outre-mer. Le retrait gonflement des argiles peut faire l'objet d'actions de prévention rentables si elles sont bien ciblées.

Comment inciter davantage à la prévention et comment s'assurer de l'absence de zones blanches, de zones non assurées face aux aléas climatiques qui vont augmenter ?

Le non-recours à l'assurance constitue un sujet important. Nous passons à côté du régime Cat nat et du filet de sécurité. Je n'ai pas de réponse précise à vous donner.

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En réalité, les zones blanches existent. Dans les faits, certaines personnes ne s'assurent pas et les assureurs refusent de couvrir certaines zones. La réponse s'entend à ces deux niveaux.

Ces territoires ne sont pas peuplés d'hier, même si leur population a notablement évolué. Ils ne subissent pas les ouragans et les séismes pour la première fois. Dans les trajectoires que vous définissez, dans l'adaptation des politiques publiques au réchauffement climatique, s'agissant en particulier des normes de construction, intégrez-vous les techniques qui ont fait leurs preuves, pour ne pas les appeler traditionnelles ?

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

À nouveau se pose le sujet des discussions par secteur. S'agissant des bâtiments, nous trouvons le parc neuf, soumis à un cadre réglementaire assez favorable, sur lequel il est possible de capitaliser pour renforcer l'ambition. Les questions de confort d'été ont été intégrées à la RE2020, après la canicule de 2003, susceptible de devenir standard au regard du climat qui change. Peut-être faudra-t-il mettre à jour les référentiels, mais nous disposons d'un socle réglementaire sur lequel capitaliser. Le retrait gonflement des argiles a aussi fait l'objet de dispositions à la suite de la loi Elan.

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

Non, l'outre-mer dépend d'une déclinaison spécifique, mais selon un cadre similaire sur lequel il s'avère possible de capitaliser pour, progressivement, diffuser ce qui doit relever de la norme. Il nous faut ensuite savoir à quel niveau nous calons les différents paramètres. Ces sujets n'ont pas encore reçu toutes les réponses. Le retour d'expérience et les études permettront d'alimenter les travaux.

Je vous parlais du parc neuf. En ce qui concerne le parc existant, il faut soulever la question de la rénovation. Des politiques sont en place et des aides peuvent être débloquées pour faciliter les travaux d'efficacité énergétique ou de lutte contre l'habitat indigne. Capter les flux doit permettre d'intervenir pour lancer des rénovations énergétiques, en s'assurant que la thématique d'adaptation a été correctement prise en compte. Le confort d'été constituera la première brique, parce que nous la maîtrisons bien aujourd'hui. Demain, ce sont les autres briques, comme celles que vous citiez sur un certain nombre de normes.

La construction se fera pas à pas.

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Quelle sera la procédure ? Je reviens à mon histoire de techniques traditionnelles, y compris celles qui ne sont pas propres au bâtiment. Je pense par exemple à la reconstitution des mangroves.

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

Il existe une dimension de normes, qui forment les standards minimaux. Vient ensuite la dimension de l'état de l'art, du guide, de partage entre les parties prenantes dans chaque territoire. Je pense que ces deux dimensions coexisteront. Le PNACC prévoit d'ailleurs une série d'études scientifiques et d'actions locales, dont une partie dédiée à l'outre-mer, pour capitaliser sur ces techniques et les reprendre dans les guides.

Les enjeux d'aménagement au sens plus large apparaissent essentiels. La question ne s'envisage pas sous le seul prisme du bâtiment. Les questions d'adaptation sont, en grande partie, liées à l'aménagement. Comment prendre en compte les solutions fondées sur la nature pour trouver des cobénéfices entre biodiversité et adaptation ? Il ne s'agit pas de reconstruire des choses à l'identique à la suite de sinistres, puisque nous savons que ces sinistres vont se multiplier. Il peut y avoir des recommandations, des bonnes pratiques, un cadre, mais les réflexions se mènent surtout à l'échelle locale.

L'État peut mettre à disposition les sources de connaissances et l'ingénierie. Le PNACC laisse d'ailleurs voir une offre d'ingénierie et d'accompagnement financier auprès des établissements publics et des opérateurs de l'État. Cette offre n'est pas complètement lisible, du fait de sa diversité. Nous devons rationaliser tous ces éléments et envisager une forme de guichet unique pour les collectivités, qui pourraient ainsi accéder au menu des outils disponibles en termes de ressources techniques, d'ingénierie et de financements.

Chaque situation locale apparaît un peu particulière, justifiant d'y apporter une réponse sur mesure, ce qui n'est pas envisageable dans un plan issu directement de l'État.

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Nous prenons évidemment en compte la trajectoire climatique, mais il faut aussi mentionner la trajectoire démographique pour mieux comprendre quelle pourrait être la résilience des territoires au regard des aléas qu'ils subissent. Une partie de cette démographie est connue et bien connue et semble facilement gérable. Une autre apparaît plus complexe, celle des personnes en situation d'extrême fragilité et des personnes en situation irrégulière, avec, comme corollaire, l'existence d'un habitat informel, pour ne pas parler de bidonvilles.

Comment accompagnez-vous les politiques publiques en la matière ?

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

Une nouvelle fois, je ne vais peut-être apporter une réponse très concrète. En tout cas, l'adaptation et les politiques environnementales font l'objet d'un enjeu fort de transition juste. Ces transitions ne doivent pas se faire au détriment des personnes, voire des entreprises, les plus vulnérables. C'est vrai pour l'atténuation à travers des dispositifs d'accompagnement ciblé, notamment en faveur des ménages les plus modestes. Cela doit être aussi le cas pour l'adaptation, qui doit d'abord se préoccuper des publics les plus fragiles. Le PNACC traduira ces réalités par des actions ciblées vers ces personnes, les hébergements d'urgence, les prisons, les personnes vulnérables touchées par la canicule, etc.

Les Cop n'ont pas retenu cette dimension, du fait de ne pas avoir de socle national. Pour l'atténuation, sur la base des grandes trajectoires et des grands leviers, nous avons pu définir une série d'actions au niveau des collectivités locales pour les inciter à réagir à ces démarches et nous dire où elles se placent. Les trouvent-elles pertinentes ? Quels sont les freins constatés ? Demain, nous devrons agir de la même manière au sujet de l'adaptation.

Procéder à une forme de recensement des personnes vulnérables, des situations particulières à traiter en priorité, des besoins exprimés pourra nourrir l'une de nos discussions dans le cadre des Cop, qui déclineraient le PNACC de façon plus régionale. Une telle démarche est encore devant nous.

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De la même façon, nous pouvons suivre une trajectoire sur la gestion des déchets, y compris en prenant en compte l'aléa climatique, mais il y a une différence entre les déchets courants et les déchets industriels, polluants à moyen ou long terme.

La planification est une trajectoire. L'aléa, comme son nom l'indique, vient perturber cette trajectoire. À ce titre, déclinez-vous des scénarios ? Avez-vous réfléchi à des dispositifs précis ? Envisagez-vous la mise en place de routines autour de ces aléas susceptibles de casser les trajectoires ?

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

Nous restons à une maille macro si nous voulons proposer des orientations cohérentes avec nos objectifs. L'enjeu de territorialisation et d'appropriation par les filières économiques se veut essentiel pour permettre ce niveau de détail. Ces différentes stratégies environnementales et le PNACC ne doivent pas vivre en silo dans la poursuite de leurs objectifs propres. Il faut les intégrer à l'ensemble des politiques publiques.

Pour les territoires, la démarche se traduit par la prise en compte de ces enjeux dans les documents locaux de planification. Les collectivités sont-elles suffisamment outillées ? Le sujet est-il suffisamment connu ? Les bureaux d'études sont-ils suffisamment compétents ? Il nous faut progresser sur ces questions. Ces efforts permettront d'atteindre la déclinaison fine que vous évoquez, adaptée à chaque territoire et aux chocs qui peuvent compliquer l'atteinte des objectifs. Nous ne sommes pas capables d'anticiper ces situations à l'échelle nationale.

La solution repose sur le travail des Cop et le suivi des actions, dont certaines ont une résonance locale, à l'instar du fonds vert dédié aux projets de recherche fondés sur la nature. Il sera ainsi possible d'affiner la vision entre les grands objectifs nationaux et la réalité du terrain.

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Je me réjouis de la prise en compte des stratégies d'adaptation. Nous avions reçu en commission de développement durable Antoine Pellion à deux reprises et mon intervention à chaque fois portait sur cette adaptation manquante. Nous étions toujours sur les stratégies d'atténuation, nous y avons beaucoup travaillé et c'est enfin pris en compte. Nous accusons beaucoup de retard, mais nous le rattraperons, je n'en doute pas un instant.

Vous citiez tout à l'heure le comité national du trait de côte. Nous étions en plénière ce matin avec les sept porteurs de plans partenariaux d'aménagement. Les échanges ont été intéressants. Quand vous parlez des territoires, je peux vous assurer que ce qui remonte des territoires est extrêmement inspirant et que ces travaux seront utilisés dans le cadre du PNACC-3, que nous sommes impatients de découvrir.

Sincèrement, tous ces travaux sont majeurs. Ayons à l'esprit l'importance, et je le dis même par rapport aux outre-mer, puisque c'est notre sujet principal, de la relation de proximité avec les territoires par rapport à l'adaptation. Nous avons écouté la vice-présidente du conseil régional précédemment, dont l'intervention était très forte et très importante par rapport à ces sujets, avec cet « effet cocktail » de différents risques, avec ces petits territoires où l'adaptation est extrêmement difficile. Nous devons agir rapidement. L'urgence d'adaptation est là, simplement pour protéger les populations.

Nous interrogerons plus tard le ministre Béchu peut-être sur le PNACC-3.

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Je n'ai plus de question. Transmettez-nous vos documents, ainsi que vos comptes rendus de travail, qui peuvent illustrer votre méthode et votre fonctionnement pour associer les différents acteurs.

Nos préconisations intégreront des éléments sans doute très précis sur telle ou telle mesure. C'est aussi le fait de mettre en valeur, de compléter ou de corriger une façon de faire. Nous avons reçu la vice-présidente du conseil de Guadeloupe, dont le territoire dispose de nombreux documents à jour, qu'il s'agisse des plans Orsec, des PPRN ou des plans communaux de sauvegarde. Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas partout. La question vise à connaître votre rôle dans l'accompagnement de cet effort d'actualisation. En la matière, encore une fois, tout ce qui peut illustrer ces situations nous serait très utile.

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Joseph Hajjar, directeur du programme climat au sein du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)

Je l'ai bien noté. Nous n'avons pas encore produit de documents publics relatifs à l'adaptation, puisque tout est lié au PNACC. Les travaux interministériels se poursuivent. Sur le sujet de l'atténuation, dès lors que nous avons pu cranter les grandes trajectoires et entrer dans le détail des focus de certains secteurs, nous disposons d'une matière plus riche, partagée avec les différentes parties prenantes. Nous agirons de la même sorte pour l'adaptation. Nous ne sommes qu'au début de l'histoire.

Ces documents, tout comme les planifications locales, servent de socle à un futur pilotage de la trajectoire, qui va se heurter aux réalités du terrain. Les Cop laissent voir un cadrage un peu national, mais à la main du préfet de région et des collectivités. C'est aussi une dimension politique qui engage l'action, en dehors des trajectoires et des objectifs.

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Nous vous remercions et nous pouvons conclure cette audition, en exprimant notre impatience de découvrir le PNACC-3.

La Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer procède à l'audition ouverte à la presse de M Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

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Nous avons le plaisir de recevoir M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. La gestion des risques naturels majeurs outre-mer concerne plusieurs ministères dont le vôtre, monsieur le ministre, et c'est de leur synergie que découlent les politiques publiques d'anticipation, de gestion de crise et de réparation dont vous nous parlerez. Á l'évidence, le réchauffement climatique peut aggraver l'intensité, voire la conjonction des phénomènes naturels et entraîner des dégâts considérables.

Cette audition est transmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et l'enregistrement vidéo sera ensuite disponible à la demande.

Avant de vous céder la parole, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Christophe Béchu prête serment.)

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Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Je me félicite de l'occasion qui m'est donnée de répondre, en toute transparence, aux questions de votre commission d'enquête. Outre cela, je tirerai de vos travaux les enseignements utiles pour continuer d'améliorer l'efficacité des politiques publiques menées dans les outre-mer par mon ministère, souvent dans un contexte interministériel, y compris sur ces sujets.

Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires est chargé de la prévention des risques que nous avons mission de cerner et de quantifier pour mener des politiques de prévention adaptées, alors que le réchauffement climatique aggrave la fréquence et l'intensité de certains phénomènes naturels dangereux. Nous agissons à la fois quotidiennement et sur le long terme pour assurer à la France une résilience face aux risques, limiter l'impact de la dégradation de notre environnement sur notre santé et éviter le gaspillage.

J'ai précisé en octobre dernier que nous devions nous adapter à la trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique reposant sur le scénario tendanciel du Groupe d'experts inter-gouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) qui anticipe une augmentation de 4 degrés Celsius en France métropolitaine en 2100. Sur cette base, nous sommes en train de bâtir le troisième plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3) ; il sera soumis à la consultation du public dans les prochaines semaines. Ce plan comprendra bien sûr un important volet relatif à la prévention des risques naturels majeurs sur l'ensemble du territoire. Une attention particulière sera portée à la bonne prise en compte des territoires ultramarins, soumis non seulement aux risques qui menacent la métropole mais aussi à des risques spécifiques.

Haroun Tazieff, le premier commissaire chargé de la prévention des risques naturels majeurs, au début des années 1980, a donné des risques naturels majeurs la définition suivante : « La menace sur l'homme et son environnement direct, sur ses installations, la menace dont la gravité est telle que la société se trouve absolument dépassée par l'immensité du désastre ».

Tous nos territoires sont susceptibles d'être affectés par des risques naturels majeurs, mais les outre-mer doivent faire face à des aléas particuliers – éruptions volcaniques, cyclones, ouragans, tsunamis – ou à des risques rendus spécifiques par l'insularité et l'étroitesse de ces territoires. Faire face à une inondation majeure compromettant l'alimentation en eau et en électricité peut demander des moyens logistiques qui, parce qu'ils sont inexistants dans certains de ces territoires, doivent donc être acheminés depuis la France métropolitaine. Ces territoires ont pour autre particularité la résilience de leur population qui, ayant largement intégré la culture du risque, a des réflexes de protection collective.

Comment faire face à ces phénomènes dans les territoires ultramarins dans une perspective de réchauffement climatique ? Comment mieux prévenir les conséquences des risques et adapter la politique de prévention pour préserver les vies humaines ?

Notre action est fondée sur trois piliers : connaître, prévenir, faire face. La connaissance des risques et de leur évolution compte tenu du changement climatique suppose de cerner les vulnérabilités et d'anticiper comment un phénomène naturel dangereux peut se transformer en catastrophe. La prévention consiste à réduire les vulnérabilités des territoires les plus exposés ; il faut en particulier veiller à maîtriser l'urbanisation pour que nos concitoyens résident dans les zones les plus sûres, et pour cela adapter le bâti, par exemple en rehaussant les exigences réglementaires en matière de construction en fonction des risques naturels – je pense évidemment à la résistance aux vents cycloniques. Pour faire face, enfin, le ministère contribue à la gestion de crise, qui relève de la responsabilité du ministère de l'intérieur, par la production d'informations en amont et la surveillance à toutes les étapes ; ainsi, nous animons le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte.

Face au changement climatique déjà à l'œuvre et aux incertitudes qu'il fait peser sur la solidarité nationale en cas de catastrophes naturelles, nous disposons encore de marges de manœuvre pour améliorer notre connaissance et la gestion des nouveaux phénomènes liées à ce changement. Nous menons pour cela une action constante avec les experts de Météo France, de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; cette liste n'est pas exhaustive.

Nous devons aussi améliorer la prise en compte des risques dans toutes les politiques publiques, particulièrement en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Le dialogue avec les collectivités territoriales est donc un élément clé ; le fonds vert, dispositif dont j'ai porté la création, témoigne de la volonté de disposer des moyens permettant ces partenariats.

Enfin, je suis convaincu qu'un citoyen bien informé peut agir rationnellement pour sa propre sécurité en adoptant les gestes qui sauvent et que notre sécurité collective dépend de l'appropriation par les individus de l'ensemble de ces réflexes ou de ces bonnes pratiques. Il en va de notre résilience collective ; de ce point de vue, les outre-mer sont aux avant-postes. Je salue l'inscription dans la loi, en juillet 2023, de la Journée nationale de la résilience en vue d'assurer la préparation de la population aux risques naturels ou technologiques.

Nous avons pour impératif de concevoir et d'appliquer les politiques publiques en tenant compte de la diversité des territoires et donc des spécificités de chaque territoire ultramarin, que ne menacent pas les mêmes risques. C'est ce qui fait l'intérêt de votre mission et c'est ce qui fera, je n'en doute pas, l'intérêt de ses conclusions.

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Je vous remercie de vous être rendu avec autant de célérité à notre invitation. Je vous prie d'excuser l'absence du président de notre commission, M. Mansour Kamardine, retenu à Mayotte où il accueille Mme la ministre Marie Guevenoux dans le cadre de la préparation de la loi concernant l'île.

Notre commission d'enquête, créée après l'adoption par le Parlement d'une proposition de résolution en ce sens, est la preuve d'une prise en conscience globale. Il ne s'agit pas de chercher à tout prix ce qui ne fonctionne pas mais de déterminer si les politiques menées sont cohérentes et propres à nous prémunir des risques envisagés et si les moyens sont à la hauteur de la prévention nécessaire.

Vous avez dit avec raison que certains territoires d'outre-mer peuvent être confrontés à l'ensemble des risques naturels majeurs. Á cela s'ajoute que les risques encourus sont parfois très imbriqués : il nous a été indiqué au cours de plusieurs auditions que risque volcanique signifie souvent risque sismique, risque de tsunami, glissements de terrain… La prévention se traduit souvent par des plans : plans de prévention des risques naturels (PPRN), plans de sauvegarde communaux (PSC), plan Orsec. Or, au fil des auditions, nous avons constaté les lacunes de l'actualisation de ces plans. Non seulement certains demanderaient à être révisés parce qu'ils ne tiennent pas compte de l'aggravation des risques liée à l'évolution du climat mais d'autres n'existent tout simplement pas. Comment accompagnez-vous les collectivités de territoires dont – rien ne sert de faire semblant – on connaît le déficit en matière de moyens d'ingénierie, dans la rédaction ou l'actualisation de ces documents, par exemple les PPRN qui permettent de dessiner une cartographie prévoyant un urbanisme maîtrisé compatible avec la gestion des risques, comme vous l'appelez de vos vœux ?

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Christophe Béchu, ministre

Nous sommes nous-mêmes en train de réactualiser la nature des risques auxquels nous sommes confrontés, pas seulement pour les outre-mer mais partout en France. Ainsi, dans la trajectoire d'adaptation au changement climatique, la lutte contre le recul du trait de côte diffère selon l'augmentation envisagée de la température : selon qu'elle est de 2 ou de 4 degrés Celsius, la montée des océans n'est pas la même, ni donc les cartographies, les conséquences, le coût des factures.

Un nombre considérable de ces risques étant liés au dérèglement climatique, il est logique d'articuler la trajectoire d'adaptation au changement climatique avec un plan national d'adaptation et, dans le sillage de ce plan, d'actualiser les risques et les moyens. Le PNACC-3 et son volet spécifique « Outremer » vous apporteront la satisfaction de mesurer des mises à jour reflétant la somme de nos connaissances à cet instant.

Pour l'ingénierie des cartes et du suivi, le PNACC-3 devra d'évidence définir comment l'État et les collectivités devront mettre à niveau, contextualiser et parfois géolocaliser les éléments nécessaires. Pour le trait de côte, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) a été chargé de prévoir des cartes pour la France métropolitaine. Il n'y a aucune raison que ce qui est fait pour l'Hexagone ne le soit pas pour les territoires et les départements ultramarins, et le niveau d'ingénierie indispensable est tel que ce travail ne peut être confié aux collectivités ni dans l'Hexagone ni Outre-mer. Les connaissances actualisées par les opérateurs du ministère forment un socle qui rend le travail nettement plus simple, mais ce sont bien les services des préfectures qui doivent faire le lien avec les agences dépendant de l'État ; je pense en particulier au Cerema, en passe de s'imposer comme l'agence de l'adaptation, cependant que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) est l'agence de la transition et de l'atténuation.

Reste sous-jacente la question des moyens budgétaires nécessaires pour pouvoir réaliser cette adaptation. Ma réflexion n'est pas arrêtée sur le niveau de ce qui doit être porté par l'État pour mutualiser une partie des coûts et de ce qui sera laissé à la main des collectivités, qui feront ensuite appel à des cabinets pour les accompagner dans la rédaction de ces plans, lesquels ne seront pas figés dans le temps. Les règles d'actualisation des différents dispositifs seront précisées compte tenu de l'évolution des risques. Dans le projet de loi de finances pour 2024, le Parlement a ouvert la voie en autorisant qu'une partie du fonds vert serve à accompagner la réalisation des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET). Est-ce le chemin à suivre pour permettre de soutenir cette ingénierie ? Devons-nous orienter le fonds vert vers la prévention des risques naturels ou l'élargir aux politiques de préservation de la biodiversité ou d'atténuation ? Notre réflexion est toujours en cours et je prendrai connaissance avec intérêt des conclusions de votre commission à ce sujet.

Ces plans, outils de prévention, sont d'autant plus nécessaires que dans certains cas ils rendent la commune considérée éligible à un financement en cas de catastrophe naturelle, notamment au fonds Barnier. Les communes ont donc tout intérêt à rédiger des documents de ce type. J'ajoute qu'en cas de survenance de tels sinistres, l'existence de ces plans préventifs ou de ces cartes permet d'obtenir les niveaux d'indemnisation les plus élevés.

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Je me souviens avoir entendu exposer, au cours d'un déplacement à La Réunion avec Mme Elisabeth Borne, alors Première ministre, des projets envisagés avec l'aide du fonds vert du Fonds Vert dont certains allaient plus loin que la seule préservation de la biodiversité.

Avec le ministre de l'économie et des finances, vous avez, monsieur le ministre, demandé un rapport sur l'assurabilité des risques climatiques, chargeant ses auteurs de faire des propositions visant à garantir la soutenabilité du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles et à renforcer le rôle du système assurantiel dans la prévention, l'atténuation et l'adaptation face au dérèglement climatique. De fait, le taux d'assurance de ces risques est extrêmement faible outre-mer : à Mayotte, seuls 6 % des biens sont assurés, et le taux maximum est de 68 % pour ce qui concerne La Réunion, avec un très fort déficit d'assurance pour l'habitat, un déficit très marqué pour l'immobilier économique – et je crains fort qu'une partie de l'immobilier public ne soit pas tellement mieux assurée. Bien entendu, les victimes non assurées de tels sinistres n'ont pas droit à des indemnisations par les compagnies d'assurance mais elles n'ont pas non plus accès aux versements du fonds Barnier, ni au fonds de secours pour l'outre-mer sinon dans de très mauvaises conditions et jamais à la hauteur des dégâts subis. Quelles conclusions seront tirées de ce rapport ?

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Christophe Béchu, ministre

Je n'ai nullement l'intention d'esquiver votre question mais le rapport nous a été remis avant-hier et un travail interministériel reste à conclure puisque, avant que l'on parle du régime des catastrophes naturelles, tout ce qui est assurance classique relève d'abord du ministère de l'économie et des finances. Selon les chiffres dont je dispose, c'est effectivement une caractéristique commune aux outre-mer que le faible taux de souscription d'assurances : il est de 50 % en moyenne dans ces territoires pour 96 % en moyenne dans l'Hexagone. Dans ces territoires, la moitié des biens ne sont pas assurés en assurance ouvrage et le nombre de particuliers ayant souscrit à des assurances de responsabilité civile est considéré comme « négligeable » par le ministère de l'économie et des finances. Le différentiel avec la métropole est substantiel : on y compte 2 % de non-assurés contre 20 % à La Réunion et 50 % à Saint-Martin.

La commande d'un rapport sur l'assurabilité des risques climatiques s'explique par l'explosion du coût des indemnisations liées aux catastrophes naturelles répertoriées dans l'Hexagone et outre-mer. Le rapport vise à définir comment rehausser le niveau de notre régime d'indemnisation de ces sinistres en fonction d'un risque climatique qui s'accroît tous les ans. Au-delà de l'augmentation, déjà officialisée par le Gouvernement, du taux de la cotisation « catastrophe naturelle » sur les contrats d'assurance de dommages aux biens d'habitation et professionnels, qui passera de 12 % à 20 % à partir du 1er janvier 2025, les auteurs du rapport recommandent de prévoir un coefficient d'actualisation de ce taux tenant compte du risque de dégradation. Je précise que le taux de 12 % n'avait pas varié depuis plus de vingt ans. Doit-on prévoir un mécanisme automatique ? Y a-t-il matière à renforcer le « porter à connaissance » des habitants du degré de risque auxquels ils s'exposent en fonction des secteurs dans lesquels ils décident de s'implanter ? Pour éviter que des assureurs ne se détournent de certains territoires, ne faut-il pas mettre un point un système de « bonus-malus » tel que les compagnies d'assurance qui s'écarteraient systématiquement de territoires cumulant les risques, singulièrement outre-mer, soient tenues de cotiser à un dispositif de péréquation en faveur des assureurs qui jouent le jeu ? Le rapport qui vient de nous être remis comprend trente-sept propositions et je n'entrerai pas davantage dans le détail aujourd'hui, car nous avons convenu d'un temps de travail supplémentaire. Mais l'on voit bien que toute réflexion sur les assurances doit être renforcée pour ce qui concerne l'outre-mer.

D'autre part, nous attendons le rapport de la mission confiée à M. Alain Chrétien, maire de Vesoul, sur l'assurabilité des collectivités territoriales. Avec l'accentuation du dérèglement climatique, elles éprouvent de plus en plus de difficultés à s'assurer face au désengagement croissant des assureurs. Je n'ai pas de statistiques comparatives à ce sujet sur la situation dans l'Hexagone et outre-mer, mais certains niveaux de primes demandés ou de franchises exigées disent le casse-tête auquel certains maires se trouvent confrontés. Or les dégâts causés par les sinistres considérés ne touchent pas seulement des biens privés mais aussi des routes et des bâtiments publics, a fortiori outre-mer étant donné la typologie des aléas climatiques, tsunami ou cyclone par exemple.

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J'admets que, 48 heures après la remise d'un rapport, un temps de débroussaillage est encore nécessaire et je ne pousserai donc pas ce questionnement plus avant. Mais je puis témoigner que ce matin même, lors d'une audition conduite par la mission d'information sur la situation du département de Mayotte, tous les artisans réunis témoignaient de leurs difficultés à trouver des assurances dommages ouvrage, ce qui change évidemment tout pour l'économie du bâtiment. Les collectivités elles-mêmes n'ont pas toujours les moyens d'être aux normes les plus exigeantes en matière de prévention. Nous verrons avec intérêt quelles conclusions de ce rapport vous retiendrez.

Alors que vous peaufinez le PNACC-3, quel bilan dressez-vous du PNACC-2 ? Quelles en ont été les limites et comment songez-vous à faire évoluer cette démarche ?

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Christophe Béchu, ministre

Le changement principal est que le PNACC-3 sera fondé sur une trajectoire qui n'a rien de commun avec celle du PNACC-2, quel que soit le bilan que l'on en tire. Une sorte de mise à jour du logiciel bouleverse tout, une augmentation de 4 degrés Celsius de la température étant évidemment tout autre chose qu'une augmentation de 1,5 degré. J'ajoute que le PNACC-2 n'avait pour ainsi dire pas pris en compte la spécificité des territoires ultramarins ; la question relevait plus de la figure imposée que d'un travail fouillé. D'autre part, le document montrait des lacunes dans la poursuite des objectifs stratégiques et dans le suivi visant à assurer que les objectifs définis étaient tenus. Il en ira différemment dans le PNACC-3 : si l'on se fixe des objectifs relatifs à la nécessaire adaptation, il faut faire plus que sonner le tocsin.

Autre chose : le PNACC-2 pointait une inquiétude sur la viabilité du système d'indemnisation des catastrophes naturelles mais s'en tenait là. Nous avons commencé à nous saisir du sujet avant même d'avoir dévoilé la teneur du PNACC-3 en officialisant déjà le quasi doublement du taux de la cotisation « catastrophe naturelle » et la réflexion sur le niveau d'indexation souhaitable pour la suite.

Enfin, quand le PNACC-2 a été lancé, les données climatiques accompagnant le travail étaient peu nombreuses, si bien que des mises à jour ont dû être faites par Météo France ex post. Cette fois, nous souhaitons dire la vérité climatique avant de conclure le PNACC-3. Cela s'est traduit par des discussions préalables conduites dans le cadre de la matinée « La France s'adapte ».

Telles sont les différences saillantes entre le PNACC-2 et le PNACC-3.

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Vous parliez tout à l'heure de l'évolution des risques. À mon sens, l'érosion côtière entre dans ce cadre. Certes, lors de sa dernière assemblée plénière, le Comité national du trait de côte (CNTC) s'est entendu pour dire que l'érosion des régions côtières n'était toujours pas un risque naturel majeur mais un phénomène prévisible. Je me plie à l'opinion de la majorité mais elle me laisse dubitative puisque des scientifiques nous disent que l'érosion est combinée à la submersion marine qui est elle-même un risque, et qu'étant donné l'évolution du climat, plus le temps passera et moins on pourra différencier submersion et érosion. C'est pourquoi, à mon avis, nous devrons décider de considérer ce phénomène comme un risque.

J'aime entendre dire que le Cerema est l'agence de l'adaptation. Nous étions impatients de découvrir le magnifique travail du Centre, qui nous accompagne depuis de nombreux mois et qui mérite dès à présent nos félicitations.

La spécificité des territoires est un autre point extrêmement important. Nous l'avons constaté ce matin en accueillant sept porteurs de projets partenariaux d'aménagement (PPA). Alors qu'ils sont confrontés au même enjeu, la recomposition stratégique de leur territoire, il leur faudra trouver des solutions différentes et, qu'il s'agisse de protection, de renaturation ou de recomposition, un travail de dentellière les attend face à l'ensemble des risques naturels majeurs. La prise en considération des spécificités territoriales, notamment Outre-mer, s'impose absolument.

Nous attendons avec impatience de découvrir la teneur du PNACC-3 ; jusqu'à présent, un volet « adaptation » fort manquait. Alors que l'on parle d'atténuation depuis des dizaines d'années, l'adaptation est enfin au cœur de la politique publique. Je vous en remercie.

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Christophe Béchu, ministre

Je confirme que l'ensemble des cartes du Cerema seront publiées demain. Elles reprendront les trois scénarios que le CNTC, que vous présidez, avait souhaité : l'horizon à cinq ans, l'horizon 2050 et l'horizon 2100. On se rend compte qu'à court terme, les deux territoires ultramarins les plus menacés sont la Martinique et la Guadeloupe, dont les degrés d'exposition au recul du trait de côte sont les plus marqués. Comme vous, je considère qu'un moment viendra où les risques finiront par se cumuler. Cela suppose un travail plus précis, que j'ai annoncé lors du dernier CNTC auquel j'ai participé le 29 juin 2023. La question sera à nouveau au cœur de nos échanges pour le prochain CNTC, prévu pour se tenir en juin prochain. Je m'y rendrai à vos côtés pour que nous fassions le point de façon à tenir l'engagement qu'un dispositif soit intégré dans le budget 2025 au titre de la lutte contre l'érosion côtière.

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J'aime à vous l'entendre dire et je serai ravie de vous accueillir en juin pour définir les modalités de financement des stratégies de recomposition.

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J'ai constaté le recul du trait de côte à Mayotte et la difficulté que cela provoque pour la collectivité unique. On nous a montré des reconstitutions de digues ; le coût était de 1,2 million d'euros par 100 mètres. De très nombreuses communes des territoires ultramarins étant bâties sur les côtes pour des raisons historiques évidentes, les enjeux sont considérables.

Les aléas climatiques ont la mauvaise idée de ne pas limiter leurs effets aux circonscriptions administratives ; c'est contrariant, mais nous devons en tenir compte. Á La Réunion, le cyclone Belal avait été remarquablement anticipé par les collectivités locales et les services de l'État et la résilience de la population a été très forte ; les victimes dénombrées n'avaient malheureusement pas suivi les solutions qui leur avaient été proposées. Puis le cyclone a dévié de sa trajectoire initiale pour frapper l'Île Maurice beaucoup plus durement qu'on ne l'avait envisagé. Considérez-vous nécessaire une coopération régionale pour se protéger de ces aléas ? Si oui, comment l'assumer ? Nos territoires d'outre-mer sont très rarement isolés ; des États voisins peuvent subir des aléas climatiques graves et nous pouvons nous-mêmes avoir besoin d'eux. Qu'en pensez-vous ?

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Christophe Béchu, ministre

Notre faculté d'anticipation dépend du fait que nous disposons de services météorologiques capables de faire les prévisions. De ce point de vue, tous les États ne sont pas également dotés, et dans la plupart de nos outre-mer nos voisins ne disposent pas de capacités d'analyse météorologique comparables aux nôtres. Météo France est l'un des rares services météorologiques opérant sur la totalité des zones géographiques. Dans certains cas, cet opérateur rend déjà des services à nos voisins : par exemple, en étant un centre de référence à La Réunion pour l'analyse des cyclones qui pourraient frapper le continent ou des territoires proches. Parallèlement, Météo France International vend ses services à des États, avec un socle d'ingénierie, d'analyse, de compétences et de supercalculateurs opéré depuis le territoire métropolitain.

L'ONU se penche sur la prévention des risques, et deux modèles s'affrontent. Les Gafam expliquent qu'ils pourraient proposer des services d'analyse en s'appuyant sur leur puissance de calcul et sur l'intelligence artificielle ; des opérateurs publics tels que Météo France suggèrent que l'on s'appuie d'abord sur des modèles qui ne soient pas directement liés aux Gafam ou à des entreprises privées. J'ai eu l'occasion de faire valoir notre point de vue, qui est de conforter des modèles publics, car si dans un premier temps ces services sont gratuits, j'ai assez peu de doutes sur le fait qu'étant proposés par des entreprises marchandes, ils finiront par être facturés – alors même que dans de nombreux cas les logiciels des Gafam utilisent des données publiques fournies par les services météorologiques nationaux. Nous n'allons pas relancer des débats sur la propriété intellectuelle mais je vous donne absolument raison sur le fait qu'il y a là un sujet de coopération internationale. C'est donc à l'honneur de l'ONU de se préoccuper de cette question, puisqu'en certains lieux il n'existe pas de services météorologiques performants. La France peut jouer un rôle dans un dispositif international grâce à ses outre-mer et grâce aux délégations de Météo France présentes en diverses régions du monde.

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Je suis l'auteur d'une proposition de loi visant à encadrer l'intelligence artificielle par le droit d'auteur, et la préoccupation qui s'exprime ici est similaire. J'ajoute que si nous entrons dans cette logique, que je soutiens entièrement, nous devrons assumer les investissements correspondants.

À la suite des dégâts catastrophiques dus à l'ouragan Irma et aux difficultés de la reconstruction, un délégué interministériel aux risques majeurs en outre-mer a été nommé en 2019 mais sa mission a pris fin en 2021. Il nous a indiqué que l'élaboration d'un projet de loi sur les risques majeurs outre-mer avait été envisagée juste avant la crise sanitaire. On peut comprendre que les esprits aient alors été occupés à d'autres choses, mais les risques sont toujours là. Comptez-vous remettre l'ouvrage sur le métier ?

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Christophe Béchu, ministre

L'engagement avait été pris que les recommandations de la délégation interministérielle seraient reprises dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale ; il est vrai que toutes n'ont pas été transférées en droit positif. Néanmoins, une bonne partie de ces préconisations ont été mises en œuvre, parfois au niveau réglementaire, parfois sur le plan budgétaire, parfois par quelques évolutions législatives. Je serais surpris que votre commission ne s'interroge pas sur l'opportunité de reprendre et de perpétuer cette délégation dont je comprends l'intérêt puisque vous exposerez des pistes dont la mise en œuvre exigera un suivi. Cela peut paraître une réponse de Normand, mais nous ne sommes plus dans la situation de 2021, une partie de ce qu'il fallait faire ayant été fait. Il est probable qu'à l'issue de vos travaux l'accent soit mis sur les sujets pour lesquels l'action doit être intensifiée. Cela pourrait rendre pertinente l'interrogation sur cette recréation.

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Je prends acte de votre réponse en forme d'encouragement. Si vous voulez ajouter quelque chose, je vous en prie.

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Christophe Béchu, ministre

Je considère que la fin de cette audition n'épuise pas le devoir d'information que j'ai à l'égard du Parlement. Si vous souhaitez me faire parvenir des questions écrites liées à l'objet de cette commission d'enquête, nous vous ferons bien entendu parvenir les éléments qui pourraient vous être utiles.

La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Réunion du jeudi 4 avril 2024 à 15 heures

Présents. – Mme Sophie Panonacle, M. Guillaume Vuilletet.

Excusés. – M. Xavier Batut, M. Mansour Kamardine.